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Les interfaces de locomotion pédestre

Certaines interfaces qui reproduisent à l’identique des postes de pilotage de véhicules comme le vélo, le deltaplane, l’avion ou encore la conduite automobile offrent la possibilité à l’utilisateur de réaliser les actions habituelles telles qu’exécutées dans la vie quotidienne en percevant en retour des stimuli visuels, sonores, tactiles voire vestibulaires (Fig.2.1, Fig.2.2). L’immersion virtuelle est souvent très réussie car les interfaces comportementales employées sont partiellement issues de la réalité physique. Néanmoins la primitive de déplacement est alors soumise à l’emploi d’une interface de véhicule habituelle pour le pilotage mais pas pour se déplacer le plus naturellement en marchant.

Figure 2.1 – Simulateur de conduite

La caractéristique primordiale pour une interface est d’être transparente pour l’utilisateur, c’est à dire que ce dernier ne perçoit que ce que l’interface veut faire ressentir sans distinguer le fait que les stimuli proviennent synthétiquement d’une interface comportementale. Le défi de la conception d’interface est de tenter de permettre à l’utilisateur de se déplacer dans un environnement virtuel comme il le fait dans la réalité physique. La marche est très délicate à investiguer, tandis que d’autres modes de locomotion comme la nage paraissent pratiquement impossibles (expérience tentée avec des combinaisons "zéro G").

Bien souvent conçues à des fins d’exploration d’un monde virtuel, les interfaces de locomotion in-dividuelles ne se sont pas appuyées sur des modes de marche naturelle. C’est ainsi que bon nombre d’interfaces ont vu le jour sous forme de vélo [Distler and Bölthoff, 1996] ou banc elliptique afin de prendre en compte le désir de l’utilisateur de progresser dans l’environnement virtuel via l’enregistre-ment des actions motrices réalisées par ses jambes (Fig.2.3).

Figure 2.3 – Interface de

loco-motion vélo Figure 2.4 – Système ATR At-las

Figure 2.5 – Treadport à base de tapis roulant

Une seconde catégorie d’interface met en avant le fait de libérer les pieds de l’utilisateur sans imposer de pédales pour laisser l’utilisateur gérer les phases d’appui et de balancement des jambes comme dans la marche naturelle. Souvent basées sur des solutions de tapis roulants ces interfaces présentent l’inconvénient d’être unidirectionnelles, de ne pas différencier les retours cinématiques indépendamment au niveau de chacune des jambes (on verra par la suite que ceci a son importance) et de ne pas permettre de changement de direction durant la marche (Fig.2.4, Fig.2.5).

Par ailleurs, pour ajouter un retour tactile simulant une progression plus ou moins évidente, cer-taines interfaces de marche comme le Treadport (Fig.2.5) emploient une ceinture de retenue passive qui freine la progression de l’utilisateur. Comme pour l’ATR, le tapis roulant est inclinable pour donner une sensation de déclivité sur le sol.

L’inconvénient majeur de ces interfaces sur le plan cinématique est qu’elles ne permettent pas une progression dans le plan mais uniquement dans une direction. On est donc ici face à une interface mixte qui satisfait une partie des attentes cinématiques en proposant un degré de liberté privilégié. Le réalisme au niveau de la marche est meilleur que celui des interfaces qui n’emploie pas un réel mouvement de marche (comme le vélo). A défaut d’améliorer cette caractéristique, les concepteurs de ces interfaces ont prévu d’inclure un retour de sensation synonyme de difficulté de progression via l’emploi d’une ceinture de retenue et/ou d’une inclinaison complète de l’interface. Enfin, couplé à un monde virtuel où l’utilisateur peut faire le choix de sa direction, les changements d’orientation se font via une orientation des épaules ou du regard par rapport à l’axe du tapis.

