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1.2 Molécules organiques : diagramme d’énergie et interactions avec la lumière 16

1.2.2 Interaction avec la lumière

Dans la suite, nous allons utiliser un diagramme plus schématique tel que celui de la Fig.1.9, appelé diagramme de Perrin-Jablonski pour expliquer les différents processus de transfert entre les niveaux d’énergie dans les molécules de colorant, mais aussi les interactions qui peuvent avoir lieu dans les états excités.

L’absorption

Lorsque l’énergie d’un photon incident est égale à celle qui sépare deux niveaux d’éner-gie de la molécule, ce photon peut être absorbé par la molécule. L’absorption de la lumière

Chapitre 1. Les lasers organiques : généralités et particularités

est reliée aux propriétés du milieu par la loi de Beer-Lambert :

I =I010[J]l (1.1)

I est l’intensité transmise,I0 l’intensité incidente, le coefficient d’absorption molaire (en L.mol−1.cm−1) qui dépend de la longueur d’onde et de la température, [J] la concen-tration de l’espèce absorbante (en mol.L−1) etl la longueur de l’échantillon (en cm). La grandeur directement déduite des mesures est l’absorbance A définie par :

A=logI0

I ou A =logT (1.2) avec T la transmitance. L’équation de Beer-Lambert devient alors :

A=[J]l (1.3)

L’absorbance croît linéairement avec l’épaisseur et la concentration de l’échantillon, le coefficient d’extinction molaire étant une donnée propre à l’échantillon.

L’émission spontanée

Un des processus de retour à l’état fondamental est l’émission spontanée. Deux cas peuvent se produire : soit la molécule se désexcite par fluorescence, soit elle se désexcite par phosphorescence.

La fluorescence correspond à la situation où la molécule excitée est dans un état sin-gulet et le retour dans l’état fondamental se fait par émission d’un photon à une longueur d’onde λémission appartenant à son spectre d’émission large. Par exemple, le temps de vie de la fluorescence du PM650 dans du n-hexane est de 5.14 ns [López Arbeloa et al., 2004], alors que celui du DCM dans le même solvant est de 2 ns [Bondarev et al., 2004].

La phosphorescence est beaucoup plus rare et correspond à la molécule excitée qui relaxe de l’état triplet T1 de plus basse énergie pour aller vers l’état fondamental. Bien que cette transition soit en principe interdite de spin, une émission radiative peut parfois être observée soit à très basse température, soit à température ambiante suite à un fort couplage spin-orbite causé par la présence d’un atome lourd (désappariant le spin des deux électrons de valence de la molécule dans l’état excité afin de permettre un croisement

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intersystème).

Figure1.9 – Diagramme de Perrin-Jablonski - représentation des niveaux d’énergie d’une

molécule et les transitions entre ces niveaux.τf luo,τphosphorescence,τISC,τf luo N RetτN Rsont respectivement les temps typiques de vie de fluorescence, de phosphorescence, de désex-citation singulet-triplet, de désexdésex-citation non radiative de S1 vers S0 et de désexcitation singulet-singulet.

Définition du Stokes shift

Le spectre d’absorption et de fluorescence sont un peu décalés en longueur d’onde : le spectre de fluorescence est plus dans le rouge, car l’émission se fait toujours à partir de l’état vibrationnel le plus bas du premier état électronique excité singulet vers l’état fondamental. L’écart en énergie est plus faible et la longueur d’onde d’émission est donc plus grande. Le décalage entre la position des maxima des bandes d’absorption et de fluo-rescence relatives à un même état excité est appelé le déplacement de Stokes ou « Stokes shift » (voir Fig.1.10).

Plus le Stokes shift est faible, plus le rendement de conversion entre l’absorption et la fluorescence du colorant (rapport entre l’énergie d’un photon émis sur celle d’un photon absorbé) est proche de 1, mais ceci a le désavantage que les deux spectres se recouvrent

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en grande partie, et donc que les photons émis par fluorescence soient réabsorbés dans le matériau. Si c’est l’inverse, alors les pertes par réabsorption sont plus faibles, mais une plus grande fraction de l’énergie d’un photon absorbé est transformée en chaleur. La Fig.1.11illustre ces deux cas. Lorsque nous cherchons à optimiser le rendement d’un laser, la différence entre l’énergie d’un photon de pompe et l’énergie d’un photon laser, appelée

défaut quantique, est un paramètre important.

Figure 1.10 – Spectres d’absorption et de fluorescence de la Rhodamine 6G

dans de l’éthanol, données récupérées du site internet : http://omlc.org/spectra/ PhotochemCAD/html/083.html (2012).

Laser à quatre niveaux

En utilisant la Fig.1.8, nous pouvons comprendre facilement que les lasers organiques sont en première approximation des lasers à quatre niveaux. En effet, si nous ne nous intéressons qu’aux deux premiers états singulets montrés sur la Fig.1.12, l’absorption d’un photon porte la molécule de l’état électronique fondamental S0, noté (0) dans un état vibrationnel (3) pas forcément le plus bas de l’état excité S1, car la transition est verticale d’après le principe de Franck-Condon. Puis, il s’en suit une désexcitation non radiative rapide vers le plus bas état vibrationnel de S1, représenté par (2). C’est depuis ce niveau qu’a lieu l’émission stimulée : la molécule émet un photon identique au photon incident (d’énergie moindre) et elle peuple dans l’état vibrationnel haut (1). Elle n’y reste pas longtemps et se désexcite rapidement de façon non radiative vers (0). C’est le

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Figure 1.11 – Comparaison entre un Stokes shift petit (cas à gauche) et un Stokes shift

grand (cas à droite), figures issues de [Goudket, 2004]. Un recouvrement plus important entre le spectre d’absorption et le spectre de fluorescence a lieu pour un Stokes shift petit que celui pour un Stokes shift grand. La réabsorption des photons émis dans le matériau est donc plus importante.

principe de fonctionnement d’un laser à quatre niveaux. Les lasers à néodyme dont le milieu à gain est fait d’ions néodyme dans une matrice cristalline ou dans un matériau amorphe fonctionnent sur ce principe.

