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CHAPITRE II : Les différents types d’accidents siliceux

II. 1 – Introduction

L’expression « accidents siliceux » est utilisée pour désigner tout nodule, rognon, amas, ou concrétion de forme variée et de nature siliceuse formé au sein d’un encaissant carbonaté. Il en existe plusieurs types, dont les définitions se recoupent partiellement. Il s’agit notamment des silex, chailles, jaspes, et meulières. En effet, les définitions usuellement appliquées à ces termes se basent systématiquement sur une multitude de critères, non hiérarchisés. Il en résulte parfois d’importantes difficultés d’identification lorsque les caractères présentés par un type donné d’accident siliceux se combinent de façon atypique.

En ce qui concerne mes échantillons, le problème concerne surtout les définitions de chaille et de silex auxquelles je me limiterai ici. Si les nodules provenant de Laignes et d’Étrochey sont sans ambiguïté des chailles, la question est plus complexe en ce qui concerne les accidents siliceux d’Arc-en-Barrois. En effet, ces nodules gris clairs sont totalement silicifiés (ils ne réagissent pas à l’acide chlorhydrique), leur silicification semble plus poussée au cœur qu’à la périphérie, leur translucidité est très difficilement décelable à l’œil nu, même si elle n’est pas inexistante, ils ont un éclat mat, jamais gras ou vitreux, et enfin présentent un cortex et parfois une patine. Par ailleurs, ils ont majoritairement été désignés jusqu’ici plutôt comme des silex par les géologues et certains archéologues (Guenin 1931, Bruet 1932, Maubeuge 1984) et plutôt comme des chailles par les archéologues plus tardifs (Amiot et Étienne 1977, Amiot 1992, 1996).

Ainsi, selon le dictionnaire de géologie de Foucault et al. (2014), les silex sont une « roche siliceuse constituant des accidents dans des couches calcaires, formées de silice (calcédoine, quartz, un peu d’opale) d’origine biochimique, précipitant dès le début de la diagenèse dans le sédiment encore meuble. Les silex sont parfois en lits continus, mais plus souvent en rognons disséminés ou groupes en niveaux parallèles à la stratification. Le silex est une roche dure, à grains très fin (calcédoine et quartz cryptocristallins, sans grains détritiques), jaune clair, brune à noire, à cassure lisse et conchoïdale, à éclat luisant ; les éclats de silex sont à bords aigus et translucides. La limite avec le calcaire (ou la craie) est bien tranchée, et les rognons s’en séparent souvent aisément ; ils peuvent avoir une patine blanchâtre (diffusion de la lumière dans le cortex microporeux de

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calcédoine). Au microscope, on peut observer des restes de spicules siliceux d’éponges. Dans quelques cas, les silex sont zonés (enveloppes concentriques claires et sombres, ces dernières contenant plus d’opale) ; dans d’autres, ils conservent en leur cœur un témoin du calcaire (ou de la craie) ».

Les nodules d’Arc-en-Barrois ne sont donc pas des silex selon cette définition car ils n’ont pas d’éclat luisant et sont presque totalement opaques.

Par ailleurs, selon le même dictionnaire de géologie (Foucault et al. 2014) les chailles sont des « accident siliceux dans des calcaires marins […], en masses ovoïdes de 1 à 30 cm, de teinte brune, se différenciant des silex par leur cassure mate non translucide et l’absence de patine par manque de limite tranchée avec le calcaire. En général, les chailles (opale, calcédoine, quartz) contiennent des spicules d’éponges, des quartz détritiques, et des témoins résiduels du calcaire, surtout en leur cœur (aspect de silicification périphérique et centripète). Par décalcification, à l’air libre, elles prennent un aspect poreux ou caverneux ».

Les nodules d’Arc-en-Barrois ne sont donc pas non plus des chailles selon cette dernière définition car ils sont gris clair et non bruns, possèdent un cortex, parfois une patine, et présentent une limite tranchée avec le calcaire.

