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CHAPITRE VI : ADHERENCE DE LA BARBOTINE SUR SUPPORTS

6. ANALYSE EN SURFACE DES MATERIAUX DU SUPPORT

6.4. Interprétation des résultats

Le but poursuivi ici est d'arriver à trouver une relation, proportionnelle ou non, existant entre l'adhérence du composite et l'adhérence de chacun des éléments : nous entendons ici composite pour béton, et éléments pour roche et mortier

Une relation simple serait basée sur une espèce de loi des mélanges : en fonction du pourcentage de surface de contact et de la résistance individuelle mesurée entre, respectivement, roche et barbotine, et mortier et barbotine, nous pourrions évaluer la résistance d'ensemble :

adhérence barbotine / béton

= adhérence barbotine / mortier . 35 % + adhérence barbotine / roche . 65 %.

Cette relation doit être pondérée par un certain nombre de facteurs, notamment la rugosité moyenne ou encore les caractéristiques thermodynamiques des corps en présence.

Nous avons constaté d'autre part que l'adhérence-traction, dans le cas d'un support poli saturé, mesurée séparément sur la roche et le mortier, était plus faible que celle mesurée sur le composite "béton".

Une explication que nous avons avancée est l'effet des zones de contact granulat/pâte de ciment dans le béton support, qui sont plus poreuses que le reste de la pâte de ciment et pourraient, de ce fait, jouer un rôle d'ancrage pour la barbotine. Notons que cette hypothèse est loin d'être farfelue dans la mesure où les observations sur tranche réalisées au

microscope montrent une pénétration plus importante de la solution chargée de bleu de méthylène au niveau des zones de contact granulat/pâte de ciment. L'auréole de transition autour des granulats est évaluée à ± 50 µm; lors de nos discussions avec VERNET [103], il est apparu que celle-ci pouvait aller jusqu'à 200 µm, en particulier lorsque l'on n'utilise pas d'additions telles que les fumées de silice. La modélisation du support pourrait donc être représentée de la façon décrite sur la Figure 43, en ne tenant pas compte de la préparation du support (sablé ou poli).

Figure 43 : représentation de l'interface béton support/barbotine avant et après essai d'adhérence-traction

En fait, nous devons considérer cette zone de transition non seulement dans le béton support entre pâte de ciment et granulat, mais aussi à l'interface avec la barbotine. La résistance du composite procède à la fois de résistance en traction et de résistance en cisaillement.

Figure 44 : mode de résistance de la barbotine sur le béton support

Or, la résistance au cisaillement sur roche polie saturée vaut 3,35 N/mm² tandis que

l'adhérence en traction ne vaut que 2,65 N/mm²; ceci nous permettrait peut-être d'expliquer les performances du composite.

Il reste donc à réaliser l'importance de cette zone de transition. A partir des observations et de la quantification des surfaces respectives occupées par les granulats et la pâte de ciment, il est possible d'évaluer le pourcentage de la surface réellement occupée par les zones de transition granulat/pâte de ciment.

pâte de ciment granulat

bBarbotine

τ

Tableau 25 : détermination de la surface occupée par l'auréole de transition autour des grains de diamètre compris entre 0,075 et 4,5 mm (par m² de surface de béton)

Diamètre du grain (mm) Surface du grain (mm²) Surface occupée* (m²) Nombre de grains

Surface de l'auréole par grain** (mm²) Surface totale de l'auréole (mm²) 4,5 15,9 0,0096 604 0,636 384 4 12,6 0,0138 1098 0,558 612 3,5 9,6 0,0183 1902 0,479 911 3 7,1 0,017 2405 0,401 963 2,5 4,9 0,0162 3300 0,322 1063 2 3,1 0,0088 2801 0,291 814 1,8 2,5 0,0122 4794 0,259 1243 1,6 2 0,0068 3382 0,228 770 1,4 1,5 0,0058 3768 0,196 740 1,2 1,1 0,0124 10964 0,165 1808 1 0,79 0,161 205348 0,141 29030 0,85 0 57 0,047 82192 0,102 8392 0,6 0,28 0,107 379035 0,075 28281 0,425 0,14 0,061 433376 0,055 23826 0,3 0,071 0,012 174008 0,041 7161 0,212 0,035 0,030 848466 0,031 26655 0,15 0,0176 0,053 2984467 0,025 73133 0,106 0,0088 0,051 5796195 0,020 113808 0,075 0,0044 0,008 1824407 0,008 14329 TOTAL : 333925 mm²/m²

* d'après les résultats obtenus aux paragraphes 7.1. et 7.2.

** en supposant une épaisseur de la zone de transition de 50 µm, ce qui correspond à une moyenne sur les données présentes en littérature [81, 82, 85] et les observations que nous avons faites au microscope.

