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312 DES INTERVENTIONS MULTIPLES QUI DEPASSENT LE CADRE DE LA SPHERE RELIGIEUSE

31-L’EGLISE DE VENDEE

312 DES INTERVENTIONS MULTIPLES QUI DEPASSENT LE CADRE DE LA SPHERE RELIGIEUSE

Les différentes interventions touchent à toute l’actualité et débordent largement du cadre religieux. Cette conception est sans doute particulière à l’Eglise qui établit une barrière entre le spirituel et le temporel. Si le pouvoir spirituel lui appartient en intégralité, elle intervient dans le débat public dès lors que des actions politiques visent à réduire son audience dans la société.

3121-DES LIGNES DIRECTRICES POUR LA SOCIETE VENDEENNE

La hiérarchie catholique française n’ignore pas que dans une partie du clergé, depuis la signature de l’armistice, des interrogations se sont manifestées et l’adhésion au nouveau régime n’est pas totalement acquise. Toutefois, « en 1940,

107

Bulletin des écoles privées du département de la Vendée, numéro 354, décembre 1939.

108

32 l’unité du corps ecclésial, prélats, clergés et fidèles s’affirme aussi forte que par le passé »109.

Les intentions des évêques sont clairement exprimées dans le document qu’ils publient le 15 janvier 1941 : Directives de la hiérarchie au clergé, l’ACA (Assemblée des cardinaux et des évêques) de la zone occupée s’adresse au clergé, leurs collègues de la France libre y souscrivent le 6 février 1941. Cette insistance semble indiquer que certains clercs et fidèles sont peut être enclins à travailler au redressement de la France par « ne autre attitude que celle d’un loyalisme sincère et complet envers le pouvoir politique établi et d’une obéissance différente et aveugle envers la hiérarchie catholique »110. La hiérarchie éprouve le besoin de raffermir son autorité face à des attitudes de contestation de certains membres de l’Eglise. L’évêque doit veiller à maintenir cette cohésion et il est ainsi tenu d’adresser des directives précises aux prêtres du diocèse. Dès le mois de mars1941, le Vicaire capitulaire annonce par un communiqué, l’adhésion du diocèse de Luçon à ces directives « Le redressement social, moral et religieux du pays conditionne tout autre redressement » 111. Dans l’Adresse au Saint-Père du 15 janvier 1941, l’ACA de la zone occupée réunie à Paris soutient le pouvoir qui est installé en fonction de la doctrine traditionnelle sur la soumission au pouvoir établi112.

L’ACA appellent les catholiques à un « un loyalisme sincère et complet envers le pouvoir établi», mais « sans inféodation »113. L’Eglise de Vendée s’inscrit dans cette directive et Massé demande aux membres de son clergé l’adhésion à ces principes, tout en se situant exclusivement sur le terrain religieux et en dehors de tout caractère partisan sur le plan politique114. La lettre de l’ACA du 25 juillet 1941

Les conditions du redressement moral et religieux du pays, qui s’adresse à

l’ensemble des fidèles est reprise en deux fois dans la Semaine catholique du

diocèse de Luçon115 en août 1941. L’ACA insiste sur la nécessité de promouvoir

tous les éléments qui constituent « l’armature chrétienne »116

: écoles chrétiennes et

109

Renée Bédarida, Les catholiques dans la guerre 1939-1945. Entre Vichy et la Résistance, Paris, Hachette littératures, 1998, p. 151.

110

Denis Maugenest, Le discours social de l'Église catholique de France.1891-1992.Textes majeurs de l'Épiscopat français, Paris, Cerf, 1995, p. 203.

111

Semaine catholique du diocèse de Luçon, 8 mars 1941.

112

Jacques Duquesne, op. cit., p. 56.

113

Denis Maugenest, op. cit., p. 203.

114

Semaine catholique du diocèse de Luçon, 8 mars 1941.

115

Ibid., 23 août 1941, 30 août 1941.

116

33 œuvres paroissiales. L’Eglise veut poursuivre sa stratégie de conquête en faisant appel au militantisme de ses fidèles.

