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D. M ODALITES D ’ ANALYSE

II. S IX PORTRAITS

Le corpus comprend six parcours d’ex-enseignant(e)s s’étant reconverti(e)s ou étant en cours de reconversion professionnelle. Un parcours de diplômé au sein de l’Ecole Normale, un diplômé à la Haute école Pédagogique et quatre diplômés de la faculté de Psychologie et des sciences de l’éducation, dont un seul en psychologie. Les diplômés ont mené à terme leur formation à des périodes distinctes. Certains interviewés sont considérés comme des enseignants chevronnés avec une dizaine d’années d’expérience, contrairement à d’autres qui n’en ont que deux. En sélectionnant ces individus, nous n’avons pas cherché à constituer un échantillon représentatif. Comme énoncé précédemment, nous avons recueilli les parcours de vie d’individus désireux de vouloir participer à ce projet et ayant de la disponibilité.

Au sein de notre corpus, les parcours féminins sont majoritaires, ce qui est représentatif de ce corps de métier. A la suite, nous proposons un bref résumé de la vie de chacun d’entre-eux, afin de découvrir leur portrait dans le but d’appréhender leur reconversion professionnelle.

Caroline

Caroline a obtenu en 2012 un Bachelor et un certificat complémentaire en sciences de l’éducation en enseignement primaire. Elle a enseigné pendant deux ans dans le même établissement. Depuis ce début d’année scolaire 2015, elle suit un Master en géographie. Elle est alors âgée de 26 ans. Caroline est en couple et vit toujours chez ses parents. Le père de Caroline est facteur. Sa mère quant à elle, est aide soignante. En revenant sur le parcours de Caroline, il est possible d’y observer une certaine linéarité. En effet, après l’école obligatoire, elle a effectué son collège en quatre ans et a suivi les sciences de l’éducation. Elle a obtenu un poste à 50% la première année. Ce taux horaire n’était pas souhaité de prime abord, mais il lui a finalement parfaitement convenu.

Ce manque de prise en considération de ses désirs est récurrent dans son récit. Suite au congé maternité de son binôme, Caroline n’a pas su refuser la proposition d’augmenter à 100% son taux horaire. Elle s’inscrit dans une première logique de l’acceptation et de non écoute de soi.

L’année suivante, elle se lance dans un 100% officiel. Malgré les difficultés éprouvées, Caroline se situe dans une seconde logique, celle de la conformité vis-à-vis de son espace professionnel.

Elle ne trouve pas normal de quitter l’enseignement après deux ans. Pourtant, elle ne parvient plus à gérer sa classe et à éprouver du plaisir. Il a donc fallu qu’une instance supérieure, sa directrice, intervienne pour mettre fin à cette situation. La phase de réflexion apparaît par la suite, lorsque Caroline doit faire un choix de réorientation. Elle décide alors d’assouvir son intérêt pour la géographie.

Ninon

Ninon est diplômée depuis 2010 en Licence en sciences de l’éducation mention enseignement.

Elle a enseigné durant quatre ans. Lorsque nous la rencontrons, en 2015, elle commence son premier semestre de Master en formation des adultes. Elle est alors âgée de 29 ans. Ninon est en couple et vit avec son copain. Le père de Ninon est artisan et vit en Espagne. Sa mère est employée à la Poste. Ninon a suivi un parcours linéaire, elle a fait son Collège en quatre ans, pris une année sabbatique et obtenu la Licence en sciences de l’éducation mention enseignement, en quatre ans également. A la suite de son dernier stage, la directrice lui propose de l’engager pour la rentrée à venir, elle est restée quatre ans au sein du même établissement scolaire.

Le parcours de Ninon est dans une logique d’opportunités, elle fait le choix de prendre toutes celles qui s’offrent à elle. En effet, bien qu’elle ait envie de voyager et de travailler dans le social pour acquérir de l’expérience, afin d’entrer à la HETS ; elle entame les études de sciences de l’éducation en même temps que ces copines. Ninon n’est donc pas devenue enseignante par vocation. Lors de ses années d’enseignement, ses compétences sociales se sont à nouveau éveillées. De plus, elle ne se sentait pas membre de la communauté de pratique et éprouvait une certaine lassitude vis-à-vis de son métier. En prenant conscience de ces aspects, elle décide de reprendre des études. Elle hésite alors entre la formation des adultes et l'HETS qui serait pour elle l’option idéale. Son choix s’est fait en fonction du nombre d’années d’études et des conditions d’entrée.

Odith

Odith est également diplômée en Licence en sciences de l’éducation mention enseignement.

Elle a obtenu son diplôme en 2011 et a enseigné pendant quatre ans. Lorsque nous rencontrons Odith, en 2015, elle est en tronc commun pour intégrer l’école de sage-femme.

Elle a alors 28 ans et est en couple. Elle vit en collocation. Le père d’Odith est garde frontière et sa mère employée de banque. Le métier d’enseignante n’est en aucun cas en lien avec une vocation.

