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Consigne et commande de l’interface de marche

Le pilotage de l’interface nécessite de décomposer les trajectoires à suivre suivant les 2 phases distinctes que sont le balancement et l’appui. Durant la phase de balancement, l’interface est dite motrice, car elle numérise les actions de l’utilisateur, ici en suivant visuellement le pied en mouvement par rapport au sol virtuel. Le suivi de cible vu précédemment dans le paragraphe 2.4 fournit les informations de position et d’orientation des tibias de l’utilisateur à partir desquelles nous en déduisons celles des talons (premier point de contact avec la pédale). Avant emploi, une phase d’initialisation de l’interface sert à saisir le paramètre anthropomorphique, d, de l’utilisateur et à mesurer la hauteur des cibles, h, portées par ce dernier (Fig.2.19).

Figure 2.19 – Validation du suivi de motif

La période d’échantillonnage visuel incluant l’acquisition d’image, la poursuite de cible, l’extraction des points caractéristiques, le calcul homographique et la transmission des données est de 50 ms. Le pilotage des moteurs peut être rafraîchi toutes les 10 ms ce qui rend l’instrumentation visuelle sous-échantillonnée. Afin d’éviter toute saccade dans le pilotage des pédales due à un défaut du signal de retour (bruit, bruit de quantification, période d’échantillonnage trop longue), nous lissons le signal de retour par le biais d’un filtre passe-bas à Réponse Impulsionnelle Finie qui a néanmoins l’inconvénient

de présenter des écarts notables au niveau des forts changements de pente qui sont présents lors de l’attaque talon.

Figure 2.20 – Positions mesurée et filtrée de la position de la cible

Pour pallier ce problème, la position du pied en balancement est désormais estimée par un filtre RIF muni d’un facteur d’innovation qui intègre l’erreur d’estimation commise sur l’échantillon précédent, ce qui a pour effet de lisser le signal de retour sans imposer de déphasage néfaste au niveau des points d’inflexion du signal de position du pied (Fig.2.20). Ce signal obtenu sera donc exploité comme feedback pour alimenter un correcteur simple lors de la phase de balancement dans le pilotage complet de l’interface.

2.5.1 Trajectoire de la pédale durant l’appui

L’interface de marche dispose de 2 pédales pour le retour sensoriel puisse être dissocié pour cha-cune des jambes de l’utilisateur dans le but d’exciter de façon cohérente (et réaliste !) ses perceptions vestibulaire et kinesthésique (la vection relevant davantage de l’immersion visuelle n’est pas considérée dans la conception propre de cette interface de marche). De ce fait, il ne nous semble pas intéressant de reproduire le fonctionnement d’un tapis roulant qui s’attacherait à conserver le centre de masse de l’utilisateur sur place au risque d’annuler toute perception des accélérations d’avance et de percevoir les accélérations de retour.

Nous cherchons donc à rendre l’interface la plus transparente possible aux yeux de l’utilisateur en le conservant globalement sur place tout en lui offrant la possibilité de percevoir l’efficacité de ses actions d’avance. Ainsi nous faisons le choix que l’utilisateur posera son pied au début de la phase d’appui sur une pédale arrêtée (la vitesse d’impact pied /sol ne sera donc pas conforme à la réalité) et décollera son pied de la pédale au début de la phase de balancement dans les mêmes conditions.

Trajectoire de retour d’ordre 5 Le système vestibulaire, majoritairement constitué d’organes sensibles aux accélérations, est crucial pour le maintien de l’équilibre et donc souvent mis en cause dans les problèmes de vertige. L’interface ne doit donc pas prendre le risque de déséquilibrer l’utilisateur par manque de cohérence vestibulaire ou désaccord du retour sensoriel avec la dynamique de marche souhaitée. Pour que le retour sur place soit le moins perceptible possible pour l’utilisateur, on applique une trajectoire d’ordre 5 qui a pour particularité de permettre d’avoir des accélérations initiale et finale nulles et une continuité du signal de Jerk (dérivable). Ce retour d’environ 0,7 m s’effectue pendant une période de 0,6 s, ce qui crée une trajectoire telle que proposée sur les figures 2.21 et 2.22.

Figure 2.21 – Consigne de retour en position

d’ordre 5 - Jerk Figure 2.22 – Consigne de retour en positiond’ordre 5 - Accélération Trajectoire sinusoïdale Lors des phases de balancement de la marche, et donc de simple appui, le corps peut être assimilé à un pendule inverse où les mouvements oscillatoires sont reliés entre eux par des phases de double appui. L’altitude du COM, à l’image de sa vitesse d’avance, est très proche d’une courbe sinusoïdale (Fig.2.23).

Figure 2.23 – Vitesse du COM et approximation sinusoïdale

Par conséquent, nous pouvons imaginer un retour en position de la pédale d’appui (et des 2 pédales lors du double-appui) de forme sinusoïdal de sorte à contenir le COM globalement au même endroit. Très proche de la trajectoire d’ordre 5, ce retour néanmoins diffère quelque peu au moment du chan-gement de signe des accélérations (mi-parcours) et aura pour conséquence d’aider l’utilisateur à faire le pas, ce qui est bienvenu pour le maintien de son équilibre dynamique.

