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41- Jacopo Calvi, dit Jacopino DEL CONTE (Florence 1510 - 1598) Le baptême du Christ

Panneau. (Restaurations)

174 cm x 117 cm

Cadre en bois doré du XIXème siècle Provenance :

- Collection du comte Ignazio Constantini Brancadoro, Villa Costantini Brancadoro (San Benedetto del Tronto, Marches), par descendance

- Collection du comte Alessandro Constantini Brancadoro, Villa Costantini Brancadoro (San Benedetto del Tronto, Marches)

- Collection de la comtesse Constantini Brancadoro, Villa Costantini Brancadoro (San Benedetto del Tronto, Marches)

Bibliographie de référence :

- G. Vasari, Le Vite de' più eccellenti pittori, scultori e architetti (1568), Firenze, G. Milanesi, 1906, pp. 575 – 577.

- G. Baglione, Le vite de' pittori, scultori et architetti dal pontificato di Gregorio XIII del 1572 in fino a' tempi di Papa Urbano Ottavo del 1642 (1642), Città del Vaticano, 1995

- G. Alberigo, I vescovi italiani al Concilio di Trento, Firenze, 1959, p. 101

- G. L. Masetti Zannini, Pittori della seconda metà del Cinquecento in Roma, Roma, 1964 - S. J. Freedberg, Painting in Italy 1500 to 1600, Harmondswoth, 1971

- A. Vannugli, « La Pietà di Jacopino del Conte per S. Maria del Popolo: dall'identificazione del quadro al riesame dell'autore », in Storia dell'Arte, n° 71, 1991, pp. 59 - 93

- F. Satta, « Bernadino Elvino », in Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 42, Treccani 1993 - H. Voss, La Pittura del tardo rinascimento a Roma e a Firenze, Roma, 1994

100 000 / 150 000 €

Le grand panneau que nous présentons ici est un remarquable exemple du goût de la Maniera qui domine à Rome au milieu du XVIème siècle. Il possède les dimensions d'un petit retable d'autel et fut donc réalisé, très probablement, pour une chapelle privée, à l'usage d'une dévotion particulière.

Pratiquement à l’échelle humaine, le Christ et saint Jean-Baptiste occupent le premier plan. Au deuxième plan, trois personnages aux traits physionomiques très marqués président noblement à l'événement évangélique. A l’arrière-plan, on aperçoit dans une douce lumière un paysage dominé par un mont, quelques palais classiques et baigné par le Jourdain. En haut, la colombe du Saint Esprit symbolise la lumière divine qui transperce les denses nuages du ciel, pendant qu'en bas quelques buissons animent sobrement le sol rocheux, comme une sorte de piédestal sur lesquels le Christ et le Baptiste ont pris place.

Cette scène grandiose reflète l'influence directe de Michel-Ange à la Sixtine et dans les sculptures qu’il exécuta pour les chapelles des Médicis à Florence (restées inachevées en 1534). Les figures montrent, en effet, des proportions plutôt allongées, des volumes anatomiques sculpturaux, des profils bien définis et anguleux, ainsi que des articulations aux mains et pieds très détaillées, ainsi que des draperies imposantes et traitées en épaisseur. Le style linéaire et sinueux des personnages, la torsion de leurs bustes, la tension superficielle des corps, les couleurs froides et changeantes ; autant d’éléments qui suggèrent l’entourage de Daniele de Volterra, disciple lui-même de Michel-Ange.

Cependant, ce qui manque par rapport au style de Daniele de Volterra, c’est bien le sens d’une profonde émotion qui est remplacée, ici, par un goût plus théâtral, empreint de sobriété, à la puissance visuelle immédiate. Cette image monumentale rentre plus sûrement dans l'ordre stylistique de Jacopino del Conte, et peut être située dans les années 1540.

Avec Francesco Salviati et Giorgio Vasari, Jacopino del Colte appartient à l'école des peintres florentins et toscans actifs à Rome. Dans le genre de la peinture monumentale, il acquiert une place décisive par les fresques qu'il achève à l'oratoire de la nation florentine à Rome de San Giovanni

Decollato. Le Baptême du Christ (fig. 1), une des trois fresques qu'il exécuta dans cet oratoire entre 1537 et 1551 environ, est en étroite relation avec notre panneau. Cette fresque, datée de 1541, est la deuxième œuvre de Jacopino dans cet oratoire. Elle dérive probablement d'un dessin de Perino del Vaga qui semble avoir considérablement influencé l'œuvre de Jacopino. Le personnage du Christ dans cette fresque est presque identique à celui du Christ de notre Baptême, mais en contrepartie. La position sinueuse du corps est la même, ainsi que la tête fortement pliée vers le bas, qui reçoit le baptême, les bras croisés sur la poitrine, en signe d'humilité et de soumission, une jambe pliée en avant vers le spectateur. On y retrouve, d'ailleurs, la même atmosphère de sobre monumentalité, qui délaisse la superficialité décorative au profit de la froide et imposante grandeur du message christique. Jacopino adopte ici un classicisme pur et sans concession. Il est cependant encore loin du conformisme religieux dépourvu de toutes les recherches formelles qui imprègnent sa peinture à la fin des années 1540. Notre panneau pourrait donc dériver directement de l’idée qu’il a d’abord développée sur la fresque de San Giovanni decollato.

