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Dans le document [Oeuvres de Mr. de Voltaire]. T. [22] (Page 194-200)

Turcs porté à la rive oppofée faifaitpleuvoir fur eux le plomb & le fer d’une artillerie nombreufe char­ gée à cartouche. L ’armée Turque qui avait attaqué les Ruffes, continuait toujours de fon coté .à la foudroyer par fon canon.

Il était probable qu’cnfin les Ruffes allaient être perdus fans reffource par leur pofition, par l’inéga­ lité du nombre & par la difette. Les efcarmouches continuaient toujours ; la cavalerie du Czar prefque toute démontée, ne pouvait plus être d’aucun lecours, à moins qu’elle ne combattit à pied ; la fituation pa- raiffait defefpérée. II ne faut que jetter les yeux fur cette carte exacte du camp du C zar, & de l’armée Ottomane, pour voir qu’il n’y eut jamais de pofition plus 'dangereufe, que la retraite était impoffible, qu’il fàlait remporter une victoire complette , ou périr juf- qu’au dernier, ou être efclave des Turcs.

Toutes les relations, tous les- mémoires du tems conviennent unanimement, que le Czar incertain s’il tenterait le lendemain le fort d’une nouvelle bataille, s’il expoferait fa femme, fon arm ée, fon Em pire, & le fruit de tant de travaux, à une perte qui fem- blait inévitable, fe retira dans fa tente, accablé de douleur , & agité de eonvulfiohs dont il était quel- cjuefois attaqué , & que fes chagrins redoublaient. S e u l, en proie à tant d’inquiétudes cruelles , ne vou­ lant que perfonne fut témoin de fon é ta t, il défendit qu’on entrât dans fa tente. H vit alors quel était fon bonheur d’avoir permis à fa femme de le fuivre. Ca­ therine entra malgré la défenfe. . . ..

Une femme qui avait affronté la mort pendant tous ces combats , expofée comme un autre au feu d’ar­ tillerie des Turcs , avait le droit de parler. Elle perfuada fon époux de tenter la voie de la .négocia­ tion.

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C’eft la coutume immémoriale dans tout l'O rient, quand on demande audience aux Souverains ,W «feu «sr repréfentans, de ne les aborder qu’avec des prclens.

Catherine raffembla le peu de pierreries" qu’elle avait apportées dans ce voyage guerrier , dont toute magni­ ficence & tout luxe étaient bannis ; elle y ajouta deux peliffes de renard noir; l’argent comptant qu’elle ra- maffa fut deftiné pour le Kiaia. Elle choifit elle-mê­ me un Officier intelligent, qui devait avec deux valets porter les préfens au grand-Vifir, & enfuite faire con­ duire au Kiaia en fureté, le préfent qui lui était réfer- vé. Cet Officier fut chargé d’une lettre du Maréchal Sberemeto à Mehemet B ait agi. Les mémoires de Pierre conviennent de la lettre ; ils ne difent rien des détails dans lefquels entra Catherine ± mais tout eft affez con­ firmé par la déclaration de Pierre lui-m ême donnée en 172? quand il fit couronner Catherine Impéra­ trice ; Elle m us a été, d it - il, d’un très grand fécours dans tous les dangers, ê? particuliérement à la bataille du P ru tb , où notre armée était réduite à vingt-deux mille hommes.- Si le Czar en effet n’avait plus alors que vingt - deux mille combattans, menacés de périr par la faim , ou par le fe r; le fervice rendu par Ca­ therine était auffi grand que les bienfaits dont; fon époux l’avait comblée. Le. journal manufcrit e ) de Pierre le Grand dit , que le jour même du grand combat du 20 Juillet, il y avait trente-un mille cinq cent cinquante-quatre hommes d’infanterie, & fix mille N fix cent quatre - vingt-douze de cavalerie, prefque tous démontés; il aurait donc perdu feize mille deux- cent quarante-fix combattans dans cette bataille. Les mêmes mémoires afïurent que la perte des Turcs fut beaucoup plus confidérable que la fienne, & qu’atta­ quant en foule & fans ordre, aucun des coups tirés fur eux ne porta à faux. S’il èft ainfi, la journée du ; Pruth du 20 au 21 Juillet , fut une des plus meur­ trières qu’on ait vue depuis plufieurs fiécles.

e) Page 177 du journal de Pierre le Grand.

