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DE SUBSURFACE EN LIEN AVEC LES HYDRATES DE GAZ

B. Interprétation de l’origine de l’évènement

Le niveau H1 à dépressions est constitué de pockmarks allongés et profonds d’environ 10 m que l’on retrouve le long d’une bande de largeur variable sur toute la zone d’étude. Les pockmarks sont formés lors d’expulsions de fluides sur le fond de l’eau. Sur le noveau H1, les pockmarks ont alors été tous actifs simultanément et de manière homogène, au cours d’un épisode de dégazage massif et surtout régional. Cette activité d’échappement de fluides se concentre au niveau de l’horizon H1 uniquement, qui a été daté approximativement à -20 000 ans, et n’a ensuite pas perduré dans le temps. Cette activité d’échappement de fluides limitée dans le temps a permis le drapage des pockmarks formés sur le niveau H1, qui ne font plus que 2-3 m de profondeur sur le fond de l’eau. L’extension latérale de cet ensemble de pockmarks de H1 indique qu’ils sont sûrement liés à un évènement lui-même d’amplitude régionale.

178 Hypothèse 1 : La datation de cet horizon H1 permet d’avoir un ordre de grandeur de son âge. Dans un premier temps, on a considéré que l’âge estimé de 20 000 ans était vraisemblable. Dans ce cas, comme le montre la Figure 77, il y a 20 000 ans, le niveau marin était au plus bas (- 120 m par rapport à l’actuel), puis il est monté de 120 m en 12000 ans pour atteindre sa valeur actuelle (0 m), sans compter les effets liés au rebond isostasique. L’horizon H1 à dépression (environ -20 000 ans) se situe alors dans cette période de transition entre la fin de la baisse du niveau marin mondial et le début de la phase de remontée des océans mondiaux. L’origine de cet épisode ponctuel de dégazage régional pourrait ainsi être liée au passage à une remontée du niveau marin à cette époque (Figure 77), ce qui engendre une augmentation de la pression au fond de la mer, ce qui va provoquer le déplacement de la base de la zone de stabilité des hydrates (BGHSZ) vers le bas (Figure 78). Dans ce cas, les hydrates formant le paléo-BSR se situent à l’intérieur de la zone de stabilité des hydrates, ils ont donc peu de chance de se dissocier, ce qui peut conduire à la formation d’un double BSR (Foucher et al., 2002). La dissociation progressive des hydrates de gaz du paléo-BSR pourrait se produire si la saturation en gaz dissous dans le sédiment environnant devenait trop faible, notamment si les hydrates de gaz se forment à la nouvelle BGHSZ, ne permettant plus au paléo-BSR d’être alimenté en gaz. Dans ce cas, la dissolution des hydrates se fait selon un processus lent et progressif (Sultan et al., 2007) qui n’est pas compatible avec la formation de figures d’échappements de fluides telles que les pockmarks. Une augmentation du niveau marin a ainsi très peu de chance de provoquer un épisode de dégazage régional. Les pockmarks du niveau H1 ne peuvent donc pas s’être formés lors d’une phase de hausse du niveau marin.

Figure 78 : Schéma montrant les effets d’une hausse du niveau marin (ou de la subsidence) sur la zone de stabilité des hydrates. L’augmentation de pression qui en résulte va provoquer la

179 Hypothèse 2 : La datation de cet horizon H1 à 20 000 ans permet d’avoir un ordre de grandeur de l’âge de cet horizon, de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’années. Il pourrait être un peu plus récent (10 000 ans) ou plus ancien (30 000 ou 40 000 ans). Les variations récentes du niveau marin incluent une phase de remontée du niveau marin de 120 m de -20 000 ans à aujourd’hui et une phase de baisse mondiale du niveau marin entre -30 000 ans et -20 000 ans (Figure 77). Compte tenu de l’incertitude du calcul de l’âge de l’horizon H1, il pourrait tout à fait s’être formé à cette période, pendant une phase de baisse mondiale du niveau marin qui a baissé de 40 m en 10 000 ans (Figure 77), sans compter l’effet du rebond isostasique. L’origine de cet épisode ponctuel de dégazage régional au niveau de l’horizon H1 pourrait ainsi être lié au passage à une baisse du niveau marin à cette époque (Figure 77), ce qui engendre une diminution de la pression au fond de la mer, ce qui va provoquer le déplacement de la base de la zone de stabilité des hydrates (BGHSZ) vers le haut (Figure 79).

