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Le frottement mécanique entre les objets physiques est à l’origine de beaucoup de phé-nomènes visuellement riches et que l’informatique graphique cherche à modéliser. On peut penser aux effets de groupement dans les cheveux (Davietet al., 2011) ou aux plis d’un vêtement, sur une manche retroussée par exemple, comme sur la figure 7.0.694. Il est donc important de tenir compte du contact frottant dans la modélisation afin de reproduire ces phénomènes. Ceci devient crucial pour l’inversion car la forme d’un objet à l’équilibre est souvent en bonne partie expliquée grâce au contact et au frottement (statique), comme le montre la figure 7.0.694.

La modélisation du contact frottant est un problème complexe car elle cherche à rendre compte d’effets non-réguliers comme les phénomènes à seuil6. Il existe dans la littérature plusieurs modèles de contact frottant mais celui qui est largement adopté est le modèle de frottement de Coulomb que nous présentons dans la section suivante. Ce modèle fait référence car il offre un bon compromis entre simplicité (pour que les calculs numériques soient envisageables) et réalisme physique (pour rendre compte des effets dominants).

Les outils d’analyse convexe ont prouvé leur efficacité dans le traitement des pro-blèmes de contact frottant (Acary et Brogliato, 2008; Daviet et al., 2011; Derouet-Jourdan et al., 2013a) et nous les utilisons dans nos travaux d’inversion en présence de contact frottant. Nous consacrerons la fin de cette section à l’introduction de ces outils.

10.3.1 Le modèle de frottement de Coulomb

Nous introduisons ici succinctement la loi de Coulomb. Pour plus de détails, on pourra consulter (Acary et Brogliato, 2008). Considérons deux objets A et B en contact en un point I à un instant donné. On suppose que la surface des objets est suffisamment régulière pour pouvoir définir une normale au point de contact, elle est notéeeet dirigée de B vers A. La figure 10.3.1126 résume la situation. On note r la force exercée en I par le corps B sur le corps A et u la vitesse relative de A par rapport à B (en I). On

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Un phénomène a seuil issu du contact frottant simple à visualiser est celui d’une boite sur un plan dont la pente augmente. Pour les pentes faible, le frottement retient la boite, mais pour une valeur critique de l’angle de la pente, la boite va se mettre à glisser.

e

A

I

B

Figure 10.3.1 : Deux objets en contact ponctuel et la normale au contact.

se donne aussi un coefficient de frottement, µ>0. Il nous reste à introduire le cône de frottement pour pouvoir énoncer la loi de Coulomb (voir la figure 10.3.4).

Définition 10.3.2. Pour e∈Rn non nul et µ>0, on définit le cône de frottement (ou

cône du second ordre) par,

K(e, µ) = {x∈Rn/ëxTë6µxN}, (10.3.3) où xN=ex; e

ëeë f

et xT =xxN e

ëeë désignent respectivement les composantes normale et tangentielle de x par rapport à e.

Le modèle de Coulomb distingue trois configurations (mutuellement exclusives) pour les vecteurs u etr :

décollage : r= 0 etuN>0, • adhérence : rK(e, µ)et u= 0,

glissement : ërTë=µrN,r Ó= 0, uN= 0 et uT =−λrT avec λ >0. Ceci est schématisé sur la figure 10.3.4.

e µ 1 K(e, µ) uN>0 r= 0 décollage rK(e, µ) u= 0 adhérence uN= 0 ërTë=µrN uT =−λrT glissement

Figure 10.3.4 : Le cône de frottement K(e, µ) et les trois configurations de la loi de Coulomb.

Remarque 10.3.5. Dans le cas où les objets sont à l’équilibre, toutes les vitesses sont nulles (on parle d’état statique) et le système est forcément en adhérence. Ceci impose que la force de contact r appartienne au cône de frottement. C’est ce cas qui nous intéressera tout particulièrement dans la suite car pour l’inversion, nous cherchons des configurations à l’équilibre.

10.3.2 Outils d’analyse convexe

Les définitions et résultats que nous introduisons ici sont détaillés dans (Hiriart-Urruty et Lemaréchal, 1993). On rappelle qu’une partie convexeCest un ensemble qui contient un segment dès lors qu’il contient ses extrémités.

Définition 10.3.6. On introduit le cône normal à une partie fermée convexe C de Rn

enxC,

NC(x) ={d∈Rn/éd;cxê60, ∀cC}. (10.3.7)

C’est l’ensemble des directions qui forment un angle obtus avec tous les vecteurs joignant x et un point de C. Un exemple est donné sur la figure 10.3.8. Lorsque x est

N C (x 1 ) NC(x2) x1 x2 x3 NC(x3) ={0} C

Figure 10.3.8 : Un exemple d’une partie convexe et fermée C et quelques-uns de ses cônes normaux.

à l’intérieur de C (dans C),˚ NC(x) est réduit au singleton {0}. Si x est un point du contour de C, deux cas se produisent. Si ce point de contour est régulier, alors le cône normal contient (le demi espace vectoriel engendré par) la normale (sortante) àC en ce point. Sinon, c’est tout un cône de directions qui sont dites normales à C enx.

Cette notion est assez sympathique avec le produit cartésien de convexes fermés.

