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CAS DE LA PLATE-FORME DE LLUCMAJOR (MAJORQUE,

2.1 Réservoir carbonaté

2.1.3 Hydrogéologie et diagénèse des carbonates

2.1.3.1 Intrusion saline dans les îles

Les premières formulations physiques de l'intrusion saline ont été faites par Badon-Ghyben (1888 - 1889) et Herzberg (1901), appelées par la suite la relation Ghyben-Herzberg (Figure 2-12).

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Elles dérivent de solutions analytiques décrivant les comportements d'intrusion, basées sur un certain nombre d‟hypothèses qui ne sont pas toujours applicables sur le terrain. La relation Ghyben-Herzberg suppose, dans des conditions hydrostatiques, que le poids unitaire de la colonne d'eau douce étendue du niveau de la nappe phréatique à l'interface eau salée est équilibré par une colonne unitaire d'eau salée qui s'étend du niveau de la mer à ce même point de l'interface.

Figure 2-12 : Schéma du système de Ghyben-Herzberg (1901).

Cette figure illustre l‟équation de Ghyben-Herzberg :

L'épaisseur de la zone d'eau douce au dessus du niveau de la mer est représentée par h et son épaisseur en dessous du niveau de la mer est symbolisée par z. Les deux épaisseurs h et z, sont liées par la densité de l'eau douce ρf et la densité de l'eau salée ρs. L'eau douce a une densité d'environ 1000 g/cm3 à 20°C, tandis que celle de l'eau de mer est d'environ 1025 g/cm3. L'équation peut être simplifiée par z = 40 h. Le ratio Ghyben-Herzberg évalue, pour chaque mètre d'eau douce dans un aquifère libre au dessus du niveau de la mer, quarante mètres d'eau douce dans l'aquifère sous le niveau de la mer.

Cet équilibre dynamique entre l‟eau douce et l‟eau salée peut varier sous des actions anthropiques telles que le pompage agricole dans notre cas. L‟eau salée provenant du fond marin, s‟infiltre dans la couche inférieure de la nappe aquifère jusqu‟à la zone de diffusion. Il est donc indispensable de pouvoir suivre au cours du temps un système soumis à une contamination (ou à un traitement de dépollution), ou un réservoir en cours d'exploitation, de façon à évaluer les fluctuations naturelles de celles issues des effets anthropiques. Etant donné la durée des processus étudiés, il est souhaitable de disposer d‟un site expérimental pérenne afin d‟effectuer des séries de mesures, tant en surface qu'à partir de puits. Des techniques permettant de caractériser l'évolution temporelle du sous-sol sont développées, en particulier des approches différentielles permettent de contourner les effets des hétérogénéités.

52 2.1.3.2 Influence des zones hydrologiques

Les zones hydrologiques sont le siège de synthèse des ciments mais aussi de dissolution. L‟action de l‟eau porte sur les minéraux des roches. Dans les zones de dépôt et de sédimentation, s‟associent des processus physiques et chimiques ; ces derniers sont des processus de précipitation de minéraux à partir d‟ions en solution. Les réactions de dissolution-précipitation n‟atteignent pas toujours l‟état d‟équilibre. La dissolution de la calcite introduit la base (CO3

2-) en solution et le pH de la solution risque d‟être modifié. Le pH de la solution influence la solubilité de la calcite. Le pH et solubilité de la calcite sont donc deux inconnues à prendre an compte.

La plupart des anciens calcaires est composée de calcite et de dolomite, soit les espèces minérales les plus stables. Les sédiments instables apparaissent sous l'influence de l'eau de mer ou d‟eau météorique. La dissolution des tests carbonatés est sélective et dépend de la résistance de leurs minéralogies, soit par ordre de croissance: aragonite, calcite Mg et calcite. Un autre facteur caractéristique de développement de porosité est la géochimie des fluides. En contexte de nappe phréatique, zone vadose ou zone de mélange des eaux, la dissolution de la roche est étendue en raison de mélange d‟eaux chimiquement distinctes.

Zone vadose

La zone vadose est la partie du réservoir non saturée en eau. Seuls les fluides percolants issus des précipitations ou autres sources traversent cette zone par effet de gravité. Par conséquent, c‟est un système triphasique « roche - air – eau de surface ». Des phénomènes de diagénèse spécifiques se produisent dans cette partie, connus pour être assez lents (Moore, 2001). Les eaux météoriques, fortement diluées, présentent un rapport Mg/Ca faible ainsi qu‟une faible salinité. Elles peuvent directement précipiter de la calcite. Le facteur principal contrôlant cette précipitation est la pression en CO2. La présence de CO2 augmente leur agressivité envers les constituants des roches carbonatées. Puis, la dissolution de ces espèces minérales augmente la saturation de l'eau en calcite (ou dolomite) au point où la calcite (ou la dolomite) finalement précipite (Matthews, 1984; Moore, 1989; Moore et Mackenzie, 1990). Si suffisamment de temps est alloué, le minéral d'origine métastable est stabilisé sous forme calcitique ou dolomitique. C'est durant cette phase de stabilisation minérale que la nature et la distribution des systèmes poreux sont fortement modifiées par la dissolution et la précipitation.

