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Durant les 20 dernières années, les énols d'esters ont pris une grande importance dans la synthèse organique. Ils permettent, entre autres, l'introduction stéréosélective de liaisons carbone-carbone via des réactions de couplage aldolique [142;143] ou des réarrangements de type Claisen [54;144]. Un point important est que la configuration relative des produits de couplage découle directement de la configuration de l'énol initialement formé. Ainsi, le développement de méthodes de synthèses sélectives combinées avec des investigations mécanistiques pour l'obtention stéréosélective des cétènes acétals a été fait pour tenter de répondre à cette nécessité synthétique.

Une des premières investigations pour tenter d'expliquer la sélectivité observée lors de la formation des cétènes acétals fut faite par Ireland [56]. Il a effectué une étude systématique des conditions d'énolisation afin de mieux comprendre les différents facteurs influant la sélectivité. Il a, dans un premier temps, modifié la nature du système de solvants lors de la déprotonation du propionate d'éthyle 113 avec la base LDA, puis dans un second temps, il a modifié les rapports base/ester (Tableau 2).

O O OTBDMS O OTBDMS O 1, LDA, solvant THF/cosolvant

2, TBDMSCl

(Z) (E)

+

113 114a 114b

système de solvants ester: base rapport Z: E rendements

THF 1:1 6:94 90 THF/HMPA 1:1 85:15 90 THF/DMPU 1:1 93:7 90 THF 1.4:1 50:50 5 THF 0.6:1 6:94 90 THF/DMPU 1.2:1 >98:2 70 THF/DMPU 0.8:1 68:32 85 THF/HMPA 1.2:1 93:7 65 THF/HMPA 0.8:1 64:36 35

Partie théorique : synthèses des cétènes acétals

Lorsque l'on étudie ces résultats, plusieurs conclusions peuvent être faites :

- On constate que dans le THF seul, l'excès de base n'a aucune influence ni sur la sélectivité ni sur le rendement, alors qu'un excès d'ester influe grandement ces deux paramètres.

- Le rapport de la sélectivité (Z/E) est fortement influencé par l'ajout de cosolvant polaire aprotique. En effet une sélectivité de (Z/E) de 4/96 dans le THF peut être totalement renversée dans le système THF/DMPU 45 % à 93/7.

- Dans les systèmes avec cosolvant, un excès d'ester a une faible influence sur la sélectivité et sur le rendement. Par contre, un excès de base affecte la sélectivité et diminue le rendement. Cet effet est plus marqué dans le système THF/HMPA.

En 1976, Ireland a proposé un état de transition cyclique pour expliquer la sélectivité [54;56]. Pour simplifier l'analyse aucun complexant (THF, HMPA, DMPU) du lithium est inclus dans la description de l'état de transition.(Schéma 60).

H O OR1 R H H O OR1 H R OTBDMS R OR1 OTBDMS R OR1 OLi R OR1 OLi R OR1 Li N Li N

(E) silyl cétène acétal

(Z) silyl cétène acétal Etat de transion I Etat de transition II (E) énolate* (Z) énolate* TBDMSCl TBDMSCl

*Par souci de clarté et d'homogénéité, nous considérons la configuration de l'énolate et du silyl cétène acétal comme étant identique bien que cela aille à l'encontre des règles de CIP [145], dictant une priorité différente pour le groupe OSi et O- envers le groupe ester OR

1.

Schéma 60 : états de transition proposés par Ireland pour la formation des énols d'esters

[54]

Ireland a proposé que le cation lithium serait complexé avec l'oxygène, du carbonyle, et

l'azote de la base LDA. Il en résulterait un état de transition cyclique à six chaînons. Dans les deux états de transition proposés soit une interaction gauche entre le substituant R et le groupe ester OR1 dans l'état de transition I soit une interaction 1,3 diaxiale entre R et les substituants

alkyles de l'amine pour II est présent.

