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Dans le document [Oeuvres de Mr. de Voltaire]. T. [22] (Page 170-177)

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La Suède enfin épuifée d’hommes & d’argent pou­ vait trouver des motifs de confolation : mais fi le Czar périffait; des travaux immenfes, utiles à tout le genre- humain , étaient enfevelis avec lu i, & le plus vafte Empire, de la Terre retombait dans le cahos dont il était à peine tiré.

Quelques corps Suédois & Ruffes avaient été plus d’une fois aux mains fous les murs de la ville. Char­ les dans une de ces rencontres avait été blefle d’un coup de carabine qui lui fracaffales os du pied; il effuya des opérations douloureufes , qu’il foutint avec fon courage ordinaire , & fut obligé d’être quelques jours au lit. Dans cet état il apprit que Pierre devait l’atta­ quer ; fes idées de gloire ne lui permirent pas de l’at­ tendre dans fes retranchemens ; il fortit des liens en fe fàifant porter fur un brancard. Le journal de Pierre le Grand avoue que les Suédois attaquèrent avec une va­ leur fi opiniâtre les redoutes garnies de canon qui pro­ tégeaient fa cavalerie , que malgré faréfiftance & mal­ gré un feu continuel ils fe rendirent maîtres de deux re­ doutes. ,On a écrit que l’infanterie Suédoife maîtrelfe des. deux redoutes crut la bataille gagnée, & cria victoi­ re. Le Chapelain Norberg qui était loin du champ de ba­ taille au bagage ( où il devait être, ) prétend que c’eft une calomnie ; mais que les Suédois ayent crié victoire ou non , il eft certain qu’ils ne l’eurent pas. Le feu des autres redoutes ne fe ralentit p o in t, & les Rufl'es réfu­ tèrent partout avec autant de fermeté qu’on les atta­ quait avec ardeur. Ils ne firent aucun mouvement irré­ gulier. Le Czar rangea fon armée en bataille hors de fes retranchemens avec ordre & promtitude.

La bataille devint générale. Pierre faifait dans fon arméela fonétion de Général-Major ; le Général Bauer commandait la droite, Menzikoff la gauche, Sberemeto le centre. L ’aétion dura deux heures. Charles le pif- tolet à la main allait de rang en rang fur fon bran­

card porté par fes Drabans ; un coup de canon tua un des gardes qui le portaient, & mit le brancard en

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pièces. Charles fe fit alors porter fur des piques ; car il cil: difficile , quoi qu’en dife Norberg , que dans une a dion auffi vive , on eût trouvé un nouveau brancard tout prêt. Pierre requt plufieurs coups dans fes habits & dans fon chapeau ; ces deux Princes fui rent continuellement au milieu du feu pendant toute l’adion. Enfin après deux heures de com bat, les Sué­ dois furent partout enfoncés ; la confufion fe mit par­ mi eux , Sç Charles douze fut obligé de fuir devant celui qu’il avait tant méprifé. On mit à cheval dans fa fuite ce même Héros qui n’avait pu y monter pen­ dant la bataille ; la nécelfité lui rendit un peu de for*, ce ; il courut en fouffrant d’extrêmes douleurs, deve­ nues encor plus cuifantes par celle d’être vaincu fans reffource. Les Ruffes comptèrent neuf mille deux cent vingt-quatre Suédois morts fur le champ de bataille : ils firent pendant l’adion deux à trois mille prifori- nierS, furtout dans la cavalerie.

Charles douze précipitait fa fuite avec environ qua­ torze mille combattans, très peu d’artillerie de cam­ pagne , de v iv re s, de munitions & de poudre. Il mar­ cha vers le Borifthène au midi entre les rivières de Vorskla & de Sol d ) , dans le pays des Zaporaviens. Par-delà le Borifthène en cet endroit font de grands déferts qui conduifent aux frontières de la Turquie, Vor b erg affure que les vainqueurs n’ofèrent pourfui- vre Charles cependant il avoue que le Prince Men- zikoff fe préfenta fur les hauteurs avec dix mille hom­ mes de cavalerie & un train d’artillerie confidérable, quand le Roi paffait le Borifthène.

Quatorze mille Suédois fe rendirent prifonniers de guerre à ces dix mille Ruffes ; Levenbauÿt qui les com­ mandait , ligna cette fatale capitulation , par laquelle il livrait au Czar les Zaporaviens, qui ayant combattu pour fon Roi fe trouvaient dans cette armée fugitive. Les principaux prifonniers faits dans la bataille & par T

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la capitulation, furent le Comte Piper premier Minif- tre , avec deux Secrétaires d’Etat & deux du cabinet; le Feldt - Maréchal RenJ'cbili , lés Généraux Leven- bm pt , Slipenbak , Rofen, Stakelber , Creuts , Ha- milton } trois Aides - de - camp Généraux , l’Auditeur- Général de l’armée, cinquante-neuf Officiers de l’Etat- Major , cinq Colonels, parmi lefquels était un Prince de Virtentberg$ feize mille neuf cent quarante-deux foldats ou bas-officiers; enfin, en y comprenant les domeftiques du Roi & d’autres perfonnes fuivant l’ar­ m ée, il y en eut dix-huit mille fept cent quarante- fix au pouvoir du vainqueur ; ce qui joint aux neuf mille deux cent vingt-quatre qui furent tués dans la ba­ taille , & à près de deux mille hommes qui paffèrent le Borifthéne à la fuite du Roi , fait voir qu’il avait en effet vingt - fept mille combattans fous fes ordres dans cette journée mémorable e ).

