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Modriag Kuc a la quarantaine, il travail comme coordinateur de projet au ZK/U. Il vient de Serbie et habite à Berlin depuis déjà plusieurs années. Il est architecte de formation et s’intéresse particulièrement dans son travail au ZK/U aux projets locaux, transdisciplinaire, entre art, urbanisme et économie alternative

Art et gentrification ?

Il est important de replacer la question dans le contexte. Quel art ? Par qui ? Dans quel quartier ? De quelle manière. Le terme « art », dans l’espace public, a un peu perdu de son sens. Il dépend de qui le réalise, avec quel groupe social, dans quel cadre temporel.

Si l’on parle juste d’un artiste coréen qui fait une installation dans le parc durant la Openhaus, cela n’aura que très peu d’impact sur le quartier. Mais si on considère que les Baufachfrauen font de l’art, lorsqu’elles fabriquent des meubles pour le jardin d’enfant du quartier, alors là, tout ça prend une autre dimension, beaucoup plus sociale.

Cela dépend de la position politique. Certaines personnes sont plutôt dans la résistance. Surtout à Moabit, il y a beaucoup de gens comme ça. Pour eux, si l’art n’est pas engagé socialement, il apparaît toujours comme un danger de revalorisation de leur quartier, une valorisation économique qui, selon eux, se fera toujours au dépend des marginaux. Ils ne regarderont jamais la qualité de l’art, ils verront toujours seulement cela comme un acte de pression délibérée sur le marché immobilier. Il est important de faire la part des choses quand on en vient à la question de l’art dans l’espace public.

Il faut subdiviser la question :

Qui le fait, avec qui, quelles sont les conséquences ? Qui le regarde ? Quelle audience ?

Il est impossible de répondre d’une manière générale à cette question. Il y a des conférences entières sur cette question. C’est très discuté.

Mais la première intention était de sortir l’art dans la sphère publique et de venir plus près des citoyens. De réclamer la rue comme espace de travail, de sortir des galeries. Mais ensuite, tu sais comment sont les humains, certains ont réalisé que cela peut par exemple réparer des façades, réduire la criminalité dans le quartier, et tu sais après certaines

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personnes ont commencé à « mis-use » cet art.

Comment la ville a choisi Kunstrepublik ? Hisoire ?

Le parc et sa création fait partie d’une opération bien plus large que l’histoire du ZK/U. Le terrain de Beuselstrasse à Westhafen appartenait à la DeutscheBahn et le projet du jardin public fait parti de la « winning » surface, c’est à dire que dans le cas d’une brownfield conversion, ils sont obligés de réserver un certain pourcentage de terrain pour l’espace public.

Mais cette décision de sauver le bâtiment est arrivée un peu trop tard car pour le parc, les procédures étaient déjà en cours. Une agence d’architecture qui n’était pas de Berlin avait été consultée, une de ces agences qui regarde Berlin par Google Map. Avec les financements de l’Union Européenne, ils avaient besoin de réaliser le projet très vite. Le projet à commencé en janvier, et devait être réalisé en décembre pour conserver les financements. Cela va à l’encontre de la loi allemande qui est très lente mais très adaptée aux projets publics (participation, communication avec les locaux…).

Moment de désynchronisation du parc et du bâtiment :

Le design du parc n’est connecté à rien, un genre de design universel. C'est l’origine du problème. Dessiné sans même savoir ce qui se passera dans le bâtiment, biergarten ou art gallery. C’est de là d’où partent les problèmes actuels, qui démarreront plus tard. Les limites entre le bâtiment et le parc sont donc beaucoup moins claires.

Pourquoi le projet de KUNSTrePUBLIK a été choisi ? Le programme proposait une indépendance financière.

La résidence est payée, et la hall commune est semi-publique. Ils voulaient une solution qui avait une stratégie à long terme.

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le faire fonctionner. » Cette institution prend soin du parc, à travers la loi, c’est un moyen automatique de contrôle social, c’est pour ça que la police ne vient jamais. Cela permet une maintenance avec zéro cout.

D’un autre coté, pour KUNSTrePUBLIK, le rapport de pouvoir est important. Ils sont propriétaire du bâtiment, le sol appartient à la Mairie, donc ils paient une sorte de loyer symbolique. Ils ont 40 ans de contrat, le temps d’une carrière et le temps d’une vie. Aussi le temps que le bâtiment prenne énormément de valeur

Le centre communautaire existera encore, sans doute avec la même association mais une équipe totalement nouvelle.

