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1.3 Modèles sismiques globaux

1.3.3 Interprétation

La modélisation de l’atténuation permet de compléter les informations données par la vitesse des ondes sismiques. En effet, la vitesse et l’atténuation ont des sensibilités différentes aux propriétés physiques de la Terre, comme la température et la composition.

On considère généralement que les variations importantes de la vitesse et de l’atténuation dans le manteau supérieur peuvent être interprétées par des variations de température entre les continents, les zones intermédiaires entre continents et océans, et les océans (Shito et al., 2006; Priestley & McKenzie, 2006; Cammarano & Romanowicz, 2008). Une augmentation de la température, en diminuant la viscosité des roches (Priestley & McKenzie, 2013; Hager et al., 1985), produit simultanément une diminution de la vitesse et une augmentation de l’atténuation.

1.3. Modèles sismiques globaux 33 Les régions les plus froides (comme les continents) correspondent donc à des zones de vitesse élevée et de faible atténuation, et les régions les plus chaudes (comme les dorsales océaniques) correspondent à des zones de vitesse faible et de forte atténuation. Les panaches mantelliques thermiques devraient donc être signalés par de faibles vitesses sismiques et une forte atténuation. Cependant, à cause de la taille réduite des panaches, et du phénomène de cicatrisation du front d’onde qui a lieu lorsque l’onde rencontre une hétérogénéité de faible vitesse, seuls quelques groupes ont récemment annoncés la détection de panaches mantelliques (Montelli, 2004; French & Romanowicz, 2015).

La température seule ne permet pas d’expliquer toutes les différences entre les modèles de vitesse et d’atténuation. Par exemple, les discontinuités dans les vitesses des ondes P et S à 410 km et 660 km de profondeur sont dues à la présence de changements de phases de (Mg, Fe)2SiO4dans la zone de transition du manteau. Par ailleurs la vitesse est affectée de façon plus importante par les variations de composition (Bina & Silver, 1997), alors que l’atténuation a une plus grande sensibilité à la température que la vitesse (Jackson et al., 1992; Yang et al., 2007). La tomographie de l’atténuation devrait donc pouvoir résoudre les régions chaudes beaucoup mieux que la tomographie de vitesse (Romanowicz, 1994).

La présence d’eau, de fusion partielle, la composition chimique et la taille des grains peuvent influencer la vitesse et l’atténuation et provoquer des différences notables entre les deux proprié-tés physiques.

La présence d’eau, sous forme d’atomes d’hydrogène incorporés dans les défauts cristallins ponctuels des minéraux, est le paramètre le plus influent après la température (Shito et al., 2006). Une augmentation de la quantité d’eau dans les minéraux du manteau produit une augmentation de l’atténuation et une diminution de la vitesse (Karato, 1995, 2003), avec un impact moins important sur la vitesse (Shito et al., 2006).

L’effet de la fusion partielle reste mal connu (Hammond & Humphreys, 2000a,b; Faul et al., 2004; Shito et al., 2004, 2006). Shito et al. (2006) proposent que la fusion partielle ait pour effet de réduire la vitesse en ayant peu d’effet sur l’atténuation. Elle est parfois évoquée pour expliquer des vitesses faibles combinées avec une forte atténuation (Sakamaki et al., 2006, 2013). Karato & Jung (1998) ont montré que l’hydratation des roches pouvait être à l’origine de la zone de forte atténuation et basse vitesse du manteau supérieur, et que la fusion partielle devrait quant à elle augmenter la vitesse sismique en diminuant la quantité d’eau dans les minéraux.

Finalement, la vitesse des ondes sismiques dépend principalement des paramètres élastiques du milieu, alors que l’amplitude dépend à la fois des paramètres élastiques et anélastiques. Ce-pendant, la vitesse est affectée par les effets de dispersion produite par l’anélasticité (Futterman, 1962; Liu et al., 1976; Kanamori & Anderson, 1977). Une bonne connaissance de l’atténuation peut donc également aider à mieux résoudre la structure en vitesse de la Terre (Laske & Masters, 1996; Karato, 1993; Romanowicz, 1990).

Chapitre

2

Atténuation sismique

2.1 Définition et propriétés

Quand une onde sismique se propage dans la Terre, une partie de son énergie est absorbée par le milieu. L’énergie perdue est quantifiée par l’atténuation sismique, caractérisée par le facteur de qualité Q. Ce dernier est défini par :

1

Q = −2πE∆E (2.1)

où E est l’énergie élastique contenue dans un cycle d’excitation harmonique et ∆E est l’énergie perdue par cycle. Le facteur de qualité peut s’exprimer à partir de la variation de l’amplitude de l’onde sismique. Dans l’équation 1.1 présentant le déplacement d’une onde de surface dans un demi-espace, on a défini le terme A(x) qui exprime l’amplitude de l’onde à la distance x de la source. Cette amplitude connait une décroissance exponentielle qui dépend de la fréquence :

A(x) = exp (−αx) = exp2Qcω x 

(2.2) avec

α= 2Qcω (2.3)

où ω est la pulsation de l’onde, et c sa vitesse de phase.

Notre objectif est de rechercher la valeur du facteur de qualité de l’onde de Rayleigh de chaque point géographique, à chaque mode et chaque période, puis de l’inverser en profondeur pour trouver le facteur de qualité des ondes S en chaque point du manteau. Dans un premier temps, il est nécessaire de comprendre l’origine de l’atténuation que l’on cherche à modéliser.

36 Chapitre 2. Atténuation sismique Comme on l’a présenté dans la section 1.3.2, l’atténuation mesurée par les sismologues résulte de la combinaison de mécanismes variés, intrinsèques ou extrinsèques (Dalton et al., 2014).

Les mécanismes intrinsèques dissipent l’énergie des ondes sismiques, c’est-à-dire qu’ils la convertissent en chaleur, et sont issus des propriétés anélastiques de la Terre. Sans cette atté-nuation, les ondes sismiques de tous les séismes passés continueraient de se réverbérer dans la Terre (Knopoff, 1964). C’est l’atténuation intrinsèque que l’on cherche à modéliser en sismologie, car c’est elle qui peut apporter des informations sur les propriétés locales de la Terre.

Les mécanismes extrinsèques sont quant à eux des phénomènes élastiques, c’est-à-dire qu’ils réarrangent l’énergie à l’intérieur de la Terre sans la consommer. Ces mécanismes comprennent l’atténuation géométrique, les effets de focalisation et défocalisation des rais et les effets de diffusion et de diffraction.

En plus des différents mécanismes d’atténuation intrinsèques et extrinsèques, l’amplitude mesurée d’une onde sismique Ames dépend du moment sismique, du mécanisme à la source, des instruments de mesure ainsi que de la structure du sol près des instruments. On peut résumer les différentes contribution à l’atténuation mesurée Ames de la manière suivante (Dalton et al., 2014) :

Ames= ASAGAFAdiffAintAI (2.4) avec AS l’effet de la source dans l’azimut du trajet, AGl’atténuation géométrique, AF l’effet de la focalisation-défocalisation, Adiff l’effet de la diffusion et de la diffraction, Aint l’atténuation intrinsèque et AI l’effet des instruments de mesure. Afin de déterminer l’atténuation intrinsèque, il est nécessaire d’estimer les mécanismes d’atténuation extrinsèques, ainsi que l’influence de la source et des instruments de mesure. Il s’agit de la principale difficulté liée à l’étude de l’atténuation sismique, que nous traitons dans la suite de ce chapitre.