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1. Contexte

1.2. Besoin d’accompagnement dans la maîtrise du risque d’altération de la santé orale

1.2.2. Majoration réciproque des risques d’altération de la santé orale et générale

1.2.2.2. Interdépendance entre les troubles de santé orale et générale

Le diagramme suivant9 (Illustration 3) rend compte de manière plus évidente des liens de

cause à effet entre les troubles de santé orale et générale, et des conséquences directes et indirectes du défaut d’hygiène bucco-dento-prothétique, de la déficience salivaire et du port de prothèses inadaptées, en termes de morbidité et de mortalité. Ce schéma fléché montre que les personnes âgées polypathologiques constituent un groupe à haut risque d’altération de la santé orale lié à leur mauvais état de santé générale, et à haut risque d’altération de la santé générale si leur santé orale est altérée, compte tenu de l’existence d’un phénomène de majoration réciproque de ces risques.

Les infections bucco-dentaires peuvent contribuer à l’exacerbation d’affections extra-orales (diabète, athérosclérose, pathologies inflammatoires chroniques), voire en générer (infections focales d’origine bucco-dentaire) par la diffusion dans le sang de micro-organismes buccaux, de leurs facteurs de virulence et de médiateurs pro-inflammatoires à partir de leur foyer dentaire ou parodontal [2,4,5,31-35,75,78,86,87]. C’est particulièrement le cas pour les parodontites. Réciproquement, le diabète et les pathologies inflammatoires chroniques peuvent contribuer à l’exacerbation de la réaction inflammatoire chronique face aux bactéries parodonto-pathogènes, aggravant par là-même la destruction des tissus de soutien de la dent [31,32,78,86,87].

Selon l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé10 (ANAES), « la

dénutrition protéino-énergétique résulte d’un déséquilibre entre les apports et les besoins protéino- énergétiques de l’organisme » [37]. Le mauvais état de santé orale peut directement contribuer à ce

déséquilibre par diminution des apports, et indirectement par augmentation des besoins. La diminution des apports est liée : à l’insuffisance masticatoire (délabrement dentaire, mobilités dentaires, perte des dents naturelles, troubles de l’occlusion, prothèses adjointes inadaptées) ; aux douleurs bucco-dentaires ; aux troubles de la déglutition (xérostomie, absence de contacts occlusaux postérieurs, instabilité prothétique) ; ou encore à la dysgueusie (xérostomie, candidose oro- pharyngée) [37,88]. Ces troubles sont responsables d’une diminution de l’alimentation et d’un

9 Réalisé par nous-même pour synthétiser nos recherches. 10 Aujourd’hui renommée Haute Autorité de Santé (HAS)

évitement des aliments riches en vitamines et en protéines (légumes, fruits, viande non déstructurée), entraînant ainsi un déficit nutritionnel [6,88]. Or, la carence nutritionnelle diminue la réponse immunitaire et retarde le processus de cicatrisation, ce qui augmente le risque infectieux, et le risque d’évolution défavorable des infections et des escarres. Les infections systémiques sont associées à une anorexie par perte d’appétit qui accroît d’autant plus le risque de dénutrition par l’intermédiaire de la malnutrition [89]. De surcroît, le défaut d’hygiène bucco-dento-prothétique et les infections bucco-dentaires induisent indirectement une augmentation majeure des besoins protéino-énergétiques par l’intermédiaire de la pneumonie d’inhalation, des infections focales d’origine bucco-dentaire, et des pathologies inflammatoires chroniques (notamment exacerbées par la parodontite). La réponse métabolique à l’agression (endogène ou exogène) est responsable d’une résistance à l’anabolisme et d’un hypercatabolisme du fait de la production de médiateurs pro- inflammatoires [89]. Pour répondre à cette agression, l’organisme est contraint de mobiliser ses protéines musculaires, concourant ainsi avec le processus naturel de vieillissement à diminuer progressivement la masse musculaire (« sarcopénie ») [37,89]. Or, la sarcopénie majore le risque de chutes et par là-même de fractures post-chutes, en particulier chez les personnes âgées atteintes d’ostéoporose [37]. Le mauvais état de santé orale est donc un co-facteur de risque non négligeable de toutes les complications de la dénutrition protéino-énergétique.

La bouche n’est pas qu’une porte d’entrée pour les pathologies infectieuses : elle est décrite comme « le vestibule de l’âme, la porte des discours et le portique des sentiments » par l’écrivain latin Lucius Apuleyus cité par le Dr Juan Canut [90], ou encore comme « la porte de l’être […] le

théâtre de couples antinomiques et donc indissociables : matière et esprit, premier cri et ultime râle, plaisir et douleur, baiser et morsure, ingestion et reflux, manque et satiété »11, par le Pr Gérard

Ostermann et le Dr Colette Combe cités par la psychologue Charlotte Costantino [91]. En effet, c’est par la bouche que l’être humain capte ou rejette non seulement la nourriture mais surtout l’attention d’autrui. C’est elle qui lui permet d’entrer en contact avec la société et d’en obtenir ce qu’il veut : elle lui permet d’exprimer ses désirs, ses peurs, son contentement et son mécontentement de manière verbale et non verbale, volontairement ou involontairement. Or, dans une société où le paraître occupe une place prépondérante, une personne âgée en mauvaise santé orale peut souffrir d’une situation de handicap psychologique et social. Comme toute forme de

11 « La bouche, porte de l’être, nous conduit aux marches du palais et aux vibrations intimes de la gorge. Elle est le

théâtre de couples antinomiques et donc indissociables : matière et esprit, premier cri et ultime râle, plaisir et douleur, baiser et morsure, ingestion et reflux, manque et satiété. » Pr Gérard Ostermann, Dr Colette Combe.

handicap, elle peut être source de perte d’estime de soi, et constituer un obstacle à une bonne insertion sociale. En effet, l’existence d'édentements non compensés et de dents délabrées peut faire perdre au visage humain de sa beauté et de son attrait. Or, la défiguration est à l’origine d’une perturbation de l’image corporelle qui peut entamer en profondeur le sentiment d’identité personnelle de l’être humain au point qu’il ne se reconnaisse plus ou qu’il n’ose plus se regarder en face [92]. L’altération du visage peut même lui imposer « le rétrécissement de sa latitude d’action

et de son champ social » et le contraindre « à prendre des précautions afin de ne pas incommoder les gens sur son chemin » [92]. L’halitose constitue aussi une source de handicap psychologique et

1.3. Accompagnement de proximité des personnes âgées