(Comme souvent à Berlin, les institutions culturelles ont un certain pouvoir), ils ne peuvent pas se faire virer comme ça. Ici, c'est un cas particulier, car KUNSTrePUBLIK est propriétaire du bâtiment, tandis que la ville est propriétaire du terrain. Donc ils ne peuvent pas se faire virer facilement (contrairement a beaucoup d’institutions culturelles à Berlin qui bataillent car elles louent des espaces à long terme, encore et encore, et ne sont jamais propriétaire du bâtiment) Ici c’est différent, une sorte d expérience.

Relation entre le ZK/U et la Marie. Que spécifie clairement le contrat ?

Ces types de contrat, entre la Mairie d’arrondissement de Mitte et le ZK/U, donne une relation très particulière entre les artistes et l’état. L’Etat n’a pas rénové le bâtiment, c’est le Loto qui a financé la rénovation. Ce n’est pas vraiment l’argent public, c’est l’argent des joueurs. L’Etat allemand a été malin ! Car d’après la loi allemande, le Loto se doit de redistribuer une partie de sa recette annuelle à la construction publique. Le pire, c’est qu’après, cet argent est déduit des impôts du Loto.

Au loin, dans le jardin on observe celui qu’on appelle le « Crazy Joha ». C’est un homme qui a la soixantaine, et qui vient quotidiennement, parfois la journée entière au jardin pour jouer à la pétanque. Il a parfois du mal à laisser un groupe d’amis jouer sans donner un cours particulier à chacun des participant. Au moment de l’interview, il se trouve sur l’herbe, et est en train de déplacer les tuyaux d’arrosages. Modriag Kùc commente la scène :

Tu vois le Crazy Joha ? Ça, il le fait par lui même, personne ne lui a demandé. Personne ne lui a demandé d’aider à entretenir le terrain. Mais il le fait.

Il faut que tu regardes en détails. Là-bas, tu vois aussi, cette mère de famille par exemple, si elle voit du verre brisé sur le sol, elle le ramassera,

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parce qu’elle ne veut pas que ses enfants se blessent. Aussi les personnes en charge du jardin partagé, ils auront leur propre contrôle social, sur ceux qui adhèrent à leur association.

Les fois où on a des problèmes, c’est avec les gamins (cf des adolescents qui ont entre 13 et 21 ans) quand ils laissent plein de déchets et qu’ils dégradent la terrasse. Ils viennent quand il n’y a aucun contrôle social, c’est à dire, les week-ends pendant la nuit. C’est là qu’ils sautent par- dessus la barrière, quand personne n’est censé être ici. Donc voilà, tout ça c’est le nouveau modèle de l’Etat, de refiler « la patate chaude » aux institutions culturelles en disant « hé c’est super vous avez un bâtiment pour vous mais vous devez aussi prendre soin du parc ».

Cela ne coute pas très cher. L’eau est gratuite car elle vient du sol. Gustavo doit nettoyer le parc deux fois par semaines. Parfois il entre en conflit avec les services des espaces verts de ma Marie. Par exemple, en ce moment, il y a des plantes sauvages en hauteur, que Gustavo est sensé délacer car elles aspirent toute l’eau des légumes. Mais il les trouve jolies, et l’équipe responsables des espaces vert de la ville, ne le pense pas. Qui est responsable de quoi ?

Ici c’est bien que le parc ne soit pas si grand.

Les Espaces Verts sont responsables des constructions de jeux pour enfant, des murs (les graffiti etc…)

ZKU : Tondre l’herbe, récolter les déchets, arroser, arracher les mauvaises herbes.

Les élections a Berlin, enjeu : qui sera le nouveau maire de Mitte ? Des Grünflache …

S’il n’est pas du CDU, le contrat sera « rafraichi ». Pour le moment le CDU ne permet pas au ZKU d’utiliser la partie avant du parc.

Pourquoi ?

