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Introduction à l’étude de l’agenda médiatique

Malgré l’autonomisation des médias par rapport au politique, ces deux sphères sont extrêmement liées et en particulier lors des campagnes présidentielles.

§1 : Une corrélation forte du monde médiatico-politique

Le monde politique et le monde médiatique interagissent ensemble. En effet, l’objectivité journalistique est une utopie car il y a des rapports de force, de domination qui se jouent. De plus, l’enjeu étant de faire le plus d’audiences possibles, il faut que les journalistes traitent des sujets qui seraient susceptibles d’intéresser un nombre important d’électeurs et doivent miser sur des sujets traitant des candidats les plus crédibles quant à une investiture en tant que Président. Si l’objectivité existait, tous les candidats auraient la même couverture médiatique. Or dans une logique du profit maximal, cette pratique serait contre-productive. Si le but des journalistes était seulement de relayer l’information aux citoyens afin de leur permettre de se faire un avis construit sur les candidats, alors les journalistes essaieraient de traiter les candidats de manière analogue. Toutefois, le fait de hiérarchiser l’information et de faire un travail de mise en perspective des l’actualité va à l’encontre du principe d’objectivité.

« Les caractéristiques de la couverture des campagnes électorales par les journaux télévisés ne se limitent pas à leur niveau de visibilité, à la place accordée au jeu et aux enjeux

et à l’association thématique des candidats. »8. Aujourd’hui les journalistes ont un rôle fondamental dans les élections et se les ont accaparés. En effet, l’autonomisation du champ journalistique a conduit les médias à influencer la façon dont les campagnes sont couvertes avec plusieurs facteurs comme « la réduction de la durée des extraits des discours des candidats dans les reportages, un accroissement de leur propre temps de parole et une posture

antagoniste et négative leur permettant d’exhiber leur autonomie »9. Ceci tient pour les

journaux télévisés et peut être moins tranchée pour la presse écrite. En effet, il faudrait voir si le nombre de citations des candidats est sensiblement le même pour les campagnes présidentielles précédentes ou si il y a un changement conséquent. Ces temps de campagne sont l’occasion pour les médias de se mettre en avant et d’affirmer leur indépendance en faisant part de leur analyse sur la campagne. Ici, encore, il y a une différence avec la presse écrite puisque les titres étudiés ont une ligne éditoriale connue et sont donc positionnés politiquement. L’enjeu pour ces journalistes est de prôner l’objectivité tout en ayant une ligne directrice politique. Ils doivent faire attention à ce que les articles ne soient pas trop orientés afin de ne pas tomber dans le commentaire et de respecter les principes de déontologie ; même si les lecteurs sont censés être au courant de l’orientation politique des différents journaux. Il y a une certaine ambigüité entre le positionnement politique du journal et le devoir d’objectivité.

Selon Christophe Piar, il y a une différence entre la campagne réelle et la campagne « perçue » telle qu’elle est présentée par les journalistes. Ces derniers peuvent dévier de la réalité avec une mise en scène et en récit des événements. La couverture de la vie politique est « spectacularisée » pour la rendre attractive et répond ainsi à des logiques commerciales. Les acteurs politiques ont un moyen, ici, d’influer sur le traitement journalistique de la campagne.

On voit une différence entre l’information diffusée par les médias et la communication contrôlée des candidats. La première a un pouvoir persuasif plus important. En effet, les électeurs vont faire leur choix entre les candidats en fonction des informations qu’ils engrangent sur eux à l’aide de journaux télévisés ou d’autres médias. Etant donné que les électeurs pensent que l’information dans les médias n’est pas faite pour les manipuler, ils se sentent plus enclin à prendre pour argent comptant cette information. L’idée du journaliste et de l’application de la déontologie et dont le rôle est d’informer les citoyens, rend cette position neutre donc leur permettre de prendre une décision la plus rationnelle possible. Le

