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Taille de l’éruption et processus de transport des téphras du dépôt de retombée

2.1 Introduction et démarche

Le premier objectif de ce chapitre est de caractériser les mécanismes de transport et de sédimentation des particules à l’origine du dépôt de retombée pyroclastique dans le but de déterminer en quoi ce dépôt peut nous renseigner sur la dynamique de l’éruption. En effet, bien que la géométrie et la granulométrie des dépôts de retombée soient communément utilisées pour étudier les processus éruptifs (e.g. Costantini et al., 2008 ; Yamanoi et al.,

2008 ; Carey et al., 2009 ; Watt et al., 2009 ; Nawotniak et Bursik, 2010 ; Cioni et al., 2011 ; Perugini et al., 2011), ces dépôts peuvent pourtant présenter des complexités susceptibles de

biaiser la reconstitution de la dynamique éruptive. De nombreux processus syn-éruptifs liés aux mécanismes de transports et de sédimentation peuvent ainsi compliquer l’enregistrement sédimentaire des éruptions. Dans les zones proximales par exemple, la sédimentation synchrone de grains depuis la colonne éruptive et de particules issues de projections balistiques (Fierstein et al., 1997 ; Houghton et al., 2004) se traduit par des distributions granulométriques polymodales et impacte la loi d’amincissement du dépôt (Bonadonna et al.,

1998). Les processus d’agrégation de cendres (Carey et Sigurdsson, 1982 ; Brazier et al., 1983 ; Gilbert et Lane, 1994 ; Schumacher et Schmincke, 1995 ; Telling et Dufek, 2012) et de

“rain-flushing”, précipitation des particules fines par la pluie (Walker 1981a, 1981b ; Durant

et Rose, 2009 ; Durant et al., 2009 ; Le Pennec et al., 2011), accélèrent la sédimentation des

particules fines depuis le panache, ce qui modifie la granulométrie et engendre éventuellement des sur-épaississements locaux du dépôt. Enfin, les phénomènes de bifurcation de panache (Ernst et al., 1994 ; Nawotniak et Bursik, 2010) entraînent la mise en place de dépôts bilobés. Les isopaques des dépôts de retombée pyroclastique ne présentent donc pas systématiquement une forme elliptique et les propriétés granulométriques ne sont pas nécessairement conformes au modèle de distribution log-normal (Walker, 1971), ni la loi d’amincissement du dépôt au modèle exponentiel multi-segmenté (Fierstein et Nathenson, 1992 ; Pyle, 1989 ; Bonadonna

et al., 1998). Il est donc nécessaire de comprendre l’origine des particules constituant un

dépôt de retombée pour mieux interpréter la dynamique et les processus éruptifs à partir de l’étude de la géométrie et de la granulométrie de ce dépôt.

L’étude de la granulométrie d’un dépôt de retombée est un outil puissant pour mettre en évidence les modalités de transport et de sédimentation des particules. Fisher (1964) montre le premier que les caractéristiques granulométriques (taille maximale, classement et

médiane des distributions de taille de grains) d’échantillons de dépôts de retombées renseignent sur les conditions atmosphériques au cours de l’éruption (force et direction du vent) ainsi que la puissance de l’éruption. Walker (1971) met en évidence le caractère log-normal des distributions de tailles de grains dans les dépôts de retombée et souligne les caractéristiques granulométriques permettant de distinguer les dépôts de retombée des dépôts d’écoulements pyroclastiques. Récemment, l’analyse de distributions de tailles de grains non log-normales (Dartevelle et al., 2002 ; Durant et al., 2009 ; Evans et al., 2009 ; Rose et

Durant, 2009) a montré qu’il est possible de distinguer des populations de grains mises en

place par des processus différents, en particulier dans la gamme des fines (> 4φ). Durant et al. (2009) s’appuient par exemple sur le calcul des vitesses de sédimentation des grains pour comprendre l’origine d’une sous-population fine (< 100µm) dans le dépôt de retombée de l’éruption de mai 1980 du Mont St Helens, qu’ils interprètent comme la conséquence de la précipitation précoce de particules depuis le panache par des effets de condensation atmosphérique. D’autres études ont également décrit les caractéristiques granulométriques particulières des dépôts de particules issues de co-écoulements pyroclastiques et les conséquences de leur présence dans un dépôt de retombée sur les distributions de taille de grains (Dartevelle et al., 2002 ; Evans et al., 2009 ; Rose et Durant, 2009). Cependant aucune étude à ce jour n’a permis de séparer des sous-populations de grains aux origines différentes au sein d’un même dépôt sur une gamme granulométrique continue allant des lapillis aux cendres fines, en quantifiant précisément les proportions massiques de ces sous-populations latéralement dans le dépôt.

D’un point de vue technique, le logiciel SFT (Wohletz et al., 1989) permet la déconvolution de distributions en sous-populations log-normales en se basant sur l’a priori que chaque population log-normale résulte d’un processus particulier (fragmentation, transport, fragmentation au cours du transport etc.). Cependant, les distributions granulométriques issues d’échantillons naturels peuvent souvent être déconvoluées en un nombre élevé de populations log-normales, de sorte que l’origine physique de ces sous-populations est difficile à interpréter. L’ensemble du protocole de déconvolution de SFT se fait de plus de façon subjective par intervention d’un opérateur qui choisit le nombre de sous-populations et leur mode, de sorte que la déconvolution à partir de SFT est souvent utilisée dans un but descriptif plutôt que quantitatif (Durant et al., 2009 ; Evans et al., 2009 ; Rose et

spécifiquement développé pour cette étude, qui d’une part considère des populations non log-normales, et d’autre part permet une déconvolution en un nombre de sous-populations équivalent au nombre de modes. Il permet ainsi d’étudier plus objectivement les distributions de tailles de grains d’un dépôt, de séparer des sous-populations de particules liées à des processus de mise en place interprétables et de quantifier leurs variations latéralement dans le dépôt.

Le second objectif de ce chapitre est de déterminer la taille de l’éruption sur l’échelle de VEI et son type, en prenant en compte les résultats de notre étude des processus de transport et de sédimentation, afin d’obtenir un premier aperçu de la puissance de cette éruption, non biaisé par des processus annexes qui complexifient l’enregistrement sédimentaire de l’éruption. Cette étape est indispensable pour estimer certains paramètres éruptifs clefs (hauteur de panache, volume du dépôt etc.). La détermination du VEI et du type de l’éruption permet également d’évaluer l’importance de cet événement explosif dans la période d’activité 1999-actuelle, de le comparer aux événements éruptifs ayant conduit à la mise en place d’écoulements pyroclastiques au cours des derniers millénaires au Tungurahua, et de le positionner par rapport à d’autres éruptions connues et bien documentées à travers le monde. Il s’agit du premier travail de reconstitution de la dynamique éruptive de l’événement d’août 2006 basé sur l’étude des dépôts.

Pour répondre à ces deux objectifs, une démarche spécifique a été mise en place, s’appuyant sur une description et une analyse détaillées de la stratigraphie des dépôts pyroclastiques, un échantillonnage dense du dépôt de retombée, ainsi qu’une étude de sa géométrie et de sa granulométrie, basée sur le développement d’un algorithme de traitement et de déconvolution des distributions de taille de grain. Cette étude est présentée sous la forme d’un article scientifique publié à “Bulletin of Volcanology” (en ligne depuis le 30 juin 2011).

2.2 Causes et conséquences des distributions granulométriques