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2.5 Les composants de la pâte lors du pétrissage

2.5.6 Ingrédients, auxiliaires technologiques et additifs couramment utilisés

2.5.6.2 Intervention dans les réactions d’oxydoréduction

- L’acide ascorbique :

L’acide ascorbique est probablement l’additif le plus couramment utilisé en panification pour son rôle structurant. C’est un composé réducteur qui est immédiatement oxydé en acide déhydroascorbique par l’oxygène moléculaire au cours des premières minutes de pétrissage. Cette molécule oxyde le glutathion (GSH) qui n’est plus disponible pour former des ponts disulfures avec des protéines du gluten, permettant ainsi une meilleure structuration du réseau de gluten, une meilleure ténacité de la pâte ainsi qu’une augmentation du volume des pains.Il existe plusieurs stéréo-isomères de l’AA qui n’ont pas tous le même effet, le D-thréo AA est inactif, les D et L-erythro AA sont peu actifs alors que le L-thréo AA est très actif. L’effet améliorant est donc stéréospécifique.

- Le bromate de potassium :

Cette molécule ne fait pas partie des produits utilisables dans l’alimentation française. En revanche, elle est encore utilisée aux USA et dans certains pays d’Afrique et d’Amérique du sud. Plusieurs cas accidentels d’intoxication par le bromate de potassium ont été rapportés (Dupuis, 1997). La DL 50 du bromate de potassium pur est fixée à 320 mg.kg-1 (Dupuis, 1997). Depuis 1987, l’agence internationale de recherche sur le cancer a classé le bromate de potassium comme un composé potentiellement cancérigène.

Le bromate de potassium est un oxydant introduit en tant qu’améliorant en panification dès 1916 (Dupuis, 1997).

En 1942 sont apparues aux Etats-Unis des farines enrichies en bromate destinées à la panification. Le taux de bromate habituellement utilisé est compris entre 20 et 50 ppm. Les effets du bromate sur la pâte et le pain sont nombreux :

- meilleure rétention gazeuse de la pâte ;

- meilleure machinabilité et tolérance de la pâte ; - augmentation des volumes des pains.

De nombreuses études ont porté sur l’effet du bromate sur les fonctions thiols des protéines. En 1961, Hird et Yates (1961 a et b) montrent que le bromate de potassium est capable de former des ponts disulfures à partir des fonctions thiols présentes dans les protéines du gluten. Cependant, la vitesse d’oxydation est lente par rapport à celle de l’oxydation des thiols par l’iodate de potassium.

Les auteurs ont établi deux équations bilans représentant la possible oxydation d’un thiol : 6 RSH + BrO3- → RSSR + 3 H2O + Br-

RSH + BrO3- → RSO3H + Br-

L’addition de bromate de potassium à la pâte provoque une diminution rapide et importante de la quantité de cystéine et de glutathion qui persiste au cours du pétrissage et de la fermentation avec une augmentation concomitante de cystine et de glutathion oxydé (Dupuis, 1997 ; Louarme, 2001). La cystéine et le GSH initialement présents deviennent indisponibles pour les échanges thiols/disulfures avec les protéines de gluten, il en résulte un raffermissement de la pâte. Le bromate semble donc agir de la même façon que l’acide ascorbique mais avec un effet prolongé dans le temps. L’acide ascorbique est un oxydant rapide qui agit au cours du pétrissage dès son oxydation en DHA par l’O2, alors que le bromate est un oxydant lent dont le potentiel oxydatif est indépendant de l’O2. Il agit pendant le pétrissage et la phase de fermentation jusqu’à la cuisson (Allen, 1999). Cette action ne se limite pas à la cystéine et au GSH, elle se produit sur l’ensemble des thiols hydrosolubles de bas poids moléculaire.

