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Chapitre 3 Revue de Littérature

3.3 Co-design Urbain et Outils Génératifs

3.3.2 Créativité et Prototype pour le Co-design Urbain

La créativité et le prototypage sont au cœur du processus de co-design urbain. La créativité d’une personne est définie par (Nayak, Agarwal, and Amabile 2011) comme l’intersection entre l’expertise, la capacité de pensée créative et la motivation intrinsèque. L’expertise se définit comme l’ensemble des connaissances et des savoir-faire d’une personne. La pensée créative représente les compétences liées à la créativité (production d’idées nouvelles). Enfin, la motivation intrinsèque est l’intérêt qu’une personne apporte au travail à réaliser.

E. Sanders explique dans son livre (E. B. Sanders and Stappers 2012) que la créativité d’une personne n’est pas seulement stimulée par les idées stockées dans son cerveau et ses émotions, mais qu’elle est également influencée par ses mouvements, ses actions, ainsi que son environnement. Selon son analyse, si l’on veut parvenir à faire exprimer les valeurs et besoins d’une personne pendant une session créative, et ainsi l’aider à imaginer son expérience future, il faut réussir à faire ressortir ses connaissances tacites (traduction de l’anglais tacit) et latentes (traduction de l’anglais latent). Les connaissances d’une personne sont divisibles en 4 catégories :

- Celles qui sont explicites : elles sont très accessibles et on peut y associer des mots.

- Celles qui sont observables : elles apparaissent par l’observation du comportement d’une personne ou d’un événement.

- Celles qui sont tacites : ce sont les connaissances qu’une personne ne peut traduire verbalement.

- Celles qui sont latentes : ce sont les connaissances sur des sujets inconnus, sur des situations que l’on n’a pas encore rencontrées, mais sur lesquelles on peut se fonder une opinion grâce à nos expériences passées.

Les deux premières catégories sont relativement faciles d’accès, en revanche les connaissances tacites et latentes sont difficiles à atteindre car les personnes ne sont pas habituées à réaliser cet exercice et donc à communiquer sur ces connaissances.

L’enjeu des sessions de participation génératives décrites par E. Sanders est d’accéder aux deux derniers niveaux, grâce à un ensemble d’outils et techniques qui sont des moyens d’expression qui mettent l’utilisateur en action. Les moyens d’expression les plus répandus reposent par exemple sur la réalisation rapide de croquis, de prototypes ou de maquettes en 3D. Les produits réalisés deviennent alors le support de visualisation pour placer le participant dans une expérience future.

(E. B. Sanders 2013) décrit les activités prenant place dans un processus de co-design par l’intermédiaire d’un cycle de prototypage participatif (CPP) (traduction de l’anglais Participatory Prototyping Cycle (PPC)).

Le CPP est un modèle qui met en avant la nécessité du prototypage dans un espace particulier et dans une période précise vis-à-vis du processus global de conception. Comme illustré dans la Figure 14, le CPP lie les actions de construire, raconter et jouer évoquées précédemment sous forme d’une boucle itérative. Le cycle peut démarrer à n’importe quelle étape et de se déplacer dans n’importe quelle direction.

La construction (action de construire) correspond à l’utilisation de ses mains pour représenter ses idées sous forme physique. Les artéfacts réalisés tôt dans le processus de design représenteront des expériences, des ambiances, tandis que ceux réalisés tard représenteront des objets ou des espaces. Le discours (action de raconter) est la description verbale de scénarios futurs. Le jeu enfin (action de jouer) se rapporte à l’utilisation de son corps dans un environnement pour exprimer ses idées au sujet du lieu futur.

Figure 14 : le Cycle de Prototypage Participatif (CPP),(E. B. Sanders 2013)

E. Sanders (E. B.-N. Sanders and Stappers 2014) distinguent trois approches différentes pour réaliser l’action de construction/création du cycle CPP :

- Les sondes : Elles sont utilisées dans le but d’inspirer les designers en observant la réaction des participants face à leurs propositions. Les utilisateurs sont donc les participants, qui retournent aux designers le travail qui leur a été demandé. Elles sont conçues par les designers et peuvent prendre la forme d’un journal de bord, d’un agenda, d’un jeu ou d’une caméra avec des instructions à suivre.

