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INTRODUCTION

Dans le document ETMIS2009_Vol5_No3 (Page 23-26)

L

es défis auxquels doit faire face le réseau de la santé québécois dépassent largement le cadre financier. Ils découlent, notamment, des nombreux changements en cours dans la société et auxquels notre système de santé doit continuellement s’adapter en améliorant sa capacité à capter rapidement les nouveaux besoins et à y répondre adéquatement. D’abord, les données démographiques québécoises laissent entrevoir des bouleversements importants. Depuis le début des années 1960, le Québec a amorcé un ralentissement important de la croissance de sa population. Selon le scénario démographique de référence de 2004 de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), le rythme d’augmentation de la population du Québec ralentirait rapidement au cours de la période de 2004 à 2050. Ce phénomène sera accompagné d’un vieillissement accéléré de la population. Passée de 5,8 % à 14,3 % de 1961 à 2007, la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus atteindra approximativement 27 % en 2031, représentant plus de 2 millions de Québécois [ISQ, 2007].

Comme le soulignent les membres du Comité de travail sur la pérennité du système de santé et des services sociaux [Ménard et al., 2005], on doit également tenir compte du fait que l’allongement de la durée de vie des personnes âgées s’accompagnera d’une croissance importante du nombre de personnes souffrant de maladies chroniques, haussant du même coup la demande pour les services de santé. Il est en effet reconnu que ces patients utilisent fréquemment les services médicaux, les services hospitaliers et les services d’urgence. Selon le Conseil canadien de la santé [CCS, 2007a; 2007b], les maladies chroniques sont à l’origine de 70 % des séjours à l’hôpital. Au Québec, une récente étude de l’ISQ [Cazale et Dumitru, 2008] révèle que la fréquence d’utilisation des services hospitaliers est de deux à quatre fois plus grande pour les patients souffrant de maladie chronique. La prévalence accrue des maladies chroniques telles les cardiopathies, l’hypertension, les cancers, les maladies respiratoires chroniques et le diabète compte donc parmi les facteurs qui entraînent la nécessité de revoir l’organisation des soins et de proposer de nouvelles formes d’intervention. Qui plus est, « l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques semble plus marquée au Québec qu’ailleurs au Canada ». L’annexe A présente plusieurs statistiques récentes à ce sujet.

Enfin, la pénurie de professionnels de la santé impose également ses contraintes. En effet, il semble notamment que les services de première ligne pourraient bien être compromis par une pénurie de médecins et d’infirmières si des changements dans les modalités organisationnelles actuelles ne sont pas apportés en vue de satisfaire les besoins croissants de la population. À cet égard, le Québec comptait 1,7 médecin par 1 000 habitants en 2006-2007, une proportion qui place la province en dessous de la moyenne canadienne (2,1 médecins) et nettement sous la barre des 2,9 médecins, qui est la moyenne internationale [CMQ, 2007]. La situation est encore plus alarmante en ce qui concerne les infirmières. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) estimait, dans ses projections de main-d’œuvre mises à jour en mars 2005, qu’il manquerait 3 503 infirmières au Québec, en 2008-2009 [Jean, 2005]. En octobre 2007, le MSSS annonçait que la pénurie d’effectifs atteindrait 7 300 infirmières en 2012 et 23 000 infirmières en 2022, soit 41 % des effectifs actuels du réseau public [MSSS, 2007].