La conception d’interface est devenue encore plus complexe quand Darken et Cockayne [Darken et al., 1997] ont entrepris de réaliser un tapis roulant 2D qui offre la possibilité de se déplacer dans le plan virtuellement tout en restant au centre de l’interface. Cette idée quoique complexe a été reprise dans la conception du Torus Treadmill (Fig.2.6) qui reprend le même avantage et les mêmes

Figure 2.6 – Torus Treadmill : Tapis roulant 2D

inconvénients en abandonnant l’inclinaison de l’interface, forçant l’utilisateur à avoir une dynamique de marche très faible (longueur de pas 30 cm) et une cinématique identique pour les 2 jambes.

Pour contrer certaines de ces limitations, plusieurs systèmes à pédales comme le Gaitmaster (Fig.2.7 [Iwata et al., 2001]) ont vu le jour en proposant de nouvelles fonctionnalités (comme la marche sur sol non plan grâce à l’individualisation des stimuli sur chacun des pieds), mais sans garantir de gain au niveau du réalisme du fait d’une dynamique de pas très faible, d’un volume de travail très réduit et de la présence obligatoire de garde corps de sécurité pour assurer l’équilibre. Bien que limité dynamiquement et relativement contraint d’un point de vue de sécurité, les systèmes à pédales semblent les plus prometteurs en termes de réalisme de marche.

Enfin cette problématique globale délicate a également été abordée via la création d’une interface assez originale mais complexe qu’est le CirculaFloor (Fig.2.8) qui se compose de 4 dalles mobiles indépendantes ayant pour rôle de venir se placer sous les appuis de l’utilisateur durant sa marche. L’idée est intéressante mais la mise en œuvre ne respecte pas les besoins de stabilité (appuis sur une ou plusieurs dalles) et de temps réel (marche très lente).

Figure 2.7 – Gaitmaster

Figure 2.8 – CirculaFloor

Les solutions étudiées ici ne représentent qu’une partie des interfaces comportementales de locomo-tion visant à simuler la marche. D’autres existent mais sans mouvement de jambes ce qui nous éloigne des caractéristiques naturelles de marche recherchées initialement. Au regard de ce survol de solutions, on constate qu’aucune technologie ne permet de satisfaire pleinement ou de façon évidente l’immersion virtuelle durant la primitive comportementale de déplacement à pieds. Néanmoins comme évoqué plus haut, le réalisme ne signifie pas reproduire la réalité, donc nous devons étudier et analyser les modes d’action et de perception sollicités durant la marche pour retenir les principaux et concevoir une inter-face qui respecte ces spécifications. Cette phase, souvent minimisée, est essentielle car on conçoit très bien qu’on ne peut pas croire marcher (donc avancer le plus clair du temps) en restant globalement sur place.

Originalités de cette recherche

Au cours des études précédemment citées, les systèmes qui ont été créés sont pour la plupart des interfaces motrices qui permettent à l’utilisateur de rester sur place en exerçant une gestuelle proche des schèmes de déplacement fréquemment utilisés dans la vie courante (marche, pédalage, ...).

Notre approche se distingue nettement de celle-ci car l’interface de marche virtuelle développée se base en premier lieu sur une étude de la marche d’un point de vue biomécanique et perceptif. Nous avons pris en compte, au regard de ce que la littérature nous a offert, les modes de per-ception kinesthésique, vestibulaire et proprioceptif. Puis ces considérations physiologiques ont été conceptualisées de sorte à créer un cahier des charges de l’interface qu’on a voulu sensori-motrice.

Cette interface de marche étant perceptive et active, son instrumentation, ses actionnements et ses modes de commande ont fait l’objet d’une conception simultanée nécessaire pour la création de systèmes mécatroniques.

Enfin, nous n’avons jamais quitté des yeux l’objectif qui était de valider de bien fondé de la méthode de conception, des hypothèses de départ (sur la perception notamment), du dimen-sionnement et du pilotage pertinent de cette interface. Celle-ci a non seulement l’intérêt d’ap-procher le réalisme et de plus pouvoir étudier l’influence des différents facteurs biomécaniques et physiologiques présents durant la marche.