Dans ce cas, les hydrates formant le paléo-BSR vont alors se dissocier car ils ne se situent plus à l’intérieur de la zone de stabilité des hydrates, mais en dessous, et ne sont donc plus stable (Figure 79), comme cela a déjà été observé en Scandinavie

(Cremière et al., 2016). Les hydrates de gaz du paléo-BSR vont alors fondre, ce qui peut

générer un épisode de dégazage avec une large extension latérale correspondant à la localisation du paléo-BSR. Selon Sultan et al., 2007, la dissolution des hydrates est un phénomène progressif libérant tranquillement du gaz dissous, ce qui est peu compatible avec la formation de pockmarks incisés. Cependant, la fonte massive des hydrates de gaz pourraient provoquer la sursaturation du milieu en gaz dissous, ce qui a pour

Figure 79 : Schéma montrant les effets d’une baise du niveau marin (ou d̓un uplift) sur la zone de stabilité des hydrates. La baisse de pression qui en résulte va provoquer le déplacement vers le haut

180 conséquence de libérer des bulles de gaz, qui peuvent permettre la formation de structures d’échappement de fluides telles que les pockmarks.

De plus, l’horizon H1 présente des pockmarks associés à des anomalies d’amplitudes, qui ont été interprétés comme des carbonates méthanogènes, similaires à ceux observés dans les pockmarks allongés des structures en araignée (décrites au chapitre 3). La formation de ces pockmarks et des carbonates associés sont le résultat de fuites de méthane sur le paléo-fond de mer de l’époque (il y a quelques 20 000 – 30 000 ans). Ce phénomène d’échappement de fluides a duré suffisamment longtemps pour être enregistré par ces pockmarks et ces carbonates méthanogènes mais il est suffisamment limité dans le temps pour être enregistré uniquement sur l’horizon H1. Ce phénomène est compatible avec le caractère progressif et lent de la dissolution des hydrates, qui se produit notamment lors d’une remontée de la BGHSZ, et qui permet la libération de gaz biogénique et/ou thermogénique sur une longue période de temps. Une diminution du niveau marin peut ainsi provoquer un évènement de dégazage régional du fait de la dissolution des hydrates de gaz situés au niveau du paléo-BSR. La formation des pockmarks et des anomalies d’amplitudes associées sur l’horizon H1 sont ainsi compatibles avec une phase de baisse du niveau marin mondiale.

Le domaine de stabilité des hydrates de gaz est régi par un équilibre entre la pression et la température. Les variations mondiales du niveau marin produisent un effet important sur les conditions de pressions en faisant varier le volume d’eau, et la variation de ces courbes eustatiques au cours tu temps est assez bien connue (voir Figure 77 par exemple) . Ce phénomène a été pris en compte dans les hypothèses 1 et 2 qui ont permis d’évaluer les effets d’une diminution de pression (baisse du niveau marin) et d’une augmentation de pression (hausse du niveau marin).

Mais la seconde variable permettant de déterminer la zone de stabilité des hydrates, à savoir la température, n’a pas été appréhendée dans cette étude. Les variations de la température dans les fonds océaniques au cours du temps sont méconnues dans la littérature, elles peuvent être dues à des fluctuations dans les courants océaniques (Phrampus & Hombach, 2012) ou encore à des variations climatiques. Pendant une période de réchauffement climatique, le niveau de la mer augmente du fait de la fonte de la glace et la température globale se réchauffe, ce qui engendre un amincissement de la GHSZ, bien que de telles variations de températures requièrent plusieurs milliers d’années pour se propager dans les sédiments (Xu, 2004; Mienert et al., 2005; Bangs et al., 2005 ; Trehu et al., 2006).

C. Timing des échappements de méthane par dissolution des hydrates