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3.6 Conclusion du chapitre

4.1.1 Interactions impacteur-atmosphère

La vitesse moyenne d’un impacteur du LHB au moment de sa rentrée dans l’atmosphère vers Titan est déterminée par (Zahnle, 2001) :

vmoy≈ q v2 + 3v2 orb+ v2 esc (4.1)

avec vla vitesse de l’impacteur au loin, vorb la vitesse orbitale moyenne du corps impacté et vesc

la vitesse d’échappement de ce corps. En général, v est faible devant les deux autres termes, elle est donc négligée. La vitesse orbitale moyenne de Titan est de 5.6 km.s−1 et la vitesse d’échap-pement est de 2.65 km.s−1, ce qui fait, d’après l’équation 4.1, une vitesse moyenne d’impact sur Titan de 10 km.s−1 environ.

A sa rentrée dans une atmosphère planétaire, l’impacteur traverse d’abord une région de densité réduite, où son ralentissement est dû à la collision des molécules individuelles sur sa surface. Dans cette zone, la décélération est surtout considérable pour des micrométéorites (50µm-2mm). Les corps de taille plus importante continuent leur trajet jusqu’aux couches plus denses de l’atmo-sphère.

Au moment de la traversée de ces régions plus denses, il y a formation d’un arc de choc au-devant de l’impacteur (voir Fig. 4.1). Les gaz atmosphériques emprisonnés entre l’onde de choc et la surface de l’impacteur sont comprimés à une pression de l’ordre de ρatmv2

i, avec ρatmla masse volumique de l’atmosphère et vi la vitesse de l’impacteur (Melosh, 1989). La température du gaz atteinte dans cette zone peut dépasser 2000 K (ex : 2400 K pour une vitesse de 3 km.s−1 dans une atmo-sphère dominée par le CO2 (Ishimaru et al., 2011), ce qui cause une ablation partielle de masse de l’impacteur par fonte et évaporation. L’ablation de l’impacteur dépend principalement de la taille et de la densité de la colonne d’air traversée pendant sa chute (Korycansky et Zahnle, 2003). Le matériau perdu est évacué par le flux de gaz derrière l’impacteur. Les hautes températures générées

par la traversée de l’atmosphère par l’impacteur permettent l’occurrence d’une série de réactions chimiques, comme par exemple la production de CO, O2, NO et O dans les atmosphères de Venus ou Mars proposées par Chameides et al. (1979), ou la conversion NH3 en N2dans l’atmosphère de Titan (McKay et al., 1988; Ishimaru et al., 2011). Au delà du front de l’impacteur, la pression et la température s’atténuent rapidement avec la distance à cause de l’expansion adiabatique du gaz, si bien qu’au delà d’une distance équivalente à un diamètre d’impacteur, ces réactions sont inhibées à cause de la baisse de la température (voir Fig. 4.1).

A l’opposé, l’impacteur laisse derrière lui un conduit où la pression est quasi-nulle. Le diffé-rentiel de pression entre les deux côtés de l’impacteur crée une force de résistance qui le ralentit alors qu’il traverse l’atmosphère. Les plus petits projectiles peuvent être entièrement décélérés et fracturés par l’atmosphère (un impacteur de 1 km ayant une vitesse de 20 km.s−1n’atteindra pas le sol en traversant l’atmosphère terrestre, Shuvalov et al. (2014)), ce qui cause la propagation d’une onde de choc, qui remonte le long de conduit de gaz raréfié et peut éjecter du matériel (gaz+débris) hors de l’attraction du satellite (Shuvalov et al., 2014). Les petits impacteurs ont ainsi tendance à déposer leur énergie dans l’atmosphère, générant un phénomène d’explosion en altitude similaire à ceux observés à Tunguska en 1908 (Melott et al., 2010) ou prés de Chelyabinsk le 15 fevrier 2013 (Emel’yanenko et al., 2013). Ce type d’évènement ne laisse pas de cratère à la surface. Des impacteurs de taille plus importante atteignent la surface et suivant leur diamètre et les densités des couches d’air traversées ils sont plus ou moins déformés, fracturés ou ralentis par l’atmosphère.

Au moment du contact avec la surface, une fraction de l’énergie cinétique de l’impacteur est communiquée à la cible. Cette fraction dépend de la nature des matériaux qui composent l’impac-teur, le sol ainsi que de l’angle d’impact. Si l’impact est vertical et l’impacteur et le sol ont une composition identique (ex : glace, silicates...), cette fraction est égale à 0.5 (Melosh, 1989). Aux vitesses d’impact considérées ici (10 km.s−1) l’impacteur, déjà endommagé pendant la traversée de l’atmosphère, est considéré comme complètement fondu ou vaporisé pendant la phase de contact (Pierazzo et Melosh, 2000a; Pierazzo, 2002).

L’énergie communiquée par l’impact se propage sous forme d’onde de choc dans le matériel impacté et provoque la compression brutale de matériel à son passage. Ainsi, les pressions endu-rées par le matériel soumis à l’onde de choc sont de l’ordre du gigapascal. La compression est un phénomène soudain, donc irréversible du point de vue thermodynamique, qui dépose une grande quantité d’énergie dans le matériel sous forme de travail mécanique (e.g. fracture) et surtout de chaleur. Le matériau de surface peut être fondu et vaporisé, formant un panache de gaz au dessus du point d’impact.

