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Au cours de ce travail nous nous sommes intéressés à la mesure de pluie par radar météorologique qui a connu et qui connaît actuellement de nombreuses évolutions et dont l’usage se développe tant dans le monde de la recherche qu’en milieu opérationnel (dans les services de prévision de crues par exemple). Une des principales caractéristiques des images radar est leur résolution spatiale fine. La mise à disposition d’entrées de pluie spatialement détaillées relance la question de savoir s’il est pertinent de prendre en compte ou non la distribution spatiale des précipitations en modélisation pluie-débit. Ce sujet a été abordé par de nombreuses études depuis Dawdy et Bergman (1969) et a récemment fait l’objet de deux synthèses bibliographiques (Segond, 2006 ; Bourqui, 2008).

La synthèse bibliographique de Segond (2006), qui est résumée dans son article (Segond et al., 2007), distingue trois types de bassins versants : les bassins versants urbains, les bassins versants localisés en région semi-aride et soumis à des précipitations convectives et les bassins naturels localisés sous un climat tempéré. Concernant les bassins versants urbains, elle note que leur réponse hydrologique est sensible à la variabilité spatio-temporelle des champs pluvieux et que leur modélisation pluie-débit nécessite des entrées de pluie de résolution spatio-temporelle fine. Elle cite notamment les travaux de Berne et al. (2004) qui suggèrent une résolution temporelle de 3 – 6 min et une résolution spatiale de 2 – 4 km pour des bassins versants urbains de 1 – 10 km². Elle s’intéresse ensuite aux bassins versants localisés en région semi-aride qui sont caractérisés par une réponse hydrologique hortonienne et qui sont soumis à des systèmes orageux convectifs. Ces bassins présentent ainsi une réponse hydrologique rapide associée à des champs pluvieux fortement variables spatialement. Les études citées montrent que la variabilité spatiale est à prendre en compte quelles que soient les superficies des bassins versants (de moins de 100 km² à plus de 2000 km²). Faurès et al. (1995) concluent, par exemple, que quatre pluviomètres sont nécessaires pour modéliser correctement un bassin de 4.4 ha. Ogden et Julien (1994) recommandent, quant à eux, une résolution spatiale inférieure à 0.4 fois la racine carrée de la superficie du bassin versant. Pour les bassins versants naturels, situés en région tempérée, l’influence de la variabilité spatiale de la pluie apparaît moins nette. La réponse du bassin versant à un forçage pluvieux, qui s’exprime par un hydrogramme, est alors un compromis entre l’impact de la variabilité spatiale de la pluie et l’effet d’intégration spatio-temporelle du bassin versant. Une connaissance détaillée de la variabilité spatiale apparaît importante lors de précipitations convectives. Cependant, une connaissance détaillée de la variabilité spatiale de la pluie n’est pas nécessaire pour modéliser la réponse du bassin versant lorsque la pluie n’est pas suffisamment variable pour contrebalancer l’effet intégrateur du bassin versant. Le facteur le

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plus important, pour reproduire correctement les hydrogrammes, est alors le volume de pluie (Obled et al., 1994). Par ailleurs, lorsque le processus de ruissellement est de type surfaces contributives, l’influence de la variabilité spatiale de la pluie apparaît moindre que pour un ruissellement de type hortonien. De même, la géologie et les conditions antécédentes d’humidité du sol apparaissent importantes puisqu’elles peuvent réduire l’impact de la variabilité spatiale de la pluie. Shah et al. (1996) observent ainsi que, lors de conditions antécédentes sèches, une connaissance moyennée des champs pluvieux engendre des erreurs d’estimation des débits supérieures à celles observées lorsque les conditions antécédentes sont humides. De plus, la variabilité spatiale de la pluie apparaît d’autant plus importante à considérer que le bassin versant est petit. Finalement, Segond (2006) met en avant le fait que l’influence de la variabilité spatiale est très dépendante du modèle hydrologique utilisé. Elle cite notamment Obled et al. (1994) qui notent que la sensibilité d’un modèle hydrologique à la variabilité spatiale de la pluie n’est pas nécessairement la même que celle du bassin versant étudié. Par ailleurs, Bourqui (2008) fait remarquer que l’influence de la variabilité spatiale des précipitations est sensible à la résolution temporelle et explique que plus l’échelle d’observation des précipitations et des débits est fine, plus les effets de la variabilité spatiale des précipitations seront importants par rapport à l’effet intégrateur du bassin. De même que Segond (2006), Bourqui (2008) constate qu’aucun consensus n’est encore établi sur la nécessité de prendre en compte la variabilité spatiale des précipitations dans les modèles pluie-débit.

Des études récentes ont confirmé que les bassins versants urbains étaient sensibles à la variabilité spatiale de la pluie (Segond et al., 2007 ; Gires et al., 2011) mais que, en fonction de leurs caractéristiques (superficie, forme), les données de résolution spatiale fine n’apportaient pas forcément de plus-value par rapport aux réseaux pluviométriques existants (Emmanuel et al., 2010). Zoccatelli et al. (2010) montrent également qu’une connaissance détaillée de la variabilité spatiale des précipitations est nécessaire lors d’événements orageux très variables. Bourqui (2008) observe, d’après l’étude de 200 bassins versants français de caractéristiques très variées, que la variabilité des pluies présente une influence faible sur les performances des modèles et qu’au sein des 200 bassins versants étudiés il est aisé de trouver des bassins versants pour lesquels on peut tirer des conclusions opposées sur l’intérêt de la variabilité spatiale des pluies.

