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L’objectif de la présente étude était de clarifier les réseaux neuronaux sous-jacents au contrôle moteur de mouvements simples supralaryngés et laryngés/vocaliques et d’affiner l’organisation somatotopique des représentations motrices et somatosensorielles labiales, mandibulaires, vocaliques/laryngées et linguales. Pour ce faire, une méthode d’acquisition des images fonctionnelles en sparse sampling a été utilisée dans le but de minimiser de possibles artefacts du champ magnétique liés aux mouvements orofaciaux.

Trois résultats majeurs ont été observés.

 Les mouvements orofaciaux ont activé un ensemble de structures corticales et sous-corticales communes formant un réseau neural minimal impliqué dans le contrôle moteur orofacial.

 En dehors des activations temporales auditives pour la vocalisation de la voyelle /i/, les différences entre tâches motrices ont été restreintes aux régions ventro-latérales du cortex moteur et somatosensoriel primaire de l’hémisphère gauche, avec une intensité de signal plus ample pour la tâche de vocalisation. Ce résultat reflète vraisemblablement un degré de coordination neuromusculaire et de traitement du feedback sensoriel plus complexe par rapport aux autres tâches.

 En utilisant des analyses individuelles par régions d’intérêt, une organisation somatotopique séquentielle dorso-ventrale a été observée au sein des aires primaires motrices et somatosensorielles pour les mouvements labiaux, mandibulaires, vocaliques/laryngés et linguaux respectivement.

Avant de discuter de ces résultats, il est néanmoins important de souligner une limite importante de la présente étude. Comme noté précédemment, bien que la tâche de vocalisation ait été choisie a posteriori afin de déterminer l’activité motrice laryngée, elle requiert également des activités musculaires linguale et labiale. De même, de par la connexion anatomique entre la mandibule et la langue, les mouvements mandibulaires peuvent induire des mouvements linguaux (même si ceux-ci sont passifs). De là, des contributions mutuelles entre articulateurs orofaciaux lors de la vocalisation de la voyelle /i/ ne peuvent bien entendu pas être entièrement exclues.

Réseau orofacial minimal

Le réseau neural commun aux mouvements supralaryngés et vocaliques révèle des fortes activations bilatérales au sein du cortex sensorimoteur (en incluant les cortex primaires moteur et somatosensoriel et les parties ventrales et dorsales du cortex prémoteur), l’aire motrice supplémentaire et les hémisphères cérébelleux supérieurs. Des activations ont également été

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trouvées dans le gyrus frontal inférieur postérieur (partie operculaire) droit, l’opercule pariétal gauche et une région du lobule pariétal inférieur adjacent et, enfin, le striatum dorsal gauche. Ce réseau neural minimal des actions motrices orofaciales est tout à fait concordant avec de précédentes études IRMf portant sur le contrôle moteur orofacial. Notamment, une activité neurale commune pour la mandibule et la langue (Dhanjal et al., 2008) a été observée au niveau du cortex prémoteur ventral latéral, de l’opercule frontal ventral, de l’insula, du cortex primaire moteur et somatosensoriel, de l’aire motrice supplémentaire et du cervelet (lobule VI). Lotze et collaborateurs (2000a) ont rapporté des résultats similaires pour les mouvements linguaux et labiaux bien que, de manière surprenante, aucune activation n’ait été observée au niveau de l’aire motrice supplémentaire.

