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Le devenir des terrains vagues : lire Berlin à travers des vides urbains

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Academic year: 2021

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Le devenir des terrains vagues : lire Berlin à travers des

vides urbains

Yasmine Hrimeche

To cite this version:

Yasmine Hrimeche. Le devenir des terrains vagues : lire Berlin à travers des vides urbains. Architec-ture, aménagement de l’espace. 2017. �dumas-01624562�

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Lire Berlin à travers

ses vides urbains

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Remerciements

Je souhaiterais tout d’abord remercier l’équipe du ZK/U et mes colocataires de Zwinglistrasse, pour l’accueil qu’ils m’ont réservé, pour les riches échanges qui ont alimentés ma réflexion sur Moabit, l’art et Berlin.

Merci également à Marie Rolland, qui a dirigé ce mémoire, et à Maëlle Tessier, pour leur patience et leur disponibilité. Merci à toute ma famille, pour leurs encouragements et le précieux soutien qu’ils m’ont apportée tout au long de ce travail.

Enfin, merci à mes amis, pour leur écoute et leurs conseils. Je remercie plus particulièrement Camille Taurelle, Eléonore Mallo, Cyrielle Landelle, Mariette Halouze, Caroline Lei, Doriane Leray, Cyril Cante, Lorène Chiron, Marie Tesson, Marie Ghiringhelli, Lucien Pigeard et Hugo Moreau pour l’aide qu’ils m’ont apporté dans la réalisation de ce travail.

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PRÉAMBULE INTRODUCTION I - La décroissance,

contre-modèle urbanistique

A - BERLIN OUEST, LA MYTHOLOGIE INFORMELLE DES MARGES URBAINES

« Allemagne, année zéro »

champ de ruines au lendemain de la seconde guerre mondiale

« Les ailes du désir »

la symbolique des terrains vagues en temps de Guerre Froide

« WEST BERLIN: Une île à la recherche du continent »

La culture du Mur

B – VILLE EN RUINE, RÊVE D’ARCHITECTES, LA PLANIFICATION DES VIDES

Du squat à la rénovation en douceur

Revitalisation d’un patrimoine ouvrier

L’archipel vert

Multipolarité et décroissance

C – LE VIDE CONFRONTÉ AU NÉOLIBÉRALISME La marge support de gentrification

Des lieux dangereux au lieux attrayant

L’entrepreneurialisme urbain

Berlin dans la compétition interurbaine

II - Moabit, cœur périphérique

A - L’ÎLE DE MOABIT, TERRITOIRE ÉMAILLÉ

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Sommaire

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Mauvaise réputation

Représentations internes/externes

Quartiersmanagement

Empowerment par les institutions ?

III – ZK/U & Stadtgarten Moabit, des temporalités qui s’entremêlent A – RECONVERSION DE LA GÜTERBAHNHOF, LES STRATES CONTEMPORAINES BERLINOISES

Hamberger

Processus opaque de l’implantation d’une grande entreprise

Déviation de la route de délestage

Création d’une nouvelle urbanité

Le Stadtgarten Moabit et la Güterbahnhof

Une conception fonctionnelle du jardin

B – ZK/U, DES ARTISTES AU CŒUR DU JARDIN PUBLIC Les racines non institutionnelles

De Kreuzberg à Moabit

Rénovation minimale

Esthétique du « brut »

Institution contestataire ?

Lutter contre ou à l’intérieur du système

Analyse du site internet

Web discours, idéal à atteindre ?

C – LE STADTGARTEN MOABIT, UN JARDIN LIVRÉ PAR LES POUVOIRS PUBLICS, SURVEILLÉ PAR LE ZK/U,

NOURRIT PAR SES USAGERS Les multiples temporalités

Espace polychrone

L’entretien et le contrôle social

Les artistes peu confrontés à l’espace public

Les points de conflits

Limites poreuses et sécurité CONCLUSION MÉDIAGRAPHIE ANNEXES 55 58 63 65 67 69 71 77 78 80 83 85 88 89 96 99 101 105 111

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Préambule

À l’heure des candidatures d’échange universitaire Erasmus, mon choix s’est rapidement porté sur Berlin. Pour sa réputation de ville en constante effervescence culturelle, innovante et mouvante. Mais aussi, de manière plus pragmatique, pour son prix. J’avais très envie de faire l’expérience de la vie « dans une grande ville » et cette destination me permettait d’accéder à une capitale d’envergure internationale avec mon modeste budget. Ce détail n’est pas négligeable, car il témoigne d’un contexte économique, social et culturel marqué par l’Histoire. Dans le tissu urbain, c’est la quantité impressionnante

d’espaces non bâtis qui transmet cet héritage si particulier. La ville compte en effet 40% de son territoire en espaces verts, qui peuvent se décliner sous forme de parcs, de terrains vagues ou de forêts urbaines.

Après deux ans passés à explorer la ville, j’ai voulu dans ce mémoire restituer les histoires auxquelles j’ai eu accès, portée par ces vides.

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Introduction

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Les terrains vagues sont des espaces non bâtis, vides de toute activité, ils sont souvent le résultat d’un abandon ou d’une guerre, dans tous les cas, ils sont une conséquence, le négatif spatial d’une histoire. Leur investissement spontané et informel traduit un élan vital, et est souvent vecteur de résilience en milieu urbain.

Leur existence dans la ville s’oppose à la rationalisation de l’espace opéré par les modernistes. Aujourd’hui, dans un système immobilier capitaliste qui domine la gestion urbaine, on les dit sans fonction, car ils ne sont pas rentables. Cependant leur indétermination permet à chacun de se sentir libre, de les investir comme il le souhaite, d’y établir ses propres règles et activités. La coexistence sur un même terrain de plusieurs personnes ou groupes, peut mener à des négociations, voir à des conflits. Dans tous les cas ces espaces mènent à l’interaction sociale, au débat. N’est-ce pas là l’essence même de l’espace public ?

Berlin, traumatisé par les bombardements (80% de son centre fut détruit lors de la seconde guerre mondiale), puis par le mur érigé en 1961, fuit par les grandes entreprises et industries, a su au fur et à mesure des années s’appuyer sur ces terrains vagues, et friches industrielles, témoins douloureux de leur histoire chaotique. Les pouvoirs publics ont parfois facilité les libertés prises par les habitants sur les logements comme sur l’espace public. Le chantier était bien trop important pour qu’ils en aient le contrôle absolu. Ils ont donc associé leur programme de reconstruction aux initiatives habitantes, parfois prises illégalement. Notamment par les nombreux squats qui se sont montés sous le gouvernement fédéral de Berlin Ouest lors des années 1980. Ce mouvement fut le terreau de la vie culturelle berlinoise qui attire aujourd’hui les créatifs de toute l’Europe et les touristes Easyjet venant le temps d’un week-end profiter des clubs dit underground.

