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L’ensemble des études expérimentales réalisées dans le cadre de ces travaux a révélé le caractère systématiquement partiel de la transformation martensitique isotherme dans l’alliage PuGa 1at.%, quelles que soient la température et la durée du maintien. En effet, nos résultats montrent une diminution progressive récurrente du taux de transformation durant chaque maintien isotherme sachant qu’un taux de phase maximum d’environ 80% a été approché suite à une trempe à l’azote liquide. Ces observations suggèrent ainsi l'apparition d'interactions défavorables entre les plaquettes se formant successivement et le milieu de plus en plus biphasé δ + α voyant sa rigidité augmenter avec l’avancement de la transformation. Ces interactions peuvent avoir un impact sur la cinétique de transformation puisqu’elles sont associées à une accumulation de déformations élastique/plastique dans la phase δ avoisinant la phase α formée.

En effet, nous avons constaté que pour toutes les températures de transformation étudiées, une forte augmentation du paramètre de maille des cristallites δ est introduite simultanément à

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l’augmentation du taux de phase formé jusqu’à saturation (Figure III.7). Cela implique clairement un changement dans l'état de contrainte durant le maintien et souligne ainsi l'influence notable du milieu environnant (matériau biphasé δ+α'). L'augmentation du paramètre de maille δ semble être liée à un état de traction triaxial (tendant vers un état de traction hydrostatique) découlant de la présence de nombreuses cristallites α' autour des cristallites δ persistantes (i.e. dans la phase parente résiduelle). Selon la théorie Patel et Cohen [PAT 53], un état de traction relativement isotrope, soit hydrostatique ou triaxial, constitue un réel frein à la transformation car notre transformation se traduit par une diminution importante de volume atomique. De plus, plus le taux de phase α' est important, plus le niveau de contrainte est élevé et mène à un état triaxial, limitant ainsi l’apport de force motrice pour la transformation martensitique.

Cette accumulation de contraintes dans l’alliage suite à la transformation martensitique a également été mise en évidence lors de l’étude de l’influence d’un cyclage thermique. En effet, l’étude des cinétiques a révélé l’existence d’un frein augmentant durant le cyclage, notamment à travers l’abaissement significatif du taux de phase α’ à la fin de l’isotherme (45% à la fin du premier cycle contre 5% à la fin du huitième). Il s’est avéré que les contraintes engendrées par l’importante variation de volume de 20% n’étaient pas sans conséquences puisque l’accumulation de celles-ci dans le matériau après chaque cycle a mené à une évolution progressive de la microstructure. La taille des grains de phase δ initialement de 60 µm a été réduite à 10 µm à la fin de la série de 15 cycles. Cette diminution conséquente de la taille des grains de phase δ durant le cyclage thermique peut contribuer à expliquer les variations de cinétiques de transformation caractérisées par DRX, d’une part un temps d’incubation diminué et d’autre part un taux de phase à saturation réduit. En effet, la diminution de taille de grain est inévitablement accompagnée d’une augmentation de la densité de défauts dans la matrice δ favorables à la nucléation hétérogène. De ce fait, le temps d’incubation est diminué puisqu’il est directement lié au nombre d’embryons favorables préexistants. Ces sites de germination préférentiels peuvent simplement correspondre aux joints de grains /joints triples voyant leur fraction augmentée suite à la diminution des tailles de grains et ainsi à l’augmentation du nombre de grain δ dans l’alliage. Ils peuvent également être associés à une augmentation de la densité de dislocations due à la déformation plastique se produisant au cours de la transformation.

La diminution du taux de phase α’ formée à la saturation de la transformation cycles après cycles peut également s’expliquer par la diminution de la taille des grains de phase δ puisqu’elle est systématiquement accompagnée d’une augmentation de la limite d’élasticité de la phase parente limitant les glissements plastiques. L’accommodation élastoplastique de la morphologie « plume » formée à relativement hautes températures, dans le premier domaine du diagramme TTT, est ainsi limitée.

Après un an d’attente, une partie des contraintes accumulées dans l’alliage s’est relaxée, laissant de nouveau place à la transformation martensitique puisque 30% de phase α’ ont ainsi pu être formés. Notons que le même cyclage réalisé sur un échantillon plus massif a engendré sa fissuration dès le quatrième cycle, confirmant l’accumulation de contraintes dans le matériau suite à la transformation martensitique.