En effet, elle a effectué des études scientifiques au Cycle et au Collège, dans le but de faire médecine. Elle a suivi la formation de médecine durant moins d’un an et a ensuite fait des stages dans différents domaines, afin de découvrir ses aspirations professionnelles. A la suite d’un stage avec une sage-femme, elle s’est inscrite dans cette institution, mais n’a pas été prise suite aux prérogatives pour intégrer cette école.

Finalement, son orientation s’est dirigée vers l’enseignement, elle a fait la Licence et a ensuite eu directement un poste. Après avoir été nommée, elle n’avait plus d’objectifs et trouvait son travail routinier. Elle se posait des questions quant à son futur professionnel et s’est rapidement intéressée à nouveau à la formation de sage-femme. Le plus intéressant en terme de temps, était de se former à la HES, mais cette possibilité ne lui convenait pas à ce moment-là, elle a alors cherché d’autres possibilités de réorientation.

Par l’intervention d’un autrui significatif, elle est revenue vers la formation de sage-femme.

Elle en a parlé à sa directrice qui l’a soutenu dans son projet et qui lui a assuré une certaine sécurité en la réengageant si besoin. Le fait de se sentir en sécurité est primordial pour Odith.

La réponse de l’école a été positive, elle a été complètement dans le flou ne sachant pas quelle décision prendre. En effet, au moment où elle a choisi de se lancer, sa mère a complètement remis en question ce souhait. Finalement, elle s’est réengagée pour une année scolaire auprès de sa directrice, mais a demandé à l’école de sage-femme de garder sa place pour la rentrée prochaine, demande qui a été acceptée.

Laurie

Laurie a obtenu en 2003 un Diplôme d'Études Supérieures Spécialisées en psychologie clinique. Elle a 40 ans et est célibataire. Le père de Laurie est technicien électricien et sa mère clerc d’avocat. Laurie a enseigné au sein de l’école primaire pendant treize ans. Elle a suivi son école obligatoire dans le système français en privé et a fait son Collège dans le secteur public. A la suite de celui-ci, elle s’est dirigée vers des études de médecine, elle souhaitait être pédiatre. Elle a fait trois fois la première année et a échoué. Elle a toujours aspiré à travailler avec des enfants, elle a donc commencé la psychologie. Elle a ainsi fait six ans d’études pour obtenir son diplôme. A 25 ans, son diplôme en poche, elle a découvert qu’elle était au début du chemin et avait besoin d’une rentrée d’argent. A cette époque, l’Etat cherchait à engager des enseignants, elle a alors postulé et a été prise. Il n’est pas question d’une vocation, mais plutôt d’une opportunité qui a été saisie.

Laurie a fait les trois ans probatoires, elle travaillait à mi-temps et en parallèle avait une formation, car elle n’était pas diplômée en mention enseignement. Après la formation, Laurie est devenue titulaire de classe et depuis trois ans maintenant, elle est maîtresse d’appui et voltigeuse (depuis un an). Ce choix a été fait notamment parce qu’elle n’éprouvait plus de plaisir face à un groupe classe et fournissait trop d’invesstissement à la maison en étant titulaire de classe.

C’est notamment pour ces raisons qu’elle a pensé à une possible reconversion. Par ailleurs, elle est en désaccord avec le fonctionnement du système de l’enseignement. Depuis trois ans, elle souhaite se réorienter en restant avec la population enfant, mais de manière plus individualisée. Elle voudrait trouver une formation ou un emploi qui relient les aspects de sa première formation et de son expérience professionnelle.

Quelques mois après notre entretien, nous avons appris que Laurie a été engagée en tant que psychologue pour réaliser des examens de passation d’âge, au sein du Département de l’instruction publique.

Anouck

Anouck a obtenu le brevet d’enseignement primaire en 1997. Actuellement, elle a 40 ans, est mariée et maman de trois enfants. Son père était employé à la direction des CFF (Chemins de fer fédéraux suisses) et sa mère comme employée de commerce. Lorsqu’elle est enfant, elle rêve de devenir enseignante ou vétérinaire. A la suite d’un stage chez un vétérinaire au Gymnase (Collège), elle a choisit la voie de l’enseignement, en hésitant toutefois avec un apprentissage. Elle s’est alors inscrite aux examens de l’école normale (HEP actuelle). Après les avoir réussi, elle a su que c’était ce qu’elle voulait faire. A la suite de sa formation sur deux ans, elle a commencé à travailler. Cette première insertion professionnelle s’est avérée difficile, notamment par le fait qu’elle n’arrivait pas à poser des limites aux enfants et à s’insérer dans la communauté de pratique. Suite à une rencontre, elle a réalisé que son aspiration professionnelle s’orientait davantage vers l’éducation. Elle a donc postulé à la fondation de Verdeil à Lausanne, puis mené un stage au sein de celle-ci pour être finalement engagée comme enseignante spécialisée.