Tous ces facteurs, qu’ils soient de nature économique, sociodémographique, épidémiologique ou professionnelle, interagissent entre eux pour complexifier la réponse du réseau de la santé. Dans ce contexte, les systèmes de santé de nombreux pays industrialisés ont subi, au cours des dernières années, des chambardements majeurs, dont l’offre de soins à domicile n’est pas le moindre. Un système émerge où le milieu de vie privé est focalisé comme lieu de prestation des services de santé. Au Québec, l’expression « virage ambulatoire » est utilisée depuis 1995 pour désigner cette orientation. Ce virage s’inscrit par ailleurs dans une perspective plus large de désinstitutionalisation et dans une orientation sociétale de maintien à domicile des personnes malades. On maintient les patients à domicile en invoquant les coûts prohibitifs liés à l’utilisation des ressources « lourdes » du système, mais aussi en soulignant le désir des personnes âgées de vieillir à la maison, ce qui a inspiré l’intitulé de la Politique de soutien à domicile du Québec, Chez soi, le premier choix [MSSS, 2003]. De façon générale, les recherches et l’expérience ont montré que les soins à domicile peuvent constituer une excellente solution de rechange à la prestation des services de santé [Côté et Fox, 2007].

Mais à eux seuls, les changements structuraux ne pourront régler tous les maux,

notamment en raison des problèmes graves de pénurie d’effectifs infirmiers et médicaux.

Plusieurs sont d’avis que les patients et leurs proches aidants devront jouer un rôle plus actif dans la prise en charge de leur santé [Castonguay et al., 2008; Ménard et al., 2005].

La capacité de notre système d’offrir à tous les citoyens du Québec les services gratuits demandés, et ce, dans des délais raisonnables, dépend, dans une certaine mesure, du degré de responsabilité personnelle assumée par les citoyens, tant à l’égard de leur propre santé que de l’utilisation qui est faite du système lui-même. Chacun a un rôle à jouer dans le bon fonctionnement du système, que ce soit en adoptant des habitudes de vie saines, en utilisant de façon raisonnable les services offerts, en participant à une entraide collective ou en exigeant qualité et respect dans la prestation des services.

Divers rapports d’évaluation publiés par des chercheurs de l’AETMIS soulignent qu’une utilisation appropriée et plus généralisée des technologies de l’information et de la communication (TIC) et des technologies de soins à domicile est susceptible d’améliorer l’efficacité globale du système de santé québécois [ex. : AETMIS, 2006a; 2006b; 2004].

Dans cette ligne de pensée, la télésurveillance à domicile, que nous définissons comme étant la transmission à distance de données physiologiques et biologiques aux fins de suivi, d’interprétation et de prise de décision clinique, représente un autre moyen de rendre accessibles des soins et des services à des patients vulnérables dans un contexte de pénurie de ressources et de volonté de roulement accru des lits d’hospitalisation.

L’intention sous-jacente à ce mode d’intervention est d’organiser l’approche des télésoins selon les principes de gestion de cas et de gestion de soins, de façon à substituer le suivi intégré et continu au suivi classique par « épisode de soins ».

Plusieurs projets de télésurveillance à domicile ont déjà été réalisés partout dans le monde. Au Québec, on compte un nombre limité de projets expérimentaux à ce jour.

Ici comme ailleurs, certaines expériences ont été plus fructueuses que d’autres. L’enjeu fondamental associé à la présente étude consiste à fournir au MSSS une information de pointe et à jour concernant les effets cliniques, comportementaux, structurels et économiques associés à ce mode d’intervention ainsi que les conditions de réussite de tels projets. Ultimement, sur la base des expériences réalisées ailleurs dans le monde et de celles menées à ce jour au Québec, la présente revue systématique devrait permettre aux autorités ministérielles de juger de la pertinence d’aller de l’avant et d’investir dans

ce mode d’intervention et permettra d’apporter des réponses éclairantes aux questions suivantes :

Quels sont les effets cliniques (état de santé des patients), comportementaux

(observance du régime médicamenteux, prise en charge de la maladie, etc.), structurels (consommation des services et de soins de santé) et économiques associés à la

télésurveillance à domicile des personnes souffrant de diabète, de maladies pulmonaires et de maladies cardiovasculaires?

Quelles conditions de réussite semblent favoriser l’atteinte des effets bénéfiques associés à la télésurveillance à domicile chez ces types de malades chroniques?

Dans le document ETMIS2009_Vol5_No3 (Page 23-26)