En addition, bien que l'approche phénoménologique de Pati et Cohen ait donné une description précise du début de la transformation avec une énergie d’activation ∆W constante, une divergence progressive a cependant été observée parallèlement au ralentissement de la cinétique. Notons que cet écart aux données expérimentales consiste plus particulièrement à une surestimation du taux de phase α’ formée en fin d’isotherme. Cette observation est très intéressante puisqu’elle révèle la

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présence de freins supplémentaires à la transformation martensitique, actuellement non considérés dans le formalisme de Pati et Cohen, et ainsi la nécessité de considérer un ∆W variable. En conséquence, une détermination de la barrière énergétique ∆W nécessaire à la restitution des données expérimentales en chaque point de la cinétique de transformation isotherme a ensuite été réalisée afin d’appréhender les mécanismes réellement mis en jeu.

Les résultats montrent que la surestimation calculée du taux de martensite a été corrigée par une augmentation progressive de la barrière énergétique ∆W. D’un point de vue physique, en l'absence de tout état de contrainte externe, le bilan énergétique associé à la transformation martensitique consiste globalement en l’addition d’une force motrice chimique favorisant la transformation (<0) et d’énergies non chimiques (interface et déformation) limitant généralement l’avancement de la transformation (>0). L’augmentation de ∆W observée ne peut ainsi qu’être associée à une augmentation des énergies non chimiques dans l’alliage, et plus particulièrement à une accumulation de déformations élastiques et plastiques. De plus, au vu de l’importante contraction volumique de 20% induite lors du changement de phase δ α’, nous pouvons également considérer que l’énergie d’interface est négligeable devant les énergies de déformation élastique voire élastoplastique se formant autour des plaquettes de martensite α’. Ainsi, nos résultats suggèrent l’apparition progressive de champs de contraintes locaux défavorables à l’avancement de la transformation puisque l’augmentation du taux de martensite induit, d’une part, un effort de traction triaxiale des cristallites δ agissant comme un frein d’après la théorie de Patel et Cohen, et d’autre part, un durcissement de la matrice biphasée δ+α’ puisque la phase α’ présente un module d’Young deux fois supérieur à celui de la phase parente δ et contient des dislocations qui réduisent la mobilité de l’interface α’/δ. Notons que ce durcissement impacte directement les niveaux de contraintes des champs de contraintes locaux avoisinant les plaquettes de martensite formées et que l’augmentation du taux de phase engendre des interactions de plus en plus significatives, limitant la possibilité de poursuivre la transformation. En effet, une résistance supplémentaire au mouvement des dislocations due à un écrouissage de l’alliage ainsi qu’à une diminution continue de la taille des domaines δ est introduite.

La considération d'une barrière énergétique ∆W variable dans le modèle Pati et Cohen a été réitérée pour l’ensemble des températures isothermes étudiées expérimentalement. Les résultats se sont avérés similaires à ceux observés lors de l’analyse phénoménologique du maintien isotherme à -20°C. En effet, une première tendance constante est systématiquement notée lorsque l’effet auto-catalytique est le facteur contrôlant la cinétique. Une augmentation significative est ensuite observée dès le premier ralentissement jusqu’à la saturation de la transformation.

Nos résultats ont clairement montré que l’abaissement de la température favorise la transformation. Cette observation est en accord avec la diminution globale de ∆W puisqu’un gain de force motrice chimique est introduit par l’abaissement de la température. Cependant, l'amplitude des variations de ∆W est bien plus étendue que celle de la force motrice chimique sur la plage de températures étudiée. La force motrice chimique ne peut, en conséquence, pas être le seul paramètre d’influence. D’un point de vue théorique, la diminution de la température peut également mener à une augmentation de la limite d'élasticité de la phase δ, ce qui limite inévitablement la relaxation des contraintes par déformation plastique. Cette hypothèse est en l’occurrence soutenue par l’absence de déformation macroscopique des échantillons transformés dans le domaine inférieur du diagramme TTT, notamment à -196°C (Figure III.11). Ainsi, la matrice δ pourrait supporter des niveaux de contraintes de plus en plus élevés qui conduiraient à une contribution plus importante des champs de contraintes locaux sur l’avancement de la transformation isotherme ainsi que sur la diminution de ∆W. En effet, une résistance limitée des mouvements de dislocations durant la

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croissance de la plaquette de martensite serait engendrée par une accommodation par glissement plastique dans la phase mère moins importante.