À partir des années 1980, certains urbanistes et architectes ont su porter, défendre et prendre part à ces actions citoyennes, permettant une cohérence voir parfois une symbiose entre les pouvoir publics et la

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et les investisseurs privés étrangers entrent en jeu sur l’échiquier, la population change. Les nombreux artistes qui ont fait la réputation de Berlin dans les années 90 attirés à l’époque par le faible cout de la vie et les espaces de liberté, sont obligés de se déplacer. L’esprit libertaire semble se dissoudre peu à peu dans une mouvance plus formatée, s’intégrant plus facilement dans le système mondialisé, capitaliste et néolibéral. Les marges, les terrains vagues s’amenuisent sur la carte. La ville doit également assumer sa nouvelle fonction de capitale, les grands projets architecturaux sont financés pour redorer son blason. On cherche alors quelle direction adopter pour absorber ces acteurs et changement de statut tout en trouvant un nouvel équilibre.

Aujourd’hui les urbanistes s’appuient sur des concepts urbains comme la ville adaptable, la ville résiliente, la ville durable. Le projet plutôt que l’objet. La rénovation, l’upcycling. Ces modèles, ces concepts se recoupent, ils explicitent la complexité des interactions spatio-temporelles, notamment dans les espaces publics informels. L’identification et la gestion des différentes temporalités de la ville et de ses usages sont au cœur du projet urbain contemporain à Berlin, à chaque intervention architecturale correspond une échelle de temps, qui correspond à un cycle de renouvellement urbain. La rénovation en douceur apparue dans les années 80 à Berlin et développée encore aujourd’hui par les pouvoirs publics et en particulier le groupe S.T.E.R.N en est l’exemple, ce système porte une attention particulière à la coordination de ces différentes temporalités.

L’idée est ici de coordonner les initiatives locales, utiliser la parole

habitante pour dégager des besoins et envies réels et localisés plutôt que spéculatifs et international. On parle de projet participatif. Ces types de projets à Berlin prennent place sur plusieurs décennies, la lenteur de leur évolution respecte un calendrier attentif aux rythmes des quartiers où ils s’implantent.

Lors de ces lentes transformations, les pouvoirs publics, mais aussi les particuliers, se servent des terrains en attente pour expérimenter des pratiques sociales, artistiques ou architecturales. Il s’agit de garder les espaces vivants en faisant des économies. Les décideurs passent alors des accords avec des associations porteuses de projets culturels ou sociaux, leur laissent des espaces à disposition en totale autonomie. Il s’agit parfois d’espaces privés, on parle alors de Hausprojekt (« Maison projet ») souvent à l’initiative de collectifs d’artistes. Parfois, il s’agit

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d’espaces publics, dans ce cas l’espace est toujours multifonctionnel, parc, potager, jardin d’enfant, espace évènementiel, restaurant, cinéma plein air, Biergarten et autres se mêlent sur un même terrain. Souvent, le projet est déjà en place lorsque les décideurs passent un accord avec ceux qui le portent, le faisant ainsi rentrer dans le cadre légal.

L’outil du partenariat est repris et réinterprété dans d’autres type de projets. En 2010, dans le cadre d’une reconversion industrielle dans le quartier de Moabit, la mairie de Mitte lance un appel d’offre pour réinvestir une partie d’une gare de dépôt ferroviaire, placée au cœur de ce qui deviendra un jardin public. Le collectif d’artistes KUNSTrePUBLIK remporte avec un projet de centre culturel couplé à une résidence d’artistes qu’ils nomment ZK/U : Zentrum für Kunst und Urbanistik, que l’on traduit par Centre d’Art et d’Urbanisme. Ils deviennent propriétaires des murs de l’ancienne gare ferroviaire, mais pas de son terrain. Ils obtiennent donc un bail sur une durée de 40 ans, avec un loyer très bon marché. En échange, ils doivent entretenir le jardin public.

Ce contrat entre une mairie berlinoise et un collectif d’artiste est expérimental. Il assure une implantation au long terme du collectif dans l’espace public et permet aux collectivités d’économiser l’entretien d’un parc. Comme toujours dans les dispositifs expérimentaux, de nombreux imprévus font surface, il faut alors savoir faire face, improviser, négocier. De là, des écosystèmes se mettent en place afin de maintenir le jardin public, sans aide financière de la Mairie. Dans ce nouvel espace public berlinois, des qualités des terrains vagues et des friches d’après-guerre subsistent en filigrane. Se pose alors, les questions d’organisation de gestion. Dans un espace où toutes les règles restent à inventer, mais où le désir de liberté reste fort, quand intervenir ? comment orienter les usages d’un espace tout en acceptant à la friction, à la négociation, pour laisser la place à la création ? Comment s’appuyer, valoriser et responsabiliser les différents usagers afin de garder des espaces pluri-temporels, plurifonctionnels, desquels naitrait une certaine vitalité hybride ? Il

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LA DÉCROISSANCE,

CONTRE-MODÈLE URBANISTIQUE

Partie I

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Méthodologie

«La relation entre l’absence d’utilisation et le sentiment de liberté est fondamentale pour saisir toute la puissance évocatrice et paradoxale du

terrain vague dans la perception de la ville contemporaine. Le vide c’est l’absence, mais aussi l’espérance, l’espace du possible. L’indéfini, l’incertain,

c’est aussi l’absence de limites, une sensation presque océanique pour reprendre le terme de Freud, l’expectative de la mobilité et de l’errance. (…) La présence du pouvoir invite à la fuite de se son emprise totalisatrice,

le confort sédentaire appelle au nomadisme non protégé, enfin l’ordre urbain appelle à l’indéfini du terrain vague, véritable indice territorial du questionnement esthétique et éthique que soulève la problématique de la

vie contemporaine.»

Ignasi De Solà Morales, Urbanité interstitielle, 1995

Les AIles du désir, Wim Wenders, 1987

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BERLIN OUEST, LA MYTHOLOGIE

INFORMELLE DES MARGES URBAINES

A Berlin on trouve dispersés à travers la

ville un grand nombre de délaissés urbains.

Ils proviennent des bombardements qui ont

détruits 82 km² dans le centre-ville et du rythme

relativement lent des processus de réhabilitation

qui ont suivi. Ils prennent la forme de dents

creuses, de forêt urbaine, de parcs informels, de

chemins de fers désaffectés, d’un coin de rue ou

encore d’un pied d’immeuble en friche.

vides urbains

Ces zones libres de toutes constructions et de

tout entretien sont porteuses d’une identité

urbaine : elles manifestent une absence, un

passé, mais également des opportunités à venir.

fantasme berlinois

Ces espaces désaffectés vont avoir une

importance capitale dans la naissance de la

contre-culture qui s’y forge à cette époque.

Des artistes, étudiants et hédonistes pétries

d’idéaux marqueront la société civile berlinoise

par leurs pratiques urbaines alternatives.

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« Allemagne, année zéro »1

champ de ruines au lendemain de la seconde guerre mondiale

Les Schwarzplan, littéralement « plan noir » permettent une lecture claire et rapide du rapport espace bâti/ espace non bâti. Seuls sont représentés en noir les espaces bâtis et en blanc les espaces non-bâti.

