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Interaction microenvironnement et cellules tumorales dans la MW

I. INTRODUCTION

I.2.9 Interaction microenvironnement et cellules tumorales dans la MW

MW

Une dérégulation du dialogue fonctionnel entre les cellules tumorales et le microenvironnement via les cytokines et les chémokines est décrite dans la MW au niveau de la niche médullaire.

A. Le concept de la niche médullaire

Le dialogue bidirectionnel cellules/ écosystème participe à la dynamique de la régulation de la prolifération cellulaire, du cycle cellulaire, ainsi que du trafic cellulaire (101). La MW est avant tout une hémopathie avec une infiltration tumorale au niveau de la moelle osseuse. Toutefois, des localisations extramédullaires de la maladie sont mises en évidence au niveau d’organes lymphoides comme les ganglions ou dans d’autres tissus (20, 180). Des cellules clonales de MW sont détectées dans le sang des patients ce qui suggère l’existence d’un mécanisme de dissémination de la MO dont le rôle physiopathologique reste toutefois à définir (166, 334). L’existence d’une éventuelle hétérogénéité phénotypique, génomique et fonctionnelle des cellules tumorales selon leur localisation ne peut être exclue.

De nombreuses études ont évalué les relations du clone tumoral B avec le microenvironnement médullaire et ont permis de mettre en évidence des anomalies de régulation ou d’expression de différents acteurs impliqués dans la domiciliation et la migration des cellules malignes au sein de « niches » spécifiques. Ces niches contribueraient à la création d’un environnement protecteur pour la survie et la prolifération de ces cellules tumorales (101). Une dérégulation du profil d’expression de protéines impliquées dans le homing (CD11c, CD38, CD138, le CD49d, LFA1..) et la migration cellulaire (Rho/rac/cdc42) est observée dans la MW (113, 132, 215). La modification du profil d’expression des E-cadherines ou de FGFR3 participe au processus d’égression des cellules tumorales de la MO vers le sang et pourraient ainsi contribuer à une recirculation des cellules tumorales (14, 15). D’autres facteurs comme l’hypoxie, une altération de la matrice extracellulaire par dérégulation de l’expression des hyalorunanes synthétases ou la synthèse de métalloprotéases (MMP8,..) pourraient favoriser la dissémination et la colonisation de nouvelles niches médullaires par les cellules de MW (1, 14, 15, 211, 329). L’activation constitutive de différentes voies de signalisation intracellulaire comme AKT, PKC ou NFκB contribuerait aussi à la régulation du « homing » des cellules malignes dans la moelle osseuse et la survie des cellules tumorales au contact du microenvironnement dans la MW en modifiant les processus de migration et d’adhésion cellulaire (101, 168, 170, 202).

Le microenvironnement médullaire pourrait être aussi un terrain favorable à la présence d’autoantigènes ou d’antigènes microbiens stimulant le BCR et donc contribuer à l’expansion des

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cellules tumorales comme dans d’autres modèles (36). Toutefois, l’implication d’aucun antigène n’a été identifiée spécifiquement dans la physiopathologie de la MW à ce jour (8).

L’ensemble de ces données suggèrerait donc l’existence d’une interaction forte entre cellules tumorales et cellules du microenvironnement médullaire qui pourrait jouer un rôle essentiel dans la physiopathologie de la MW.

B. Le compartiment cellulaire

L’interaction des cellules tumorales avec les cellules stromales et endothéliales est essentielle à la prolifération et à la domiciliation cellulaire dans la MW et favoriserait l’émergence de résistance à différents agents thérapeutiques (fludarabine, bortézomib,..)(101). Cibler le microenvironnement tumoral pourrait donc constituer une nouvelle approche thérapeutique à envisager dans la MW comme cela a été initié dans d’autres hémopathies lymphoïdes. Différents agents pharmacologiques comme l’évérolimus exercent en effet leur activité antitumorale en modifiant les interactions adhésives des cellules tumorales avec les cellules stromales (259).

