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I. INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

I.3 Généralités sur l’immunisation génique

I.3.1 Introduction à l’immunisation génique

I.3.1.1 Historique

Depuis les premières études au début des années 50 (Stasney et al., 1950), une période d’environ 40 ans s’est écoulée avant que Will et al. (Will et al., 1982), Dubensky et al. (Dubensky et al., 1984) et Wolff et al. (Wolff et al., 1990) démontrent que l’administration d’ADN recombinant à un animal entraîne l’expression in vivo de la protéine codée par ce plasmide. Peu de temps après, Tang et al. (Tang et al., 1992) montrent que l’expression d’une protéine du non soi codée par un plasmide déclenche une réponse immunitaire humorale spécifique de cet antigène. Au même moment, Ulmer et al. (Ulmer et al., 1993), Fynan et al. (Fynan et al., 1993) et Wang et al. (Wang et al., 1994) établissent qu’une vaccination ADN peut induire une réponse immunitaire spécifique et protectrice chez des souris.

Depuis, plus de 1000 articles ont montré la capacité de la vaccination ADN à induire une forte réponse immunitaire contre de nombreux pathogènes tels que agents infectieux de la malaria (Hoffman et al., 1997 ; Kalinna, 1997 ; Wang et al., 1998), tuberculosis (Strugnell et al., 1997 ; Kaufmann, 1995 ; Lowrie et al., 1997), le virus de l’hépatite B (Davis et al., 1994 ; Tacket et al., 1999), le virus ébola (Xu et al., 1998) et le VIH (Boyer et al., 1999 ; Wang et al., 1993 ; Boyer et al., 1997). Toutefois, si les vaccins ADN sont bien tolérés par les patients lors de premiers essais cliniques, leur immunogénicité semble insuffisante et des améliorations doivent être envisagées. Ainsi, différents outils pour améliorer le transfert de gène et l’expression du transgène in vivo ont été développés ces dernières années (voir le paragraphe p65).

I.3.1.2 Mécanisme d’induction de la réponse immunitaire

L’immunisation génique consiste à injecter directement dans le muscle squelettique ou la peau, les gènes codant des protéines. L’organisme hôte produit lui-même l’antigène qui va induire une réaction immunitaire cellulaire et humorale. Le mécanisme exact aboutissant à la stimulation de système immunitaire après transfert de gène dans le tissu cible n’est pas entièrement élucidé

Lorsqu’un ADN plasmidique codant pour un antigène est injecté par voie intra-musculaire ou par voie intra-dermique, les myocytes ou kératinocytes peuvent être directement transfectés et les fragments d’antigène présentés par des molécules du CMH de classe I (Figure 23A). Toutefois, ces cellules ne peuvent pas directement stimuler les lymphocytes T CD8+ (cytotoxiques) naïfs mais elles peuvent être reconnues par les lymphocytes T CD8+ activées par la voie des cellules présentatrices de l’antigène (CPA). Il est donc nécessaire que des cellules dendritiques ou macrophages aient été initialement activées et initient la réponse immune en présentant l’antigène sur leurs molécules de CMH de classe I et II.

Deux hypothèses sont proposées pour expliquer la présentation de l’antigène par les CPA :

-Transfection directe des CPA. Plusieurs études indépendantes suggèrent que des cellules dendritiques ou macrophages présents au site d’injection sont directement transfectées par le plasmide. Ainsi Weeratna et al. ont comparé l’injection intramusculaire d’un plasmide codant pour un antigène de surface de l’hépatite B sous contrôle d’un promoteur spécifique du muscle (promoteur de la créatine kinase) ou sous contrôle d’un promoteur non spécifique CMV. Une réponse immunitaire n’a pu être mise en évidence qu’avec le promoteur CMV suggérant fortement qu’en absence de transfection directe des CPA, la réponse immune ne peut pas être initiée (Weeratna et al., 2001).De plus, l’ADN plasmidique a été isolé à partir de cellules dendritiques provenant de ganglion lymphatiques locaux et de la peau après des injection intra-musculaire ou intra-dermique (Casares et al., 1997). Torres et al. ont également montré qu’une réponse immune pouvait être maintenue même si le site d‘injection était prélevé 10 minutes après l’administration de l’ADN plasmidique, suggérant que des cellules

distantes de ce site d’injection devaient avoir été transfectées (Torres et al., 1997). Ces observations supportent l’hypothèse que des CPA résidentes au site d’injection sont directement transfectées, présentent l’antigène sur leurs molécules de CMH de classe I et II puis migrent au niveau des organes lymphoïdes secondaires où ils activent les lymphocytes T CD8+ et CD4+ naïfs respectivement (Figure 23B) (Condon et al., 1996 ; Chattergoon et al., 1998 ; Timares et al., 1998). De plus, la transfection directe de ces CPA par le plasmide permet la stimulation du récepteur TLR9 (Toll like receptor) présent à la surface de l’endosome des cellules de l’immunité par les motifs CpG plasmidiques ou séquences immunostimulatrices (séquences basées sur un motif 5’ Purine-Purine-CpG-Pyrimidine-Pyrimidine 3’ dont la cytosine n’est pas méthylée, plus fréquentes chez les procaryotes que chez les eucaryotes) (Sato et al., 1996 ; Colot and Rossignol, 1999 ;Yasuda et al., 2006 ; Krieg, 2006). Cette voie de transduction aboutit au déclenchement d’une réponse innée de type inflammatoire permettant l’attraction de nouvelles CPA par chimiotactisme.