Il était parti de Saxe avec quarante - cinq mille combattans ; Levenbaupt en avait amené plus de feize mille de Livonie ; rien ne reliait de toute cette armée floriffante ; & d’une nombreufe artillerie perdue dans fes marches enterrée dans des marais, il n’avait con- fervé que dix-huit canons de fonte, deux obus & dou­ ze mortiers. C’était avec ces faibles armes qu’il avait entrepris le fiége de Pultava, & qu’il avait attaqué une armée pourvue d’une artillerie formidable : auffi l’accu fa-t-on d’avoir montré depuis fon départ d’Al­ lemagne plus de valeur que de prudence. 11 n’y eut de morts du côté des Ruffes que cinquante - deux Officiers & douze cent quatre - vingt - treize foldats ; c’eft une preuve que leur difpofition était meilleure

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e ) On a imprimé à Amfter- dam en 1750 les mémoires de Pierre le Grand par le pré­ tendu Boyard Ivan Neftefa- ranoy. Il eft dit dans ces mé­ moires que le Roi de Suède avant de paffer le Borifthéne

envoya un Officier - Général offrir la paix au Czar. Les quatre tomes de ces mémoires font un tiflii de fanffetés & d’inepties pareilles , ou de galettes compilées.

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que celle de Charles , fupérieur.

& que leur feu fut infiniment

Un Miniftre envoyé à la Cour du Czar prétend dans fes mémoires, que Pierre ayant appris le deffein de Charles douze de fe retirer chez les T u rcs, lui écri­ vit pour le conjurer de ne point prendre cette réfo- lution defefpérée & de fe remettre plutôt entre fes mains qu’entre celles de l’ennemi naturel de tous les Princes 'Chrétiens. Il lui donnait fa parole d’honneur de ne point le retenir prifonnier, & de terminer leurs différends par une paix raifonnable, La lettre fut por­ tée par un exprès jufqu’à la rivière de B u g , qui fé- pare les déferts de l’Ukraine des Etats du Grand-Sei­ gneur. Il arriva lorfque Charles était déjà en Turquie, & rapporta la lettre à fon Maître. Le Miniftre ajoute qu’il tient ce f ) fait de celui - là même qui avait été j chargé de la lettre. Cette anecdote n’eft pas fans vrai- 2 femfalance, mais elle ne fe trouve ni dans le journal de Pierre le Grand, ni dans aucun des mémoires qu’on m’a confiés. Ce qui eft le plus important dans cette bataille, c’ eft que de toutes celles qui ont jamais en- fanglanté la terre , c’eft la feule qui au-lieu de ne produire que la deftruction, ait fervi au bonheur du genre - humain , puifqu’elle a donné au Czar la liberté de policer une grande partie du Monde.

Il s’eft donné en Europe plus de deux cent batail­ les rangées, depuis le commencement de ce fiécle ju f­ qu’à l’année où j ’écris. Les victoires les plus figna- lées & les plus fanglantes n’ont eu d’autres fuites que la réduction de quelques petites provinces, cédées en- fuite par des traités , & reprifes par d’autres batail­ les. Des armées de cent mille hommes ont fouvent combattu , mais les plus violens efforts n’ ont eu que des fuccès faibles & paffagers ; on a fait les plus

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devant des anecdotes de Nfef- fie,pag.2j.

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tes chofes avec les plus grands moyens, Il n’y a point d’exemple dans nos nations modernes d’aucune guerre qui ait compenfé par un peu de bien le mal qu’elle a fait ; mais il a réfulté de la journée de P al ta va la félicité du plus vafte Empire de la Terre.

C H A P I T R E D I X - N E U V I E M E . Suites de la viiloire de Pultava. Charles douze réfu­

gié chez les Turcs. Augufte détrôné par lui rentre dans fes Etats. Conquêtes de Pierre le Grand.

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Ependant on préfentait au vainqueur tous les prin­ cipaux prifonniers ; le Czar leur fit rendre leurs épées, & les invita à fa table. Il eft affez connu qu’en buvant à leur fanté il leur dit : „ Je bois à la iànté ,, de mes maitres dans l’art de la guerre : c‘ mais la plupart de fes maîtres , du moins tous les officiers fubalternes & tous les foldats, furent bientôt envoyés en Sibérie.

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n’y avait point de cartel entre les Ruf- fes & les Suédois : le Czar en avait propofé un avant le fiége de Pultava ; Charles le refufa, & fes Suédois furent en tout les victimes de fon indomtable fierté.

