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Corrélats neuronaux du contrôle moteur orofacial

Les corrélats neuronaux du contrôle moteur orofacial ont été par le passé très largement étudiés dans le cadre d’actions coordonnées impliquant des mécanismes de co-articulation entre articulateurs supralaryngés et laryngés, comme lors de la mastication (Nakamura et Katakura, 1995;

Lund et Kolat, 2006; Onozuka et al., 2007), du déglutissement (Hamdy et al., 1999; Martin et al., 2001, 2004, 2007; Sawczuk et Mosier, 2001; Humbert et Robbins, 2007; Leopold et Daniels, 2010;

Peeva et al., 2009), du sifflement (Dresel et al., 2005), de la phonation et de la vocalisation (Jürgens, 2002, 2009; Schulz et al., 2005; Smotherman, 2007; Brown, Ngan et Liotti, 2008; Simonyan et al., 2009) et enfin de la production de la parole (Murphy et al., 1997; Wise et al., 1999; Lotze et al., 2000a; Riecker et al., 2000a,b, 2005, 2008; Brown et al., 2005; Guenther, Ghosh et Tourville, 2006;

Bohland et Guenther, 2006; Özdemir , Norton et Schlaug, 2006; Sörös et al., 2006; Terumitsu, et al., 2006; Brown, Ngan et Liotti, 2008; Chang et al., 2009).

Figure 1.5 : Représentation schématique des régions corticales et sous-corticales impliquées dans le contrôle moteur orofacial. AMS : aire motrice supplémentaire; GFI : gyrus frontal inférieur; PM : cortex prémoteur; M1 : cortex moteur primaire; S1 : cortex somatosensoriel primaire; LPI : lobule pariétal inférieur.

Pris ensemble, les résultats de ces études suggèrent l’existence d’un “réseau neural minimal” (core neural network) lié au contrôle moteur orofacial (voir Figure 1.5), incluant le cortex ventral sensorimoteur et le cortex prémoteur ventral/dorsal de manière bilatérale, l’aire motrice supplémentaire, l’opercule pariétal gauche et le lobule pariétal inférieur adjacent, la partie postérieure (operculaire) du gyrus frontal inférieur, les ganglions de la base et le cervelet. Bien que les fonctions spécifiques de ces régions corticales et sous-corticales restent débattues, elles peuvent être globalement assignées à des mécanismes de préparation, de planification, de coordination et d’exécution motrice ainsi qu’à des boucles de régulation sensori-motrice (voir Jürgens, 2002; Riecker et al., 2005 pour revues). L’initiation et la suppression des mouvements volontaires est traditionnellement assignée à l’aire motrice supplémentaire (Pickard et Strick, 2001) alors que le contrôle moteur fin des gestes orofaciaux est effectué par le cortex moteur primaire et les ganglions de la base par les voies pyramidales et extra-pyramidales (Wise et al., 1999; Jürgens, 2002; Riecker et al., 2005). Le cortex moteur reçoit les plans moteurs élaborés depuis le cortex prémoteur (Pickard et Strick, 2001) et le gyrus frontal inférieur postérieur adjacent, ainsi que les informations

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proprioceptives depuis les aires somatosensorielles primaires et associatives et le lobule pariétal inférieur (Smith, 1998; Riecker et al., 2005). Sur ce point, il est à noter que l’implication de la partie postérieure du gyrus frontal inférieur et du lobule pariétal inférieur lors de tâches de production de parole et de gestes orofaciaux reste néanmoins débattue (Murphy et al., 1997; Wise et al., 1999;

Lotze et al., 2000a; Corfield et al.,1999; Nota et Honda, 2004; Dhanjal et al., 2008; Chang et al., 2009).

Enfin, les ganglions de la base jouent un rôle important non seulement dans les processus de sélection mais aussi dans la régulation des commandes motrices par des projections thalamo-motrices (Houk et al., 2007). En parallèle, le cervelet reçoit des informations thalamo-motrices et sensorielles et est impliqué dans la coordination musculaire fine des mouvements produits (Thach, 1998; Houk et al., 2007).

Figure 1.6 : Représentation schématique de l’organisation somatotopique sensorimotrice dorso-ventrale orofaciale.

Par rapport aux actions orofaciales complexes et coordonnées, les substrats neuronaux des mouvements articulatoires supralaryngés et laryngés, lorsqu’exécutés indépendamment, ont cependant été moins étudiés (Lotze et al., 2000a; Hesselmann et al., 2004; Terumitsu et al., 2006;

Pulvermüller et al., 2006; Brown, Ngan et Liotti, 2008; Dhanjal et al., 2008; Brown et al., 2009). La plupart des études de neuroimagerie impliquant une production de mouvements orofaciaux indépendants se sont essentiellement concentrées sur une organisation somatotopique possible des articulateurs orofaciaux au sein du cortex sensorimoteur (Lotze et al., 2000a; Hesselmann et al., 2004; Terumitsu et al., 2006; Brown, Ngan et Liotti, 2008; voir aussi Pulvermüller et al., 2006). Les travaux de Wilder Penfield et collaborateurs (Penfield et Boldrey, 1937; Penfield et Rasmussen, 1950) ont été parmi les premiers à démontrer l’existence d’une organisation topographique des cortex moteur et somatosensoriel primaires. Par l’utilisation de stimulations électriques appliquées à des régions distinctes du cortex sensorimoteur, lors d’opérations neurochirurgicales chez des patients éveillés, ils ont en effet observé le déclenchement de mouvements musculaires spécifiques involontaires et ont ainsi pu établir une cartographie corticale liée aux représentations motrices et somesthésiques des différentes parties du corps. Cette organisation corticale sensorimotrice, dite