Il vient donc que l'occupation de surface d'un mètre carré de béton est répartie comme suit :

− 65 % occupée par les granulats et sables;

− 2 % occupée par la pâte de ciment;

− et 33 % occupée par la zone de transition granulat/pâte de ciment.

Ceci signifie donc que pratiquement toute la surface non occupée par les granulats et le sable peut être assimilée à une immense zone de transition.

Nous avons déterminé précédemment l'adhérence traction sur roche et sur mortier; nous pouvons donc prendre en compte ici l'influence de la zone de transition autour de grains dont les dimensions sont supérieures à 1,2 mm20. La surface occupée par l'auréole de transition autour de ces granulats est évaluée à 9308 mm²/m² de surface de béton, ce qui correspond à environ 1 % de la surface totale.

20 parce qu'en dessous de cette valeur, l'effet de la zone de transition a déjà été pris en compte dans l'essai

Du point de vue du comportement mécanique de l'assemblage, la détermination de la surface occupée par la zone de transition permet d'introduire un terme supplémentaire dans la loi des mélanges. Mais la surface qui nous intéresse ici est la surface de contact liée à la pénétration de la barbotine dans cette zone de transition, et qui permet de mettre en jeu la résistance au cisaillement de l'interface granulat/barbotine de ciment.

Nous avons noté à maintes reprises la difficulté d'observer la pénétration de la barbotine dans le support; les seules valeurs que nous possédions sont relatives à

l'absorption capillaire de l'eau et des solutions interstitielles de barbotine sur les supports en béton et sur la roche. Ces données vont nous permettre d'évaluer la hauteur de remontée moyenne dans la zone de transition et, partant, l'importance de la surface résistant en cisaillement dans le béton.

7. CONCLUSIONS

L'analyse des résultats d'adhérence et les observations au microscope nous

permettent de définir un peu plus précisément le comportement de l'interface, tant du point de vue mécanique, que physique ou chimique :

− l'effet du sablage n'est pas significatif sur les propriétés d'adhérence, dans les conditions qui sont celles définies dans cette recherche. Nous verrons dans le chapitre qui suit que les valeurs de "rugosité" obtenues pour les dalles sablées sont relativement modestes, même si fondamentalement différentes de celles mesurées sur dalles polies. Il devient donc difficile de parler d'interpénétration mécanique de la barbotine dans le support et d'augmentation de la surface spécifique qui expliqueraient des comportements

différents en fonction de la préparation de surface.

Et ce comportement reste constant alors que, pour un certain nombre de dalles sablées, nous avons observé la présence de bulles d'air, coïncées et prisonnières dans

l'ondulation de surface du support. Ces bulles auraient pu en effet, en réduisant la surface effective, diminuer les résistances;

− l'effet de l'état de saturation du support est quant à lui plus significatif et, même si les différences restent faibles, il semble préférable de travailler sur support saturé en eau (mais dont la surface n'est pas ruisselante) que sur un support sec. Travailler sur support sec signifie un mouvement d'eau important à l'interface et, par conséquent, une

modification des conditions de prise et de maturation de la barbotine. Ces conditions auraient encore été plus drastiques si nous avions maintenu le support en béton dans les conditions hygrométriques de conservation (50 % H.R.) et la barbotine à 100 %

d'humidité relative.

L'effet des conditions de maturation n'est cependant pas suffisant pour altérer de façon notable l'hydratation des grains de ciment : il semble qu'il y ait autant de grains non hydratés dans les barbotines en contact avec les surfaces saturées ou sèches. Par contre, les dalles saturées présentent plus souvent des phénomènes de recristallisation à

l'interface que les dalles sèches : qui parle de cristallisation, parle de diffusion et en particulier, dans notre cas, de CO2. Car il semble que les cristaux soient essentiellement à base de CaCO3, ce qui signifie que le Ca(OH)2 produit par hydratation du clinker, et qui se trouve dans une solution à pH = 13 arrive en contact avec un support qui est la plupart du temps au moins légèrement carbonaté et donc à pH plus faible (pH = 9).

Ce pH semble favorable à la recarbonatation du Ca(OH)2 en CaCO3, à condition qu'il y ait du CO2.

Nous avons émis diverses hypothèses sur l'origine du CO2; il se peut également que le malaxage de la barbotine ait pour effet d'introduire une grande quantité d'air ou que la saturation du support favorise la diffusion du CO2 à partir de la base du support. Mais ces hypothèses ne peuvent expliquer à elles seules ces phénomènes de cristallisation puisque la quantité de CO2 nécessaire à ces recarbonatations est colossale. Une partie de l'explication ne pourrait-elle pas se trouver dans la réaction entre les alcalins et les calcaires présents dans le béton ?