Mais si les déclarations de l’ACA de 1941 sont reprises et commentées dans la Semaine catholique, il faut attendre le 17 mars 1945 pour qu’apparaisse dans

Semaine catholique du diocèse de Luçon la déclaration de l’ACA du 28 février

1945 : Appel à la réconciliation nationale. Celle du 22 juillet 1942 : Adresse à M. le

maréchal Pétain. Sur les arrestations des Israélites et celle du 9 mai 1943 : Sur le Service du travail obligatoire n’ont pas été reprises par la hiérarchie du diocèse.

Les différentes conférences religieuses nous renseignent également sur la politique sociale de l’Eglise. Les journées d’études sociales de La Roche-sur-Yon du 4 au 6 mai présidées par Cazaux sont sans ambiguïté sur la politique à conduire à court terme. Les organisations professionnelles, familiales et de jeunesse ont été remises en cause par le nouveau régime. Ces évolutions brutales ont des conséquences sur l’apostolat et « les ignorer nous condamnerait sur le long terme »117. Il faut donc se mobiliser pour faire face à ces nouveautés et s’intégrer dans cette nouvelle société. Le souci pastoral est tourné vers l’Action catholique, la priorité est accordée aux mouvements de jeunesse et à leur autonomie avec la formule « jeunesse unie oui ; jeunesse unique non »118.

Il arrive que des consignes revêtent une telle importance. L’évêque insiste pour que ces informations soient répercutées aux fidèles. Une simple phrase est alors ajoutée dans la Semaine catholique du diocèse de Luçon « A lire en chaire le dimanche...» ou « A répercuter en chaire le dimanche ...». La déclaration des ACA de la zone occupée à laquelle s’était joint le Cardinal Gerlier lors de l’Assemblée du 24 juillet 1941 visait à « sauvegarder la pureté et l’intégralité des forces vives de l’Eglise ». Dans la situation actuelle, elle a été considérée d’une telle importance stratégique que le communiqué précisait « à lire en chaire en deux fois dès réception »119.

Cazaux veut parfois donner une dose de confidentialité à certaines actions. Le bilan flatteur donné par le chanoine Loué sur le développement de l’Action catholique pendant l’année 1942, porte la mention « n’est pas destiné à être lu en chaire »120

. Cette mention peut surprendre quand on connait l’intérêt de Cazaux pour l’Action 117 Ibid., 24 avril 1943. 118 Ibid., 23 août 1943. 119 Ibid. 120 Ibid., 9 janvier 1943.

34 catholique. Derrière ce propos, il rappelle aux prêtres la nécessité d’une certaine discrétion sur les actions de l’Eglise en période d’Occupation.

3122-DES CONSIGNES RELIGIEUSES

Les lettres pastorales régulières donnent les directives au clergé et aux fidèles. Le mandement pour le carême fixe le cadre des règles et des obligations pour la période pascale, il s’adresse à tous les fidèles du diocèse. C’est le mandement de 1941121 qui dispense de l’abstinence durant les hostilités. La lettre pastorale du 13 mars 1943122 institue une année mariale pour le diocèse.

Des informations rappellent les devoirs de chaque chrétien et donnent le planning des quêtes diocésaines123 : les écoles, le premier dimanche de carême et à l’Ascension, les séminaires à Pâques, la Pentecôte, la Toussaint et Noël et enfin pour l’Université catholique d’Angers, le quatrième dimanche de carême. A ces obligations pour le chrétien, les fidèles sont mis à contribution pour aider ceux qui souffrent. Cazaux demande une quête le 10 octobre 1943 en faveur des victimes des bombardements sur Nantes124.

3123-DES CONSIGNES AUX FIDELES

Mais les recommandations atteignent aussi la sphère privée. Le 11 septembre 1943, Cazaux lance une « croisade de la pureté et de la bonne tenue »125 devant « l’immodestie dans la tenue, [...], l’insuffisance du vêtement féminin ».

C’est également par un communiqué que Cazaux s’exprime sur le vote des femmes, il demande aux curés de lire en chaire le 26 novembre 1944 « qu’aller voter demeure pour les femmes un devoir absolu »126. Il poursuit en 1945 où il indique le bon choix. Son texte sur le devoir électoral avec la mention « A lire en chaire sans commentaires » est sans ambigüité : « Il n’y a pas un parti d’Eglise, mais le droit est limité : voter pour ceux dont le programme s’harmonise le mieux avec le respect de la personne humaine et conscience chrétienne. Sur la question de la liberté de 121 Ibid., 22 février 1941. 122 Ibid., 13 mars 1943. 123 Ibid., 22 février 1941. 124 Ibid., 2 octobre 1943. 125 Ibid., 11 septembre 1943. 126 Ibid., 25 novembre 1944.

