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PARTIE I : IDENTITE DE L’EPOR DANS LE CERVEAU: VERS

L’INVALIDATION DE « LA THEORIE DE LA BC ».

L’EpoRH est actuellement l’un des agents neuroprotecteurs actuels les plus prometteurs, comme en témoigne le nombre important d’études cliniques en cours sur les effets de cette molécule dans le cadre des accidents et maladies neurologiques (voir le site de la NIH, répertoriant les études cliniques en cours 184). Malheureusement, les effets secondaires avérés ou soupçonnés de l’EpoRH inquiètent dans le cadre de son utilisation chronique chez l’humain (voir Chapitre VII de l’état de l’art). En particulier, les effets hématopoïétiques de l’EpoRH peuvent être à l’origine de perturbations du système cardio-vasculaire chez certains patients à risques 155. Ainsi, de nouvelles molécules dérivées de l’Epo ont été développées afin de conserver l’activité neurobiologique de l’EpoRH, tout en éliminant son activité hématopoïétique. Les deux principaux dérivés, la CEpo et l’asialoEpo, sont effectivement neuroprotecteurs dans des modèles d’atteintes du SNC chez l’animal, sans pour autant stimuler l’érythropoïèse (voir Chapitre VII.2. de l’état de l’art). Ces derniers résultats ont donc encouragé la communauté scientifique à rechercher l’identité du récepteur cible de l’Epo et de ses dérivées dans le SNC.

Sur la base des études en hématologie, il était considéré que les effets biologiques de l’Epo passaient par un récepteur homodimérique [EpoR]2 113. Toutefois, des expériences réalisées sur des cellules BA/F3 ont montré que la réponse biologique à l’Epo augmente lorsque le récepteur EpoR s’associe physiquement à la chaîne βc 115. Jusque dans les années 2000, il était admis, sans que cela n’ait jamais été prouvé, que le site de liaison de l’Epo dans le SNC était le récepteur EpoR, à l’identique de celui présent dans les progéniteurs érythroïdes, c'est-à-dire sous sa forme homodimérique [EpoR]2. Cependant, l’équipe de M. Brines a montré en 2004, que le maintien de la fonction motrice après lésion de la moelle épinière exercée par la CEpo chez des souris sauvages, est perdu chez des souris transgéniques n’exprimant pas le gène βc 23. Ainsi est naît l’idée que le récepteur de l’Epo responsable des effets neuroprotecteurs est composé d’un monomère d’EpoR et d’un homodimère de βc (EpoR/[βc]2) 22. Au regard de la littérature, il semble que cette théorie ait fait rapidement l’unanimité. Pourtant, aucune preuve n’a été fournie, ni sur la présence de la βc dans les neurones exprimant l’EpoR, ni sur les variations coordonnées de l’expression cérébrale de l’EpoR et de la βc. Or, ces deux informations apparaissent primordiales pour valider « la théorie de la βc » dans la composition du site de liaison de l’Epo au niveau du SNC.

Au sein de l’équipe, nous avons donc recherché à caractériser l’expression de la βc dans le cerveau de rat, et à comparer cette expression avec celle de l’EpoR. Chez le rat adulte,

seuls de rares neurones expriment la βc alors qu’un important contingent neuronal exprime l’EpoR 176 (papier n°1). Or, cette faible représentativité de la βc ne peut être attribuée à un manque de sensibilité de la détection immunohistochimique de la βc puisque, à la suite du SE, nous avons montré avec le même protocole, que les cellules microgliales expriment fortement la βc, bien au-delà du seuil de détection 176. Ainsi, ces observations indiquent que très peu de neurones sont susceptibles d’exprimer de manière concomitante l’EpoR et la βc. Même si nous ne pouvons exclure que l’Epo puisse protéger les neurones exprimant un ratio βc/ EpoR très faible, via un nombre restreint de récepteurs EpoR/[βc]2, nos résultats ne confortent pas l’hypothèse selon laquelle les effets neuroprotecteurs de l’Epo impliqueraient un tel récepteur. En effet, les interneurones du hile et les cellules pyramidales de CA1, qui expriment l’EpoR, mais pas la βc 176, sont protégés par l’EpoRH dans divers modèles de neurodégénérescence 40,176,207 (papier n°2).

Afin de poursuivre notre investigation sur l’implication éventuelle de la βc dans les effets neurobiologiques de l’Epo, nous avons utilisé une autre approche expérimentale. Celle-ci est fondée sur l’hypothèse selon laquelle des gènes impliqués dans les mêmes mécanismes cellulaires devraient présenter des profils d’expression semblables dans le SNC. Nous avons ainsi comparé les variations d’expression des gènes epo, epor et βc dans plusieurs structures cérébrales chez le rat, soit à différents âges au cours de la vie postnatale, soit en réponse à des stimuli environnementaux. Nos résultats montrent que les importantes variations d’expression de l’EpoR, toujours corrélées positivement à celles de l’Epo, ne concordent jamais avec celles de la βc au cours du développement postnatal et du vieillissement (papier n°1), en réponse à trois expositions hypoxiques (papier n°2 et données non illustrées) et après 5 semaines d’hébergement dans la cage de milieu enrichi Marlau™ (données non illustrées).

L’ensemble de nos résultats convergent donc vers une invalidation de la « théorie de la βc » dans la composition du site de liaison de l’Epo et de ses dérivés dans le SNC. En outre, ces données sont corroborées par une étude récente in vitro qui démontre que l’activation de l’EpoR sauve les cellules PC12 et SH-SY5Y d’un stress cytotoxique, alors que ces cellules n’expriment pas la βc 255. Il reste cependant fondamental de poursuivre les recherches sur l’identité exacte du site de liaison de l’Epo dans le SNC, afin de i) comprendre comment les dérivés de l’Epo exercent leurs effets neuroprotecteurs, sans stimuler l’hématopoïèse, et ii) de synthétiser d’autres dérivés de l’Epo présentant une plus grande affinité pour ces sites de liaison.