CaCO3 + 2 NaOH Na2CO3 + Ca(OH)2 CaCO3 + 2 K OH K2CO3 + Ca(OH)2

Les alcalins qui passent en quantité importante dans la solution interstitielle de la barbotine (voir chapitre IX) réagissent avec le granulat calcaire pour former de la chaux et du carbonate de sodium ou de potassium; cette réaction se déroule dès la mise en contact de la barbotine et du support. Mais la quantité de chaux produite par

l'hydratation du clinker sature le milieu en chaux et la réaction s'inverse, donnant du CaCO3, sans apport extérieur de CO2.

Ces recristallisations ne sont pas néfastes pour l'adhérence du revêtement sur le support car elles viennent remplir les interfaces laissées vides par évaporation de l'eau ou les fissures développées par le retrait, et augmentent ainsi la surface effective de contact;

− l'effet de la carbonatation du support sur l'adhérence semble négligeable pour nos conditions d'essai. Cela signifie donc que, même si le support est carbonaté, il reste suffisamment poreux pour permettre la pénétration éventuelle d'une partie des grains de ciment et de la solution interstitielle de la barbotine de ciment, dans le cas de supports secs. A nouveau, il faut peut-être prendre garde de généraliser cette conclusion en affirmant qu'un support carbonaté est aussi bon qu'un support en béton qui ne l'est pas. Mais comme on l'a vu ci-avant, les phénomènes de dissolution/recristallisation peuvent être considérés comme positifs – en l'absence d'armature bien entendu – pour la

cohésion superficielle du béton;

− l'effet du retrait reste un problème important dans la maturation de la barbotine. Nous avons déjà signalé qu'il n'intervenait pas directement dans nos préoccupations mais son effet sur l'adhérence est tel que nous ne pouvons et devons pas le négliger. Mais ce qui apparaît intéressant dans l'observation du phénomène est, d'une part, son importance quantitative et, d'autre part que, malgré cet effet, son action sur l'adhérence reste limité. Pratiquement, toutes les éprouvettes sont concernées, quel que soit l'état de surface ou de saturation du support. Toutefois, l'importance varie en fonction du type de barbotine.

Tableau 26 : nombre de fissures de retrait d'épaisseur équivalente observées dans les barbotines de ciment modifiées ou non sur une longueur de 375 µm

Barbotine Sablé/sec Poli/sec Sablé/saturé Poli/saturé

I 1 2 2 - II 2 0 1 1 III 2 2 2 2 IV - 3 3 > 3 V 2 1 2 2 VI 2 1 1 1 VII 3 2 2 2 VIII - 2 2 2

Autour de la moyenne de 2 fissures sur la plage d'observation, nous observons des comportements variables en fonction du type de barbotine : la barbotine IV présente systématiquement un retrait fort important alors que la quantité d'eau est toujours la même.

Le plastifiant, à base de copolymère vinyl, provoque une chute importante de la tension superficielle de l'eau; la barbotine est donc très fluide et l'eau excédentaire, ce qui peut avoir amené un ressuage et un retrait important;

− l'effet de la zone de transition interfaciale (ITZ) est sans conteste l'effet le plus intéressant mis en évidence dans le cadre de l'analyse de l'interface. La surface de contact ITZ/barbotine est très importante et permet d'expliquer la synergie observée par rapport aux essais individuels d'adhérence sur roche et sur mortier. Il s'agit là de l'effet d'ancrages chimiques, bien supérieurs au simple effet de l'interpénétration mécanique, puisque de dimensions importantes, et par conséquent qui va absorber rapidement de grandes quantités de fluides.

Cette structure poreuse va augmenter les sites potentiels d'interaction de la solution interstitielle de la barbotine avec le support et favoriser l'adhésion.

Il est possible d'estimer son importance à partir de la loi des mélanges : adhérence = 0,65 . 2,65 + 0,02 . 2,53 + 0,33 . x = 3,56

d'où x = 5,41 N/mm² (2,63 N/mm² si l'on tient compte de l'adhérence caractéristique). Cette contribution est semblable à celle obtenue en adhérence par cisaillement sur dalle polie à 28 jours;

− l'effet du clivage du Ca(OH)2 est très net sur l'ensemble de nos observations. La rupture du contact entre la roche calcaire et la barbotine de ciment a toujours lieu à l'interface mais dans la barbotine, dans une nouvelle zone de transition dans laquelle on retrouve à nouveau du Ca(OH)2. Il s'agit donc d'un effet des plans de clivage dans les cristaux de Ca(OH)2 qui se manifeste à l'interface entre le granulat calcaire et un ciment hydraté (ou en phase d'hydratation);

− l'effet de la nouvelle zone de transition (NITZ) entre la barbotine et le béton support, caractérisée elle aussi par une porosité capillaire plus importante et, comme nous l'avions déjà signalé, par des phénomènes de recristallisation.