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1.3 PHYSIOLOGIE DE L’ENDOTHÉLIUM CORNÉEN

1.3.1 Fonction de barrière

1.3.1.1 Rôles des jonctions cellulaires dans la fonction de barrière

1.3.1.1.2 Jonctions d’adhésion

Les jonctions d’adhésion ont pour rôle principal l’adhésion des cellules à leur environnement et aux autres cellules, afin de former un tout cohérent. Ces jonctions peuvent être séparées en deux catégories en fonction des filaments intracellulaires (filaments d’actine ou intermédiaires) auxquels elles se rattachent(Alberts et al., 2008). Le tableau suivant permet de visualiser ces catégories.

Tableau 1.2 : Classification des jonctions d’adhésion

Filament Type d’adhésion

Actine Cellule-cellule (jonction adhérente) Cellule-matrice (intégrines)

Intermédiaire Cellule-cellule (desmosome) Cellule-matrice (hémi-desmosome)

Quelle que soit leur classification, les jonctions d’adhésion présentent une structure de base commune. Elles sont faites de protéines transmembranaires qui permettent de lier le cytosquelette de la cellule à des structures externes. Celles liant les protéines transmembranaires semblables des cellules voisines font principalement partie de la familles des cadhérines, alors que celles liant la matrice extracellulaire font généralement partie de la famille des intégrines.

Les cadhérines font partie intégrante des jonctions d’adhésion entre les cellules. Elles sont donc essentielles à la formation d’un endothélium cornéen cohésif et fonctionnel (Y. T. Zhu et al., 2008b). Les protéines de la famille des cadhérines sont nombreuses et varient en fonction des organes et tissus. Les cadhérines dites «classiques» comprennent notamment la E (épithéliale), la N (neuronale) et la VE (endothéliale vasculaire)-cadhérine. La desmocolline et la desmogléine sont des exemples de cadhérines dites «non-classiques» et forment les desmosomes de la

peau. Les cadhérines forment préférentiellement des liens homotypiques entre elles, ce qui permet une reconnaissance hautement spécifique des cellules semblables dans les tissus. Cette caractéristique est par ailleurs essentielle lors de l’embryogénèse (Alberts et al., 2008). Une autre caractéristique importante des cadhérines est qu’elles ont besoin d’ions calcium (Ca2+) afin d’être dans la bonne conformation et de pouvoir se lier l’une à l’autre via leur région N-terminale. Afin de renforcer les liens entre les cellules, plusieurs molécules se lient parallèlement et forment une jonction d’ancrage. En absence de calcium, les jonctions sont désassemblées et rapidement dégradées par des protéases. Cette dynamique d’assemblage-désassemblage est aussi impliquée dans l’embryogénèse et dans l’entretien normal des tissus (Alberts et al., 2008).

Les cadhérines sont liées aux protéines intracellulaires par des protéines d’ancrage. Les principales sont la β-caténine et la γ-caténine. Dans les jonctions adhérentes, s’ajoute la p120 caténine, afin de lier solidement les filaments d’actine. La β-caténine est également une protéine de signalisation cellulaire très importante, impliquée dans la voie Wnt/β-caténine, dont les fonctions dans les CEC seront discutées plus loin dans ce mémoire. La figure 1.5 permet de visualiser une jonction adhérente classique.

Figure 1.5 : Structure typique d’une jonction adhérente. MT : microtubule; α- cat : α-caténine; β-cat : β-caténine, MT-Bps : protéines liant l’extrémité plus des microtubules. Image tirée de (D'Souza-Schorey, 2005).