Suite à la bataille aérienne en 1943-1945, 30% du centre de Berlin est détruit, 80% du bâti est endommagé. 1.ROSSELINI Roberto, Allemagne année zéro, 1947

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Edmund livré à lui-même dans un Berlin fantôme 1 2.ROUMETTE Sara, l'Histoire : les "Trümmerfrauen" , Karambolage 359, 19 avril 2015 1.Ibid 3.berg signifie mont en allemand Ruines et pertes de repères

Roberto Rosselinni filme en 1947 « Allemagne, année zéro » dans ce Berlin chaotique et détruit. On y erre et on s’y perd en suivant son protagoniste, Edmund, un enfant de douze ans qui cherche une aide pour soigner son père malade. Il ne trouve comme appui parmi les ruines qu’un homme nazi qui le corrompt et le mène à sa propre perte. Le portrait de la ville et de sa population est obscur, il dépeint une absence de repères et une dureté dans une ville coupable et vaincue que personne ne plaint et où personne n’a le droit de se plaindre.

Travail de reconstruction

Si les ruines sont le théâtre de tragédies, elles mettent aussi en scène la renaissance d’une société et d’une culture nouvelle.

Afin de reconstruire la ville, la population est mise à contribution à l’image des Trümmerfrauen, « les femmes des ruines », figure

emblématique de la reconstruction. Beaucoup parmi elles étaient veuves ou mariée à des prisonniers de guerre, on estime qu’elles ont été 60 000 à Berlin2 à déblayer les débris et à les déplacer vers l’ouest. Leur

accumulation forma finalement une colline artificielle, la Teuffelsberg3.

Elles représentent une des premières figures allemandes positives d’après-guerre, et annonce les prémisses des initiatives citoyennes spontanées.

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Trümmerfrauen 2

Panneaux d’indication 3

« Les écritaux parlent russe maintenant, et nos gendarmes tiennent leur place dans Berlin vaincu. »

Du point de vue des Alliés, qui ont pris le pouvoir, Berlin est une ville à éduquer. Il faut, par le biais de la restructuration urbaine, inculquer aux Allemands une «idéologie saine» tout en les gardant sous contrôle. La remise en marche d’infrastructures est aussi un moyen d’affirmer sa position de dominant sur la population vaincue. Les Berlinois leur seraient alors redevables pour les nouveaux bus, le métro, les gendarmes qui maintiennent l’ordre et même les journaux distribués1. 1.archive ina, Les actualités françaises, Dans Berlin en ruines la vie reprend, 1945 2. Ibid 3. Ibid

Edmund, les Trümmerfrauen, les Alliés sont trois représentations du Berlin d’après-guerre. Elles se complètent et composent un triptyque qui dépeint dans sont rapport aux espaces bombardés : la défaite par la destruction et les ruines, la renaissance par le déblaiement, la domination par l’aménagement.

Ainsi la reconstruction constitue un fort enjeu politique. Les différentes nations tentent d’en prendre la tête. Très vite les Etats-Unis et l’URSS, qui se partagent le pouvoir, s’opposent et utilisent le territoire l’ex-capitale allemande comme support de compétition. Chaque pays veut montrer à son concurrent sa puissance idéologique et produit pour cela

Du point de vue des Alliés, qui ont pris le pouvoir, Berlin est une ville à éduquer. Il faut, par le biais de la restructuration urbaine, inculquer aux Allemands une «idéologie saine» tout en les gardant sous contrôle. La remise en marche d’infrastructures est aussi un moyen d’affirmer sa position de dominant sur la population vaincue. Les Berlinois leur seraient alors redevables pour les nouveaux bus, le métro, les gendarmes qui maintiennent l’ordre et même les journaux distribués1.

Points de vue croisés

Edmund, les Trümmerfrauen, les Alliés sont trois représentations du Berlin d’après-guerre. Elles se complètent et composent un

triptyque qui dépeint dans son rapport aux espaces bombardés : la défaite par la destruction et les ruines, la renaissance par le déblaiement, la domination par l’aménagement.

Ainsi la reconstruction constitue un fort enjeu politique. Les différentes nations tentent d’en prendre la tête. Très vite les Etats-Unis et l’URSS (qui se partageront le pouvoir la ville jusqu’à la réunification en 1989) s’opposent et utilisent le territoire l’ex-capitale allemande comme support de compétition. Chaque pays veut montrer à son concurrent sa puissance idéologique et produit pour cela de grands projets de logements et

d’infrastructures à la pointe de la modernité.

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Le mur de Berlin est construit en une nuit. Il clot les frontière des secteurs sous le contrôle de la RFA.

1961

L’accord quadripartite sur Berlin est signé entre l’URSS, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France. La RDA renonce à exercer toute autorité sur Berlin Ouest. Le passage est facilité de Berlin Ouest à Berlin Est.

1971

1987 Les Ailes du Désir, Wim Wenders

1989 Chute du mur de Berlin 1990 Réunification officielle de

l’Allemagne, Berlin reprend son rôle de capitale

1945 Berlin est conquise par l’Armée Rouge. La ville est divisée en quatre secteurs : russe, britanique, américain et français (accords de Yalta)

1947 Allemagne, année zéro, Roberto Rossellini

1952 Fermeture des frontières

entre la RFA et la RDA (rideau de fer)

1949 Le blocus de Berlin par l’URSS marque le début de la guerre froide, le bloc ouest (américain) ravitaille

les deux millions d’habitants par pont aèrien.

La RDA et la RFA sont établies.

Le territoire de Berlin Ouest confrontée à la guerre froide

b ba

Templehof Potsdamerplatz

« Aucune autre cité

n’est à ce point symbole,

à ce point survie »

Wim Wenders, Les ailes

du désir, 1987.

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« Les ailes du désir »

la symbolique des terrains vagues sous le spectre de la Guerre Froide

Les frontières sont figées en 1961 avec la construction du Mur. à Berlin Ouest, isolé du continent, on est confronté aux cicatrices du territoire. Les terrains vagues sont porteurs de nostalgie et de mélancolie, symbole de l’histoire chaotique dont les Berlinois subissent toujours les conséquences.

La structure lacunaire du tissu urbain, la baisse d’activité économique et industrielle inscrit un ralentissement du rythme urbain. En effet, les distances à parcourir paraissent plus longues lorsqu’elles sont vides. L’espace public invite alors à l’errance, à la flânerie, à des temps de réflexion, de remise en question et de poésie.

Dans les Ailes du désir, Wim Wenders révèle la portée narrative de ces terrains vagues. Berlin est vue à différentes hauteurs, du ciel par les anges, du sol par les humains.