35 l’enseignement, cela dicte un devoir : tous les catholiques doivent voter et voter pour les candidats qui se sont engagés dans la liberté scolaire avec aide financière. S’abstenir serait trahir »127

.

3124-LE ROLE MAJEUR DU CLERGE LOCAL

Après avoir brièvement décrit les grandes orientations de la hiérarchie catholique dans la société vendéenne, il faut regarder sa perception et son application dans les paroisses du diocèse. Dans l’ensemble, il n’y a pas eu de voix discordantes. Le clergé paroissial souscrit et suit les directives émanant du diocèse.

Nous allons nous intéresser aux messages prioritaires de l’évêché, ceux portant la mention « A lire en chaire ». Ce point est délicat car il n’existe pas de compte rendu des prônes des curés. Mais le bulletin paroissial donne une indication. Le Bulletin paroissial du Boupère du 26 novembre au 6 décembre 1944 aborde la question du vote des femmes. Si le curé reprend l’obligation pour les femmes d’aller voter, « l’abstention électorale des personnes aux idées saines serait coupable, car elle permettrait le triomphe des partis anti-sociaux et anti-religieux », il insiste aussi pour que les femmes votent « selon leur conscience chrétienne »128, anticipant d’une certaine façon le « bon choix » de Cazaux d’octobre 1945. Celui des Lucs-sur- Boulogne129 se borne à reproduire la lettre de Cazaux sans commentaire.

L’encadrement des fidèles ne se limite pas à dicter la bonne parole dans le bulletin paroissial. C’est aussi l’occasion de pointer du doigt quelques manquements de la part de certains paroissiens. Le curé du Boupére mène « la croisade de la bonne tenue » en reprenant la lettre de Cazaux et il ajoute « Les femmes et les jeunes filles du Boupére sont donc averties. Elles savent quel est leur devoir »130.

Le curé du Boupére n’hésite pas à écrire dans le Bulletin paroissial131

du 22 novembre1942 : « Saviez vous qu'en plus des 92 protestants regroupés en 24 familles, on peut compter une centaine d'adultes qui ne remplissent pas leur devoirs religieux essentiels ». Celui des Herbiers s’en prend aux trop nombreux absents à la procession du 27 avril 1943 pour « les biens de la terre » qui doit se conclure par la

127

Ibid., 13 octobre 1945.

128

Bulletin paroissial du Boupère, numéro 18, 26 novembre au 6 décembre, 1943.

129

Bulletin paroissial des Lucs-sur-Boulogne, 10 décembre 1944.

130

Bulletin paroissial du Boupère, numéro 37, 26 septembre au 2 octobre 1942.

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36 bénédiction des récoltes, les enfants en congés ce jour là ne sont pas venus à cette procession132.

Pour compléter ces directives, le curé visite chaque maison de sa paroisse chaque année. Le curé des Lucs-sur-Boulogne dresse le bilan de sa visite pour l’année 1940. Toutes les familles lui ont réservé le « meilleur accueil », et ont offert leur participation aux deniers du Culte133. Celui de Saint-Hilaire-du-Bois poursuit la sienne au début de l’année 1942 et veut voir en priorité « les malades et les infirmes, ceux qui ne peuvent venir au bourg, ni aux cérémonies de l’Eglise »134

. Ces rencontres qui se déroulent dans l’intimité du cadre familial sont sans aucun doute l’occasion d’un échange où le curé tient une position privilégiée.

Nous pourrions multiplier les exemples où les orientations religieuses, sociales et politiques sont données au clergé et aux fidèles. Les grands axes de cette stratégie pendant ces années d’occupation ont été dressés, elle dépasse parfois le cadre de l’église pour entrer dans celui du foyer. Le clergé et la société vendéenne reçoivent des messages légitimant le pouvoir et demandant leur collaboration pour assurer le redressement du pays. Le clergé joue la carte de la convergence morale et spirituelle plus que politique.