Par rapport aux actions orofaciales complexes coordonnées, nos résultats sont également cohérents avec les études portant sur la déglutition et la respiration (Sawczuk et Mosier, 2001; Loucks et al., 2007), de vocalisation (Jürgens 2002, 2009) ainsi que sur la production ouverte de la parole (Riecker et al., 2000, 2005, 2008; Brown et al., 2005; Bohland et Guenther, 2006; Guenther, Ghosh et Tourville 2006; Sörös et al., 2006). Premièrement, il a été montré que le contrôle neural de la déglutition et de la respiration dépendent de structures neurales communes, incluant le cortex bilatéral sensorimoteur primaire, l’aire motrice supplémentaire, le thalamus, le cervelet, le noyau caudé, le globus pallidus et le bulbe rachidien (Sawczuk et Mosier, 2001; voir aussi McKay et al., 2003). En accord avec nos résultats, de nombreuses études ont mené à suggérer un réseau minimal de la production de parole ouverte (Bohland et Guenther, 2006), qui comprend les structures mésio-frontales (aire motrice supplémentaire et gyrus cingulaire antérieur), les convolutions pré- et postcentrales bilatérales, s’étendant rostralement aux parties postérieures du gyrus frontal inférieur, l’insula antérieure gauche tout comme les structures des ganglions de la base bilatéralement (notamment le putamen et le globus pallidus), le cervelet (notamment le lobule VI, incluant le déclive), le thalamus et le gyrus temporal supérieur (Brown et al., 2005; Bohland et Guenther, 2006;

Guenther, Ghosh et Tourville 2006; Sörös et al., 2006; Riecker et al., 2005). Enfin, Chang et collaborateurs (2009) ont montré des activations communes lors de mouvements du conduit vocal liés et non liés à la parole au niveau du gyrus frontal inférieur, du cortex prémoteur ventral, de l’aire motrice supplémentaire, du gyrus temporal supérieur, de l’insula, du gyrus supramarginal, du cervelet et des ganglions de la base. Finalement, le réseau minimal orofacial observé apparaît également en accord avec les substrats neuronaux du chant (voir Brown et al., 2005 pour revue) et du sifflement (Dresel et al., 2005), malgré des différences d’activation au niveau de l’amygdale (non rapporté pour le chant) et de l’insula (non rapporté pour le sifflement).

En regard de ces études, nos résultats permettent ainsi d’affiner le réseau neuronal minimal impliqué dans le contrôle moteur orofacial spécifique ou non à la production de la parole. Ce réseau englobe le cortex ventral sensorimoteur et le cortex prémoteur ventral/dorsal de manière bilatérale, le gyrus frontal inférieur postérieur (partie operculaire) droit, l’aire motrice supplémentaire, l’opercule pariétal gauche et le lobule pariétal inférieur adjacent, les ganglions de la base et le cervelet. Comme souligné précédemment, les fonctions de ces régions corticales et sous-corticales peuvent être globalement assignées à des boucles de préparation, de planification, d’exécution et de coordination motrice (pour une revue, voir Jürgens, 2002; Riecker et al., 2005).

Effet principal de la tâche motrice

Dans la présente étude, les réseaux neuronaux impliqués dans les mouvements orofaciaux simples sont largement partagés et incluent des régions corticales et sous-corticales similaires. En dehors des

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De par la séparation des tâches supralaryngées et laryngée/vocalique en runs différents, les activations sensorimotrices accrues lors de la tâche de vocalisation doivent cependant être interprétées avec précaution. Il est bien sûr tentant de supposer que ces régions soient reliées spécifiquement aux mouvements laryngés lors de la production de la parole. Dans ce cas, les pics d’activation observés dans les analyses par ROI lors de la vocalisation et du mouvement lingual (voir ci-dessous, section “Somatotopie articulatoire”), légèrement plus dorsaux que les activations présentes, pourraient refléter la contribution d’activité musculaire linguale lors de la vocalisation, plutôt que l’activité purement laryngée. D’un autre côté, ces deux pics d’activations dans le cortex primaire ventro-latéral moteur et somatosensoriel ont également été activés lors des mouvements mandibulaires et linguaux, mais dans une moindre mesure/ampleur. Bien que les mouvements de rétraction linguale induisent aussi un feedback sensoriel important, une interprétation alternative serait que cette activité sensorimotrice primaire accrue pourrait être due à des interactions sensorimotrices plus complexes requises pour la vocalisation maintenue de la voyelle. Afin d’atteindre et maintenir une cible de son de parole précise, ces activations accrues des cortex ventrolatéral primaire gauche moteur et somatosensoriel pourraient en ce cas refléter une implication plus importante des mécanismes de contrôle moteur en ligne et de traitement du feedback somatosensoriel et auditif (Guenther, 2006; Bohland et Guenther, 2006; Guenther et Vladusich, 2012).

