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CAS DE LA PLATE-FORME DE LLUCMAJOR (MAJORQUE,

2.1 Réservoir carbonaté

2.1.3 Hydrogéologie et diagénèse des carbonates

2.1.3.3 Ciments spécifiques

La cimentation diffère selon la zone littorale considérée (Figure 2-13). Elle a été bien étudiée dans les milieux actuels.

Figure 2-13: Diagénèse des sédiments carbonatés dans les principaux milieux littoraux (d’après Beauchamp ; source : http://www.u-picardie.fr/beauchamp/cours-sed/sed-8.htm).

Dans la zone supratidale et le domaine continental, les pores du sédiment sont remplis alternativement d'eau douce, d'air dans la zone vadose ou saturés d'eau douce dans la zone phréatique profonde. En zone vadose, le carbonate précipite dans les vides d'abord sous forme de ciment gravitaire à la face inférieure des grains et de ciment en ménisque entre les grains. La précipitation se poursuit sous forme de calcite peu magnésienne en grands cristaux irréguliers (sparite drusique) qui se développent de façon syntaxiale (en continuité avec le réseau cristallin de l'élément entouré par le ciment). L'aragonite des débris d'organismes est dissoute; le magnésium des grains sous forme de calcite magnésienne est lessivé. En zone phréatique, le ciment est d'abord isopaque, en frange autour des grains; la sparite remplit ensuite les vides. Dans la zone intertidale, les sables de plage sont cimentés par des cristaux aciculaires d'aragonite et de calcite magnésienne; le ciment est isopaque dans la zone phréatique marine et en ménisque dans la zone vadose. Dans la zone subtidale, des cristaux aciculaires d'aragonite et des petits cristaux de calcite magnésienne remplissent les cavités laissées par les fragments calcaires d'organismes. Les grains sont rassemblés en agrégats, le fond marin peut être

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induré en surface (hardground ou surface indurée). En milieu plus profond, la calcite magnésienne microcristalline domine.

Calcification

Après stabilisation, les squelettes des bioéléments sont essentiellement formés de calcite. La calcite peut se présenter suivant plusieurs types d‟arrangements du CaCO3 ou microstructures (Figure 2-14). Les différentes phases de cimentation contribuent au colmatage des pores. Un séquençage diagénétique des cimentations, mais aussi des autres phases diagénétiques (dissolution, fracturation…) peuvent déterminées les eaux parentes de ces ciments par caractérisation géochimique (δ13C, δ18

O,

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Sr/86Sr). La reconstitution des paléo-circulations hydrologiques (marines, météoriques, mixtes…) doit prendre en compte l‟histoire stratigraphique et géodynamique de la plate-forme (enfouissement, phases tectoniques, émersion, érosion, karstification, paléosols, transgressions marines…).

Figure 2-14 : Aspects de la diagénèse carbonatée en lame mince (d’après Beauchamp; source : http://www.u-picardie.fr/beauchamp/cours-sed/sed-8.htm).

Dolomitisation

Malgré la sursaturation considérable, la dolomite ne précipite probablement pas à partir de l'eau de mer. La faible activité des ions carbonates (CO3

2-) ne peut contrecarrer l'effet de la barrière de déshydratation. Pour la même raison, l'eau de mer est incapable de réagir avec CaCO3 pour former de la dolomite. La solution dolomitisante doit avoir un rapport Mg/Ca élevé et une concentration élevée en CO3

2-. La réaction est: CaCO3+ Mg2+ + CO3

CaMg(CO3)2

Le Mg2+, ubiquiste en milieu marin ou littoral ne constitue pas un facteur limitant pour la dolomitisation. Cette dolomitisation ne dépend que de la concentration en ions CO3

2-. La dolomite est donc un minéral se formant dans un environnement littoral confiné ou dans des lacs côtiers périodiquement envahis par la mer. Une autre source de CO3

est la réduction bactérienne des sulfates: elle permet d'expliquer la présence de la dolomite dans des environnements où tout apport d'eau continentale est exclu.

