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INTERPRETER LES CONCEPTS DCE DE BON ETAT, DE BON POTENTIEL ET DE REFERENCE

La démarche initiée dans la DCE laisse penser que cette vision du bon état est conservationniste en mettant l’accent sur la biodiversité et sa protection. Cela n’empêche pas de s’accommoder du fait que ces milieux ont coévolué avec les hommes. Néanmoins, les objectifs d’atteinte du bon état sont à baser, selon les textes de la DCE, sur des valeurs de référence de biodiversité qui doivent être précisées. L’existence d’un état pristine préservé de l’homme étant de plus en plus contestée, cette référence s’apparente généralement à la biodiversité de milieux considérés comme les moins anthropisés.

Une démarche complémentaire pourrait être d’évaluer le bon état non pas en considérant la biodiversité comme un objectif en soi (centrée sur les espèces comme le font la majorité des indices biotiques à l’exception des indices poisson et invertébrés benthiques qui par certains aspects prennent en considération des éléments du fonctionnement écologique : trophique par exemple) mais plutôt au travers du fonctionnement d’un écosystème dans son ensemble. Ceci nécessite de s’intéresser à des indicateurs de fonctionnement (cf. § IV-A).

Cette démarche permettrait de prendre en considération les usages en se basant sur une référence pouvant être un compromis entre ces usages et des états écologiques variables selon le milieu. Celle-ci compilerait une vision aussi bien écologique (via l’analyse du fonctionnement) qu’une vision anthropogénique (via les biens et les services fournis par le milieu).

Ces deux démarches peuvent être mises en parallèle (Figure 6) :

- Dans le projet BEEST, il est proposé de faire évoluer la vision écocentrique du bon état écologique de la DCE (basé sur la biodiversité) vers des bons états construits en fonction du fonctionnement des estuaires ;

- Le bon potentiel de la DCE (qui est une adaptation du bon état) pourrait s’appuyer beaucoup plus sur des aspects fonctionnels considérant également les biens et les services rendus par les écosystèmes dans une démarche de nature anthropocentrique. Cette vision du bon potentiel selon BEEST se rapproche du concept de bonne santé développé pour les rivières (Annexe 4).

Figure 6 : Démarches écocentrique et anthropocentrique du bon état et du bon potentiel écologiques

Les scientifiques du projet BEEST qui ont relevé certaines controverses au sujet de la DCE, se sentent plus à l’aise pour aborder la question du bon état écologique des estuaires sous l’angle des fonctionnalités sans occulter les préoccupations des usagers. De plus, les estuaires de Seine, Loire et Gironde étant principalement des anthroposystèmes, ceci les conforte dans l’idée qu’il est préférable de se concentrer sur la notion de bon potentiel.

1.Au-delà de la prise en compte des pressions humaines (DCE), le bon potentiel a nécessairement une dimension sociale

L’idée de bon potentiel, telle que retenue dans le projet BEEST, est à rapprocher des réflexions menées antérieurement sur les notions « d’intégrité » et de « santé » des hydrosystèmes (cf. rapport axe 2, annexe 4).

Le bon potentiel ne peut se limiter aux seuls aspects écologiques. Dans la DCE déjà, cette notion intègre les usages pris en compte dans la classification en MEFM au travers de leurs impacts, pressions sur l’hydromorphologie. Le bon potentiel a nécessairement une dimension sociale que l’on peut traduire simplement par la prise en compte des contraintes liées aux usages des estuaires mais aussi des perceptions et des attentes. Ces usages économiques, écologiques, ludiques ou esthétiques s’appuient pour partie sur les notions de biens et services fournis par ces écosystèmes (épuration, pêche, observations…). On pourrait presque dire qu’à chaque usage, sa représentation du bon potentiel écologique. Un bon potentiel pour…

Le bon potentiel correspond donc nécessairement à un compromis entre un état peu impacté et les usages actuels et futurs du système, ces usages étant considérés comme souhaitables par la société riveraine. Se fixer seulement des objectifs en matière de biodiversité n’aurait pas de sens dans ce contexte.

2. Le bon potentiel s’appuie sur une vision du futur

Sans considération des usages des estuaires, l’évolution hydro-morpho-sédimentaire naturelle de ces derniers tend à ce que, à terme, ils se comblent entraînant par la même occasion, une modification progressive des habitats et des peuplements associés. Dans ce contexte, il est scientifiquement non fondé de définir une référence fixe qui irait à l’encontre des processus naturels. Le bon potentiel devrait être évolutif et tenir compte également des changements globaux à venir.

Le bon potentiel peut également évoluer en fonction des usages des estuaires, mais aussi des besoins exprimés ou revendiqués par différents groupes sociaux, en matière de restauration ou d’usages récréatifs par exemple.

Le bon potentiel n'a pas de caractère immuable. Par ailleurs, les trois estuaires étudiés ont des niveaux d’anthropisation différents, et donc des états morphologiques et écologiques différents (cf. § I). Le bon potentiel de l’un ne correspond donc pas nécessairement au bon potentiel de l’autre. Ils se situent en effet sur des trajectoires différentes tant en ce qui concerne le passé qu’un futur prévisible. En conséquence, une évaluation du bon potentiel doit prendre en compte des caractéristiques communes en matière de fonctionnement écologique, mais aussi des aspects spécifiques à chaque estuaire notamment en matière d’usages et de gouvernance locale en fonction des projets liés à ces estuaires.

Les perspectives d’avenir sont incertaines. Le changement climatique entraînera probablement des modifications hydromorphologiques importantes et des modifications des activités économiques auront surement, également, une influence sur le fonctionnement de l’estuaire.

La référence du bon potentiel ne doit donc pas être un objectif normatif ni nostalgique, mais renvoyer aux fonctions exercées, attendues par les écosystèmes. Ces systèmes sont-ils capables d’auto-épuration, de production biologique, de servir de support à des activités économiques ou récréatives ?… La référence du bon potentiel n'est pas à rechercher dans le passé, mais doit résulter d’une construction prospective à partir d’attentes et de revendications et de ce que nos incertitudes sur l’évolution de ces systèmes nous permettent de fixer raisonnablement comme objectifs de gestion qui deviendront opposables. (cf. §VI-C).

IV. LE BON ETAT ECOLOGIQUE DE QUOI S’AGIT-IL, POUR QUI ? (AXE 2)

Lorsqu’il est demandé qu’est-ce que le bon état, les réponses divergent selon les interlocuteurs interrogés.

Deux visions particulières ont été mises en avant qui sont :

- Celles des écologues qui abordent la question du bon état sous l’angle essentiellement écologique, avec leur regard de scientifiques et leur connaissance des processus naturels

- Celle des usagers ordinaires qui vivent l’estuaire au quotidien (emploi, qualité de vie, loisir…) sans porter d’attention particulière sur sa qualité, sas atouts ou ses contraintes.