La densité des microvaisseaux de la moelle osseuse est augmentée dans 30-40 % des patients atteints de MW (2). Une augmentation du facteur Von Willebrand est rapportée dans la MW (120). Le ligand du récepteur tyrosine kinase Eph-B2 est fortement exprimé par les cellules endothéliales qui pourraient jouer un rôle dans la croissance tumorale (14). Des anomalies de l’angiogenèse sont donc observées dans la MW (291).

Une hyperexpression de CXCL13 par les cellules tumorales pourrait contribuer au recrutement des mastocytes (132). Les mastocytes, localisés dans la MO, joueraient un rôle de médiateur privilégié avec la cellule tumorale de MW par l’intermédiaire de la voie du CD40/CD40 ligand, de l’interaction du CD70 exprimé par le mastocyte et du CD27 soluble produit par les cellules malignes mais aussi par la sécrétion de VEGF (270, 275, 295). L’activation de ces voies participerait à la dérégulation de différentes voies de signalisation intracellulaire comme la voie ERK, qui participent à la prolifération et la survie du clone tumoral. Inhiber pharmacologiquement la voie du CD154/CD40 ou du CD70/CD27 diminue la viabilité et la prolifération des cellules MW. Mastocytes et cellules tumorales expriment respectivement récepteurs et ligands, vecteurs de communications homo/hétérotypiques contribuant à la régulation de l’angiogénèse, de la synthèse d’IL6 et de l’IgM. Dans la MW, une interaction fonctionnelle existe donc entre les cellules tumorales et les mastocytes (295) (Figure 11).

D’autre part, une perturbation de l’homéostasie lymphocytaire T est observée dans la MW. Une expansion de lymphocytes T CD8+CD57+ cytotoxiques peut être observée (166, 176). Le niveau d’expression du CD28 est diminué alorsqu’une augmentation de la perforine et du granzyme b est mise en évidence. La dérégulation de leur profil transcriptionnel et fonctionnel pourrait contribuer à modifier la réponse lymphocytaire anti-tumorale ou la réponse en terme de toxicité anticorps

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dépendante dans un contexte d’immunothérapie (166). Ces différentes sous-populations lymphocytaires pourraient aussi participer à la sécrétion de différentes cytokines impliquées dans la physiopathologie de la MW (IL21,…) (126). L’expression de différentes molécules de surface, comme les molécules de costimulation du système B7, sont nécessaires à une interaction optimale entre les lymphocytes B et T (106, 239). Les cellules tumorales présentent un niveau d’expression anormale de différents marqueurs impliqués dans cette interaction avec les lymphocytes T comme le CD80 ou le CD86 (106, 132, 246). En revanche, il n’est pas décrit de mécanisme de trogocytose, c’est à dire de transfert de molécules entre 2 cellules en contact, dans la MW pour ces signaux de costimulation (42). Une augmentation de différentes formes solubles de molécules du HLA de classe 1 (HLA-G,..) est en revanche observée dans la MW (203). Ce profil pourrait favoriser l’échappement des cellules tumorales à la surveillance du système immunitaire en modulant la configuration de la synapse immunologique dans la MW (106, 239).

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C. Le microenvironnement cytokinique

Les cytokines participent au dialogue fonctionnel entre cellules tumorales et microenvironnement au sein de la niche médullaire. Produits à la fois par les cellules tumorales (voie autocrine) et par le microenvironnement cellulaire (voie paracrine), le réseau cytokinique comprend des cytokines mais aussi des chémokines et des facteurs de croissance (3). L’interaction des cytokines avec leurs récepteurs entraîne l’activation de cascades de signaux intracellulaires parmi lesquels figure la voie d’activation des tyrosines kinases JAK et leurs cibles, les facteurs de transcription STAT (32, 252). Cette voie contribue donc à la régulation de l’expression de nombreux gènes impliqués dans les processus de différenciation cellulaire, de prolifération, et d’apoptose (252). L’activation constitutive de la voie de signalisation JAK/STAT a été associée à la physiopathologie de plusieurs hémopathies lymphoïdes B (252). La dérégulation de nombreuses voies de signalisation intracellulaire conduisant à la dérégulation du cycle cellulaire, l’augmentation de la survie et de la prolifération cellulaire (Ras/MAPK, PI3K/AKT/mTOR, PKC/NFκB) pourrait ainsi être partiellement associée à la dérégulation du profil cytokinique dans la MW (127, 168, 170, 259).