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jardin soit public et non le jardin du ZK/U. Ce qui est le point de départ de beaucoup de malentendu : quand le parc est apparu, beaucoup de personnes autour ont cru qu’il s’agissait du parc du ZK/U et non celui de Moabit. Ils n’ont rien fait pour communiquer à propos du parc. Ne serait- ce qu’imprimer des flyer pour prévenir les gens. Les gens ont pris du temps à oser venir s’installer dans le parc, pique niquer etc…

Maintenant que les gens viennent il est clair que le design du parc est nul : les poubelles sont stupides, elles sont couvertes du coup on ne peut pas appuyer dessus quand elles sont pleines pour les tasser, elles sont trop petites … Le design va rester le même pendant deux trois ans et après des architectes reverront son design. Pour l’instant on va essayer de sauver le parc tel qu’il est maintenant. En fait, ce parc n’est pas si mauvais, mais c’est pour dire, sur une échelle de A à D pour la ville, ce parc est noté C. Les critères réfèrent à la fréquence de la tonte de l’herbe, de l’arrosage des plantes etc... A = priorités pour les autorités, donc C, cela montre bien que les autorités ne viendront jamais ici pour faire quoique ce soit.

Activisme politique à Moabit :

Ici en tant que place pour l’art, on apparaît comme un alien. Et c’est vrai que nous sommes un chainon du très grand processus de gentrification, mais ce n’est quasiment rien dans cette grande machinerie. Et il faut aussi se dire que toute transition n’est pas forcément une gentrification, c’est important de le savoir. En comparaison à d’autres institutions culturelles nous avons un programme très sensible aux enjeux du quartier : le Speisekino, l’Openhaus, des prix de location très bas. Cette sensibilité au voisinage pourrait mieux fonctionner, mais je pense que nous sommes à la fin d’une phase, cela se passe maintenant, après trois ans : 2014, 2015, 2016. Maintenant nous connaissons tous les acteurs, et tout le monde nous connaît. Maintenant je peux parler directement au directeur de l’école, je n’ai pas besoin de remplir de formulaire, tu sais, tu connais le gars, et tu le contacte directement.

Nous faisons parti d’un problème bien plus gros, qui se place

principalement au niveau de la pression immobilière. Bieziehung Mitte a autorisé quelqu’un de Norvege à acheter le bloc dans sa totalité. Cela n’a rien à voir avec ZKU. « The fish smells from the head » donc nous ne pouvons rien contre le changement social qui nous entoure.

Le grand changement est déjà fait, maintenant ce ne sont que des détails.

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Nous ne deviendrons jamais Prenzlauerberg, et nous seront jamais le ghetto de Spandau. Parce que c’est trop central, trop cher. Maintenant il ne s’agit que d’un coup de peinture.

En dessous Turmstrasse est de la classe moyenne haute, au dessus classe moyenne basse.

C’est pour cela que notre premier projet s’appelait Moabit, pour préserver la diversité de Moabit et son identité.

Tu sais personne de Moabit ne veut habiter à Kreuzberg aujourd’hui. Beaucoup de gens qui habitent encore à Moabit sont des personnes qui sont venues vivre ici pour échapper au service militaire pendant la période du mur.

A Moabit il y a énormément de solidarité sociale, de programmes qu’on ne trouve pas ailleurs, des workshops pour les personnes sourdes dans la rue, le SOS Kinderdorf, pour les mères célibataires. En plus, d’un programme de garderie, elles peuvent faire du Yoga pour un prix très bas, tu vois ce genre d’institution. Ou comme le Bildungsmarkt, les gens qui sortent du système scolaire peuvent apprendre un métier en très peu de temps.

Refugiés ?

Ne sont pas prévu pour rester ici. Les gens qui ont commencé a se construire un réseau, n’ont pas assez d’argent pour louer un appartement a Moabit. Quand le centre disparaitra ils devront partir dans d’autres endroits, au Branderburg, là ou il y a des nazi ou tu vois… Y a un drame même dans les histoires les plus réussies.

Maintenant on est dans la phase de bureaucratisation des réfugiés. Aussi ici, le fait que les réfugiés viennent ici et ont la wifi gratuite est déjà une aide sociale bien plus importante que bien plus d’aides qu’ils reçoivent dans leur centre.

Nombre d’habitants

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2006 2016 1910 1880 1871 1805 1861 201 6 534 14 818 29 693 190 000 75 181

77 344 Absences de données démographiquesdurant cette période Nombre d’habitants Quartier international cf : https://www.statistik-ber- lin-brandenburg.de/Publika- tionen/Stat_Berichte/2011/ SB_A1-5_hj01-11_BE.pdf Bombardements 2nde Guerre Mondiale : 2/3 des bâtiments détruits Mur de Berlin Extension communale, Moabit devient un quartier de Berlin Population étrangère Population avec la nationalité allemande, issue de l’immigration 25 % 44 %

Statistiques, population Moabit

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