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La m´ethode de conception d’interface ´ecologique ou EID (Ecological Interface Design) a ´et´e initialement propos´ee pour la conception d’interfaces dans les syst`emes complexes (Rasmussen and Vicente, 1989; Vicente and Rasmussen, 1992). L’id´ee est d’´etendre les avantages des interfaces

de manipulation directe (DMI) (e.g., Shneiderman (1983); Hutchins et al. (1986)) aux syst`emes complexes. EID emprunte le terme “´ecologique” de la psychologie ´ecologique. Les auteurs font une similitude avec ce courant de la psychologie. La psychologie ´ecologique fonde l’analyse de la perception sur les rapports entre l’organisme vivant et son environnement. En mˆeme temps, dans le cadre de conception d’interfaces ´ecologiques, les contraintes et les relations de l’environnement de travail dans un syst`eme complexe se refl`etent perceptiblement `a travers l’interface et agissent ainsi sur le comportement humain.

La motivation principale de l’EID est d’arriver `a proposer des interfaces capables de fournir un support `a l’utilisateur lorsque celui-ci est confront´e `a un ´ev´enement qui n’a pas ´et´e anticip´e par le concepteur. L’interface ´ecologique permet de repr´esenter la hi´erarchie d’abstraction comme un mod`ele mental externe pour la r´esolution du probl`eme. L’information physique et fonctionnelle du domaine de travail est affich´ee par l’interface, ce qui permet `a l’op´erateur humain de facilement percevoir les limites structurelles du domaine. Ceci implique que les ressources cognitives de l’op´erateur humain soient d´edi´ees aux processus cognitifs plus complexes tels que la r´esolution du probl`eme ou la prise de d´ecisions. L’EID est susceptible d’am´eliorer la performance de l’op´erateur et la fiabilit´e de l’ensemble du syst`eme dans la maˆıtrise des ´ev´enements qui ont ´et´e pr´evus ou non lors de la conception du syst`eme. Cet objectif est atteint par une diminution de la charge mentale n´ecessaire pour r´esoudre le probl`eme et en promouvant un raisonnement bas´e sur les connaissances de l’op´erateur humain.

L’EID est bas´ee sur deux concepts cl´es issus de la recherche en ing´enierie cognitive : la hi´erarchie d’abstraction et la taxonomie SRK (Skills, Rules, Knowledge). La hi´erarchie d’abs- traction (voir le chapitre II) est l’outil d’analyse de syst`emes de travail qui permet de d´ecrire la complexit´e (les contraintes, les relations entre objets, les limites structurelles, ...) du domaine de travail. La taxonomie SRK (Rasmussen, 1983) est le cadre th´eorique sur lequel s’appuie l’EID pour d´eterminer la mani`ere la plus efficace de communiquer aux op´erateurs les informations sur le domaine via une interface homme-machine.

La taxonomie SRK propose une mod´elisation du traitement de l’information par l’op´erateur (Rasmussen, 1986b). Elle d´efinit trois types de comportement : Automatismes, R`egles et Connais- sances. Le comportement bas´e sur les automatismes repr´esente un type de comportement qui requiert tr`es peu voire aucun contrˆole conscient pour ex´ecuter une action. Ce type de comporte- ment est g´en´eralement tr`es rapide et efficace. Le comportement bas´e sur les r`egles est caract´eris´e

par l’utilisation des r`egles et de proc´edures pour la s´election d’une s´equence d’action dans une si- tuation de travail famili`ere. Ces deux types de comportement peuvent ˆetre d´efinis par le couplage perception-action. Finalement, le comportement bas´e sur les connaissances est un comportement qui se caract´erise pour des actions qui d´erivent d’une analyse r´ealis´ee `a partir d’une repr´esentation symbolique du syst`eme. Les op´erateurs ont besoin de connaˆıtre les principes fondamentaux et les lois qui gouvernent le syst`eme pour r´eussir l’analyse, pour arriver ainsi `a ´etablir des objectifs explicites qui vont diriger les d´ecisions `a prendre. La charge mentale est typiquement plus ´elev´ee que dans les comportements bas´es sur les habilet´es ou sur les r`egles. Ceci augmente le risque de faire des erreurs d’analyse ce qui peut d´eriver en une mauvaise prise de d´ecisions. Ce compor- tement du traitement de l’information est habituel lorsque l’humain affronte des situations non attendues et non famili`eres.

L’id´ee de l’EID est de d´evelopper des interfaces qui supportent simultan´ement les trois niveaux de contrˆole cognitif. L’interface ´ecologique devra donc favoriser le couplage entre perception et action de mani`ere `a promouvoir un comportement bas´e sur les habilit´es (automatismes). Les interfaces ´ecologiques permettent alors aux utilisateurs novices d’acqu´erir plus facilement des mod`eles mentaux qui g´en´eralement prennent un certain temps d’exp´erience et de formation pour se d´evelopper (Burns and Hajdukiewicz, 2004). L’interface doit aussi fournir des signes uniques et coh´erents avec les contraintes ou les r`egles du domaine. Ces signes doivent ˆetre clairs et univoques (les signes ambigus doivent ˆetre supprim´es de l’interface) de mani`ere `a ce que l’op´erateur humain puisse ´etablir une s´equence manifeste d’actions `a prendre. Enfin, les interfaces ´ecologiques sou- tiennent aussi le comportement bas´e sur les connaissances. Pour faire ceci, une repr´esentation du domaine de travail `a travers une hi´erarchie d’abstraction est fournie par l’interface avec le but de servir `a l’op´erateur de mod`ele mental externe pour l’aider dans son analyse. Une fois que les contraintes du domaine ont ´et´e identifi´ees par le WDA, le principe de conception des interfaces est de fournir les informations n´ecessaires pour la r´esolution du probl`eme d’une mani`ere directe- ment perceptible. Ce fait favorise un comportement de traitement de l’information bas´e sur les automatismes (perception-action) qui est plus efficace et qui exige une charge mentale plus faible que le niveau des connaissances.

Dans la litt´erature, nous trouvons plusieurs travaux exp´erimentaux avec des interfaces ´eco- logiques (Vicente and Rasmussen, 1992; Watanabe et al., 1995; Burns and Hajdukiewicz, 2004; Burns et al., 2008; Blanche, 2010). Certains de ces travaux montrent que les interfaces ´ecologiques

am´eliorent la performance des op´erateurs notamment face `a l’impr´evu et face `a des situations non famili`eres. Dans Burns et al. (2008), les auteurs remarquent cependant que dans certaines si- tuations famili`eres les participants qui utilisent les interfaces ´ecologiques sont moins performants. Ceci renforce l’id´ee que l’EID ne peut pas remplacer les approches classiques de conception d’in- terfaces homme-machine tels que la conception centr´ee utilisateur et l’analyse de la tˆache, mais que l’approche permet de les compl´eter.