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Il réclamait ma présence jour et nuit, me suppliait de ne pas travailler, de ne pas l'abandonner. Témoignage anonyme

d’une jeune femme victime

de violences conjugales

Dans le guide Améliorer l’accès à l’emploi des femmes victimes de violences, le Centre Hubertine Auclert et l’association FIT une femme un toit relèvent ainsi que « toutes les associations spécialistes de l’accompagnement des victimes déclarent que le premier frein à l’emploi de ces femmes est bien constitué par les violences, du fait de leurs multiples conséquences sur la vie des victimes.185 ».

_Améliorer

ObservatOire régiOnal desviOlences faites aux femmesOrvf

185

Ces difficultés sont encore accrues pour les femmes en situation de handicap victimes de violences, qui doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement particulier.

RECOMMANDATION n° A7 :

Former les acteurs et actrices de l’insertion professionnelle, et notamment les conseiller.ères de Cap Emploi (spécialisé.es dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap) sur les violences conjugales et leur impact sur la recherche d’emploi et le maintien dans l’emploi

Pour répondre à l’objectif du 5e plan interministériel de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, qui prévoyait d’adapter l’accompagnement vers l’insertion professionnelle des femmes victimes de violences, un deuxième accord cadre triennal186 a été signé entre l’État et Pôle Emploi, le 27 avril 2015. Cet accord-cadre prévoit l’intégration d’un module sur l’égalité et la mixité des emplois dans la formation des conseiller.es Pôle Emploi, mais cette formation ne portait pas nécessairement sur les violences sexistes et sexuelles, ni sur leurs impacts sur l’environnement de travail.

En 2018, le SDFE et Pôle emploi ont travaillé à la rénovation du module de formation qui intègre désormais une séquence sur les violences subies par les femmes et leur impact sur l’accès et le maintien dans l’emploi. Le SDFE indique qu’en 2019, 800 personnes ont été formées187. Un nouvel accord-cadre 2020-2022, en projet, intègre dans ses objectifs la facilitation du retour à l’emploi des femmes, en agissant sur les freins spécifiques qu’elles rencontrent, notamment les violences.

Depuis le 26 juillet 2019188, les femmes victimes de violences ayant été contraintes de démissionner par suite d’un déménagement du fait des violences et qui justifient avoir déposé une plainte, peuvent bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), revenu de remplacement versé par Pôle emploi, sous certaines conditions, aux personnes inscrites comme demandeurs d’emploi et involontairement privés d’emploi.

« Sont assimilés à des salariés involontairement privés d›emploi au sens de l’article L. 5422-1 du Code du travail, et ont donc également droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi, les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte d’un des cas de démission légitime suivants :

j) La démission intervenue pour cause de changement de résidence justifié par une situation où le salarié est victime de violences conjugales et pour laquelle il justifie avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République ;

185 - À ce titre, le Centre Hubertine Auclert et l’association FIT une femme un toit note comme principaux effets des violences conjugales la perte d’estime de soi, l’isolement, l’épuisement physique et psychologique. Voir aussi LEMIÈRE Séverine et KARZABI Iman, 2018, « Accès à l’emploi et violences faites aux femmes » dans Maruani Margaret (coord), Je travaille, donc je suis, La Découverte, p. 132-142.

186 - Un premier accord-cadre national avaitété signé le 28 juin 2013 entre Pôle emploi, le ministère chargé des droits des femmes et le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

187 - Information transmise au HCE le 4 juin 2020.

188 - Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038829574&

dateTexte=20200323

En 2019, le nombre d’ouvertures de droits au motif de démission pour violences conjugales s’élevait à 195189. Il s’agit d’une mesure insuffisamment connue.

C. L’indispensable prise en compte des violences dans l’accès à la formation professionnelle

Du fait des impacts délétères en matière d’estime de soi et des entraves matérielles exercées par le conjoint, les violences conjugales peuvent constituer un frein de carrière non-négligeable.