Somatotopie articulatoire

Du fait d’activations sensorimotrices primaires communes aux quatre articulateurs, aucune organisation somatotopique n’a pu être révélée par l’analyse de groupe. Pour mieux prendre en compte les différences individuelles anatomiques et fonctionnelles entre participants, des analyses par régions d’intérêts ont été effectuées pour évaluer l’organisation somatotopique de manière individuelle pour les articulateurs laryngé et surpalaryngés. Dans l’ensemble, les coordonnées moyennes observées pour les représentations labiales, mandibulaires, linguales et vocaliques dans les deux hémisphères et les trois régions d’intérêt sensorimotrices correspondent avec celles rapportées par des études IRMf précédentes sur des gestes articulatoires simples. Pour toutes les régions d’intérêt sensorimotrices, une position plus postérieure émerge dans la dimension rostro-caudale (y) pour les lèvres par rapport à la langue et une position plus dorsale dans la dimension dorso-ventrale (z) pour les lèvres par rapport à la langue et la voyelle, de même que pour la mandibule par rapport à la langue. Le résultat principal de ces analyses par ROI est ainsi celui d’une organisation somatotopique dorso-ventrale des lèvres, de la mandibule, de la voyelle et de la langue, avec les représentations des mouvements de lèvres occupant la position la plus dorso-caudale, celles des mouvements vocaliques/laryngés et linguaux les positions les plus ventro-rostrales et celles de la mandibule positionnées dorsalement par rapport à la langue.

 Ces résultats apparaissent cohérents avec la position plus dorsale des lèvres par rapport à la langue dans les homunculi moteur et somatosensoriel, comme démontré par de précédentes études de stimulation électrocorticale et d’IRMf (Penfield et Rasmussen, 1950; Lotze et al., 2000a; Hesselmann et al. 2004; Pulvermüller et al. 2006).

 En accord avec la cartographie électrocorticale élaborée par Penfield et Rasmussen (1950), nous avons également observé l’aire du larynx positionnée plus ventralement que celle des lèvres et plus dorsalement que l’aire du larynx et de la langue (bien qu’aucune différence significative n’ait été observée entre la position des lèvres par rapport à la mandibule et que la seule différence significative entre les positions de la mandibule et de la voyelle ait été observée dans l’aire BA3)36.

36 Une précédente étude IRMf a également montré une position légèrement plus médiale et dorsale pour la mâchoire (mouvements d’ouverture/fermeture) par rapport à la langue (mouvement vertical) dans le cortex sensorimoteur primaire, malheureusement sans faire part des coordonnées précises des pics d’activations séparément pour ces deux articulateurs (Dhanjal et al., 2008).

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 Enfin, la localisation motrice des mouvements vocaliques/laryngés s’avère plus dorsale que la position de la langue. Brown et collaborateurs (2008) rapportent des pics d’activation similaires dans le cortex moteur gauche pour les mouvements laryngés vocaux et non-vocaux (abduction de cordes vocales et vocalisation de la voyelle schwa) en les localisant entre les pics d’activation observés pour les mouvements des lèvres et de la langue. Néanmoins, ils rapportent une position plus dorsale pour l’aire du larynx par rapport aux lèvres et aussi à la langue dans l’hémisphère droit. Nous observons que, dans leur étude, les pics d’activation des lèvres et de la langue dans le cortex moteur primaire droit sont quasiment identiques, un résultat qui ne correspond pas aux études précédentes qui montrent l’aire des lèvres positionnée en-dessus de l’aire de la langue dans les deux hémisphères (Lotze et al., 2000a; Hesselmann et al. 2004; voir Table 1.2). Il est également à noter une étude montrant dans le cortex moteur primaire de l’hémisphère gauche lors d’une tâche de production de voyelle deux pics d’activation spécifiques et localisés de manière plus dorsale et plus ventrale par rapport à un pic d’activation lié à un mouvement lingual (Terumitsu et al., 2006).