Lorsque l'eau météorique, sous-saturée à la plupart des espèces minérales carbonatées en présence, entre en contact avec les calcaires, l‟environnement devient oxydant. La stabilisation des phases carbonatées en subsurface se fait selon trois étapes de diagénèse progressives : (1) la précipitation de calcite faiblement-magnésienne (Mg) aux joints de grains et dans les pores ; (2) la dissolution partielle de l'aragonite, la perte partielle de calcite fortement-Mg et des précipitations des

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cristaux de calcite faiblement-Mg dans les espaces interstitiels ; et (3) le retrait du magnésium des cristaux de calcite fortement-Mg, et la stabilisation de l'aragonite en calcite.

Pour résumer, la zone vadose est caractérisée par une importante porosité de lessivage due aux processus de karstification ainsi qu‟une reprécipitation prépondérante Les formes de ciments intergranulaires et en ménisques marquent une exposition subaérienne de l‟environnement. La stabilisation minérale est accompagnée par la destruction de porosité primaire, la création de porosité secondaire et parfois sa destruction (Moore, 1989). De larges hétérogénéités telles que les chenaux karstiques et des mégapores (grandes macropores) sont issues de la porosité primaire élargie par les fluides.

Zone phréatique

En vue du volume conséquent en eau douce, la zone phréatique est l‟environnement le plus réactif aux modifications de la structure. Les phénomènes de dissolution et de cimentation sont très présents. La dissolution affecte l‟aragonite alors que la cimentation est calcitique. La porosité moldique et les ciments mis en place à la surface des pores sont communs à cette zone.

En environnement de nappe phréatique, la cimentation est importante et la dissolution des structures réduite par la croissance tardive de calcite ou de dépôt d‟argile rouge. La zone autour du niveau de nappe est la plus active chimiquement et diagénétiquement. Les anciens niveaux de nappe phréatique sont ainsi identifiables par la présence de cristaux grossiers de calcite dans les vides résiduels. Une fois la zone du toit de la nappe stabilisée minéralogiquement, des cavités de dissolution se développent juste dessous.

Zone de mélange

Le mélange d‟eau douce et d‟eau de mer est généralement sous-saturé à l‟égard de la calcite en place dans la roche, qui est elle-même saturée à l‟égard de la dolomite. Cette zone est très complexe et est sujet à une longue discussion sur son rôle en tant que zone de dolomitisation. En 1994, Tucker, Purser et Zenger ont statué ce rôle (Moore, 2001). La zone de mélange présente une importante porosité de dissolution qui peut être antérieure, contemporaine ou postérieure à la dolomitisation. Les deux eaux sont sous-saturées par rapport à la calcite et l‟aragonite ; elles ont un potentiel de dissolution. Mais les trois auteurs considèrent qu‟elles sont également prédisposées à dolomitiser la structure.

Zone d’eau salée

La remontée d‟eaux océaniques en surface s'accompagne d'un double processus de précipitation: une précipitation organique résultant du métabolisme des coraux et des algues et une précipitation inorganique due aux propriétés intrinsèques de ces eaux. L'eau de mer est riche en gaz carbonique

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dissous, sous-saturée en CaCO3 (forme aragonite), avec un pH de l'ordre de 7,8 ce qui facilite sa pénétration par dissolution des calcaires. Pendant son réchauffement et sa montée par convection, le produit de solubilité du carbonate de calcium diminue. Des précipitations carbonatées se produisent alors à l'intérieur de la matrice calcaire, cimentant et consolidant l'édifice. Ce modèle rend ainsi compte de la présence de grandes quantités de ciment dans la structure récifale et de son éventuelle dolomitisation. En effet, le passage de grandes quantités d'eau sous-saturée en CaCO3 mais toujours saturée en carbonate de magnésium ne peut que favoriser les échanges Ca/Mg qui transforment la matrice calcaire en calcite magnésienne (MgCO3) puis en dolomite. La dolomitisation peut considérablement modifier la structure de la roche. La dolomitisation subséquente a tendance à augmenter la perméabilité en connectant les larges pores type fenestral à travers la porosité intercristalline développée dans la matrice dolomitique.