Propriété 10.3.9. On se donne p > 1 convexes fermés Ci ⊂ Rn et on considère le

convexe (lui aussi fermé) C =rpi=1Ci. Pour x= (x1, . . . , xp)C, on a NC(x) =

p

Ù

i=1

NCi(xi). (10.3.10)

Dit de manière mnémotechnique : « le cône normal d’un produit est le produit des cônes normaux ».

dem. Soitdrp

i=1NCi(xi), etcCd;cxê=qp

i=1édi;cixiê60, on en conclut querp

i=1NCi(xi) NC(x). Prenons maintenantd∈ NC(x)et1 6i6 p et montrons quedi ∈ NCi(xi). Soit ci Ci, le vecteur

c= (x1, . . . , xi−1, ci, xi+1, . . . , xp)étant dansCd;cxê=édi;cixiê60, ce qui montre quedi∈ NCi(xi) et finalementNC(x)⊂rpi=1NCi(xi). L’égalité est finalement démontrée.

Le cône normal va surtout nous servir à donner des conditions d’optimalité comme le montre le résultat d’analyse convexe suivant.

Théorème 10.3.11. Si f est une application différentiable d’un ouvert U de Rn dans

R, et que xUC est un minimum local def sur l’ensemble convexeC, alors l’opposé du gradient de f en x est normal à C en x i.e.,

− ∇f(x)∈ NC(x). (10.3.12) Cette condition est suffisante lorsque f est convexe.

dem. Raisonnons par l’absurde. Si−∇f(x∗)∈ N/ C(x∗), c’est qu’il existecCtel queé∇f(x∗) ;cx∗ê<0. Cela entraîne que limt→0+1

t(f(x∗+t(cx∗))−f(x∗))<0. C’est donc qu’il existet ∈]0 ; 1[tel que∀t∈]0 ;t∗],

f(x∗+t(cx∗))< f(x∗). Il y a donc dansCet aussi près que l’on veut dex∗, des points dont l’image parf

est strictement inférieure àf(x∗). Ceci contredit le fait quex∗soit un minimum local def surC.

Montrons la réciproque dans le cas oùfest convexe. PourxU,f(x)>f(x∗) +é∇f(x∗) ;xx∗ê(fconvexe). Dans le cas où x U C,−∇f(x∗) ∈ NC(x∗) implique é∇f(x∗) ;xx∗ê > 0 et donc f(x) > f(x∗). Cette dernière inégalité étant vraie dans un voisinage dexrelatif àC,xest bien un minimum local defsurC.

Dans la suite, nous aurons besoin des deux définitions suivantes dont une schémati-sation est donnée figure 10.3.15.

Définition 10.3.13. Étant donné un côneK(e, µ)(c.f.10.3.2126) avecµ >0, on définit

son cône dual,K(e, µ), et soncône polaire, K(e, µ), par

K(e, µ) = K 3 e, 1 µ 4 et K(e, µ) =−K(e, µ) =K(−e, µ) =K 3 −e, 1 µ 4 . (10.3.14) K(e,µ ) K(e, µ) K(e, µ)

Dans les applications qui nous intéresseront, l’ensemble C du théorème précédent sera toujours un cône (ou un produit de cônes) K(e, µ). Le théorème suivant donne la forme du cône normal dans le cas oùC =K(e, µ).

Théorème 10.3.16. Pour e ∈ Rn non nul, µ > 0 et xK(e, µ), le cône normal au

cône K(e, µ) en x est donné par

NK(e,µ)(x) =K(e, µ)∩ {x}. (10.3.17)

dem. Sans perdre de généralité, on supposera dans la suite de cette démonstration que e est normé. Soit

d∈ NK(e,µ)(x).0étant dansK(e, µ),éd;−xê60. De la même manière,2xétant dansK(e, µ)(c’est un cône), éd;xê60. Finalement,éd;xê= 0etdest bien un élément de{x}⊥. Posonsc=x+dT+ëd

µ e(on envoiedsur le cône le long dee).cK(e, µ)carcN=xN+ëd

µ ,cT=xT+dTetëcTë2−µ2cN262(éxT;dTê−µxdTë)60et

cNest positif. On peut alors écrireéd;cxê60qui entraîne queëdTë2+dNëdTë

µ 60etdest bien dansK(e, µ). Ceci étant vrai pour toutddansNK(e,µ)(x), on a montré la première inclusionNK(e,µ)(x)⊂K◦(e, µ)∩ {x}. Prenons maintenantdK◦(e, µ)∩ {x} etcK(e, µ).éd;cxê=éd;cê=édT;cTê+dNcN6ëdTëëcTë+

dNcN6cN(µëdTë+dN)60. La seconde inclusion est vérifiée, ceci achève la démonstration.

Finalement, on peut donner le principal théorème que nous utiliserons dans la suite qui donne les conditions d’optimalité dans le cas C =K(e, µ).

Théorème 10.3.18. Pour e ∈ Rn non nul, µ > 0 et f une application différentiable

d’un ouvertU deRn dans R, si xUK(e, µ) est un minimum local def sur K(e, µ) alors la condition de complémentarité conique du second ordre suivante est satisfaite

K(e, µ)∋ ∇f(x)⊥xK(e, µ). (10.3.19)

Cette condition devient suffisante quand f est convexe.

dem. x∗étant dansK(e, µ)par hypothèse, d’après le théorème 10.3.11128, il suffit de montrer que−∇f(x∗)∈ NK(e,µ)(x)⇐⇒x⊥ ∇f(x)∈K⋆(e, µ)ce qui est évident d’après le théorème 10.3.16.