-Présentation croisée. Des études ont également montré que les cellules du site d’injection telles que les myocytes ou les kératinocytes sont directement impliquées dans la stimulation de la réponse immunitaire (Dupuis et al., 2000). Ces cellules seraient capables de libérer l’antigène ou des fragments peptidiques qu’elles expriment, qui seraient ensuite phagocytés par des CPA permettant leur présentation : on parle de « cross-priming » (Figure 23C). Notamment on peut supposer que les signaux de « danger » causés par l’injection et la présence d’ADN d’origine bactérienne entraînent un environnement inflammatoire induisant 1) l’attraction de CPA au niveau du site d’injection, 2) la maturation des cellules dendritiques et 3) l’apoptose de certaines cellules transfectées générant des débris cellulaires et la libération de l’antigène (ou de fragments d’antigène) endocytés par les CPA qui vont ensuite être capables de le présenter à leur tour sur des molécules CMH de classe I (Ulmer et al., 1997 ; Ulmer et al., 1996 ; Rovere et al., 1998 ; Heath et al., 2004). Par ailleurs, si l’antigène présente un signal de sécrétion, il peut être directement phagocyté par les CPA permettant sa présentation sur les molécules de CMH de classe II induisant une réponse immunitaire de type humoral (Boyle et al., 1997).

Figure 23 : Mécanismes hypothétiques de la présentation de l’antigène après une immunisation génique

(d’après Liu et al., 2003)

I.3.1.3 Avantages et inconvénients de l’immunisation génique

L’immunisation génique présente de nombreux avantages par rapport à des protocoles d’immunisation plus classiques. Ainsi contrairement à des immunisations peptidique ou protéique, la synthèse in vivo de la protéine codée par le plasmide devrait parmettre l’expression de l’antigène dans sa conformation native, correctement glycosylé et ayant subi des modifications post-traductionnelles similaires à celles subies par l’agent infectieux naturel dans le cadre de pathogènes eucaryotes. Cette caractéristique favorise la production d’anticorps neutralisants efficaces. De plus, l’immunisation génique peut induire à la fois une réponse immunitaire de type humoral et cellulaire. Par ailleurs, la simplicité de la préparation du plasmide par rapport aux vaccins protéiques est remarquable. Ainsi toute molécule pouvant être fabriquée par recombinaison peut être utilisée pour la vaccination à ADN. Le coût de production est donc inférieur à celui des vaccins protéiques. De plus, les vaccins à ADN n’ont pas besoin de chaîne du froid pour conserver leur efficacité. Cette perspective devrait permettre d’envisager un essor de ce type de vaccination dans les pays où, d’une part, la

ADN plasmidique Cellule cible LT CD8+ ?? A- ADN plasmidique LT CD4+ou CD8+ Molécule co-stimulatrice B-ADN plasmidique Cellule cible “cross priming” LT CD4+ ou CD8+ Molécule co-stimulatrice

C-température pourrait dégrader la qualité des vaccins protéiques et, d’autre part, les ressources financières ne permettent pas l’installation et la maintenance de chaînes du froid.

Toutefois, il existe des risques associés à l’inoculation de vecteurs plasmidiques. Le premier est qu’ils peuvent entraîner la stimulation de lymphocytes B auto-réactifs et ainsi engendrer la sécrétion d’auto-anticorps anti-ADN (Katsumi et al., 1994). Cependant, la quantité et la durée de production de tels anticorps n’apparaît pas suffisante pour déclencher une maladie auto-immune chez un animal sain ou même d’accélerer une maladie auto-immune chez un animal susceptible (annexe 1 : Considerations for Plasmid DNA Vaccines for Infectious Disease Indications, FDA, 2005). L’hypothèse de l’intégration du vecteur plasmidique dans l’ADN de la cellule transfectée est inquiétante (Nichols et al., 1995). Une telle intégration pourrait notamment mener à la transformation cancéreuse de la cellule transfectée au cas où elle se ferait dans ou à proximité d’une séquence de suppresseurs de tumeur ou d’oncogènes (annexe 1 : Considerations for Plasmid DNA Vaccines for Infectious

Disease Indications, FDA, 2005). Cependant de nombreux travaux ont estimé que ce risque

d’intégration était mille fois moins important que le taux de mutations spontanées du génome (Nichols et al., 1995 ; Ledwith et al., 2000). Par précaution, les vecteurs utilisés lors d’immunisations géniques ne doivent pas présenter de séquences homologues avec le génome humain pour éviter toutes recombinaisons.