C’eft cette fierté toujours hors de faifon, qui caufa toutes les avantures de ce Prince en Turquie, & tou­ tes fes calamités plus dignes d’un héros de YAriofle que d’un Roi fage : car dès qu’il fut auprès de Ben- d e r, on lui confeilla d’écrire au grand-Vifir'félon l’ufa- ge , & il crut que ce ferait trop s’abaifïer. Une pareille opiniâtreté le brouilla avec tous les Miniftres de la Porte fucceffivement : il ne favait s’accommoder ni au tems ni aux lieux, g )

g ) laMatmye dans le ré- Èit de fes voyages rapporte «ne lettre de Charles X II au grand-Vifir, mais cette lettre eft iautfe , comme la plupart

des récits de ce voyageur mer­ cenaire j & Norberg lui-même avoue que le Roi de Suède ne voulut jamais écrire au grand- Vifir. . ... ... ... ... ... ... ... ... ... . ... .... ... ... ... .— j.

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. I. P. Ch. XIX. 171

Aux premières nouvelles de la bataille de Pulta- v a , ce fut une révolution générale dans les efprits & dans les affaires , en Pologne, en Saxe , en Suède, en Siléiie. Charles, quand il donnait des lb ix, avait exigé de l’Empereur d’Allemagne Jofepb, qu’on dé* pouillât les Catholiques de cent - cinq Eglifes, en fa­ veur des Siléfiens de la Confeffion d’Augsbourg ; les Catholiques reprirent prefque tous les temples Luthé­ riens , dès qu’ils furent informés de la difgrace de Char­ les. Les Saxons ne fongèrent qu’à fe venger des extor- fions d’un vainqueur qui leur avait coûté, difaient-ils, vingt-trois millions d’écus. Leur Electeur Roi de Polo­ gne protefta fur le champ contre l’abdication qu’on lui avait arrachée, & étant rentré dans les bonnes grâ­ ces du Czar , il s’emprefla de remonter fur le Trône de Pologne. La Suède confternée, crut longtems fon Roi m o rt, & le Sénat incertain ne pouvait prendre :

aucun parti. [

* i Pierre prit incontinent celui de profiter de fa vie- , toire : il fait partir le Maréchal Sberemeto avec une ar- ^ mée pour la L ivon ie, fur les frontières de laquelle ce Général s’était iïgnalé tant de fois. Le Prince M enzi- koff fut envoyé en diligence avec une nombreufe cava­ lerie pour féconder le peu de troupes biffées en Polo­ gne , pour encourager toute la Nobleffe du parti d’Au- gufie, pour chaffer le Compétiteur qu’on ne regardait plus que comme un rebelle, & pour diffiper quelques troupes Suédoifes qui reliaient encore fous le Général Suédois Crajfau.

Pierre part bientôt lui - m êm e, paffe par la K iovie, par les Palatinats de Chelm & de la haute V olhinie, arrive à L u b lin , fe concerte avec le Général de la Lithuanie ; il voit enfuite les troupes de la Couron­ ne , qui prêtent ferment de fidélité au Roi Jugitjie„• de là il fe rend à Varfovie , & jouît à Thorn du plus beau de tous les triomphes , celui de recevoir les remerciemens d’un Roi auquel il rendait fes Etats.

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C’eft là qu’il conclut un traité contre la Suède avec les Rois de Dannemarck, de Pologne & de Prude. H S’agiffait déjà de reprendre toutes les conquêtes de Gujlave-Adalfbe. Pierre faifait revivre les anciennes prétentions des Czars fur la Livonie, l’Ingrie, la Caré­ lie , & fur une partie de la Finlande ; le Dannemarck revendiquait la Scanie , le Roi de Fruffe la Pomé­ ranie.

Là valeur infortunée de Charles ébranlait ainfi tous les édifices que la valeur heureufe de Guftave-Adol- fb e avait élevés. La Nobleffe Polonaife venait en foule confirmer fes fermens à fon R o i , ou lui de­ mander pardon de l’avoir abandonné ; prefque tous reconnaiflaient Pierre pour leur protecteur.

Aux armes du C za r, à ces traités , à* cette révolu­ tion fubite , Stanislas n’ eut à oppofer que fa réfigna- tion : il répandit un écrit qu’on appelle Univerfal, dans lequel il dit qu’il eft prêt de renoncer à la Couronne fi la République l’exige.

Pierre après avoir tout concerté avec le Roi de Pologne, & ayant ratifié le traité avec le Danne­ marck , partit incontinent pour achever fa négocia­ tion avec le Roi de Pruffe. Il n’était pas encor en ufage chez les Souverains d’aller faire eux-mèmes les fonctions de leurs Ambaffadeurs : ce fut Pierre qui introduifit cette coutume nouvelle & peu fuivie. L ’E- lecleur de Brandebourg, premier Roi de Pruffe, alla conférer avec le Czar à Marienverder, petite ville fituée dans la partie occidentale de la Poméranie, bâtie par les Chevaliers Teutoniques , & enclavée dans la lifière de la Pruffe devenue Royaume. Ce Royaume était petit & pauvre, mais fon nouveau Roi y étalait, quand il y voyageait, la pompe la plus fa t tueufe : c’eft dans cet éclat qu’il avait déjà reçu Pierre à fon premier paffage , quand ce Prince quitta fon Empire pour aller s’inftruire chez les étrangers. Il

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