Wim Wenders, Les Ailes du désir, 1987 KREUZBERG MOABIT

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Impr. écran 42’24’’, Wim Wenders, Les Ailes du désir, 1987 Impr. écran 43’10’’, Wim Wenders, Les Ailes du désir, 1987

est particulièrement douloureuse car elle confronte le souvenir vivace d’Homer au terrain vague qu’il traverse. Il ne reconnaît pas le lieu heureux et animé d’avant-guerre qu’il connut, il ne fait face qu’à l’immense espace vide qui borde le mur de Berlin. On écoute avec l’ange qui le suit, le récit chargé d’émotion et de nostalgie que nous partage le vieil homme de sa voix intérieure. On prend conscience des conséquences intimes de la guerre. De l’absence et de la souffrance qui s’inscrit dans ce lieu

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1. A.G., PARC DE TEMPELHOF-Le succès de la pétition contre les constructions ouvre la voie vers l’organisation d’un référendum, 29/01/2014, consulté le 05/05/2016, lepetitjournal. com/Berlin

Ce patrimoine du vide est reconnu par les Berlinois. Ils se sont mobilisés en nombre en 2014 pour faire avorter le projet de construction de logements en périphérie de Tempelhof1. Plus

de 185000 personnes ont signé une pétition contre, ce qui a obligé le Sénat de Berlin à organiser un référendum quelque mois plus tard. Il fut remporté à 65% de vote pour la conservation de l’espace libre dans sa totalité. L’argument principalement avancé étant la charge historique importante de l’ancien aéroport.

Cet attachement témoigne également de la soif de liberté qui caractérise le folklore berlinois. Beaucoup d’entre eux font le lien entre temps libre et espace libre. Une certaine conception de la vie largement cultivée par une frange de la abandonné. La mémoire d’Homer nous est transmise par la superposition d’images actuelles et d’archives.

Le vide urbain comme valeur historique

Qu’ils soient issus des bombardements, du mur, ou de la

désindustrialisation, de nombreux vides de Berlin se sont formalisés en parc à la suite de la réunification. Au-delà d’être des lieux de détente, ce sont aussi des mémoriaux, car leur seule présence est un témoin du stigmate de l’histoire de la ville.

2. wikiwand. com/no/ Mauerpark 3. stadtent wicklung.berlin. de

Mauerpark, ancienne implantation du Mur2

Tempelhof, ancien aéroport3

Südgelande, anciens chemins de fer

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« WEST BERLIN: Une île à la recherche du continent »1 La culture du Mur

« Berlin:Ouest – pendant plus de quarante ans, cette ville insulaire fut à la fois un point stratégique de la Guerre Froide et une « vitrine de l’Ouest » très subventionnée et conçue pour l’Est. A la chute du mur de Berlin en 1989, la demi-ville a perdu son statut particulier, son

prestige ainsi que sa valeur symbolique. Cependant, à partir de ce moment, la ville de l’Ouest a commencé à briller de nouveau. Elle est devenue plus que jamais présente dans l’attention du public. Cette raison suffit au Stadtmuseum de Berlin pour dédier une exposition spéciale et

majeure à ce thème lors de la 25e année suivant la chute du mur de Berlin. » Flyer de présentation de l’exposition, tenue en 2014 au Stadtmuseum

1. traduit par mes soins, l’exposition s’est tenue du 14/11/2014 au 26/08/2015 au StadtMuseum de Berlin Gerard Ullmann, Schaukelndes Maedchen, 1970

Squatteurs, musiciens, étudiants, anarchistes s’entremêlent dans les marges de la ville. Ils sont à l’origine du fantasme libertaire berlinois. Certains vivent en autarcie, le long du mur, là où se statue la nouvelle périphérie, comme à Kreuzberg ou à Moabit. Leur pratique de l’espace, à contre-courant des normes occidentales qui régissent pourtant la RFA. C’est ce mode de vie transgressif qui attirera à la chute du mur des artistes par dizaines de milliers. L’exposition West:Berlin, une île à la

recherche du continent tenue en 2015 au Berlin Stadtmuseum donne un

tour d’horizon de cette période particulière en quatre thèmes : politique, société, économie et culture. Les photographies exposées révèlent une forte interaction de la culture alternative avec l’espace public.

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zeithistorische-forschungen.de

Inconnu, Couch auf der Oranienstraße, 1987 (photo du groupe S.63)2 1. Michel Foucault, Des espaces autres, 1967, http://desteceres. com/heterotopias.pdf, consulté le 09/09/2016 Hétérotopie

Le contre-usage fait des rues et des places rappelle le concept d’hétérotopie inventé par Michel Foucault en 19671, dans une conférence nommée « les

espaces autres ». Il les décrit comme des espaces, réels, localisables, qui accueillent un ou des imaginaires qui vont à l’inverse des codes de conduite institutionnalisés. Cette matérialité physique des hétérotopies et leur

emplacement interne à la société les opposent aux utopies, qui n’ont aucune réalité physique. Une hétérotopie peut donc être le détournement d’un aménagement institutionnel.

En mettant en parallèle les deux images ci-dessous, on peut observer l’usage transgressif répété de l’architecture. Dans l’image 1, en installant le canapé dans la rue, la rue devient salon. Dans l’image 2, en jouant au ballon sur la chaussée, la chaussée devient jardin. On assiste à une extension de l’espace privé sur l’espace public. Il en est de même lorsqu’à l’époque, des friches industrielles sont utilisée pour organiser des fêtes (concert de musique punk dans les années 80 ou rave party dans les années 90). Les espaces éloignés de toute gouvernance tombent aux mains des artistes précaires qui occupent des terrains de plus en plus grands, attirant de plus en plus de publics et d’acteurs dans leur mouvement.

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Amphicar, voiture se déplaçant sur l’eau, inven-tée à Berlin Ouest1

1. Photo exposé à WEST:BERLIN, kreuzberged. files.wordpress. com Vacances sur place

L’enfermement pousse à créer des moyens d’escapade dans la ville même. Berlin étant doté de lacs et de forêt, ils deviennent le lieu privilégié des habitants qui ne peuvent pas traverser la RDA pour partir en vacances.

Dans une époque où le modernisme et le fonctionnalisme régissent encore la ville, les hétérotopies attirent et fascinent. En enfreignant les normes citadines, l’élan populaire s’approprie l’espace et gagne en pouvoir politique. Dans une époque marquée par des mouvements sociaux émancipatoires tels que les mouvements étudiants américains et européens des années 1960, les soulèvements féministes des années 1970 ou encore les luttes ouvrières (notamment en Grande-Bretagne) des années 1980, le désir de bousculer l’ordre établi est aussi traduit dans ces pratiques urbaines à contre-courant.

Régime politique d’exception

Si la Mairie est aussi permissive avec ses citoyens, c’est aussi pour maintenir l’image idéologique que le bloc ouest de la guerre froide, menée par les Etats-Unis, souhaite donner.

En tant que vitrine sur l’URSS, Berlin Ouest se doit d’être symbole de liberté, valeur suprême du discours américain. Les capitalistes y assurent des services sociaux à valeur égale voir supérieure que les communistes. Elle est d’ailleurs la seule ville de RFA absoute de service militaire. Cela ne manque pas d’attirer de nombreux jeunes hommes rejetant de l’autorité. C’est paradoxalement dans ce contexte très tolérant, que des jeunes anticapitalistes peuvent cultiver leur art de vivre et leur art tout court. Sans grandes ressources financières cette génération crée des œuvres musicales, picturales, littéraire et ainsi que des lieux dit underground qui marqueront profondément la culture et l’image à l’international de Berlin

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1. Extrait de

Berlin, le mur des son, Rolf Lambert, 2014

Le club Tresor, construit dans le coffre d’un ancien magasin1

Succès de la culture contestataire actuellement

L’intérêt pour cette étape marquante dans l’histoire de la ville est toujours vivace. Les témoignages se multiplient. Après l’exposition de

WEST:BERLIN, Une île à la recherche du continent, on peut citer deux

documentaires produits ces deux dernières années relatant le microcosme alternatif s’étant établi dans les marges de la ville :

- B-Movie: Lust & Sound in West-Berlin 1979-1989 est composé d’images

d’archives de la scène avant-gardiste et punk des années 1980 et des débuts de la Love Parade, y est mélangé des courts métrages amateurs décalés de série B .Le mélange des genres retranscrit période créative et où les artistes et dilettants de ce microcosme vivaient au jour le jour.