La fonction principale des jonctions adhérentes est donc de relier les cytosquelettes d’actine des cellules d’un même tissu afin de leur permettre de coordonner leurs mouvements. Dans les tissus épithéliaux, elles forment une ceinture d’adhésion (zonula adherens) en apical des cellules, juste sous les jonctions serrées (zonula occludens). Cette ceinture de filaments d’actine contractiles est continue dans toutes les cellules grâce aux jonctions adhérentes, ainsi qu’aux desmosomes. Ces derniers ajoutent la force mécanique à l’adhésion entre les tissus, les rendant plus résistants aux stress et tensions mécaniques. Les desmosomes lient des filaments intermédiaires comme la kératine dans les cellules épithéliales.

Les CEC expriment les transcrits pour la E, N et VE-cadhérine in vivo (Y. T. Zhu et al., 2008b), mais seulement la N (de type I) et la VE-cadhérine sont correctement positionnées au niveau des jonctions cellulaires (C. Zhu, Rawe, & Joyce, 2008a; Y. T. Zhu et al., 2008b). La E-cadhérine (de type I) est plutôt exprimée de façon diffuse dans le cytoplasme(Y. T. Zhu et al., 2008b). Il semble donc que la N-cadhérine (de

type I) est la cadhérine essentielle à l’intégrité du complexe de jonction apical et à la fonction de barrière de l’endothélium cornéen. De plus, en son absence, l’endothélium devient beaucoup plus perméable, ce qui mène à l’œdème cornéen dans un modèle de souris (Vassilev, Mandai, Yonemura, & Takeichi, 2012). Par ailleurs, des études élaborées sur le mécanisme d’assemblage et désassemblage des jonctions adhérentes (et par conséquent des jonctions serrées) ont montré que la perte des jonctions adhérentes, par la déplétion du milieu de culture en Ca2+, induisait la perte d’intégrité de la barrière endothéliale (Ramachandran & Srinivas, 2010). L’activation de la «Ras Homolog gene family, member A» (RhoA), une petite GTPase, suite à la perte du Ca2+ et des jonctions adhérentes, induit la phosphorylation de l’actine et la contraction de l’anneau circonférentiel d’actine, accélérant ainsi le processus de perte d’intégrité de la barrière.

Les CECH in vivo expriment également les transcrits pour la plupart des caténines, notamment la p120 caténine, la p190 et les α, β et γ-caténines (Y. T. Zhu et al., 2008b). Cependant, à l’analyse de leur cytolocalisation, seulement la p190 et la β- caténine sont situées préférentiellement aux jonctions cellulaires (Petroll et al., 1999; Y. T. Zhu, Chen, Chen, & Tseng, 2012). La p120 caténine est située à la fois aux jonctions et dans le noyau (Y. T. Zhu et al., 2008b), confirmant son rôle de protéine de signalisation dans l’endothélium cornéen.

Les jonctions d’adhérence au milieu extracellulaire, via les intégrines, sont aussi importantes dans la physiologie de l’endothélium cornéen. Les études à ce sujet se sont principalement déroulées in vitro, puisque l’application des connaissances sur ces jonctions se prête bien à l’amélioration des techniques de culture des CECH. L’analyse des CECH in vitro a d’abord montré que ces cellules expriment principalement l’intégrine β1 (Choi et al., 2013), de même que les intégrines α1, α2, α3, α6, ν, β3 et β5, α3β1 et α6β1 (Choi et al., 2013; Okumura et al., 2015b). Une étude du transcriptome des CECH cultivées a par la suite montré l’expression de l’intégrine α3 comme un moyen de distinguer les CECH des fibroblastes cornéens en culture (Yamaguchi et al., 2015). Les fonctions de liaison à la matrice extracellulaire, particulièrement à certaines laminines, par les intégrines ont été exploitées afin d’améliorer l’adhésion, la prolifération et le phénotype de CECH en

culture. La culture sur des substrats de laminine-511 et 521, auxquels les intégrines α3β1 et α6β1 s’attachent (Okumura et al., 2015b), de même que sur la laminine-5 (Yamaguchi et al., 2011), a montré leur efficacité dans l’augmentation de l’adhésion, la migration et la prolifération des CECH par rapport aux contrôles sans substrats.

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