Ces différentes études témoignent de la diversité des résultats obtenus quant à l’évaluation de l’influence de la variabilité spatiale des précipitations en modélisation pluie-débit. Ces études montrent également la difficulté de cette évaluation du fait, notamment, que les erreurs de mesure de pluie et de débits ainsi que les erreurs issues des modèles hydrologiques ne peuvent être distinguées de l’influence même de la variabilité de la pluie. Ainsi, l’évaluation de l’apport de la variabilité spatiale reste un sujet important en modélisation pluie-débit.

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Face à ce constat, ce travail a pour but d’évaluer dans quel contexte une connaissance détaillée des champs pluvieux est pertinente pour la modélisation des débits à l’exutoire de bassins versants dont la réponse hydrologique dépend fortement de l’impulsion pluvieuse (de superficie allant de quelques dizaines à quelques centaines de km²), et ceci en procédant par simulation.

La simulation permet d’explorer un nombre important de situations et permet ainsi d’accéder à un point de vue le plus général possible. Procéder par simulation offre également l’avantage de pouvoir mettre de côté les erreurs de mesure et de modélisation, tout en contrôlant au mieux la variabilité de la pluie ainsi que les caractéristiques (forme, superficie) et le fonctionnement hydrologique des bassins versants. Dans ce contexte, nous avons développé une chaîne de simulation composée d’un simulateur de pluie, basé sur la technique des bandes tournantes, d’un simulateur de bassins versants utilisant la méthode DLA (Diffusion – Limited Aggregation) et d’un modèle pluie – débit distribué, lui-même basé sur un couplage entre une fonction de production et un transfert utilisant le modèle d’Hayami. Les résultats obtenus en utilisant cette chaîne de simulation dépendent des hypothèses effectuées lors des simulations, c’est-à-dire qu’ils dépendent à la fois du réalisme des champs pluvieux et des bassins versants simulés ainsi que du modèle pluie-débit utilisé.

Ainsi, tout au long de ce travail, nous nous sommes astreints à une démarche de vérification afin d’évaluer la confiance que l’on pouvait accorder non seulement aux données mais aussi aux outils mis en place. Dans cette optique nous avons, dans un premier temps, évalué les images radar opérationnelles françaises en les comparant à des mesures pluviométriques et, ceci, à des pas de temps fins (5 à 60 min). Nous avons ensuite analysé, à l’aide d’images radar et en utilisant des méthodes géostatistiques, la variabilité spatio-temporelle des précipitations à des échelles spatio-temporelles fines. Cette analyse a servi de base à la simulation des champs pluvieux. Elle nous a également permis de vérifier que les champs pluvieux simulés avaient bien les caractéristiques souhaitées. Nous avons également vérifié que les bassins versants simulés avaient des caractéristiques réalistes. Finalement, une étude de cas nous a permis de revenir à l’étude de l’influence de la variabilité de la pluie sur un vrai bassin versant en utilisant de vrais champs pluvieux mesurés par radar météorologique.

Ce mémoire est organisé en trois parties.

La première partie comprend deux chapitres. Le premier chapitre présente le principe de mesure de pluie par radar météorologique puis expose l’étude que nous avons menée afin d’évaluer la confiance que l’on peut accorder aux images d’intensité pluvieuse obtenues à partir de données radar. Ce travail a fait l’objet d’un article dans Atmospheric Research (Emmanuel et al., 2011a). Le deuxième chapitre est consacré à l’analyse de la variabilité

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spatiale et temporelle des champs pluvieux à partir de chroniques d’images radar de résolution spatio-temporelle fine. Cette analyse a été publiée dans la Houille Blanche (Emmanuel et al., 2011b) et a été acceptée dans le Journal of Hydrology (Emmanuel et al., 2012).

La deuxième partie comprend également deux chapitres qui présentent respectivement la chaîne de simulation et sa mise en œuvre. Serons présentés dans le quatrième chapitre, les différents tests ayant servi à évaluer pour quelles caractéristiques de bassins versants et pour quels types de pluie une connaissance détaillée de la variabilité spatiale des champs pluvieux apporte une réelle plus-value pour l’estimation des débits à l’exutoire des bassins versants. La troisième partie présente une étude de cas qui nous a permis d’évaluer l’influence de la variabilité spatiale de vrais champs pluvieux, mesurés par radar météorologique, sur la modélisation des débits à l’exutoire d’un vrai bassin versant périurbain de 30 km². Cette étude a permis de réintégrer les indéterminations propres à la réalité en se confrontant, notamment, aux erreurs de la mesure de pluie par radar météorologique, aux erreurs de mesure de débits et à celles issues du modèle pluie-débit choisi.

Une conclusion générale permet de revenir sur les principaux résultats obtenus et propose des perspectives à ce travail.