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2. L’IDENTIFIANT SOUS TOUTES LES COUTURES

2.3. Les systèmes de gestion d’identifiants

2.3.3. Interopérabilité entre identifiants « concurrents »

de possibilité d’identification, nous ne pouvons que constater que les initiatives sont très nombreuses, très variées, et que chacune essaye de « tirer à soi la couverture » afin de récupérer la plus grande part d’utilisateurs. Bien évidemment, dans ce genre d’environnement économique, le plus gros « poisson » récupère les gains. Chacun souhaiterait que son standard soit adopté, mais ceux -ci présentent des failles qui ne peuvent convenir aux spécificités de tout le monde.

Nous avons vu dans ces différentes descriptions que beaucoup de ces identifiants se recoupent et se rejoignent sur l’identification de ressources, contenus, agents. Le cas de l’ISAN et d’EIDR est édifiant sur ce point-là : l’interopérabilité de deux systèmes est possible et même souhaitée.272 Uniformiser les identifiants

relèverait de l’utopie : un seul identifiant global serait peut-être trop large et non adapté aux différents besoins des communautés spécifiques (par exemple, le cas de l’ISNI et son complément ORCID pour les chercheurs), et une multitude d’identifiants proliférant sans se consulter serait désastreux. L’histoire des identifiants semble pourtant se faire dans le bon sens car si uniformiser n’est pas possible, créer de l’interopérabilité entre les systèmes sans en adopter un pour détruire l’autre est une attitude qui profite à l’ensemble des acteurs du domaine. La spécialisation de certains identifiants tout en conservant la capacité de faire des liens

269 Loc.gov. SRU/CQL. [en ligne] Disponible sur http://www.loc.gov/standards/sru/ [consulté le 07/06/2017] 270 Ariadne.ac.uk. An introduction to the Search/Retrieve URL Service (SRU). 2004. [en ligne] Disponible sur

http://www.ariadne.ac.uk/issue40/morgan [consulté le 07/06/2017]

271 Bnf.fr. SRU (Search/Retrieval via URL). 2013. [en ligne] Disponible sur

http://www.bnf.fr/fr/professionnels/proto_sru/s.proto_sru_intro.html [consulté le 07/06/2017]

272 Adami, BFI, CEPI, CineRegio, EIDR, et al. Declaration on audiovisual work identifiers. [en ligne] Disponible sur https://ec.europa.eu/licences-for-europe-dialogue/sites/licences-for-europe-dialogue/files/9-AV-identification.pdf

entre chaque identification d’un même référent est la base du web sémantique. La coréférence n’est de toute façon viable que lorsqu’elle est cartographiée (« mappée »), et ces liens entre les identifiants permettent une traduction directe et fluide tant que le dispositif technique est opérationnel. On pourrait faire le parallèle avec les langues humaines : elles cohabitent et évoquent les mêmes idées mais sont traduisibles tout en gardant la richesse des spécificités de chacune.

Prenons par exemple un cas concret : le projet DiVA de l’Université d’Upsalla en Suède, (et en collaboration avec d’autres établissements du Danemark et de la Norvège), a mis en place les URN : NBN (National Bibliographic Number). Ce schéma intègre les identifiants DOI et ARK. De même, le World Data Center for

Climate Change (WDCC) utilise à la fois des identifiants DOI et URN pour nommer

les données scientifiques. Un DOI est assigné par l’archive de données et ensuite est envoyée à la DDB (Die Deutsch Bibliothek) en URN pour permettre qu’il soit référencé dans le catalogue de la bibliothèque. Le projet EPICUR, quant à lui, vise à remplacer toutes les URL avec des URN maintenues et résolvables pour tous les objets archivés à la DDB. Ainsi, le serveur peut faire des requêtes URN externes à des collègues européens tels que… l’Université d’Upsalla en Suède.273

L’attribution d’URN permettant la résolution en URL et inversement se fait en trois étapes à la National Széchényi Library : le propriétaire du document envoie une requête au serveur central, le serveur vérifie si le document existe en HTML et ne possède aucune URN, ensuite le demandeur assigne une URN au document, puis la finalisation de la requête se fait en vérifiant que le document contient bien une URN, qu’il est en format HTML et qu’il ne fait pas doublon avec une autre URN. Tout est

Open-source, et si le document correspond aux critères, l’URN est acceptée dans la

base de données centrale.274

Les approches hybrides de ce type montrent que plusieurs systèmes d’identifiants pérennes peuvent être implémentés pour convenir à une organisation : il n’y a pas de solution pouvant convenir à tous les usages.

273 ERPA Seminar. Op. Cit. 274 Ibid.

Conclusion de la partie 2 Dans cette partie, nous avons donc vu que :

 L’identifiant idéal possède bien des qualités qui sont parfois difficiles à concilier, voire même quasiment impossible à toutes respecter,

 Les systèmes d’identifiants pérennes sont les bons élèves de cet environnement et tentent de l’approprier un marché difficile à conquérir,

 Il y a des méthodes d’identification pour les objets réels et pour les objets web, même si effectivement la question ne semble jamais trouver de réelle solution stable,

 Les solutions d’identification fourmillent : toutes ont des choses intéressantes à apporter et toutes sont imparfaites, mêmes celles issues des grands consensus internationaux,

 Vouloir homogénéiser se fait forcément au détriment des spécificités qui font la richesse des initiatives individuelles,

 Les identifiants les plus efficaces et les mieux construits s’imposent d’eux- mêmes, même s’ils proviennent de petites structures initialement,

 L’interopérabilité entre systèmes est la clé de l’énigme, même si elle est difficile à mettre en place.

Les identifiants coexistent donc, fusionnent et meurent tels des organismes vivants dans un vrai écosystème économique. Ils sont au cœur des enjeux financiers, sociétaux et culturels liés à la diffusion de contenus sur le web, puisqu’ils apportent à la fois le moyen de d’accéder aux ressources mises à disposition et la possibilité de les utiliser. Cela entraine des questionnements très vastes pouvant toucher à plusieurs problématiques. Tout d’abord des problématiques sociales : qui a vraiment accès à l’information, qui est favorisé, à qui les ressources sont-elles destinées, quelle est la traçabilité des utilisateurs ? Ensuite des problématiques économiques : quels modèles économiques sont utilisés pour faire du chiffre d’affaire sur la mise en ligne des ressources, à qui profite les dispositifs, comment les organisations se placent-elles sur le marché les unes par rapport aux autres, quelles évolutions sont possibles dans ce marché et comment s’y placer ? Et enfin des problématiques techniques : quelles implémentations sont vraiment efficaces, comment s’adapter au mieux à une structure, de quoi sont faites les réussites et quelle expérience tirer des difficultés rencontrées ?

Dans la troisième partie nous traiterons principalement de cette dernière série de problématiques ayant trait à la technicité, tout en permettant des liens avec les aspects économiques, indivisibles du sujet.