- Berlin le mur des sons relate, à travers les interviews de célèbres DJ, la

naissance du mouvement techno à Berlin Ouest au début des années 1980 et le rôle réunificateur que cette musique a eu lors de la chute du mur. On y voit des centaines de jeunes berlinois investir les friches industrielles et les terrains vagues pour les transformer en clubs clandestins.

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VILLE EN RUINE, RÊVE D’ARCHITECTES

LA PLANIFICATION DES VIDES

La population appréhende la ville à échelle

humaine, l’échelle de l’édifice. Ce sont dans les

interstices et les marges de cet ordre que s’est

développée la fameuse contre-culture de Berlin

Ouest, puis du Berlin réunifié. Dans les anciens

quartiers ouvriers et en particulier à Kreuzberg

les squats politiques et artistiques ont fleuri.

Alors que les industries se délocalisent dans

d’autres villes de la RFA, les usines et les

logements ouvriers perdent de leur activité.

Peu à peu, de jeunes architectes et urbanistes

rallient la cause des squatteurs et cherchent

à institutionnaliser ce processus informel et

contestataire de rénovation spontanée.

L’engouement pour la question berlinoise est

international. Rem Koolhaas et Matthias O.

Ungers se penchent sur ce cas urbanistique

unique en 1977 et nous livrent à travers le

manifeste La ville dans la ville, Berlin un archipel

vert, une vision à l’échelle métropolitaine d’un

système de vides. Ils saisissent alors le potentiel

du plan parsemé et clos de Berlin Ouest et en

révèlent les racines historiques d’avant-guerre.

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Plan Hobrecht 18621 1. en.wikipedia.

org/wiki/ Hobrecht-Plan

Du squat à la rénovation en douceur

Revitalisation d’un patrimoine ouvrier

L’abandon progressif des industries laisse le champ libre aux artistes pour venir s’installer aux côtés des travailleurs immigrés. Ces derniers, les Gastarbeiter « travailleurs invités » arrivent dans les années 1950, principalement de Turquie. Les quartiers ouvriers de Neukölln, Moabit et Kreuzberg se retrouvent en position périphérique le long du mur. Kreuzberg est particulièrement enclavé, ce quartier ne communique en effet avec le reste de la ville uniquement par son versant ouest. Un certain nombre de ses habitants décident alors de déménager, laissant leur appartement libre d’être investi par une population plus marginale.

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Mietkasarnen vues à vol d’oiseau 2 2. Berliner

Mietskasernen Verlag Dr. Hans Epstein/Wien & Leipzig, 1929 Les Mietkasernen et ses cours

intérieures

Les Mietkasernen que l’on retrouve dans tous les quartiers ouvriers de Berlin sont des immeubles d’habitation, qui atteignent souvent cinq étages. Leur implantation fut facilitée par le plan Hobrecht de 18611, qui dessina sur la ville

de longues parcelles fines. On organisait alors les Mietkasernen autour d’une, voir, plus souvent, deux ou trois cours intérieures. Les populations les plus aisées (petits bourgeois, commerçants) prenaient les appartements sur rue, et avaient ainsi accès à plus de lumière et d’air tandis que dans les arrière-cours s’entassaient les familles ouvrières les plus pauvres. Les artistes s’approprient cette architecture en créant dans

3 Édith Gaillard, Berlin : le squat comme outil d’émancipation féministe, le 28/05/2012, metropolitiques. eu/Berlin-le- squat-comme-outil-d.html ces cours intérieures, à l’abri des regards, une vie communautaire et

libertaire où beaucoup s’associent pour retaper les immeubles, les peindre, les transformer en atelier artistique et en espace politique alternatif. A partir de 1979, cette pratique s’assume et devient militante. Il s’agit des « instandbesetzer-innen », que l’on peut traduire par des « occupants rénovateurs ». En réparant et entretenant des bâtiments dont la démolition est programmée, les squatteurs se l’approprient et le revalorisent. Cette pratique est encore très présente dans les associations féministes qui démontrent de leur capacité technique par la rénovation autonome d’immeubles entiers3. A la suite de ces rénovations,

les squatteurs obtiennent un bail qui permet au bâtiment d’être

conservé. Cette tactique s’intègre dans une stratégie plus large contre l’augmentation des loyers et le maintien des populations précaires dans le quartier, les bâtiments anciens étant moins cher que les bâtiments neufs.

Le regard institutionnalisant des architectes

1. Denis Boquet, Berlin, un urbanisme participatif, chapitre: Berlin : histoire de l’urbanisme et enjeux contemporains des politiques urbaines, Profession Banlieue, 2008

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Cette démarche a inspiré le processus de « rénovation douce » développée et officialisée lors de l’IBA, l’exposition internationale d’architecture, de 1984 – 1987 dans la catégorie d’Alt-Bau. Cette catégorie est dédiée à la préservation du tissu urbain encore en place. À l’époque, selon le courant dominant, on coupe allègrement dans ce dernier, on rase des larges portions d’immeubles pour faire place à la modernité. Des architectes s’élèvent contre cette pratique. Lors de l’IBA, ils se rassemblent pour poser des principes alternatifs de rénovation. On souhaite réparer plutôt que détruire, en prenant soin d’impliquer les habitants et usagers dans cette démarche. Ici la sauvegarde patrimoniale s’accompagne d’un processus participatif. Beaucoup de ses partisans formeront à posteriori l’organisme S.T.E.R.N. responsable de la plupart des projets de restructuration urbaine participatives ces dernières années.

« Mais une fois posés les principes d´une rénovation douce, reste à préserver l´idéal social. Si l’IBA pose l’exemple d’ilôts traités de manière raisonnée dans le quartier de Kreuzberg, elle ne marque pas forcément la généralisation de la rénovation douce. Autour de l’IBA continue l’agitation pour faire en sorte qu’elle ne reste pas le cache-sexe d’une destruction à laquelle on n’aurait au fond pas renoncé. » BOQUET Denis1

Aussi la rénovation douce est régulièrement remise en question et sujette à débat. Dans un pays où 85% des habitants sont locataires, le déplacement de populations précaires est inévitable sans la mise en place d’un cadre législatif strict.