- Les caisses à outils : Conçues par les designers et les chercheurs, elles seront utilisées par les participants. L’objectif est ici de donner aux personnes qui ne sont pas designer de profession un moyen de participer en tant que co-créateur dans le processus de conception. Le résultat final est donc un artefact imageant le futur voulu. Elles prennent généralement la formes de composants en 2D ou 3D tels que des images, des mots, des phrases, des formes, des boutons, etc.

Construire

Jouer

Raconter

- Les prototypes : ils sont dédiés aux designers qui s’en serviront pour réaliser leur design professionnel. Dans la philosophie du co-design, ils sont réalisés par les co-designers pour imager leurs idées de manière physique, et recevoir un retour sur leur contribution. Ils permettent également d’explorer la faisabilité technique et sociale de la proposition. Les prototypes peuvent être composés de différents matériaux tels que de l’argile, de la pâte à modeler, du bois, du papier ou même d’éléments digitaux (modèles CAO ou maillages 3D).

Figure 15 : Les approches créatives vis-à-vis des étapes du processus de conception. Le premier point illustre le moment ou divers scenarios sont envisagés et le deuxième le produit fini. (E. B.-N. Sanders and Stappers 2014)

Comme illustré dans la Figure 15, ces approches sont mises en contexte vis à vis de 4 phases du processus de design d’un produit : le pré-design, la génération, l’évaluation et le post-design. Le premier point noir indique le point temporel où l'opportunité de conception a été trouvée. Le deuxième point noir indique l’étape où l’objet conçu est mis à profit. Sanders et al. expliquent à travers la courbe noire que le début du processus est souvent flou et comporte de nombreuses activités ayant pour objectif d’informer et d’inspirer l’exploration de questions ouvertes telles que « Comment améliorer le processus de participation citoyenne dans le design urbain ? ».

On parle d’une étape de pré-design floue à cause de l’ambiguïté et de la nature chaotique qui la caractérise. Effectivement à ce stade on ne sait pas encore si l’on va réaliser un service, un produit, une interface ou encore un bâtiment. L’objectif de ces explorations est de déterminer ce qui sera conçu, et parfois ce qui ne le sera pas. Cette étape est suivie du processus de design classique dans lequel les idées associées aux futurs produits (ou interface, service, etc…) sont développées d’abord en concepts, puis en prototypes qui sont affinés au fil du temps sur la base des retours des utilisateurs cibles.

On distingue également sur ce schéma le cas de la conception pour l’utilisateur et le cas de la conception avec l’utilisateur.

La phase de pré-design se concentre sur le contexte global de l’expérience voulue à travers l’artefact, alors que la phase de post-design recherche comment les utilisateurs l’appréhendent. La phase générative consiste à produire des idées et des concepts et à identifier des scénarios futurs, alors que l’évaluation permet de jauger les effets ou l’efficacité du produit à travers une identification des problèmes d’utilité ou d’utilisabilité. Il est également important de noter la position des approches vis-à-vis du processus. Les sondes sont utilisées dans les phases de pré-

design et de génération, dans le cas d’une conception pour l’utilisateur. Les caisses à outils, provenant de la vision participative, utilisent l’approche du design avec l’utilisateur dans la phase générative. Enfin, les prototypes peuvent être conçus soit avec, soit pour l’utilisateur dans la phase d’évaluation.

Les approches proposées par le CCP nous semblent être particulièrement pertinentes dans le domaine du co-design urbain car elles apportent des outils et méthodes concrets pour stimuler la créativité. Nos travaux de recherche s’intéressent particulièrement aux outils permettant de construire et créer, plus communément appelés outils génératifs (traduction de make tools). Ils s’appliquent à la phase générative du processus de design d’un produit et permettent la création d’un prototype. Ils s’appliquent particulièrement aux phases d’idéation et d’implémentation du co-design urbain.