118 Figure 2.27 : Effet de la GOX sur les pontages intermoléculaires au cours du pétrissage.

O2 incorporé à la pâte β-D-glucose GOX H2O2 acide D-gluconique 2 PSH 2 AXA-AF 2 PTyr AXA-AF + PTyr PSSP AXA-AF-AF-AXA PTyr-TyrP AXA-AF-TyrP 2 H2O POD

b) Les enzymes (auxiliaires technologiques)

- Les hémicellulases recouvrent une grande variété d’enzymes hydrolysant les polyosides pariétaux (Rouau, 1996). Les hémicellulases utilisées en panification sont également appelées pentosanases en référence au substrat utilisable dans la farine. On distingue les xylanases et les enzymes dites "accessoires".

Les xylanases ciblent la chaîne principale des arabinoxylanes en hydrolysant les liasons β-(1-4) reliant les xyloses. Les xylanases endogènes du blé hydrolysent préférentiellement les arabinoxylanes solubles en les découpant en petit fragments (Dubois et al., 1994 et cités par Garcia, 2000). Ces xylanases sont responsables de la diminution de la viscosité des solutions d’arabinoxylanes contrairement aux exo-xylanases et β-xylosidases qui libèrent du xylose à partir de la chaîne principale sans modifier la viscosité.

Les enzymes dites "accessoires" comprennent des arabinosidases, les glucuronidases et des estérases (Rouau, 1996). Elles hydrolysent les liaisons reliant la chaîne principale des arabinoxylanes à d’autres constituants, facilitant ainsi l’accès des xylanases à leur substrat. Plus spécifiquement, les arabinosidases hydrolysent une partie des liaisons entre arabinose et xylose et les féruloyl-esterases libèrent les acides féruliques estérifiés des arabinoses. Ces enzymes, par leur action déstructurante, peuvent jouer un rôle important dans la gélification oxydative des pentosanes impliquant un pontage entre deux AF (Garcia, 2000).

Rouau et al. (1994) ont montré qu’une dose optimale de pentosanases en panification (comprise entre 50 et 100 ppm) permet d’améliorer l’ensemble des critères de qualité évalués en boulangerie (caractéristiques rhéologiques de la pâte, volumes des pains, aspect de la mie, etc). Ceci est en grande partie expliqué par la solubilisation des arabinoxylanes insolubles qui ont un effet défavorable sur la structuration de la pâte.

- La glucose oxydase (Figure 2.27) :

La glucose oxydase (GOX, EC 1.1.3.4) catalyse l’oxydation du β-D glucose en δ-D gluconolactone et forme du peroxyde d’hydrogène (Whitaker, 1985).

Cette enzyme est de type Michaëlien avec un mécanisme ping-pong catalysant la réaction suivante :

Glucose + O2 → Gluconolactone + H2O2

Le peroxyde d’hydrogène produit sert de substrat à la POD du blé permettant ainsi de polymériser les macros molécules suivant les mécanismes présentés précédemment. L’emploi de la GOX en panification permet un raffermissement de la pâte, un assèchement de sa surface et une augmentation du volume du pain.

La GOX la plus étudiée est celle d’Aspergillus niger, les Km vis-à-vis du glucose vont de 20 à 110 mM selon les auteurs et de 0,6 à 0,8 mM pour l’oxygène (Garcia, 2000 ; Whitaker, 1985). Compte tenu de la teneur en glucose non négligeable dans la pâte (1,4 µmol.g-1 de fs), cette enzyme a été proposée comme substitut aux produits chimiques utilisés pour oxyder les pâtes. Faisy et Neyreneuf (1996) ont proposé de combiner l’emploi de la GOX et d’une hémicellulase pour solubiliser les pentosanes insolubles et les réticuler dans le but de remplacer l’acide ascorbique. Ces auteurs ont montré que la combinaison de ces enzymes aboutissait à un résultat moins performant que l’utilisation de l’acide ascorbique mais représentait une bonne alternative. Une autre combinaison d’enzymes consiste à utiliser des amylases et de la glucose oxydase dans le but de fournir du substrat osidique à cette dernière et d’augmenter ainsi son activité pendant le pétrissage.