1. Denis Boquet, Berlin, un urbanisme participatif, chapitre: Berlin : histoire de l’urbanisme et enjeux contemporains des politiques urbaines, Profession Banlieue, 2008

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L’archipel vert

Multipolarité et décroissance

« Si Paris a longtemps été le modèle de Berlin, il semble à présent que Berlin s’impose comme la ville-archipel marraine de la métropole européenne la plus radioconcentrique et dense de toutes. Finalement Berlin pourrait bien

accéder au statut d’une Europe de la croissance zéro. » Rem Koolhaas

Formation multipolaire originelle Retour historique

La métropole berlinoise s’est constituée par une agglomération de plusieurs villes de la même région. La Spree, fleuve central de la vallée, y façonne des îlots de terre sur lesquels s’implantent des villages qui se développent indépendamment. A l’origine, au cours du XIIIe siècle, Berlin et Cölln se faisaient face, au cœur de la vallée, chacune de chaque côté de la Spree. Plus à l’écart, Spandau et Köpenick se développaient au même moment de manière indépendante. De par les siècles d’autres villages se sont fondées dans la vallée ainsi que sur les plateaux de Teltow et de Barnim.

En 1710, alors que Berlin devient capitale de Prusse, une première fusion avec ses villages alentours est opérée. La région s’étoffe dans un premier temps par un développement militaire puis, très vite par un développement industriel.

Afin d’asseoir sa puissance économique sous une seule unité administrative, et de gérer le boom industriel et démographique qui occure, l’ensemble des villes sont incorporée à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. C’est en 1920 que le regroupement communal du « Grand Berlin » fige les limites administratives de la ville telle qu’on la connaît aujourd’hui. Hermann Jansen conçoit la même année le premier plan des espaces libres de Berlin. En suivra une planification rigoureuse des espaces verts à Berlin.

Le rythme décousu d’une ville archipel Retour dans la ville contemporaine

A présent, Berlin est organisée en plusieurs Stadtteile, des morceaux de ville, qui sont hérité de cette formation en archipel. On compte 40% de

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Plan du metro berlinois 1 1. http://

fr.berlinmap360. com/plan-metro-berlin

la surface de la capitale comme espace vert et naturel. Pour naviguer dans ces larges étendues, la ville mis en œuvre un immense réseau de transport en commun. Le métro est implanté dans tous les quartiers de la ville et maille efficacement le territoire. A chaque nœud de cette maille se place un petit centre urbain dans une station de métro. En effet lorsqu’on effectue un changement de ligne, il y a toujours au moins une petite épicerie ou un snack qui marque et anime la station sous-terraine et attire les usagers.

A ce réseau rapide et sous-terrain, se superpose la grille des vides, souvent verts, ou l’on se pose, on prend le temps. Sur le sol, à l’air libre, on pratique le jardinage, on pique-nique, on lit. Des temporalités et des vitesses urbaines se superposent et s’imbriquent dans Berlin, celles de la trépidante mobilité de la ville-monde et celles de la croissance lente des jardins, friches et forêts clairsemées.

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La Ville Dans La Ville: Berlin: Un Archipel Vert 1

L’interaction entre mobilité et espaces vert est un point crucial de la réflexion portée dans le manifeste La ville dans la ville, Berlin : Un

archipel vert en 1977 par Mattias O. Ungers et Rem Koolhaas. Il fut

republié dans une édition critique, en 2013, avec les commentaires et analyse de Florian Hetwerck.

« Sous le titre d’« archipel vert », nous échafaudâmes une stratégie pour « projeter la décomposition des villes » fondée sur des jugements de valeur

purs et durs (esthétiques, politiques, sociaux). Dans une ville confrontée, comme la plupart des autres en Europe, à une sérieuse dépopulation, nous nous efforçâmes d’anticiper la question de savoir quels ensembles méritaient

d’être conservés et quels autres pouvaient être rasés afin de transformer la ville entière en un paysage arcadien de vestiges construits, noyés dans une mer de verdure où les infrastructures de la vie contemporaine auraient été

dissimulées… » Rem Koolhaas, 20062

Lorsque les architectes écrivent ce manifeste, nous sommes en pleine guerre froide, mais également à la fin de la période que nous appelons en France les 30 glorieuses (en Allemagne période du « miracle

économique allemand ») qui a permis à la société de consommation de façonner de nouveaux paysages urbains que l’on retrouve dans toutes les agglomération de la partie du bloc Ouest, alliée aux Etats-Unis. Des grands ensembles sont encore en construction partout en Europe. A Berlin, que ce soit à l’est ou à l’ouest, on voit de grandes constructions modernistes pousser de toute part. La ville devenue la vitrine de la guerre froide, chaque moitié cherche à impressionner son voisin en construisant toujours plus. Aborder la question de la décroissance tant démographique qu’économique est inédit et va donc contre-courant du discours

dominant.

Rem Koolhaas et Mattias O. Ungers préconisent une destruction attentive du tissu urbain. Pour cela ils identifient des îlots de bâti qui ont, selon eux, une valeur architecturale supérieure. Pour le reste, ils proposent une démolition progressive du bâti excédent.

Dans l’édition critique de Florian Hertweck et Sébastien Marot, aucune carte, aucun plan n’indique ni à quelle vitesse ce surplus devrait se transformer en jardin métropolitain. Le processus est absent, on a à faire un projet relevant autant de l’utopie que de la stratégie urbaine.

« Le projet était complètement délirant, mais il montrait que Berlin – en

1. Florian Hertweck et Sébastien Marot, La ville dans la ville, Berlin : un archipel vert, Un manifeste (1977) d’Oswald Mathias Ungers et Rem Koolhas avec Peter Riemann, Hans Kollhof et Arthur Ovaska, une édition critique de Lars Müller publisher, 2013 2. Ibid

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1. Ibid raison même de l’impossibilité d’altérer son caractère- était un territoire

parfaitement adapté aux spéculations futuristes. »Rem Koolhaas1

La territorialisation du manifeste agit comme un double révélateur : il met en évidence la forme multipolaire historique de Berlin ainsi que la potentialité que représente les vides urbains hérités de la guerre. La mer verte et végétale projetée ne serait pas vide d’activité, elle accueillerait une programmation moderne, en lien avec la mobilité automobile ou la mobilité financière comme des drive-in ou des banques. Koolhaas et Ungers viennent là parsemer les fonctions urbaines nouvelles sur un territoire fermé, celui de Berlin Ouest. Ils redonnent à des espaces vides, détruits une contenance nouvelle tout en respectant la configuration métropolitaine s’étant modelée à travers les différents traumatismes de son histoire.

Ces deux modèles abordent la question commune de la décroissance, la construction de « la ville sur la ville » est alors abordée sous le prisme politique du mur de Berlin. Elles posent les bases de ce qu’on appelle aujourd’hui le recyclage urbain, concept qui relève plutôt de préoccupation écologiques et économiques, faisant suite à la crise de 2008.

Entre ces deux périodes, le courant économique néolibéral prend le contrôle du système immobilier, encourageant la construction effrénée de nouveaux bâtiments et changeant radicalement les jeux d’acteurs effectifs avant la réunification.

2.

www.the-booklist.com

Matthias O.Ungers, dessin de Berlin, l’archipel vert2

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VILLE EN RUINE, RÊVE D’ARCHITECTES

LA PLANIFICATION DES VIDES

A la chute du mur, la géographie berlinoise est

de nouveau bouleversée. Elle se défait de son

statut de vitrine capitaliste et communiste.