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Piar, Christophe, Comment se jouent les élections, télévision et persuasion en campagne électorale, INA éditions, 2012, pp. 149-150

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but premier des médias est d’informer les citoyens et les aider à intégrer toutes les possibilités d’offres politiques qu’ils ont. Spécialement durant la campagne, les médias jouent le rôle d’interface et doivent rationalisés leurs informations afin de permettre aux citoyens de pouvoir prendre une décision par rapport au bulletin qu’ils vont déposer dans l’urne. Cette situation fait qu’il est plus probable qu’il y ait un débat plus important entre les candidats dans les médias en comparaison avec l’agenda politique. L’un ne refléta pas l’autre.

Les candidats ne peuvent pas seulement utilisés la communication contrôlée pour faire leur campagne. Ils doivent aussi composer avec les médias et faire en sorte que leur projet et leur image que ces derniers donnent d’eux soit la plus proche possible de celle qu’ils veulent donner d’eux.

§2 : Quelle marge de manœuvre peut avoir le politique sur les médias ?

Les hommes politiques disposent de plusieurs moyens pour influencer ce que les médias leur font dire et disent d’eux. En effet, les conseillers en communication des candidats ont développé plusieurs techniques leur permettant de cadrer avec les exigences médiatiques. Etant donné que le traitement politique des journalistes a évolué, la communication des candidats a dû évoluer en même temps. Les journalistes investissent la campagne présidentielle en se donnant une meilleure visibilité avec le développement de l’analyse des propositions des candidats. La part accordée aux candidats dans les journaux s’amoindrit, les forçant à s’adapter. La médiatisation de plus en plus forte du politique implique une simplification du discours des hommes politiques. En effet, ces derniers incluent dans leurs discours des phrases percutantes afin que celles-ci soient reprises par les journalistes. En utilisant cette technique, les hommes politiques ont la possibilité de contrôler ce que rapportent les médias de leur discours. En adaptant leurs discours aux exigences journalistiques, les hommes politiques ont plus de chances de voir ce qu’ils veulent que les journalistes retiennent dans leurs articles.

Cette idée fait écho à la règle du « sound bite ». Ce dernier correspond, en ce qui concerne la presse écrite, à une fraction courte des discours prononcés par les candidats qui est reprise par les journaux. Ces morceaux de discours sont considérés comme de la matière première, comme support à l’article. Les journalistes s’appuient sur ces citations pour faire une analyse des propositions des candidats. C’est dans ce cas que l’on retrouve les « sound

candidat en peu de mots. Les trois journaux étudiés ont ainsi une utilisation différente des citations. Il y a un travail de mise en perspective fait par les journaux. Il ne s’agit plus de rapporter ce qu’ont dit les candidats mais d’analyser le contenu et de le contextualiser.

Les journaux utilisent souvent les mêmes citations des candidats (surtout Libération et le Figaro). Etant donné les lignes éditoriales divergentes, l’hypothèse la plus plausible est que les journaux ont intégrés la règle des « sound bites » et qu’ils utilisent ceux que les candidats mettent en avant pendant leurs discours. Ainsi, on peut supposer qu’à travers ces extraits des discours, les hommes politiques contrôlent ce que les médias leur font dire. Un exemple probant est l’utilisation de la même citation quatorze fois d ans les trois journaux durant la période étudiée. Cette citation est tirée du discours que François Hollande a prononcé mi- janvier au meeting du Bourget : « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage (...). Cet adversaire, c’est le monde de la finance. ». Cet extrait est un exemple de phrases percutantes que les candidats peuvent inclure dans leurs discours. Les citations qu’utilisent les médias peuvent être de deux ordres : suscitées par un journaliste qui demande au candidat son avis sur une question ou alors relevée lors de meetings, déplacements ou conférences de presse que donnent les candidats. Chaque allocution des candidats a un but étendu, c’est-à- dire qu’au-delà du discours qu’ils produisent devant leurs auditoires, celle-ci est destinée à être relayer à un public beaucoup plus large que les personnes présentent aux meetings grâce à la présence des médias.