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Il faut, ou foupçonner Pierre le Grand de s’être trompé , lorfqu’en couronnant l'Impératrice , il lui témoigne fa reconnaiflance , d'avoir fauve Jon armée réduite à vingt - deux, mille combattant'} ou accufer de faux fon journal, dans lequel il eft dit que le jour de cette bataille, fon armée du Pruth, indépendam­ ment du corps qui campait fur le Siréth , montait à trente - un mille cinq cent cinquante - quatre boni-,net d’infanterie , ?S* à f i x mille Jîx cent quatre - vingt- douze, de cavalerie. Suivant ce calcul la bataille aurait été plus terrible que tous les hiftoriens , & fous les mémoires fo u r ê ? contre ne Pont rapporté jufqu’ici. Il y a certainement ici quelque m al-entendu ; & cela eft très ordinaire dans les récits de campagnes lorf- qu'on entre dans les détails. Le plus fu r eft de s’en tenir toujours à l’événement principal, à la viéloire & à, la défaite : on fait rarement avec précifion ce que l’une & l’autre ont coûté.

A quelque, petit nombre que l’armée Ru fie fût rédui­ te , cm fe‘ flattait qu’ufté téîiffancé fi intrépide '■ & fi opiniâtré en impoferait au grand -Y ifir, qu’on obtien­ drait la paix à des conditions honorables pour la Porte- * Ottomane, que ce traité én rendant le Vifir agréable à fon Maître ne ferait pas trop humiliant pour l’Em­ pire de Rufile. Le grand mérite de Catherine fu t, ce femble , d’avoir vu cette polfibilité dans Un moîïient, où les Généraux paraiffaient- ne voir qu’un malheur inévitable.

Uor b erg , dans fon hiftoire dé Charles rapporte une lettre du Czar au grand -Vifir , dans laquelle il s'exprime en ces mots r Si contre mon attente f a i le malheur d’avoir déplu à Sa Hautejfe, je fu is prit à réparer les fujets de plainte qu’ elle peut avoir contre moi. Je vous conjure, très-noble Général, d’empêcher qiPil ne fait répandu plus de fang , 6? f i vous fupplie de faire ,cejfer dans le moment le feu exceffif de votre ar­ tillerie. Recevez Potage que je viens de vous envoyer.

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Cette lettre porte tous les caractères de faufleté, ainfi que la plupart des pièces rapportées au hazard par Norberg : elle eft datée du 11 Juillet nouveau ftile ; & on n’écrivit à B ait agi Mehemet que le 21 nouveau ftile. Ce ne fut point le Czar qui é crivit, ce fut le Maréchal Sberemeto; on ne fe fervit point, dans cette lettre, de ces expreflions , le Czar a eu le malheur de déplaire à Sa Hanteffe ; ces termes ne conviennent qu’à un fujet qui demande pardon à fon maître ; il n’elt point queftion d’ôtage ; on n’en en­ voya point ; la lettre fut portée par un Officier, tan­ dis que l ’artillerie tonnait des deux côtés. Sberemeto dans fa lettre, faifait feulement fouvenir le Vifir de quelques offres de paix que la Porte avait faites au commencement de la campagne par les Miniftres d’An­ gleterre. & de Hollande, lorfque le Divan demandait la eeffion de la citadelle & du port de Taganrok, qui étaient les vrais fujets d e 'la guerre.

Il fe paffa quelques heures avant qu’on eût une répônfe du ^rand-Vifir. On craignait que le porteur n’eût été tue par le canon, ou n’eut été retenu par les Turcs. On dépêcha un fécond Courier avec un duplicata , & on tint confeil de guerre en préfence de Catherine. Dix Officiers-Généraux lignèrent le ré- fultat que voici :

s, Si l’ ennemi ne veut pas accepter les conditions 5, qu’on lui offre , & s’il demande que nous pofions les ,, armes , & que nous’ nous réndions à diferétion , „ tous les Généraux & les Miniftres font unanime- „ ment d’avis de fe faire jour au travers des enne- « mis. cc

En conféquence de cette réfolution, on entoura, le bagage de retranchemens, & on s’avanqa jufqu’à cent pas de l’armée Turque., lorfqu’enfin le grand-Vifir fit publier ,ùne fufpenfion d’armes.