Sur la fresque et notre panneau, Jacopino se montre donc en parfaite harmonie avec le style monumental dominant à Rome à la même période, sans toutefois sombrer dans la servilité. A ce propos, il faut souligner comment Jacopino, l’un des premiers, introduit en peinture la ligne serpentine qui lui vient de Michel-Ange, bien avant qu’elle soit systématisée par Marco Pino de Sienne. Là où, dans la fresque, la plus grande place a permis une composition plus aérienne et un rythme plus répandu, sur ce panneau le peintre a, en revanche, misé sur la puissance visuelle. En épaississant les ombres, comme dans la fresque, il assouplit les superficies et diminue l'intérêt pour les détails décoratifs. Au contraire, le fond reste ici significativement ouvert sur des ruines classiques.

L'élégance formelle des protagonistes et la légèreté de leurs poses suppose un rapprochement avec les œuvres de Francesco Salviati, qui venait de rejoindre Rome après son voyage dans l'Italie du Nord.

Le souvenir de l’Antiquité est omniprésent. Jacopino a certainement vu des originaux grecs ou des copies romaines d'époque impériale qui se trouvaient dans les collections des cardinaux ou des princes de la noblesse romaine. Mentionnons ici la statue en bronze doré d’Hercule du Foro Boario (Musées Capitolins), le Torse du Belvédère (Musées Vaticans, anciennement dans la collection du sculpteur Andrea Bregno), ou le Laocoon (découvert en 1506 et tout de suite acheté par le pape Jules II pour le placer dans le Cour des Statues projetée par Bramante). L'impression de monumentalité classique dans le groupe du panneau trouve ses matrices également dans des sculptures plus contemporaines, telles que le Baptême du Christ de Verrocchio et le Saint Georges de Donatello pour l'église d'Orsanmichele à Florence.

On remarque déjà cette forte allure plastique en relief dans l'Annonce à Zacharie (vers 1537), la première fresque exécutée dans l'oratoire romain par Jacopino. Ici, les personnages à l'allure très digne sont directement issus de l'œuvre de Baccio Bandinelli et de Bartolomeo Ammannati. Quelques rapports de similitude peuvent être avantageusement établis entre cette scène et notre Baptême. Les boucles bien précises des chevelures sont tout à fait semblables, ainsi que la définition et certaines positions des mains et des doigts, comme d'ailleurs les motifs pompeux des draperies, aux plis parfois rigides.

Une référence à Perino del Vaga est perceptible dans la tentative de concilier éléments raphaélesques et michelangelesques. C’est ainsi qu’on peut clairement identifier la reprise presque exacte, par Jacopino, dans le visage du Christ de la tête de Dieu le Père de la fresque de la Naissance d'Ève qui se trouve sur l’un des murs de la Chapelle du Crucifix à l’église de San Marcello de Rome. Les personnages du deuxième plan paraissent, quant à eux, influencés par l’œuvre de Pontormo. Parmi ces derniers, arrêtons-nous sur celui qui figure à l'extrême gauche. Il s'agit d'un homme barbu, aux traits physionomiques bien précis. Dans une autre peinture de Jacopino, on peut apercevoir le visage d'un homme aux traits physiques assez proches de ceux de notre personnage. Dans le vaste retable de La mise au tombeau (fig. 2), du Musée Condé de Chantilly, peint par Jacopino vers 1545/1550, le visage masculin à l'extrême gauche est considéré par la critique comme le portrait présumé du commanditaire du tableau, qui a été récemment reconnu, par des découvertes d'archives, comme l'évêque Bernardino Elvino, trésorier du pape Paul III et mort en juillet 1548. Dans le retable de Chantilly, il est montré de trois-quarts, tandis que sur le nôtre, il est vu de profil. Cependant, la

ressemblance est indubitable. Rien ne nous interdit de penser qu'il s'agit donc de la même personne et que, comme dans le cas de La mise au tombeau, notre panneau soit aussi le fruit d'une commande par ce même évêque.

L'identification des deux autres personnages n’est, quant à elle, pas aussi évidente. Quelques affinités existent cependant dans les traits du second personnage à gauche avec ceux de Francesco de Pisis, notaire papal, qui a été aussi en relation avec Jacopino. Le peintre en exécuta un portrait, actuellement conservé à Cambridge. De toute façon, les visages des trois personnages au deuxième plan du Baptême correspondent bien aux styles des portraits de Jacopino, genre pour lequel il était apprécié. A ce sujet, on peut citer le Portrait masculin en buste et habit noir (collection privée); le Portrait d’un cardinal assis avec un livre ouvert dans sa main gauche (ancienne Collection Frascione, Florence); le Portrait d'un jeune homme tenant un mouchoir dans sa main droite (Fort Worth Museum, Texas); et le Portrait de Bindo Altoviti (Montréal).

Pour revenir au retable de Chantilly, son style partage un même langage avec notre Baptême, en montrant de nombreuses similitudes stylistiques et une contemporanéité certaine. Ce panneau est donc une œuvre très importante pour comprendre l’accomplissement d’un des artistes florentins, actifs à Rome, l’un des plus importants du XVIème siècle italien.

Nous remercions Monsieur Michele Danieli qui a confirmé sur la photographie l'attribution de ce tableau à Jacopino del Conte.

Nous remercions le professeur Herwarth Röttgen qui a, également, confirmé avec certitude, sur la base de la photographie, l'attribution de ce panneau à Jacopino del Conte.

Un décor du château de Richelieu

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