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Chapitre 4 Design et Développement du Prototype de l’EVII

4.1.3 Interview de Professionnels

Nous avons mené deux interviews organisées et deux autres plus improvisées sur le vif d’une discussion. Les interviews organisées se sont déroulées en face à face sous la forme d’un entretien semi-directif, nous permettant si nous le souhaitions de diverger en fonction des réponses des personnes interrogées. Le guide de discussion utilisé est disponible en Annexe II page 172. Celles-ci ont été enregistrées puis réécoutées afin d’en extraire les points importants.

La première interview organisée concernait une personne habituée aux méthodes de participation citoyenne pour la programmation urbaine, et nous a présenté un projet pour lequel elle a été très utile. La municipalité de la ville en question avait pour objectif de réaliser un espace sportif. Les prérequis pour ce terrain étaient la présence d’un terrain de foot, d’un espace d’athlétisme et de pistes de golfs. Ensuite, certaines zones avaient été identifiées comme libres et pouvaient servir de base à la concertation. Lors des concertations, l’équipe d’animation avait préalablement préparé des modèles en plexiglas représentant le complexe sportif, ainsi que les invariants. L’objectif était le positionnement des invariants mais également de recueillir des propositions sur les zones libres : placement des parkings, des services, des aires de jeu…

Ils ont également réalisé des concertations « grands utilisateurs » rassemblant des représentants d’associations, les services de la ville (sport, jeunesse, espaces verts), des enseignants, etc. Le professionnel interviewé a vraiment relevé l’aspect positif de cette concertation. Notamment lors de la réunion publique qui s’est déroulée plusieurs semaines après l’atelier. En effet il l’a qualifiée de positive et constructive, alors que ses expériences précédentes l’avaient habitué à des situations où les gens sont contestataires et réfractaires. Ici l’impact de la concertation préalable est notable et la participation des citoyens a permis d’identifier des besoins qui ont été ajoutés au cahier des charges. Il a également remarqué que le type des réponses/propositions apportées variait en fonction du public.

Il a néanmoins attiré notre attention sur un possible sentiment de manipulation. En effet selon lui la concertation est plus ou moins dirigée par les contraintes imposées par la municipalité. Quant à son avis sur l’utilisation d’outils numériques pour la participation citoyenne, celui-ci est très positif. Il nous a tout de même mis en garde sur le fait de ne pas proposer un outil trop complexe, que ce soit en termes de manipulation ou d’informations affichées. En effet il a identifié que si l’on donnait trop (ou pas assez) d’informations aux participants, ceux-ci n’arrivaient pas à réfléchir correctement et contractaient le syndrome de la feuille blanche.

Enfin, nous avons identifié que l’ajout de contraintes dans le milieu numérique est important mais en quantité maitrisée, et également que l’identification des éléments générant une nuisance sonore était très importante et récurrente dans les projets.

La seconde interview sollicitait également un urbaniste habitué des consultations citoyennes. Il nous a présenté plusieurs méthodes qu’il a appliqué lors d’études participatives (donc avant la construction) : maquettage, diagnostics en marchant, ateliers de présentation de propositions ou encore des ateliers de peinture. Il nous a également présenté un cas de participation en autonomie lors duquel des citoyens ont participé à la construction du lieu et devaient par la suite en gérer la maintenance et l’entretien. Selon lui, l’utilisation d’outils permettant aux citoyens de s’exprimer pour ensuite alimenter le travail des professionnels est très important et le succès de ses projets précédents en témoignent. Il a tout de même tenu à prévenir de la nécessite d’une bonne volonté de la part des municipalités à mettre en place ce genre de méthodologies. Quant à l’utilisation d’un outil génératif numérique son avis était plutôt positif, à condition que l’atelier soit correctement encadré par des professionnels pour assurer un travail qualitatif, et en toute conscience des contraintes du lieu.

Ensuite, les entretiens improvisés ont eu lieu dans deux situations différentes. Tout d’abord avec un des membres de l’équipe d’urbanistes en charge du projet Euroméditerranée, puis quelques temps plus tard avec deux personnes travaillant dans le domaine de l’aménagement public dans la ville de Toulon. Ces échanges nous ont beaucoup appris sur l’avis des professionnels au sujet des participations citoyennes car les deux étaient antagonistes.

Dans le premier cas, l’échange a été rapidement écourté lorsque nous avons évoqué l’éventualité de proposer un outil numérique pour laisser les citoyens s’exprimer. Les arguments de la personne étaient centrés sur la complexité d’utiliser des outils normalement dédiés aux professionnels, et que dans ce cas leur implication dans le projet ne serait même plus nécessaire. Nous avons ici ressenti une réticence forte à donner trop de moyens aux participants, ce qui pourrait entrainer une perte de contrôle et des débats interminables. La personne avait également peu d’espoir en la capacité de compréhension des citoyens des différentes contraintes techniques et législatives propres au métier d’urbaniste.

Le second entretien s’est déroulé dans un climat beaucoup plus enthousiaste étant donné que les deux personnes avaient pour objectif de préparer un processus de participation citoyenne collaboratif, et étaient à la recherche d’outils et idées pour ce faire. De leur point de vue l’utilisation d’outils numériques pourrait avoir un impact très positif. Notamment, ils ont évoqué le fait qu’habituellement pendant les participations citoyennes utilisant des outils traditionnels (carte 2D, papiers, stylos, post-it, etc…), les travaux fournis étaient difficilement accessibles par la suite à un plus grand nombre de personnes, puisque « rangées au fond d’un placard ». Un outil numérique permettrait de conserver un historique facilement visible par le biais d’un site internet par exemple. Ils étaient en revanche plutôt inquiets de la durée nécessaire pour intégrer ce genre d’activités, qui pourraient être très chronophages.

Les enseignements que nous pouvons tirer de ces échanges sont clairs : les professionnels ont une certaine réticence, ou peu d’espoir, en l’introduction d’outils numériques dans les processus de concertation citoyenne. Premièrement certains sont sceptiques par rapport à l’intérêt d’un tel outil, et estiment que les citoyens n'ont pas à réaliser le travail à la place des professionnels. D’autres sont plutôt sceptiques vis-à-vis de la complexité de l’outil à développer, de son utilisabilité et du coût de son développement. Nous avons également

pendant lesquels l’objectif peut rapidement divaguer. Plusieurs retours restent néanmoins encourageants et nous ont conforté dans notre démarche. Les professionnels semblent enthousiastes à l’idée d’utiliser un artefact numérique à la condition que son utilisation soit bien encadrée, par l’intermédiaire d’un processus de facilitation. Des pistes intéressantes ont également été identifiées comme la possibilité offerte par les outils informatique de stocker un historique des ateliers précédents pour faciliter leur visibilité. Ou encore le fait de pouvoir générer des contraintes dans un environnement virtuel qui permettraient de les aborder de manière éducative. Il a par exemple été évoqué le cas de simuler numériquement les nuisances sonores générées par l’ajout d’un élément dans un espace urbain. Un point également intéressant concernait la quantité d’informations fournies aux citoyens. Il nous a été conseillé de faire attention à ne pas en fournir trop, ni pas assez, afin d’éviter un blocage dans le processus créatif des participants.

En conclusion, les concertations observées et les interviews font apparaitre un besoin d’amélioration du processus employés lors des ateliers collaboratifs, et également des outils utilisés. Nous nous efforçons d’y répondre dans les sections suivantes en intégrant premièrement le processus créatif dans le processus de participation, puis en présentant la conception d’un artefact et d’un prototype s’intégrant dans ce nouveau processus.