“somatotopique”, des parties corporelles ne reflète néanmoins pas la morphologie humaine, l'étendue des zones motrices associées à chaque partie du corps correspondant plutôt à la précision et la sensibilité du contrôle moteur des gestes associés à celle-ci. Malgré des superpositions et

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Ces études ont ainsi confirmé une topographie dorso-ventrale au sein du cortex sensorimoteur des activations liées à des mouvements labiaux et linguaux (Lotze et al., 2000a; Hesselmann et al. 2004;

Pulvermüller et al. 2006). L’emplacement d’une aire spécifique liée au contrôle laryngé au sein du cortex moteur primaire apparaît cependant plus contesté, deux études récentes reportant des positions différentes pour les mouvements laryngés et variant également selon l’hémisphère (Terumitsu et al., 2006; Brown, Ngan et Liotti, 2008). Enfin à notre connaissance, aucune étude de neuroimagerie n’a encore tenté de localiser l’aire contrôlant les mouvements mandibulaires et de la replacer dans un contexte somatotopique.

Cadre de l’étude

Alors que l’existence d’une somatotopie sensorimotrice générale ne fait aucun doute à la lumière des précédents travaux, peu d’études ont exploré et directement comparé les corrélats neuronaux des mouvements supralaryngés et laryngés chez les mêmes participants (Brown, Ngan et Liotti, 2008;

Dhanjal et al., 2008). Il apparaît pourtant fondamental de préciser plus avant l’organisation des articulateurs orofaciaux au sein des cortex moteur et somatosensoriel, notamment vers une meilleure compréhension des processus sensorimoteurs de production de la parole. La coordination des articulateurs laryngés et supralaryngés lors de la production de la parole apparaît en effet essentielle, aussi bien au niveau segmental que supra-segmental. Dans ce cadre, il est d’ailleurs à noter que certains modèles (neuro)computationnels de production de la parole impliquent des cartes sensorimotrices détaillées dans lesquelles chaque articulateur a un rôle et une représentation spécifique (Guenther, Ghosh et Trouville, 2006; Guenther et Vladusich, 2012). Enfin, aucune étude n’a à ce jour examiné les corrélats neuronaux liés à un mouvement mandibulaire bien que cet articulateur soit fondamental pour la production de la parole et soit considéré comme jouant un rôle crucial dans le développement du contrôle moteur particulièrement lors de l’acquisition de syllabes (MacNeilage, 1998).

Les études précédentes de neuroimagerie portant sur le contrôle moteur orofacial démontrent, malgré de fortes superpositions, une organisation somatotopique générale des articulateurs (“an overall picture of somatotopy with overlap”, Takai, Brown et Liotti, 2010) et suggèrent ainsi un système de contrôle sensorimoteur spécifique et intégré pour la production de gestes orofaciaux.

Dans la présente étude, nous avons utilisé la méthode d’IRMf dans le but de clarifier les corrélats neuroanatomiques fonctionnels communs et distincts de mouvements simples supralaryngés et laryngés. Les mouvements supralaryngés impliquaient une protrusion des lèvres, un abaissement de la mandibule ou une rétraction de la langue. La production de la voyelle fermée antérieure non arrondie /i/ a été utilisée dans le but de déterminer les activités cérébrales liées au contrôle laryngé.

Ce choix, déterminé a posteriori et en fonction de l’étude annexe de production des voyelles du Français (voir Chapitre 1.2), reste bien évidemment contestable du fait d’une implication concomitante des articulateurs supralaryngés lors de la production de la voyelle. Il a cependant été montré qu’une région spécifique au sein du cortex moteur primaire et supposée représenter le contrôle du larynx est comparablement activée lors de mouvements laryngés aussi bien vocaliques que non vocaliques (production du schwa vs adduction forcée des cordes vocales en absence de tout voisement, Brown, Ngan et Liotti, 2008). De plus, face à ce choix d’une production vocalique, la vocalisation de la voyelle fermée antérieure non arrondie /i/ implique potentiellement une activité moindre des muscles labiaux et mandibulaires que les autres voyelles arrondies ou plus ouvertes.

Face aux résultats précédemment observés, la présente étude a ainsi pour but de préciser à la fois (1) les substrats neuronaux communs et distincts des mouvements supralaryngés et laryngés et (2) l’organisation somatotopique sensorielle et motrice des mouvements labiaux, mandibulaires, linguaux et vocaliques/laryngés, (3) en utilisant une méthode d’acquisition dite de “sparse sampling”

en vue de minimiser de possibles artefacts des images fonctionnelles liés aux mouvements des articulateurs.

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