Le territoire formé par la guerre froide perd

de son sens idéologique et va peu à peu subir

les transformations d’un nouveau courant

économique international, le néolibéralisme.

La spéculation immobilière est sa manifestation

la plus présente dans l’espace urbain.

Dans une réhabilitation de Berlin en capitale

nationale, des efforts financiers colossaux sont

porté sur son nouveau centre afin de recréer

une unité entre les anciens quartiers de la

RDA et de la RFA. Bien qu’elles reçoivent des

subventions considérables par le reste de l’état,

la région s’endette.

Grâce à son dynamisme culturel elle attire de

nombreux artistes et touristes. Les investisseurs

suivent, et de nombreux lieux informels sont

privatisés. La lutte urbaine anti-capitaliste

s’organise avec plus ou moins de succès.

Dans ce contexte, une tension inédite pèse sur

les espaces publics, tiraillés entre ses enjeux

financiers et ses enjeux sociaux.

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La marge support de gentrification

Des lieux dangereux au lieux attrayant

La sécurité comme notion subjective, L’exemple de la Rigaer strasse

Petit à petit, suite à la réunification, des quartiers entiers sont rénovés et, malgré les tentatives de mettre en place des stratégies institutionnelles pour maintenir les populations d’origine en place, la gentrification opère. Les locataires modestes et les squatteurs sont contraints, malgré leurs protestations de se déplacer dans des zones de plus en plus éloignés, là où elles peuvent échapper aux vagues de spéculations immobilières. Lorsqu’il s’agit de groupe marginalisés et militants, le processus de déplacement s’accompagnent généralement de conflits brutaux entre la police et les ceux qu’on appelle les Autonomes. Ces derniers se revendiquent du Mouvement Autonome, groupe fortement libertaire, qui réclame l’autonomie du prolétariat vis-à-vis des partis politiques et des syndicats. Lors de l’année 2015, une zone du quartier de Friedrischain où de nombreuses Hausprojekt («Maison de projet») sont encore implantées fut déterminée comme « zone de danger » par la police berlinoise.

Deux raisons sont données. Premièrement, selon la police, nombreux sont les habitants des Hausprojekt à se positionner contre « l’Etat policier ». La Rigaerstrasse accueille dans ses rez-de-chaussée des Hausprojekt des bars associatifs à bas prix. Ces repères de punks et anarchistes rejettent l’autorité légale que les policiers exercent. C’est un lieu où les forces de l’ordre sont régulièrement confrontée à des agressions verbales, voir physiques.

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de 2011, traduit en français par Le droit pénal, moyen de gouverner

les disparité urbaine. Il y met en évidence la subjectivité du système

législatif, qui à travers une variété de dispositifs ancrés dans l’espace tend à stigmatiser les populations marginales. Une partie concerne spécifiquement les zones de danger :

« La loi générale sur la sécurité et l’ordre du Land de Berlin stipule (art. 2, § 21), que le contrôle d’identité dans des « lieux affectés par la criminalité » ne nécessite pas de soupçon préalable, et (art. 2, § 34) que les personnes peuvent y être fouillées, même sans justification. Pour qu’un lieu soit défini comme « dangereux », il faut théoriquement que la criminalité y soit élevée, mais un lieu où aucun crime ni délit n’a été commis peut être exceptionnellement considéré comme « un lieu affecté par la criminalité ». La pratique policière - ancienne et largement étudiée – qui consiste à contrôler plus intensément dans les « mauvais » quartiers urbains trouve ainsi un appui juridique. »

« Mauvais » est une notion explicitement subjective dans ce paragraphe.

1.

www.berliner-kurier.de/

2. Ibid

3. Source

personnelle

Rigaerstrasse, manifestation contre la zone de danger, janvier 20161

«Soyons ingouvernables», théâtre du rue contestataire, juillet 20162 recherche de témoignages contre les abus de

la zone de danger, février 20163

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https:// twitter.com/ arthurcabot/

Recouvrement de la fresque de BLU

Dès lors les contrôles constants dans la rue de Rigaer strasse est souvent vécue comme un harcèlement par ses habitants, même ceux qui n’ont aucune revendication politique, et dont le faciès et les habits leur font éviter un contrôle systématique, en subissent les conséquences. Les barrières de sécurité forcent le détour, la nuit les policiers sont toujours présents, et refusent de répondre aux questions concernant leur présence.

Instrumentalisation des pratiques artistiques contestataires

Paradoxalement, d’autres opérations immobilières s’appuient aussi sur des pratiques illégales et anticapitalistes pour attirer une clientèle plus aisée. C’est le cas de nombreuses fresques murales réalisée à Berlin par des artistes. BLU, un artiste italien, réalise en 2008 deux fresques donnant sur un grand terrain vague de Kreuzberg. Une d’entre elles illustre un homme enchaîné par ses montres en or et se positionne alors clairement contre le processus de gentrification ayant lieu dans le quartier. En 2014 une opération de logements aux prix largement supérieur à la moyenne du quartier, vente ses appartements par la vue qu’ils offrent sur la fresque en question. BLU décide alors de la recouvrir afin qu’elle ne puisse plus être instrumentalisée à des fins commerciale.

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L’entrepreneurialisme urbain

Berlin dans la compétition interurbaine

La gentrification impose à certains citoyens un mode de vie qui n’est pas le leur. Les artistes attirés dans les années 1980 et 1990 par l’esprit contestataire jouissaient d’une liberté et d’un « laissé faire » rare dans les autres villes du pays. Au-delà d’une certaine nostalgie, ce schéma de pensé traduit un sentiment d’acculturation, arrivé progressivement suite à la chute du mur. L’ouverture de Berlin Ouest sur le reste du pays entraina un « lissage » des modes de vie.

Cette gestion urbaine est une conséquence du néolibéralisme qui pousse Berlin à entrer dans une compétition interurbaine. David

Harvey, conceptualise ce changement de conduite1. Selon ses écrits, on

assiste à un changement de système : du gestionnariat, nous passons à l’entrenpreneurialisme urbain. Il s’agit alors de développer une forte attractivité territoriale des entreprises, afin de booster l’économie locale. D’après David Harvey, il y a quatre options possibles pour développer ce qu’il nomme « l’entrepreneurialisme urbain ».

1. Favoriser « la création et l’exploitation d’avantages particuliers » à la ville par exemple : des avantages liés au territoire tel que le pétrole, la défiscalisation de sièges sociaux, ou encore la mise en place d’une stratégie urbaine facilitant la transaction de biens pour une filière telle que la finance.

2. Attirer une population qui a de l’argent, autrement dit attirer des consommateurs potentiels en créant un cadre de vie qui convient à leurs attentes (gentrification). Il explicite dans ce point le double tranchant du tourisme et de la culture : une valeur purement symbolique est redonnée à des espaces habités par des populations pauvres.

