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Un prolongement naturel des études précédentes consiste à étudier quelles variables socio démographiques sont susceptibles d’expliquer le CAP ou au moins le choix préférentiel d’un

V. Les théories économiques et l'intégration des comportements sociau

V.2. Interactions sociales

Mais constater que les individus ont des préférences sociales n'est pas suffisant pour essayer de les intégrer dans la modélisation économique. Il est également important de comprendre les motivations des comportements pour pouvoir représenter les préférences. On ne peut plus considérer que les individus soient insensibles à l'environnement dans lequel ils vivent.

La théorie des jeux a permis de placer chaque individu dans une situation où sa décision a un impact sur les autres et où vice versa les actions des autres peuvent influer sur son bien être. En revanche, la théorie économique a très longtemps ignoré que ces actions, et les résultats des actions sont importants dans la formation des préférences. En effet comme Manski (2000) le précise, la décision d'un individu peut influencer l'action d'une autre individu par trois biais: modifier ses contraintes, ses croyances et/ou ses préférences.

Dans ce cas pourquoi est-on altruiste, ou au contraire opportuniste? Quels sont les gains ressentis ou ce que Becker définit comme "le bien être individuel perçu"? La définition de la fonction d'utilité devient alors plus complexe et doit intégrer des notions comme la recherche d'identité ou de reconnaissance sociale, la formation des normes sociales, ou encore la réputation.

Brekke et al. (2003) s'intéressent aux normes morales. Pour cela, il est nécessaire de s'intéresser au concept d'identité. Chaque individu a une image de soi en terme de responsabilité sociale. Donc si les individus veulent s'identifier à des êtres socialement responsables, leurs décisions économiques seront prises en faisant un arbitrage entre désir pour la consommation et la volonté de maintenir une image positive de soi. Les préférences doivent donc tenir compte d'une part des conséquences de l'action sur le bien être social et d'autre part des décisions des autres membres du groupe.

En supposant que l'individu est à la recherche d'une reconnaissance sociale, il est nécessaire de comprendre les gains (non-monétaires) que procure un individu de la quête d'identité, d'une part grâce à sa propre action, et d'autre part grâce aux actions des autres (Santos-Pinto et Sobel, 2005). Il est à noter que l'individu ne choisit que partiellement son identité car il est doté d'un certain nombre de caractéristiques (sexe, âge, nationalité, couleur de peau, etc.) et que l'identité est relative aux caractéristiques des autres membres de la société. Des tiers peuvent, par conséquent, avoir une grande influence sur la création de groupes sociaux, comme par exemple les publicité, l'éducation ou les parties politiques, rf. Akerlof et Kranton (2000). Des études psychologiques mettent en avant l'importance de l'anxiété ressentie par un individu s'il dévie de ses propres règles, ou ce que Freud appelait le "superego". Festinger (1957) développe la théorie de la dissonance cognitive. Il la définit comme "un état de tension désagréable dû à la présence simultanée de deux cognitions (idées, opinions, comportements) psychologiquement inconsistantes".

Chaque individu se forme un idéal de ce qui est une reconnaissance sociale. Pour certains cela signifie d' appartenir à un groupe social (Akerlof, 1997, Corneo et Jeanne, 1997, 1999, Nyborg et Rege, 2003), pour d'autres de se distinguer des autres (Corneo et Jeanne, 1998), voire d'acquérir un certain statut social (Congleton, 1989, Oxoby, 2003).

Dans le premier cas, chaque individu possède sa propre norme, sa règle sociale. Respecter cette règle lui procure une certaine satisfaction qui n'est en général pas monétaire, ce qui signifie que, dévier de sa règle sociale revient à rentrer dans une dissonance cognitive et par conséquent ressentir des pertes de bien être (donc une réduction de son utilité). La plupart des théories basées sur ce principe intègre dans la fonction d'utilité, en plus de son gain monétaire, une gain supplémentaire dépendant de sa définition de norme sociale ou un coût de dissonance cognitive. Ce gain ou cette perte est dépendant des actions des autres ou des croyances qu'on a quant à leurs actions. Quand l'individu est à la recherche d'une estime de soi, un comportement socialement responsable sera d'autant plus gratifiant si les autres individus sont socialement responsable. (Nyborg et Rege, 2006, Lindbeck, 1997)

Dans le deuxième cas, les individus attachent plus d'importance à leur position relative plutôt qu'à leur performance absolue. Hirsch (1976) revendique que, au delà d'une certain niveau de consommation (nécessaire pour sa survie), l'utilité que retire un individu de sa consommation est directement dépendant des niveaux de consommation d'autres individus. Le désir de position supérieure peut être une raison pour un individu de renoncer à des gains monétaires pour acquérir un certain statut social. Oxoby (2003) introduit les aspects psychologiques dans la modélisation d'un individu à la recherche d'une position sociale et suppose que certaines décisions peuvent créer une dissonance cognitive entre son gain monétaire et son estime de soi (et donc dans son utilité). La particularité d'une recherche d'une position sociale est que les décisions individuelles génèrent des externalités sur les autres individus dans la société. De ce fait, il est facile à démontrer que les équilibres de marché ne sont pas Pareto Optimaux (Congleton, 1989). En plus, les individus à la recherche d'une position sociale peuvent stratégiquement empêcher d'autres individus susceptibles de créer des externalités négatives d'accéder à cette position, ou inversement inciter ceux ayant une influence positive sur le statut de rejoindre la position ou le projet commun. On pourrait parler dans le premier cas d'un bien de luxe, ou dans le deuxième cas d'un bien de mode.

Outre la recherche de reconnaissance sociale, d'autres motivations peuvent amener les personnes à imiter les actions des autres et/ou à les intégrer dans leurs préférences et donc leurs prises de

décisions. En effet, dans beaucoup de situations, l'individu est confronté à un problème informationnel. Ce manque d'information lui nécessite de temps, de l'argent pour évaluer correctement les gains qui puissent écouler de son choix (Williamson, 1981). Donc, pour choisir efficacement et rationnellement dans son ensemble d'actions possibles, l'individu peut se baser sur ses connaissances propres mais également faire confiance autres facteurs extérieurs comme l'observation des décisions d'autres individus (Bikhchandani et al, 1998). C’est par exemple le cas dans le choix d’un restaurant : beaucoup de personnes se fient à la fréquentation d’un restaurant pour en juger la qualité a priori. De tels comportements peuvent éloigner ou rapprocher de l'équilibre PO. Levine et Pesendorfer (2006) étudient la propagation de nouveaux comportements et la stabilité des équilibres dans le long terme. Evidemment, l'individu peut tenir compte de sa règle sociale, en se basant uniquement ou en grande partie sur les signaux et actions de certains individus. L'information et la diffusion de celle-ci sont primordiales dans la formation des normes sociales ou les modes (Corneo et Jeanne, 1999).

Les problèmes informationnels évoqués ci-dessus rejoignent, dans une moindre mesure, les modélisations en rationalité limitée. La rationalité limitée est basée sur le principe que la connaissance complète des informations disponibles et nécessaires pour prendre une décision rationnelle est soit très coûteuse voire insurmontable. Ainsi elle suppose que les individus ne sont pas parfaitement rationnels, soit parce qu’ils sont dans l’incapacité de connaître tous les paniers de consommation, soit parce qu’ils sont dans l’incapacité de les classer totalement.