Toutes ces observations tendent à conclure qu’une compétition entre l'état de contrainte local et l'énergie de déformation est à l’origine de l’avancement de la transformation. Les déformations engendrées lors de la transformation martensitique dans les alliages de plutonium semblent en effet plus ou moins accommodées plastiquement en fonction de la température du maintien isotherme. L'état de contrainte local est quant à lui lié à deux paramètres, la température et l’avancement de la transformation. D’après nos études expérimentales, l’avancement de la transformation peut être divisé en deux étapes successives. L'état de contrainte induit sur les cristallites δ favorise tout d’abord la transformation. Cependant, la formation progressive de nouvelles plaquettes de martensite α’ au sein d’une matrice biphasée δ+α’ de plus en plus rigide mène à l’apparition d’interactions défavorables puisque l’état de contrainte des cristallites δ évolue vers un état de traction triaxial (voire hydrostatique), qui n’est thermodynamiquement pas du tout propice à la transformation. De plus, le blocage du mouvement des dislocations conduit également à une augmentation des forces non chimiques freinant la transformation.

Diagramme TTT de l’alliage PuGa 1at.%

III.3.3.4.

Le diagramme Temps-Température-Transformation (TTT) de l’alliage PuGa 1at% déterminé à partir de l’étude de diffraction des rayons X In Situ des cinétiques de transformation martensitique isotherme présente deux domaines de transformation distincts. En effet, un premier domaine pouvant être associé à une première courbe en C (nez de transformation) est observé entre -20°C et -60°C. Le deuxième domaine a été mis en évidence à des températures inférieures à -70°C. Ce dernier semble correspondre à la partie haute d’une courbe en C puisque que seule une accélération de la cinétique est notée entre -70°C et -196°C. Ces résultats sont en accord avec les données de la littérature puisque la majorité des alliages binaires PuGa étudiés ont également révélé ce type de diagramme TTT en double C. Notons que plus la teneur en gallium est faible, plus le diagramme TTT s’étend sur des plages de températures importantes. Ainsi, alors que l’alliage PuGa 1,4at.% présente très distinctement les deux nez de transformation du diagramme TTT, l’alliage PuGa 0,85 at.% ne révèle qu’une partie de la première courbe en C. Le diagramme TTT de l’alliage PuGa 1 at.% semble alors être intermédiaire aux deux précédents.

En dépit des nombreuses hypothèses émises quant aux origines de l’existence de ce double nez de transformation sur le diagramme TTT des alliages binaires PuGa, aucune d’entre elles n’a à ce jour été validée. En effet, cette forme particulière en double C généralement caractéristique des transformations diffusives suscite encore de nombreuses controverses. Certains auteurs associent ce double nez à une différence au sein du mécanisme de transformation isotherme. Par exemple, Deloffre et al. [DEL 97] supposent une transformation martensitique indirecte passant par une phase intermédiaire γ’ de structure cristallographique orthorhombique faces centrées pour le premier nez et une transformation martensitique directe δ α’ pour le deuxième nez. Les résultats obtenus dans le cadre de la thèse invalident cette hypothèse puisque les analyses DRX In Situ couplées à l’ensemble des affinements Rietveld réalisés ont systématiquement révélé une transformation martensitique directe. De plus, la phase intermédiaire γ’ observée par Deloffre et al. semble être due aux contraintes mécaniques engendrées lors de la manipulation des échantillons ou du polissage effectué avant les analyses métallographiques. En effet, l’étude de l’influence d’une contrainte appliquée sur un alliage PuGa 1at.%, réalisée dans le cadre de cette thèse, a révélé l’apparition d’une

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transformation δ δ+γ’ δ+α’ lorsque l’effort de compression ou de traction est supérieur à la limite d’élasticité de l’alliage, soit environ 60 MPa.

Récemment, Moore et al. [MOO 07] ont suggéré une différence d’orientation cristallographique pour les plaquettes formées dans l’un ou l’autre des deux nez du diagramme TTT, et plus particulièrement, l’existence de plans d’habitat différents. Cette hypothèse semble plausible au vu des observations métallographiques obtenues pour le PuGa 1at.%. De plus, comme nous l’avons rappelé au § III.3.2., une différence de mécanismes d’accommodation conduit à une différence de plan d’habitat des plaquettes de martensite.