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Intervention dans un contexte de multilinguisme

Dans le document Avis - Trouble développemental du langage (Page 76-79)

5 RÉSULTATS : MODALITÉS DE SERVICES

5.9 Intervention dans un contexte de multilinguisme

Données issues de la littérature scientifique

Quatre ECRA tentent d’établir l’efficacité des interventions orthophoniques bilingues pour les enfants présentant un trouble développemental du langage. Trois des quatre études comparent une intervention bilingue (en anglais et espagnol) à une intervention offerte seulement en anglais ou à l’absence d’intervention [Pham et al., 2015; Ebert et al., 2014;

Restrepo et al., 2013; Gutierrez-Clellen et al., 2012]. Une seule étude réalisée auprès d’enfants francophones a été repérée [Thordardottir et al., 2015]. Chaque étude porte respectivement sur 29, 48, 188 et 202 enfants âgés entre 4 et 5 ans. Dans la plupart de ces études, les auteurs tentent de savoir si les interventions devraient être réalisées dans une seule langue (si oui, laquelle) ou dans les deux langues. Ils souhaitent en plus vérifier si les gains qui se font à la suite d’une intervention se font dans les deux langues ou dans une seule des deux. Les interventions rapportées dans ces études visent des résultats à plusieurs niveaux : amélioration du vocabulaire, de la morphosyntaxe, des aptitudes narratives, des aptitudes littéraires. Les quatre études concluent à la supériorité du bilinguisme comme modalité d’intervention. Elles indiquent que pour avoir des gains dans une langue, l’intervention doit cibler cette langue. Il apparaît que lorsque des personnes apprennent une langue seconde, certaines perdent des compétences et de la maîtrise de leur langue maternelle (L1) si cette langue n'est pas renforcée et maintenue24.

Trois des études sont de bonne qualité, tandis que la quatrième est de qualité moyenne.

En effet, plusieurs participants ont abandonné l’étude en cours de route. De plus, on ne précise pas si les évaluateurs connaissaient le groupe dans lequel était l’enfant qu’ils avaient évalué. Les résultats sont cohérents d’une étude à l’autre. Même si les études

24American Speech-Language-Hearing Association (ASHA). Bilingual service delivery [site Web]. Disponible à : http://www.asha.org/PRPSpecificTopic.aspx?folderid=8589935225&section=Key_Issues.

examinent les acquis en espagnol et anglais, les résultats sont possiblement applicables au français.

Des associations canadienne, américaine et internationale recommandent que les enfants bilingues reçoivent des interventions dans les deux langues. Si ce n’est pas possible, il est recommandé d’intervenir dans la langue la mieux développée (ASHA, CASLPA, IALP) [Thordardottir et al., 2015]. Intervenir dans la langue la mieux développée, qui est parfois autre que le français ou l’anglais, peut paraître en contradiction avec l’utilisation de la langue de scolarisation. Toutefois, cela semble favoriser la dynamique familiale. Les données indiquent que les programmes d'éducation préscolaire pour enfants présentant des troubles du langage doivent offrir des périodes d'enseignement planifiées, intensives et systématiques dans la langue maternelle des enfants, afin de s’assurer que le

développement de la langue utilisée à domicile se poursuive et que la communication à la maison soit efficace [Restrepo et al., 2013]. De plus, l’introduction d’un nouveau concept dans la langue dominante de l’enfant (langue la mieux développée) pourrait accélérer l’acquisition de ce même concept dans la deuxième langue [Thordardottir et al., 2015;

Restrepo et al., 2013]. La décision d’offrir une intervention unilingue dans la langue dominante, lorsqu’il n’est pas possible d’offrir une intervention bilingue, doit tenir

compte de la maîtrise que l’enfant a dans chacune des deux langues. Ainsi, plus l’écart des capacités de l’enfant entre les deux langues est grand, plus il est avantageux d’intervenir dans la langue dominante.

Enfin, dans un contexte de multilinguisme, l’utilisation de jeux d’ordinateur dans la langue maternelle de l’enfant peut être une modalité d’intervention à utiliser [Ebert et al., 2014].

Le niveau de preuve de l’énoncé « Les interventions langagières bilingues sont plus efficaces que celles unilingues » est modéré.

Considérations contextuelles et savoirs expérientiels

Le Québec est une province multiculturelle. Par exemple, les élèves du système scolaire public de l’île de Montréal parlent plus de 150 langues différentes, et plusieurs parents ne peuvent pas agir comme interprète, car ils ne parlent ni le français ni l’anglais.

Le réseau de la santé et des services sociaux a la responsabilité d’adapter ses services aux contextes linguistique et culturel. Selon l’article 15 de la LSSSS (L.R.Q., chapitre S-4.2) :

« Toute personne d’expression anglaise a le droit de recevoir en langue anglaise des services de santé et des services sociaux, compte tenu de l’organisation et des ressources humaines, matérielles et financières des établissements qui dispensent des services et dans la mesure où le prévoit un programme d’accès visé à l’article 348 ». Au Québec, certains établissements sont désignés et ont l’obligation d’offrir des services en langue anglaise, lorsque cela est requis. Ces établissements peuvent alors soutenir d’autres établissements dans les cas où une situation de bilinguisme français-anglais se présente.

Le réseau doit également tenir compte des particularités linguistiques, socioculturelles et ethnoculturelles des régions (L.R.Q., chapitre S-4.2, art. 2.5) et favoriser, pour les

personnes des différentes communautés culturelles, eu égard aux ressources disponibles, l’accessibilité à des services de santé et des services sociaux dans leur langue (L.R.Q., chapitre S-4.2, art. 2.7).

Un grand nombre d’intervenants parlent anglais. Selon l’OOAQ, en 2016, 16 % des membres exercent en anglais et en français, et 8 % exercent dans plus de deux langues25. Toutefois, pour intervenir dans une autre langue, notamment sur le plan des capacités langagières, l’intervenant doit maîtriser parfaitement cette langue. Il est difficile de trouver des intervenants qui maîtrisent d’autres langues que le français ou l’anglais.

Lorsque cela est possible, des interprètes sont utilisés pour travailler avec les

intervenants. Ces derniers demeurent responsables légalement des services offerts26. Comprendre les processus normaux de l'acquisition d’une langue seconde est important pour assurer une évaluation précise des besoins des usagers bilingues.

RECOMMANDATION 13

Dans un contexte de multilinguisme, l’intervention bilingue plutôt qu’unilingue doit être favorisée pour avoir un maximum d’effets sur les capacités de l’enfant dans les deux langues;

sinon, une intervention dans la langue qui est la mieux développée doit être privilégiée. Pour soutenir l’applicabilité de cette recommandation, le recours à des interprètes est une condition sine qua non.

25Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ). Répartition des orthophonistes et audiologistes actifs selon la langue d’exercice. Disponible à : http://www.ooaq.qc.ca/ordre/Doc_stats/repartition-membres-actifs.pdf.

26 American Speech-Language-Hearing Association (ASHA). Collaborating with interpreters [site Web]. Disponible à : http://www.asha.org/Practice-Portal/Professional-Issues/Collaborating-With-Interpreters/.

6 ORDONNANCEMENT DES

Dans le document Avis - Trouble développemental du langage (Page 76-79)