Les champs politique et médiatique ont des intérêts communs. Ainsi ils doivent apprendre à travailler ensemble. Les hommes politiques doivent s'accommoder des logiques journalistiques afin d’avoir l’opportunité du contrôle maximal de la façon dont ils sont représentés médiatiquement et, ainsi, bénéficier d’un traitement médiatique qui leur est favorables. Du côté des journalistes, même s’ils prônent leurs indépendances face au milieu politique, ils sont besoin de sources et de contacts pour avoir de la matière première qu’ils puissent exploiter. Les milieux politique et médiatique ont des intérêts communs à conserver une bonne entente entre eux. Il y a une interdépendance forte entre les hommes politiques et les médias. Chacun doit s’adapter à l’autre afin d’atteindre un niveau d’équilibre qui satisfait les deux parties.

Un des enjeux de la campagne présidentielle réside dans la compétition portée sur la maîtrise de l’agenda. Toutefois, le contrôle de celui-ci demande plus que de ne parler seulement de certains thèmes qui sont avantageux. Cela demande aussi de persuader les médias de prendre en compte ses propres thèmes au lieu de ceux qui sont l’apanage de ses

concurrents. Il est question, donc, pour les candidats de provoquer par leurs soins des flux d’interaction et d’enjoindre aux journalistes le contenu de leurs articles.

En plus des « sound bites », les hommes politiques ont d’autres moyens d’influer sur l’information délivrée par les médias. En effet, le « news management » est un dispositif qui permet de réglementer au mieux la couverture médiatique du candidat. Le concept de l’IOD (issue of the day) en est un exemple. Celui-ci se caractérise par une accessibilité non permanente avec les médias. Les interactions doivent se faire dans un cadre net en faisant l’usage de conférences de presse ou encore d’entretiens contrôlés. De plus, le candidat doit faire attention à délivrer un message homogène, c’est-à-dire que le contenu du message doit être unifié ave l’émergence d’un sujet simple, facilement identifiable et cohérent. Un thème qui correspond à ses critères a plus de chances d’influer sur le regard que lui portent les électeurs alors qu’un éparpillement de messages limitera le pouvoir persuasif de sa communication. Le candidat doit contrôler l’agenda et avoir la plus grande visibilité possible auprès des électeurs. Cependant, un critère important est la définition des enjeux. Le candidat qui arrive à donner pour référence à un thème la définition qu’il lui donne, lui permet le contrôle de l’enjeu et ainsi un avantage sur les autres candidats. Il faut que les électeurs intériorisent sa définition comme étant celle qui caractérise l’enjeu. Le candidat doit faire attention à ce que toutes les personnalités de son parti appuient la définition qu’il donne du thème sous peine de mettre en place une communication politique inefficace.

Même si les hommes politiques ont des tactiques qui leur permettent d’influencer ce que les médias mettent dans l’actualité, les journalistes disposent de moyens leur donnant l’opportunité de freiner l’impact des stratégies de communication des candidats. Malgré le fait que les journalistes soient obligés de collaborer avec les candidats pour bénéficier de matière première à leurs articles, ils conservent une marge de manœuvre conséquente sur l’élaboration de l’information. Ceci est dû à leur travail de hiérarchisation et de cadrage de la couverture des professionnels de la politique qui peut être différentes de celles qu’ils cherchent à acquérir. En définitive, la production de l’information se fait grâce à une coproduction entre les médias et les acteurs politique que personne ne peut véritablement contrôler dans sa totalité.

Après avoir mis en évidence les liens qui unissent les médias et le politique, il semble opportun de voir comment les différents journaux traitent la couverture de François Hollande

et Nicolas Sarkozy durant les mois qui précède l’élection en fonction des différents enjeux de la campagne présidentielle.

Section 2 : Etude détaillée des scores de convergences : résultats