Ainsi, dans le cas où aucun cosolvant ne serait présent, le lithium serait fortement complexé avec l'oxygène du carbonyle et avec l'atome d'azote. L'énolisation dans le THF se ferait via

Partie théorique : synthèses des cétènes acétals

l'état de transition cyclique I qui permet une très forte interaction du lithium avec l'oxygène du carbonyle et l'azote, et aboutit à la formation du cétène acétal (E). A l'opposé, l'état de transition II qui présente une forte gêne stérique entre R et les substituants alkyles de la base semble défavorable.

Ireland propose qu'en présence de cosolvant (HMPA, DMPU), le lithium ait un plus grand

degré de solvatation, ce qui entraînerait une plus faible interaction de ce cation avec l'oxygène du carbonyle mais également une moins bonne association du lithium avec la base. Ainsi la base et l'ester seraient moins associés. A ce niveau il y a deux possibilités d’expliquer le changement de diastéréosélectivité de la déprotonation. Soit nous passons par un état de transition plus étendu, voire non cyclique, diminuant fortement l'interaction entre R et les substituants de la base tandis que l'interaction gauche entre R et la partie OR1 ester

subsisterait, favorisant ainsi l'état de transition II et la formation du cétène acétal (Z), soit la déprotonation est un processus sous contrôle thermodynamique.

Une élégante étude faite par Corey et Gross [146], qui en appliquant une méthodologie de 'quenche interne', ont montré qu'en présence de HMPA, l'énolisation de la diéthyle cétone présentait une faible sélectivité. Par contre, une énolisation de la cétone suivie de l'ajout séquentiel de TMSCl présente une grande sélectivité pour la formation du silyl énol (Z). Ils en ont conclu qu'en absence d'agent silylant TMSCl dans la réaction, on observe une équilibration de l'énolate (E), moins stable, vers l'isomère (Z), thermodynamiquement le plus stable. Ce dernier, piègé par un ajout différé de TMSCl, aboutit majoritairement au silyl énol (Z).

Un autre facteur important influant la sélectivité est la nature de la base utilisée. En effet, dans le THF, les bases dites stériquement encombrées telles que le tert-octyl-tert-butyle amidure de lithium (LOBA) [146] ainsi que le 2,2,6,6-tétraméthylpypéridinure de lithium (LTMP) [147- 149] par rapport au diisopropyle amidure de lithium (LDA) permettent d'effectuer une déprotonation sélective des esters conduisant à l'isomère (E) [148;150].

Un autre facteur favorisant la formation des énols esters (Z) est l'utilisation de la base hexaméthyldisilylamidure de lithium (LHMDS) dans des systèmes de solvants tels que THF/HMPA ou THF/DMPU [56;151;152]. Cette une base est plus liposoluble que LDA, et est de ce fait automatiquement moins fortement associée avec le cation. Des solvants polaires dissocient les ions et permettent plus facilement l'obtention d'un équilibre thermodynamique. Dans les conditions utilisant des solvants polaires (HMPA, DMPU), les sélectivités observées avec le LHMDS sont supérieures à celles obtenues avec LDA à basse température. Cette meilleure sélectivité peut être expliquée par la facilité avec laquelle la base LHMDS forme

Partie théorique : synthèses des cétènes acétals

des paires d'ions stabilisant l'anion amidure dans les solvants polaires. Ceci est observé même en présence de faibles quantités de HMPA [151;153;154].

Cependant, si l'on se réfère aux articles de Ireland [56] et de Heathcock [155], la réactivité du LHMDS dans le THF pur à basse température (-70°C) est insuffisante pour obtenir une déprotonation conséquente des esters. Cela peut en partie être expliqué par les études faites par Collum [156], qui constate que cette base, est tétrasolvatée à basse température par quatre molécules de THF dans une structure bipyramide trigonale. Ceci a pour conséquence que le cation lithium a une sphère de coordination saturée, ralentissant ainsi les échanges de ligands. En outre, Ireland reporte dans un de ses articles [157] qu'une déprotonation avec le LHMDS d'un ester suivie d'une addition de TBDMSCl dissout dans le HMPA conduit majoritairement à la formation du cétène acétal (Z).

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