Mises dans des tableaux comparatifs, les définitions du dictionnaire de géologie et de quelques autres ouvrages de référence, permettent de constater le manque de cohérence globale de ces définitions. En effet, en comparant les deux tableaux, on constate notamment que les critères qui séparent chailles et silex sont loin d’être clairs, et qu’ils varient suivant la définition choisie. Ainsi, pour la définition des silex, on obtient le tableau suivant (tableau II.1) :

CHAPITRE II : Les différents types d’accidents siliceux 41 Roches siliceuses (Cayeux 1929) Précis de géologie (Aubouin et al. 1975) Dictionnaire de la Préhistoire (Leroi-Gourhan et al. 1988) Dictionnaire de géologie (Foucault et al. 2014) Âge géologique Crétacé

principalement

Plus commun au

Crétacé n.p. n.p.

Contexte

sédimentaire Carbonates marins Carbonates marins Carbonates Carbonates Limite avec la

roche encaissante Parfaitement nette n.p. n.p. Bien tranchée

Silicification n.p. n.p. n.p. n.p. Orientation de la silicification n.p. Centrifuge n.p. n.p. Composition minéralogique Calcédonite, opale,

quartz Calcédoine, opale

Calcédonite fibreuse, opale Calcédoine, quartz, opale Obligatoirement synsédimentaire

Oui, au moins pour

certains n.p. n.p. Oui

Grain, texture Fine,

cryptocristalline n.p.

Microgrenue, cryptocristaline

Très fin, sans grains détritique Cortex [Confusion avec la

patine] n.p. n.p. n.p.

Patine Oui oui n.p. oui

Forme Rognons, nodules,

n.p. Rognons, plaques

Lits continus ou rognons Couleur Gamme étendue Noire au centre Très variée, colorée Jaune clair, brune à

noire

Translucidité Oui n.p. n.p. Oui

Cassure Conchoïdale n.p. Conchoïdale Conchoïdale

Éclat Vitreux, luisant,

gras, … n.p. n.p. Luisant

Tableau II.1 – Comparaison des définitions du terme « silex » d’après quatre ouvrages de

référence.

CHAPITRE II : Les différents types d’accidents siliceux 42 Roches siliceuses (Cayeux, 1929) Précis de géologie (Aubouin et al. 1975) Dictionnaire de la Préhistoire (Leroi-Gourhan et al. 1988) Dictionnaire de géologie (Foucault et al. 2014)

Âge géologique Connus dans le Jurassique supérieur Callovien ou Oxfordien n.p. Souvent Jurassique supérieur Contexte

sédimentaire Carbonates marins Carbonates marins Carbonates Carbonates marins Limite avec la

roche encaissante

Mal délimitée (pour

partie) n.p. n.p. Mal délimitée

Silicification Partielle Partielle Partielle n.p.

Orientation de la silicification

Centripète (pour

partie) Centripète n.p. Centripète

Composition minéralogique Calcédonite, quartzine, quartz n.p. n.p. Opale, calcédoine, quartz Obligatoirement synsédimentaire n.p. n.p. n.p. n.p.

Grain, texture Fine, quartz clastique

Abondant grains de

quartz Finement grenue Quartz détritiques

Cortex [Confusion avec la

patine] Absent n.p. n.p.

Patine Absence absolue n.p. n.p. Absente

Forme Nodule, rognon n.p. n.p. Masse ovoïde

Couleur n.p. n.p. Claire Brune

Translucidité Non n.p. n.p. Non

Cassure n.p. n.p. Conchoïdale n.p.

Éclat Mat, jamais vitreux n.p. Mat Mat

Tableau II.2 – Comparaison des définitions du terme « chaille » d’après quatre ouvrages de

référence.

Pour pouvoir trancher entre silex et chaille pour les accidents siliceux d’Arc-en-Barrois, il est donc nécessaire de redéfinir ces deux termes, de façon à ce qu’ils soient mutuellement exclusifs, et ne présentent plus d’ambiguïtés. Ces définitions devront veiller à préserver autant que possible le consensus informel existant sur la nature de ces deux types d’accidents siliceux. Cependant, avant de les modifier, il est important de passer en revue les principales caractéristiques des accidents siliceux, afin de poser clairement les différentes notions nécessaires.

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