Trajectoire pseudo-naturelle Les deux trajectoires proposées précédemment ne comportent pas de phase de retour à vitesse constante en se laissant la possibilité d’exploiter de plus grandes courses pour lisser les phases d’accélération et de décélération. Néanmoins on peut penser que pour limiter la perception de retour sur place, il est intéressant d’utiliser une phase où l’accélération des pédales (donc de l’utilisateur) est très faible afin de ne pas exciter les capteurs du système vestibulaire. On rappelle que les otholites présents dans l’utricule fonctionnent comme des accéléromètres dans le plan horizontal. Le temps à

partir duquel une accélération sera perçue par le système vestibulaire dépend de l’amplitude de celle-ci comme l’illustre la figure 2.24. Ainsi une accélération de 0,8 G ne sera pas forcément perçue par le système vestibulaire si elle n’est pas maintenue au-delà d’une seconde.

Figure 2.24 – Seuil temporel de perception d’ac-célération linéaire [Young et al., 1983]

Figure 2.25 – Consigne de retour en position pseudo-naturelle

Nous utilisons cette hypothèse pour façonner une trajectoire de retour 60 cm durant 0,8 s et qui a une accélération maximale de 1 G durant 0,1 s (Fig.2.25). Ainsi on souhaite maximiser la durée de retour à vitesse constante tout en conservant les conditions initiales et finales nulles aux niveaux des vitesses et accélérations. Cette trajectoire peut contribuer à rendre le retour non-perceptible au niveau vestibulaire d’autant que le corps par le biais des muscles du cou agit comme un filtre passe-bas entre les mouvements du COM et de la tête (donc l’oreille interne) [Coerman, 1962].

Malgré la prise en compte d’un grand nombre de paramètres d’action et de perception de l’humain lors de la marche, ces trois types de trajectoires seront par la suite testés pour fournir un retour critique sur le réalisme qu’ils procurent.

2.5.2 Synthèse de commande

Le pilotage des actionneurs de pédales se fait via des cartes variateur dédiées aux moteurs brushless qui ont la possibilité d’assurer un asservissement de couple (gestion du déphasage vectoriel du moteur ou variation du courant de commande) ou un asservissement de position grâce au signal de retour produit par les codeurs internes. Nous avons fait le choix de commander les moteurs en couple et de synthétiser un correcteur pour réaliser l’asservissement de position des pédales.

Suite à une réponse à un échelon de couple, le modèle d’un axe piloté (comprenant le moteur et le guidage linéaire) a été assimilé à un système du premier ordre entre le couple moteur et la vitesse de linéaire de sortie. Ceci a permis d’identifier les paramètres de frottements internes et d’inertie équiva-lente de notre modèle de connaissance. Le correcteur choisi de type PID a été calculé par placement de pôles pour satisfaire la précision, la stabilité et la robustesse du système (Marge de gain 13 dB à 130 rd/s. Marge de phase : 60˚à 40 rd/s). Les réponses obtenues suivant les différentes trajectoires de consigne sont satisfaisantes. C’est à dire que le système rejette les perturbations dues aux actions de l’utilisateur sur la pédale et ne crée pas d’oscillations parasites pouvant troubler le réalisme du rendu. Le surdimensionnement de l’interface au niveau des actionneurs contribuent sans doute au bon comportement de l’interface.

Architecture logicielle Pour s’adapter aux différents morphologies d’individus et types de marche, l’in-terface de commande a été conçue de façon modulable pour jouer différentes stratégies de retour avec les paramètres propres de l’utilisateur selon divers scénarios simulant la marche en avant, en arrière, perturbée comme dans un train ou encore glissante comme en ski de fond ou sur sol gelé.

Figure 2.26 – Architecture matérielle

Pour ce faire, un PC fait l’acquisition des deux caméras frontales de sorte à transmettre la position 3D des talons à un PC de pilotage. Ce dernier recueille également l’information de la position 3D du COM fournie par un PC relié à la caméra arrière. Le PC de pilotage gère ces informations et les entrées /sorties issues d’une carte d’acquisition temps réel (NI PCI 6251) pour asservir le mouvement des pédales. Enfin, il transmet également la position de l’oeil de l’utilisateur au PC en charge du monde virtuel et de l’affichage (Fig. 2.26).

Dans le cadre d’une marche en avant par exemple, le système complet peut être décrit sous forme d’un automate à 7 états finis où chaque pédale possède 3 états définissant sa dynamique selon la présence de contact avec le pied ou non (pied en contact → phase de retour ; pied en l’air → phase de balancement et mode de suivi ; pédale immobile → position orthostatique).

Figure 2.27 – Automate à états finis

La programmation en C++ de toute l’interface offre la possibilité à l’utilisateur de choisir le mode de traitement des données pour la phase de suivi (données brutes, filtrage, ...), le type de consigne de retour durant la phase d’appui ainsi que le type de marche souhaité. Ce paramétrage définit notamment si en phase de double-appui les pédales sont immobiles ou couplées en vitesse.

La commande étant validée, nous passons à la phase expérimentale qui vise à évaluer la qualité des trajectoires de retour lors d’une immersion de l’utilisateur dans un monde virtuel.