Le rôle de différent médiateurs a ainsi été décrit : l’IL6, l’IL21, CCL5, TNF-α, CD40, MIP-1α (Macrophage Inflammatory Protein), IL10, IL15, IGF1 (insulin-like growth factor-1) (83, 84, 85, 114, 132, 174, 291) … Dans la MW, une dérégulation de l’homéostasie du réseau cytokinique est observée. Ces variations du taux d’expression de ces cytokines ont été rapportées à la fois au niveau du sang (IL6) et de la moelle osseuse (CXCL12) (114, 215). La dérégulation du profil de sécrétion de ces cytokines produites soit par les cellules accessoires soit par le clone tumoral, pourrait participer à la physiopathologie de la MW.

L’IL6 est une cytokine essentielle dans la physiopathologie de la MW. Une augmentation des taux sériques d’IL6 est observée et un niveau d’expression élevé d’IL6 est mis en évidence dans les cellules tumorales (110, 114, 231). L’IL6 est associée à l’activation de différentes voies de signalisation intracellulaire, notamment celle des MAPK (132, 168). Comme l’IGF1, elle participe à l’activation de la voie de signalisation AKT et contribuerait in vitro à la différenciation des cellules B dans la MW (174, 324). La mutation MYD88L265P induit l’expression de l’IL6 (7, 324).

Le microenvironnement cytokinique pourrait participer à la régulation de la synthèse de l’IgM par le clone tumoral. En effet, un lien fonctionnel entre IL-6, RANTES (ou CCL5) et la sécrétion d’IgM a été rapporté. CCL5 contribue à la stimulation de la sécrétion d’IL6 par les cellules stromales, ce qui va induire la sécrétion d’IgM par les cellules tumorales via l’activation de la voie JAK/STAT (83, 84, 85). BLyS (B-lymphocyte stimulator) (ou BAFF) est un membre de la famille du TNF. BLys est surexprimé dans certaines hémopathies B et contribuerait à l’inhibition de l’apoptose des cellules tumorales (84, 85). Dans la MW, une augmentation de la sécrétion d’IgM par les cellules B malignes a été observée lors d’une exposition à BLys en présence d’autres cytokines (IL-6, IL-10,..). Il a été

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également démontré le rôle de l’IL21 dans la prolifération des cellules malignes et la sécrétion d’IgM. L’IL21 participe à l’activation de la voie de signalisation de STAT3 dont les cibles principales sont l’IL6 ou des facteurs de transcription impliqués dans la différenciation plamocytaire (126).

Des variations des taux des cytokines impliquées dans la régulation de l’angiogénèse ont été également décrites dans la MW. Une augmentation de l’expression du VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), de l’angiogénine et de MIP-1α (Macrophage Inflammatory Protein) ainsi qu’une diminution du ratio Ang-1/Ang-2 (Angiopoïétine) ont été observés dans cette hémopathie. Ces profils d’expression ont été associés à des facteurs pronostiques péjoratifs de la MW et à une forte masse tumorale ce qui suggérerait leur rôle dans la croissance cellulaire (2, 291).

Le microenvironnement tumoral délivre donc des signaux de survie et de domiciliation cellulaire aux cellules de MW. Cette liaison fonctionnelle qu’entretient la cellule tumorale avec son écosystème médullaire peut être toutefois considérée comme son « talon d’Achille ». Rompre ce dialogue pourrait constituer une cible pour de nouvelles thérapeutiques.

A

LTERATION DE LA VOIE DU

BCR

DANS LA

M

ALADIE DE

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ALDENSTRÖM

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