Après trois ans, elle a réalisé que cette profession était trop éprouvante pour elle. Anouck a donc envoyé des offres d’emplois dans des cycles d’orientation et a décroché un entretien, pour finalement être engagée.

Cette expérience a été douloureuse et l’a menée à faire un burnout cinq semaines avant la fin de l’année. Suite à celui-ci, elle a trouvé un poste à Nyon dans une école primaire.

Lors de cette période, elle rencontre un ami masseur qui lui fait prendre conscience que le massage lui plait. Un mois plus tard, elle commence une formation de masseuse en cours d’emploi, en continuant à travailler à 100 %. Elle réussit son examen. Suite à une rencontre amoureuse, elle déménage et trouve un nouvel emploi en tant qu’enseignante. Elle parle autour d’elle de sa profession de masseuse et commence à masser chez elle. Puis, elle exerce son activité dans un salon d’esthétique en parallèle à l’enseignement. Entre temps, elle devient maman. Elle travaille toujours comme enseignante, mais à 60 %. En 2011, elle a son deuxième enfant. Suite à son congé matérnité, elle éprouve beaucoup de difficulté à retourner dans l’enseignement.

L’année suivante, elle a une nouvelle volée plus facile, mais elle ne supporte plus l’environnement classe, ses élèves, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Elle se met en congé maladie quelques semaines après la rentrée scolaire. Au mois de novembre, elle réalise qu’elle ne peut plus faire ce travail. Pendant ce congé, elle entreprend un bilan de compétences. Cet outil lui permet de se rendre compte qu’elle souhaite démissionner et se mettre à son compte. Actuellement, elle exerce dans le cabinet d’une amie les samedi et un mercredi sur deux, car elle a son troisième enfant.

Damien

Damien a obtenu son diplôme d'enseignement aux degrés préscolaires et primaires de la Haute école Pédagogique en 2005. Il a enseigné pendant 6 ans à 100 % et 3 ans à 40 %. Lors de notre rencontre avec Damien, nous apprenons qu’il est toujours enseignant sur la base d’un taux horaire de 40 %. De plus, depuis 2015, il est formateur à la HEP, où il donne trois cours par semaine. Il a aussi une entreprise. Au sein de celle-ci, il propose des cours de photographie, de psychologie positive et de pédagogie. En parallèle, il a crée avec un ami, l’association romande d’éducation et de psychologie positive. L’année prochaine, il souhaite proposer des ateliers de psychologie positive et de développement de l’enfant.

Damien est âgé de 36 ans et est actuellement en couple, il n’a pas d’enfant. Son père travaillait en tant qu’architecte et sa mère était secrétaire. L’enseignement n’a pas été son premier choix. Après la maturité, il souhaite réaliser des études universitaires, mais il apprend qu’il doit faire le service civil durant quatre mois.

Il fait alors son service civil dans un foyer de requérants d’asile. Il décide ensuite de l’effectuer d’une traite. Lors de camps d’été, dans le cadre du service civil, il a réalisé qu’il aimait passer du temps avec les enfants. Il a donc modifié son projet de formation et s’est alors inscrit en 2001 à la HEP, mais suite à un quiproquo, sa candidature n’a pas été retenue.

A cette même époque, les réfugiés de la guerre d’Irak arrivaient en Suisse. Un foyer a donc été ouvert et le poste de directeur lui a été attribué pour six mois. Il s’est à nouveau inscrit à la HEP Valais pour la rentrée suivante, mais a longuement hésité à la commencer. Trois ans plus tard, il a alors obtenu son diplôme et a directement débuté à travailler en tant qu’enseignant.

Sa première insertion professionnelle a été quelque peu difficile. Malgré tout, il a apprécié exercer dans le domaine pour lequel il a été formé. Damien est resté trois ans dans cet établissement. Un directeur l’a ensuite contacté, afin de lui proposer un poste, qu’il a accepté.

Il a travaillé pendant deux ans et demi dans cette école.

La dernière année, il a accompagné son père dans sa fin de vie. Damien était donc fatigué physiquement et émotionnellement. Lorsque son père est décédé, il est devenu PDG de son entreprise. Il était difficile de tout gérer, il a alors demandé un congé de six mois, qui a été accepté.

Après avoir découvert le montant de son héritage, Damien a décidé de créer sa propre entreprise et de quitter le monde de l’école. Il demande donc un entretien à son directeur pour lui annoncer qu’il quitte son poste. Le directeur le devance en le licenciant. Il crée ainsi une entreprise proposant des excursions aux touristes. En parallèle, il suivait une formation de photographe professionnel. Damien a ensuite commencé une nouvelle expérience professionnelle avec une photographe, ils ont proposé de faire des cours de photographie en Suisse. L’année suivante, il a décidé de continuer l’aventure seul.

Après trois ans, il réalise qu’un métier dans le domaine de l’humain lui manque. Il entame une formation de coach tout en continuant ses cours de photographie. Malheureusement, son projet en tant que coach n’aboutit pas. Il reprend donc l’enseignement en parallèle à la photographie.