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Tout le parti Suédois a traité dans fes mémoires ce Vifir de lâche & d’infame , qui s'était laide cor­ rompre. C’eft ainfi que tant d’écrivains ont accu- fé le Comte Piper d’avoir reçu de l’argent du Duc de Marlborough , pour engager le Roi de Suède à continuer la guerre contre le C za r, & qu’on a im­ puté à un Miniltre de France d’avoir fait à prix d’ar­ gent le traité de Seville. De telles accufations ne doi­ vent être avancées que fur des preuves évidentes. Il eft très -rare que des premiers Miniftres s’abaiffent à de fi honteufes lâchetés, découvertes tôt ou tard par ceux qui ont donné l’argent , & par les régiftres qui en font foi. Un Miniltre eft toujours un homme en fpec- tacle à l’Europe ; fon honneur eft la bafe de fon cré­ dit ; il eft toujours allez riche pour n’avoir pas befoin d’être un traître.

La place de Yiceroi de l’Empire Ottoman eft fi belle, les profits en font fi immenfes en tems de guerre, l’a­ bondance & la magnificence régnaient à un li haut point dans les tentes de Baltagi M ebemet, la fimplicifé, & furtout la difette étaient fi grandes dans l’armée, du C z a r , que c’était bien plutôt au grand -Vifir à donner qu’à recevoir. Une légère attention de la part d’une femme qui envoyait des peliffes & quelques bagues, comme il eft d’ufage dans toutes les Cours , ou plutôt dans toutes les Portes orientales, ne pouvait être regar­ dée comme une corruption. L a conduite franche & ou­ verte de Baltagi Mebemet femble confondre lesacculà- tionsdont on a fouillé tant d’écrits touchant cette affai­ re. Le Vice-Chancelier Sbafftrof alla dans fa tente avec un grand appareil ; tout fe paffa publiquement, & ne pouvait fe paffer autrement. La négociation même fu t entamée en prçfence d’un homme attaché au Roi de Suède , & domeftique du Comte Poniatowski , Officier de Charles X I I , lequel fervit d’abord d’in, terprète ; & les articles furent rédigés publiquement par le premier Secrétaire du Vifiriat, nommé Hmnmer Effendi. Le Comte Poniaiïmski y était

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196 Histoire de l’Empire de Russie

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me. Le préfent qu’on faifait au Kiaia fut offert publi­ quement, & en cérémonie ; tout fe paffa félon l’ufage des Orientaux; on fe fit des préfens réciproques; rien ne reffemble moins à une trahifon. Ce qui détermina le Viiir à conclure, c’eft que dans ce tems - là même le corps d’armée commandé par le Général Renne , fur la rivière de Sireth en Moldavie, avait paffé trois rivières, & était alors vers le Danube, où Renne ve­ nait de prendre la ville & le château de Brahila, dé­ fendus par une garnifon nombreufe , commandée par un Pacha. Le Czar avait encor un autre corps d’ar­ mée qui- avançait des frontières de la Pologne. Il eft déplus très - vraifemblable que le Vifir ne fut pas inf- truitde la difette que fouffraient les Ruffes. Le compte des vivres & des munitions n’eft pas communiqué à fon ennemi ; on fe vante, au Contraire , devant lui d’être dans l’abondance, dans le tems qu’on fouffre le plus. Il n’y a point de transfuges entre'les Turcs & les Ruffes ; la différence des vêtem ens, de la reli­ gion & du langage , ne le permet pas. Ils ne connaif- l'ent point, comme nous, la défertion : aufli le grand- Vifir ne favait pas au jufte dans quel état déplorable était l’armée de Pierre.

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Bakagi qui n’aimait pas la guerre, & qui cepen­ dant l’avait bien fa ite , crut que fon expédition était affez heureufe s’il remettait aux mains du Grand-Sei­ gneur les villes & les ports pour lefquels il combat­ tait ; s’il renvoyait des bords du Danube en R uffie, l’armée victorieufe du Général Renne, & s’il fermait à jamais l’entrée des Palus-Méotides , le Bofphore Cimmérien , la mer N oire, à un Prince entreprenant ; enfin s’il ne mettait pas des avantages certains au rif. que d’une nouvelle bataille, (qù’après tout le defef- poir pouvait gagner contre la force: ) il avait vu les janiffaires repouffés la ve ille, & il y avait plus d’un exemple de viéloires remportées par le petit .nom­ bre contre le grand ; telles furent fes raifons : ni les • Officiers

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