Ces difficultés doivent être prises en compte pour permettre aux victimes d’être accompagnées de manière adaptée et encouragée à la fois dans leur évolution de carrière ou leur accès à l’emploi.

189 - Information transmise par le SDFE.

je suis dans le même poste, alors que chez EDF, on aime bien faire bouger les gens mais j’en étais pas capable. Quand on a perdu toute l’estime de soi, passer un entretien j’en n’étais pas capable, et puis quand j’étais avec le père de mes enfants il ne voulait pas que je fasse de déplacement, il refusait que je m’en aille et donc j’étais obligée de refuser toutes les formations.

Et il ne voulait pas que je travaille, à un moment je me suis mise à temps partiel, mes chefs n’ont pas apprécié, quand ça ne se passe pas bien à la maison et au boulot, c’est dur, j’ai fait un burn-out en 2008, et j’ai posé 14 mois de congé parental, j’ai un peu maquillé ça comme ça, puis j’ai repris à 80 % quelques années et j’ai repris à 100 % en 2012 quand je me suis séparée. J’ai enchainé pas mal d’arrêts, sur les années de combat judiciaire, parfois je n’étais pas au bureau pendant 2-3 semaines, 2-3 fois par an. C’est trop compliqué de tout articuler.

Les managers ne sont pas bien informés, celui que j’ai actuellement est plus sensibilisé car je lui en ai parlé. En même temps, vu qu’on est moins efficace on nous le reproche. Les sphères étaient bien séparées, le père de mes enfants ne venait pas au travail, mais j’ai eu des mails anonymes et des coups de fil anonymes, c’était peut-être lui qui voulait s’assurer que j’étais bien au travail, que je ne faisais pas autre chose. Le problème c’était surtout les déplacements, s’il m’arrivait parfois d’en avoir un prévu, dans ce cas au dernier moment il disait “ben non tu peux pas, je dois aussi me déplacer, tu dois t’occuper des enfants”. Les formations demandaient forcement des déplacements et souvent de plusieurs jours, j’ai réussi à passer à travers les mailles du filet sans trop dire pourquoi à mon manager, mais c’était interprété comme un

manque d’investissement, j’ai mis en place dans l’entreprise des stratégies d’évitement, qui ont été vu comme un manque d’investissement, aujourd’hui encore je pense.

Cela générait aussi beaucoup de fatigue et beaucoup de problèmes de concentration, et donc ça joue sur la productivité et on nous le reproche en fin d’année, et puis il y a aussi les envies de pleurer, souvent, il faut pouvoir

s’isoler, j’ai un bureau individuel alors parfois je bossais la porte fermée tout le temps et certains jours je ne décrochais pas mon téléphone car ça s’entend à la voix quand ça va mal et en même temps on ne veut pas

lâcher le travail car si on lâche le travail il n’y a plus rien qui va. (…). J’aurai bien aimé qu’on me pose la question. Quand je rentrais d’arrêt maladie de 2 ou 3 semaines personne ne me posait la question,

les gens au bureau se disent juste que vous êtes dépressive.Témoigage d’une salariée EDF,

Recueilli dans le cadre de l’étude menée chez EDF par Séverine LEMIÈRE et Marie BECKER en 2018

D. Des entreprises qui se mobilisent face aux violences conjugales

Les femmes victimes de violences conjugales se confient parfois sur leur lieu de travail sur les violences subies.

Selon l’enquête One in three women de 2019, 37 % des victimes de violences conjugales en ont parlé avec une personne au travail190. Toutefois, de nombreuses femmes n’en parlent pas du tout, notamment par honte, ou par peur d’être jugée, voire discriminée191.

Les associations spécialisées notent que les conjoints violents mettent en place des stratégies pour tenter d’éloigner leur conjointe de son emploi.

L’association Solidarité Femmes Loire Atlantique met en avant l’impact