3. « L’entrepreneurialisme urbain est en outre marqué par une lutte acharnée pour attirer les fonctions de commandement et de contrôle – haute finance, administration, collecte et traitement de l’information (média inclus) – qui supposent des infrastructures particulières et souvent couteuses. » 2

Dans le cas de Berlin la réunification a permis d’accueillir le

gouvernement national. Il est intéressant de constater que le quartier gouvernemental fut construit en rupture avec le tissu urbain. Il fut placer pour des raisons symboliques évidentes sur le tracé de l’ancien mur de

1. David Harvey, Vers la ville entrepreneuriale, Mutation du capitalisme et transformations de la gouvernance urbaine, 1989, 2. Ibid

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Berlin. Cela a pour conséquence de l’éloigner des quartiers où vivent au quotidien les berlinois. Ainsi on côtoie plus facilement les nouveaux espaces de commandement que David Harvey évoque, lorsqu’on est un touriste qu’un habitant de Berlin.

4. « Les redistributions opérées par les gouvernements centraux (ou dans le cas des Etats-Unis, des Etats) continuent d’offrir un énorme avantage concurrentiel. Contrairement à un mythe assez rependu, les gouvernements centraux redistribuent autant qu’auparavant, mais les canaux ont évolué (… » Le Land1 de Berlin est un des Lander les plus endetté d’Allemagne, le

système fédéral allemand met en place une redistribution des richesses de chaque régions, Berlin reçoit le plus fort taux de subventions depuis la réunification (au grand damne de la Bavière). L’absence de sièges sociaux de grandes entreprises à Berlin créée un cout quotidien faible et un taux de chômage élevé, beaucoup de berlinois vivent de petits boulots et d’aides de l’État. En particulier les migrants étrangers, quel que soit leur pays d’origine et cela sans connaître d’étranglement financier.

Beaucoup de l’argent dépensé par l’État allemand ces dernières années furent investi dans des infrastructures territoriales afin de rapprocher le niveau de vie des habitant de l’ex-RDA sur celui de l’ex-RFA. À Berlin ces opérations sont considérées comme un succès, les parcs, les transports et même les musées sont célébrés dans le monde entier. On considère Berlin comme une ville avant-gardiste dans le domaine de l’urbanisme. Cependant l’arrivée des capitaux tarde toujours à venir, et certaines régions plus riches commencent à s’impatienter. Un discours caricatural prend de plus en plus de force en Allemagne concernant Berlin : « on ne veut plus continuer à payer leur vie de bohème, ils seraient temps que la ville accepte d’augmenter ses prix afin de s’auto financer et attirer des investisseurs propres. »

Pour résumer, d’après David Harvey, ces possibilités de transformation sont mises en exergue par le contexte néolibéral dans lequel évolue 1. Le Land est l’équivalent de la Région en France.

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CONCLUSION

PARTIE I

Au niveau Européen, Berlin a retrouvé son titre de grande

capitale, notamment grâce à son dynamisme culturel.

Elle rentre alors en concurrence interurbaine avec des

métropoles comme Paris, Londres, Barcelone ou Milan.

Dans cette compétition Berlin cherche d’une part à attirer

les capitaux pour rééquilibrer son déficit budgétaire, et

d’autre part à conserver son statut avant-gardiste de

laboratoire urbain, social et artistique qui en a fait son

succès ces vingt dernières années.

Comment se conjuguent ces deux tendances ? Comment

les intérêts économiques, artistiques et sociaux se

croisent-ils dans la production d’espace public à Berlin

actuellement ? Quelle évolution des vides urbains dans ce

nouveau contexte ?

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Sommaire

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MOABIT,

COEUR PÉRIPHÉRIQUE

Partie II

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« L’espace-temps urbain a plusieurs vitesses : de la stagnation du centre aux transformations continues des marges. Au centre, le temps s’est arrêté, les transformations se sont congelées et, quand elles sont tellement

évidentes qu’elles ne peuvent off rir aucun imprévu : elles ont lieu sous étroite surveillance, sous le contrôle vigilant de la ville. Dans les marges,

nous trouvons en revanche un certain dynamisme et nous pouvons observer le devenir d’un organisme vivant qui se transforme en laissant, autour de lui comme à l’intérieur de lui, des parties entières du territoire à

l’abandon et plus diffi cilement contrôlables. » CARERI Francesco, Walkscapes, p 182, Actes Sud, 2013

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L’ÎLE DE MOABIT,

TERRITOIRE ÉMAILLÉ

Étude de cas

En tant que quartier périphérique de Berlin

Ouest. Moabit a retrouvé sa situation centrale

suite à la réunifi cation. Mais sa géographie

pseudo-insulaire a l’écartée de la nouvelle

dynamique culturelle et économique qu’a connu

la ville. En ce sens, aux yeux de beaucoup, le

quartier est toujours perçu comme périphérique.

Depuis une dizaine d’années, on observe

cependant des changements. Les rues

cosmopolites et populaires accueillent des

enseignes de gamme «supérieure», de plus

en plus d’étudiants s’y installent et surtout,

le prix des loyers augmentent. Ces mutations

témoignent de l’intérêt des investisseurs privés

pour ce quartier.

Quelles qualités et potentialités voient-ils dans

ce territoire ?

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Insularité géographique et sociale

Emboîtement administratif

Frontières aquatiques

Le quartier de Moabit appartient à l’arrondissement de Berin-Mitte, ils se situe entre quartiers de Mitte, Tiergarten, Wedding et Charlottenburg. Il se démarque par sa situation insulaire : pour y accéder il faut traverser soit la Spree, la principale rivière de Berlin, soit le canal Berlin-Spandau, le canal de Charlottenburg ou encore le canal de Westhafen qui accueille le port le Westhafen, le second plus grand port fl uvial d’Allemagne. Transports

La ligne de métro U9 dessert sur un axe nord sud trois stations. La ligne de S-bahn2 Est/Ouest s’est dotée d’une station au sud de l’île à

l’occasion de la construction de la Hauptbahnhof, suite à la réunifi cation. La Hauptbahnhof est la gare principale de Berlin, tournée vers le quartier gouvernemental de l’autre côté de la Spree, elle est à la fois placée sur un réseau urbain, régional et international. Elle est notamment connectée à de grandes villes allemandes et européennes telles que Munich, Cologne, Amsterdam, ou Kiev.

Partition du quartier

Des voies rapides divisent le quartier en diff érentes parties. La partie la plus aisée se concentre le long de la Spree, au contact du quartier de Charlottenburg, quartier traditionnel et historique de la bourgeoisie Berlinoise. 1. westhafen signifi e «port de l’ouest» 2. Le S-Bahn est un train urbain, équivalent du RER parisien

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Hauptbahnhof inférieur à 1,23% de 1,23% à 3,62% de 3,62 à 4,22% supérieur à 4,22% non habité 1. www.berlin. de/ba-mitte/ ueber-den-bezirk/ortsteile/ moabit/, consulté le 23/12/2016 2. www.vanupied. com/berlin/ quartiers-berlin/, consulté le 23/12/2016 Quartier de Moabit dans

l’arrondissement de Mitte 1

Arrondissement de Mitte dans Berlin 2

Carte des transport Moabit 3 3.

www.zukunft-mobilitaet. net, consulté le 23/12/2016

Carte du chômage long terme, 2014 4

3.http://fbinter. stadt-berlin.de, consulté le 01/07/2016

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