Figure 1.12 – Schéma illustrant le modèle à quatre niveaux pour les lasers organiques.

Sont représentés les deux premiers états singulets S0 etS1. Les traits foncés représentent les niveaux énergétiques du système à quatre niveaux, tandis que les traits clairs re-présentent les sous-états vibrationnels qui n’interviennent pas dans le modèle à quatre niveaux.

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colorant est dans un état excité et qui tendent à diminuer l’efficacité du laser.

Les transferts d’énergie par résonance de type Förster - FRET

Le transfert d’énergie par résonance de type Förster ou FRET (Förster Resonance

Energy Transfert) est un mécanisme de transfert d’énergie d’une molécule excitée à une autre. C’est une interaction dipôle-dipôle entre le donneur et l’accepteur qui se produit uniquement si le spectre d’émission du donneur et le spectre d’absorption de l’accepteur se recouvrent en partie et si les moments de liaison dipolaire ne sont pas perpendiculaires. Plus de détails seront donnés sur ce transfert dans le Chapitre 4, §4.2.5. Si l’accepteur est une molécule qui ne participe pas à l’effet laser ou pire est une molécule qui absorbe à la longueur d’onde laser, alors l’efficacité laser sera diminuée. Ce phénomène est appelé

quenchingou extinction. L’accepteur peut être un « quencher » étranger (une impureté, un défaut) ou une molécule à gain identique, ce point est détaillé dans le paragraphe suivant. Notons que le FRET n’est pas le seul mécanisme de quenching (il est généralement opposé à des transferts de type Dexter impliquant des échanges simultanés d’électrons et de trous), mais c’est le seul mécanisme qui peut opérer « à distance » (>10 nm), c’est-à-dire qui ne nécessite pas un contact entre la molécule et le quencher.

Le self-quenching ou concentration quenching

Il s’agit d’un type de « quenching » particulier, le plus souvent observé dans les émet-teurs organiques qui fait référence à la diminution de la population des états excités (et donc de l’émission lumineuse) avec la concentration de fluorophores. Il s’agit d’un trans-fert de l’excitation à une molécule voisine identique soit par FRET, soit par transtrans-fert de Dexter. Nous pouvons en distinguer plusieurs sortes [Chénais and Forget, 2012] :

– diffusion excitonique qui correspond à une interaction avec un transfert d’énergie entre une molécule excitée et une molécule à l’état fondamental. L’énergie est simple-ment transférée. La diffusion est souvent une étape préliminaire à un « quenching » avec une espèce excitée ou un quencher étranger.

– interaction entre deux états singulets excités (appelé SSA ou SSQ pour Singlet-Singlet Annihilation ou Quenching). Une molécule dans un premier état excité se désexcite en transférant son énergie à une deuxième molécule dans le premier état excité, celle-ci passe alors dans un état excité supérieur (voir Fig.1.13). La relaxation

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se fera soit vers l’état excité d’où elle venait, soit vers un état triplet.

– interaction entre un état singulet et un état triplet (appelée STA pour Singlet-Triplet Annihilation). C’est quasiment le même phénomène que précédemment, mais l’échange d’énergie se fait depuis une molécule dans un état excité singulet vers une molécule dans un état triplet. Celle-ci absorbe l’énergie et passe dans un état triplet supérieur.

– interaction entre deux états triplets (appelée TTA pour Triplet-Triplet Annihila-tion). Une molécule dans le premier état triplet se relaxe dans l’état fondamental en transférant son énergie vers une molécule dans le premier état triplet qui passe alors dans un état triplet supérieur (voir Fig.1.14). La désexcitation de cette molécule a lieu vers le premier état singulet ou triplet.

Figure1.13 – Quenching causé par l’interaction entre deux états singulets (SSA ou SSQ),

figure issue de [Forget and Chénais, 2013].

Figure 1.14 – Quenching causé par l’interaction entre deux états triplets (TTA), figure

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Les états triplets

Une molécule dans un état triplet peut absorber un photon et passer dans un autre état triplet excité Tn(n>1). Cette excitation est suivie rapidement par une désexcitation non radiative vers le premier état triplet ou vers d’autres états qui peuvent être disso-ciatifs [Forget and Chénais, 2013]. En raison de leur durée de vie « longue », le premier état triplet participe à la diminution de l’effet laser, car ils représentent des « pièges » énergétiques dans lesquels les molécules peuvent s’accumuler (voir Fig.1.9 pour les durées de vie des différentes transitions). Dans ce cas, deux effets sont à distinguer :

– en conséquence de l’annihilation singulet-triplet (STA), la population de l’état « la-sant » S1 diminue.

– la transition optique T1 Tn (n>1) est une transition autorisée très intense avec une section efficace d’absorption comparable à celle de la transition S0 S1. Les excitons triplets absorbent donc à la longueur d’onde laser et apportent des pertes supplémentaires.

1.3 Lasers organiques liquides et solides : avantages