Les interactions entre la surface au point d’impact, qui est en train de former un cratère, et le conduit d’air raréfié laissé derrière l’impacteur déterminent la forme du panache (voir Fig. 4.2). Dans ce nuage de gaz, la température atteint le même ordre de grandeur que sur le front de l’im-pacteur lors de sa traversée de l’atmosphère (e. g. ∼3000 K pour des vitesses d’impact d’environ 10 km.s−1, (Managadze, 2003)). Les molécules de gaz s’y ionisent et peuvent se recombiner pour former de nouvelles espèces chimiques (Managadze, 2003). Les réactions chimiques se déroulent

pendant le refroidissement adiabatique du gaz, jusqu’à ce que la température chute en-dessous de la température de trempe, qui est de l’ordre de 1500 K pour les milieux planétaires (Fukuzaki et al., 2010).

Suivant la vitesse d’expansion du panache, une partie du gaz peut également s’échapper vers l’espace. Pour des impacts verticaux, cet échappement s’effectue principalement par le conduit d’air raréfié qui entraine une fraction de gaz vers le haut, alors que le reste du panache peut subir un ralentissement d’expansion dû au gaz environnant (Shuvalov, 2009). Le panache qui résulte des impacts obliques se développe dans la direction opposée de l’arrivée de l’impacteur et incorpore une plus grande quantité de gaz que pour un impact vertical (voir Fig. 4.2). Pour ces impacts, l’échappement de gaz s’effectue à la fois par le conduit d’air raréfie et par le panache, ce qui pro-voque des taux d’échappement plus importants (Shuvalov, 2009). Enfin, pour des impacteurs dont la taille est comparable à la taille du corps impacté il est également possible d’éjecter une partie de l’atmosphère suite aux mouvements du sol causés par la propagation de l’onde de choc. Le mouvement libre du sol est transmis à l’atmosphère, où une onde se propage en accélérant le gaz avec l’altitude. Les vitesses communiquées peuvent être suffisantes pour éjecter jusqu’à 25% de l’atmosphère vers l’espace (Chen et Ahrens, 1997; Genda et Abe, 2003, 2005).

Par ces mécanismes, un impact peut à la fois apporter du gaz à l’atmosphère, modifier sa com-position chimique et en éroder une partie. Lors d’un flux important d’impacteurs, comme le LHB (De Niem et al., 2012), le rapport entre la masse érodée et la masse apportée par impact détermine l’érosion, la génération ou le maintien d’une atmosphère. Des modèles complets, incluant l’apport de volatils ainsi que l’érosion atmosphérique ont étés effectuées d’une part par Pham et al. (2009, 2011) pour la Terre, Mars et Vénus et par De Niem et al. (2012) pour la Terre et Mars.

Pham et al. (2009) utilisent le modèle de Melosh et Vickery (1989) pour l’érosion atmosphé-rique. Ce modèle suppose qu’au delà d’une certaine taille et vitesse d’impact, toute l’atmosphère au dessus du plan tangent au point d’impact est perdue. Ils considèrent un flux d’impact qui diminue exponentiellement avec le temps et ne prennent pas en compte le LHB. Les abondances de volatils dans les impacteurs sont de 1% pour Pham et al. (2009) et de 3 à 9 % pour Pham et al. (2011). En intégrant les masses apportées et les masses érodées sur une distribution de tailles et de vitesses d’impacts, les auteurs obtiennent une évolution moyenne de la masse de l’atmosphère en fonction du temps. Pham et al. (2009) concluent que les impacteurs sont plutôt une source de volatils sur Mars. Pham et al. (2011), qui à la différence de Pham et al. (2009) prend en compte l’effet de l’angle d’impact, modère ces conclusions en affirmant que les incertitudes dans le modèle d’érosion ne permettent pas d’affirmer si les impacteurs ont tendance à apporter les volatils ou à éroder les atmosphères. Cette dernière étude met l’accent sur la diversité des résultats suivant la taille du corps considéré, la pression atmosphérique initiale et l’abondance de volatils dans les impacteurs.

De Niem et al. (2012) étudie l’évolution des atmosphères de Mars et de la Terre pendant le Late Heavy Bombardment. Les auteurs ont utilisé les modèles d’érosion de Svetsov (2000) pour les petits impacteurs et Genda et Abe (2003) pour les grands. Des populations cométaires sont générés par la méthode de Monté-Carlo. Ces impacteurs contiennent de 1 à 3% d’espèces volatiles,

Figure 4.1 – Représentation schématique d’un impacteur traversant une atmosphère, d’après Ishimaru et al. (2011).

Figure 4.2 – Figure extraite de l’article de Shuvalov (2009), qui montre deux différentes géométries de panache d’impact, (a) pour un impact oblique de 45, où le panache incorpore une quantité de gaz plus importante que dans le cas (b) qui représente la formation d’un panache pour un impact vertical. L’échelle de droite représente la densité.

délivrées à chaque impact. Leurs résultats montrent une croissance des atmosphères des corps étu-diés, avec l’érosion atmosphérique comme mécanisme mineur d’évolution atmosphérique. Le travail présenté dans le reste de ce chapitre vise à reproduire le même type d’étude, adapté au cas de Titan.

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