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La transformation de la calcite en dolomite peut apparaître précocement, peu après le dépôt, ou dans les derniers stades de la diagénèse. La dolomite précipite actuellement dans les milieux supratidaux et évaporitiques. Les anciennes séries sont souvent dolomitisées par action des ions magnésium des eaux interstitielles.

Evolution des calcaires marins

En milieu marin, la précipitation et la mise en solution des carbonates sont compliquées par la présence de magnésium (Mg). Les eaux marines sont sursaturées vis à vis de la dolomite et de la magnésite, mais la barrière de déshydratation du Mg et l'existence de carbonates hydratés de Mg empêchent leur précipitation. Vu que l'aragonite ne peut incorporer de Mg dans son réseau, c'est pratiquement le seul carbonate à précipiter librement à partir des eaux marines lorsqu'il y a sursaturation en CaCO3. Le facteur principal contrôlant cette sursaturation semble être la température qui diminue la concentration du CO2 dissous.

Les calcites magnésiennes cimentent les pores des sédiments au même titre que l'aragonite mais la croissance de ces cristaux est beaucoup plus lente, de sorte que les calcites magnésiennes précipitent surtout dans les eaux assez profondes, là où les conditions restent constantes pendant de longues périodes. Au contraire, l'aragonite précipite en environnement chaud et peu profond. L'aragonite et la calcite-Mg sont des phases métastables.

Les phases métastables persistent tant que les pores du sédiment restent remplis d'eau de mer. Une cimentation sous-marine est possible par précipitation d'aragonite et de calcite-Mg. Cette cimentation est due principalement à la réduction bactérienne des sulfates. En l'absence de lithification, les carbonates peuvent rester friables durant des millions d'années. Pour que l'aragonite et la calcite-Mg se transforment en calcite, il faut que le Mg soit chassé des pores par la circulation d'eaux douces dans notre cas d‟étude et/ou l'incorporation dans des phyllosilicates. La diagenèse tardive se traduit par une dissolution des phases métastables et une précipitation de calcite. Les sédiments dépourvus de phase métastable restent friables même après passage dans un environnement d'eau douce.

Sanz et al. (2011) ont étudié la dissolution des carbonates par des modèles géochimiques et des expériences en laboratoire. L‟étude reproduit le processus de dissolution de calcite par des mélanges d‟eaux de salinité et de pression différentes. Les calculs montrent que la saturation n'est pas toujours un bon indicateur du potentiel de dissolution réelle du mélange. Dans un système fermé, la sous-saturation maximale se produit à partir de ratios de mélange d'environ 15% d‟eau salée, et la dissolution de la calcite est maximale pour un ratio de 50%.

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Guichet (2002) étudie les interactions fluide-minéral et interprète les mesures de potentiel spontané (PS) lors de précipitation de minéraux secondaires. L‟index de saturation varie selon le pH et régit les phénomènes de dissolution-précipitation. Si le pH < 8,6 et le PS < 0, la dissolution opère alors que si le pH > 8,6 et le PS > 0, une précipitation est observée. Les graphes suivants illustrent ces phénomènes avec leurs domaines d‟applicabilité. Ces interactions affectent également la perméabilité : par exemple, si le pH > 8,6, la perméabilité diminue.

Figure 2-15: Représentations graphiques de l’influence du pH sur la concentration de la calcite et la perméabilité (Guichet, 2002).

Conclusions préliminaires

Cette première partie a permis de rappeler les bases de la géologie et de la structure des carbonates ainsi que de poser le formalisme sur lequel s‟appuie la suite de l‟étude. L‟importance de l‟hétérogénéité des formations carbonatées ainsi que leur sensibilité aux modifications du milieu ont été soulignées. La porosité a été définie de manière détaillée ; cette propriété réservoir présente de nombreuses hétérogénéités. Elle est intimement liée à l‟environnement de dépôt ainsi qu‟aux processus diagénétiques qui accompagnent l‟évolution de la structure. La dolomitisation est toujours un processus en cours d‟étude. La dissolution apparaît fortement dominante en contexte de réservoir carbonaté émergé.

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