Enfin, quel que soit l’articulateur, les résultats montrent une asymétrie hémisphérique significative des représentations sensorimotrices, avec des sites d’activation positionnés de manière plus médiale, postérieure et dorsale dans l’hémisphère gauche par rapport à l’hémisphère droit. Une revue des études IRMf portant sur les mouvements simples des lèvres, de la langue, et du larynx montre une asymétrie hémisphérique sensorimotrice similaire pour tous les articulateurs, avec une position plus médiale et plus postérieure des sites d’activation dans l’hémisphère gauche. Ce résultat pourrait donc suggérer des asymétries anatomiques et/ou fonctionnelles au sein du cortex sensorimoteur primaire (Sowman et al., 2009) sans distinction de la prévalence manuelle ou du sexe des participants (Amunts et al., 2000).

Patterns temporels d’activations

En accord avec de précédentes études utilisant la méthode de sparse sampling pour l’étude de tâches motrices orofaciales et de production de parole (Dresel et al., 2005; Riecker et al., 2005;

Gracco, Tremblay et Pike, 2005; Bohland et Guenther, 2006; Özdemir , Norton et Schlaug, 2006;

Sörös et al., 2006), les données fonctionnelles ont été acquises environ 4s, 5s ou 6s après le début des mouvements orofaciaux afin de capturer le pic maximal des réponses hémodynamiques associées (Dresel et al., 2005; Riecker et al., 2005; Özdemir , Norton et Schlaug, 2006). Néanmoins, des différences entre les patterns temporels d’activation correspondant aux mouvements orofaciaux (sans distinctions de tâches) ont été observées. Ainsi, des réponses hémodynamiques avec un pic maximal à 4s ont été observées au niveau de l’aire motrice supplémentaire et du gyrus frontal supérieur. Les régions cérébrales montrant une augmentation d’activité hémodynamique de 4s à 6s impliquaient le cervelet, l’opercule pariétal gauche, le cortex prémoteur, l’hippocampe et le gyrus parahippocampique droit. Toutes les autres régions cérébrales ont montré un décours temporel “en cloche” (avec un pic d’activation maximal à 5s) ou aucune différence. En somme, ces résultats confirment l’adéquation de ces trois délais d’acquisition pour une capture optimale des pics maximaux des réponses hémodynamiques des régions cérébrales impliquées dans le contrôle moteur orofacial. Ces résultats apparaissent également cohérents avec des études IRMf récentes utilisant la méthode de sparse sampling lors de la répétition de syllabes (Riecker et al., 2005), de tâches de sifflement et de respiration (Dresel et al., 2005). Ces études montrent en effet des réponses hémodynamiques séquentielles à travers les régions cérébrales, avec notamment des activations plus précoces au niveau de l’aire motrice supplémentaire et des activations plus tardives

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différences des points temporels d’acquisition varient de 1s ou 2s, alors que la durée des processus d’initiation et d’exécution motrice est au maximum de l’ordre de quelques dizaines de millisecondes.

De plus, ce type d’inférence doit être considéré avec précaution, étant donné que les relations entre décharge neuronale et réponse hémodynamique (en termes de latence, amplitude et de durée) ne sont pas linéaires, ni clarifiées. Les évènements hémodynamiques correspondent en effet à des échelles de temps de l’ordre de quelques secondes, alors que les évènements neuronaux opèrent au niveau de la milliseconde. De plus, nous l’avons vu, les paramètres du signal BOLD dépendent non seulement de l’activité neuronale, mais aussi de la distance entre la région activée et l’artère qui l’irrigue, tout comme le diamètre de celle-ci (Logothetis et al. 2001). Néanmoins, ces résultats fournissent des informations importantes sur le décours temporel des réponses hémodynamiques des différentes structures cérébrales impliquées dans les tâches de contrôle moteur orofacial, un résultat potentiellement intéressant pour de futures études IRMf dans l’optimisation des paramètres d’acquisition et une capture optimale des réponses hémodynamiques des régions cérébrales spécifiquement associées aux mouvements orofaciaux.

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