La présence de GOX dans la pâte modifie probablement les réactions d’oxydations car elle fournit du substrat à la catalase et à la peroxydase et consomme de l’oxygène qui est substrat de la LOX (Ameille et al., 2000). Rakotozafy et al. (1999) ont observé que l’ajout de GOX augmente la consommation d’oxygène pendant le pétrissage, alors que l’activité LOX diminue réduisant ainsi la quantité de lipides oxydés.

D’autres oses oxydases peuvent être utilisées dans la formulation des pâtes dans le but de produire de l’H2O2 et de ponter à la fois les arabinoxylanes et les protéines de la farine grâce à l’activité POD. Ces enzymes sont l’hexose oxydase (HOX) et la carbohydrate oxydase (COX) qui ne sont pas spécifiques d’un seul type d’ose (Poulsen et Hostrup, 1998). Ces enzymes sont donc susceptibles de produire une plus grande quantité d’H2O2 que la GOX au cours du pétrissage et donc d’avoir un effet plus important sur la rhéologie de la pâte et le volume du pain. Poulsen et Hostrup (1998) et Garcia (2000) ont montré que le Km de la HOX pour le glucose (2,7 mM) est plus faible que celui de la GOX. Selon Poulsen et Hostrup (1998), à même activité par rapport au glucose, la HOX augmente davantage le volume des pains que la GOX.

122 Figure 2.28 : Réactions catalysées par les laccases. Oxydations des o-diphénols et des p- diphénols.

- La sulfhydryle oxydase :

La sulfhydryle oxydase (SOX, EC 1.8.3.2) est une métalloprotéine qui a d’abord été purifiée à partir du lait. Selon Potus (1997), cette activité enzymatique existerait au sein de la pâte bien qu’aucune purification de cette enzyme n’ait été réalisée jusqu’à présent.

Elle catalyse l’oxydation de thiols de faible masse moléculaire (RSH) avec une production de peroxyde d’hydrogène :

2 RSH + O2 → RS-SR + H2O2

La SOX peut présenter un intérêt en panification car elle consomme le glutathion présent dans la pâte, le rendant indisponible pour d’éventuelles réticulations avec les polymères protéiques tout en produisant du H2O2 qui active la POD du blé. Les travaux de Louarme (2001) ont mis en évidence un effet rhéologique de la SOX sur des caractéristiques rhéologique de la pâte une fois la phase de l’apprêt réalisée.

- Les PPO :

L’ajout d’activité PPO exogène dans la pâte, en particulier de laccase, peut provoquer l’oxydation des acides féruliques et donc la réticulation des arabinoxylanes entraînant des modifications sur des propriétés rhéologiques. Par ailleurs, les PPO de champignon seraient capables d’oxyder les fonctions phénols des tyrosines et thiols des cystéines provoquant la polymérisation des protéines (Takasaki et Kawakishi, 1997 ; Kuninori et al., 1976). Les o- quinones produites par la tyrosinase réagissent directement avec les groupements SH des protéines. L’addition de cette enzyme permet de former dans le gluten des liaisons covalentes de type 5-S-cystéinyl-3,4-dihydroxyphénylalanine entre chaines polypeptidiques (Takasaki et Kawakishi, 1997). Selinheimo et al. (2006) ont également observé la formation de pontages mixtes entre arabinoxylanes et protéines. Ces pontages permettent d’accentuer la ténacité de la pâte et diminuent son extensibilité.

En présence d’oxygène, les laccases (EC 1.10.3.2) oxydent les o-diphénols, les p-diphénols et certains monophénols en quinones en passant par la formation de semiquinones radicalaires intermédiaires (Figure 2.28). Le mécanisme réactionnel est de type ping-pong, impliquant le transfert d’un seul électron à chaque étape.

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