• Aucun résultat trouvé

Les virus de la famille des Herpesviridae ont développé différentes stratégies pour manipuler l’induction de l’autophagie ou l’inhibition de ce processus et cela peut dépendre du type cellulaire et du stade de l'infection. Les recherches menées durant les 10 dernières années ont démontré l'impact des virus de cette famille sur l'autophagie non seulement au cours des infections productives, mais aussi dans les infections latentes.

i. Cytomégalovirus humain (HCMV)

L’étude de la modulation de l’autophagie par le HCMV dans notre laboratoire et celui de Chris Preston a montré que celui-ci induit la formation des autophagosomes dès 2 heures post infection dans les fibroblastes humains (Figure 26) (McFarlane, Aitken et al. 2011; Chaumorcel, Lussignol et al. 2012). Le mécanisme par lequel le HCMV stimule l'autophagie n’est pas clairement établi. Nous avons montré que la synthèse des protéines virales n’est pas nécessaire à cette induction (Chaumorcel, Lussignol et al. 2012). Mac Farlane et al. ont proposé que l'autophagie soit stimulée en réponse à la présence d'ADN viral dans le cytosol (McFarlane, Aitken et al. 2011). Cependant, l’interaction du HCMV avec les protéoglycanes héparane sulfate à la surface cellulaire est nécessaire pour stimuler l'autophagie et la liaison entre TLR2 et le HCMV semble également jouer un rôle (résultats du laboratoire non publiés). Il se peut donc que l’interaction du virus avec des récepteurs cellulaires soit suffisante pour déclencher l’autophagie. L'importance de l'induction précoce de l'autophagie par le HCMV reste à déterminer. Il peut s’agir d’une réponse au stress de la cellule à l'infection qui contribuerait à une réponse immunitaire innée et adaptative.

Quel que soit le mécanisme responsable de l'induction de l'autophagie, le HCMV est ensuite capable d'inhiber l'autophagie à partir de 18-24h p.i. (Figure 26) (Chaumorcel, Souquere et al. 2008; Chaumorcel, Lussignol et al. 2012). L’expression des protéines virales est nécessaire à

82

l’inhibition de l’autophagie. Nous avons observé que la protéine virale TRS1 est capable d’inhiber l’autophagie (Chaumorcel, Lussignol et al. 2012). Bien qu’elle interagisse avec PKR (Hakki, Marshall et al. 2006), l’activité antiautophagique de TRS1 est dépendante de son interaction avec Beclin 1 (Chaumorcel, Lussignol et al. 2012). Il a été proposé récemment, basé uniquement sur des résultats in silico, que le miRNA du HCMV miR UL148D puisse participer à l’inhibition de l’autophagie, en reconnaissant la région 3’ non codante d’ERN1, un gène de réponse au stress du RE activateur de l’autophagie (Babu, Pandeya et al. 2014).

Figure 26 : Modulation de l’autophagie par le HCMV au cours du cycle viral.

Une stimulation de l’autophagie a été observée au cours des étapes précoces de l’infection par le HCMV. La liaison du virus aux PGHS est nécessaire à la stimulation précoce de l’autophagie. Le génome viral semble être également impliqué dans cette stimulation, mais la fixation du virus sur TLR2 pourrait également jouer un rôle. Le HCMV inhibe l’autophagie aux étapes tardives de l’infection. La protéine précoce TRS1 est impliquée dans cette inhibition par interaction avec Beclin 1.

L'impact de l'autophagie sur l’infection par le HCMV n’est pas très bien connu. Une étude a montré que l’autophagie pourrait participer à la présentation des antigènes UL138 et pp65 du HCMV par le CMH de classe I, par une voie indépendante du protéasome et de TAP (transporter associated with antigen processing) (Tey and Khanna 2012). Ce processus peut

83

permettre à la cellule de contrecarrer les mécanismes d’évasion que le HCMV a développée pour échapper à la présentation par le CMH de classe I (voir chapitre 1).

L’interleukine-10 (IL-10) est induite au cours de l’infection par le HCMV et elle joue un rôle protecteur contre le virus. Une étude récente a montré que dans les fibroblastes humains, l’ajout d’IL10 dans les étapes précoces de l’infection par le HCMV inhibe la réplication virale, probablement en bloquant l’induction de l’autophagie (Wang, Zhang et al. 2014). En effet, l’IL10 inhibe le flux autophagique induit par la carence ou par l’infection virale, et active la voie de signalisation Akt/PI3K. Ceci suggère que la stimulation de l’autophagie par le HCMV est une réponse de la cellule et constitue bien un mécanisme de défense aux étapes précoces de l’infection.

ii. Herpesvirus type 1 (HSV-1)

HSV-1 a la capacité de moduler différemment l'autophagie en fonction des types cellulaires. Dans des fibroblastes murins, HSV-1 sauvage n’induit pas l’autophagie (Talloczy, Jiang et al. 2002). En revanche, il a été montré qu’un virus mutant (HSV-134.5) dont la protéine ICP34.5 n’est pas exprimée, entraine une stimulation importante et rapide de l’autophagie. Il est intéressant de noter que c’est un virus défectif in vivo. La voie PKR/eIF2 est nécessaire pour l’induction de cette autophagie viro-induite (Talloczy, Jiang et al. 2002). Une autre étude a montré qu’un virus mutant totalement défectif in vitro induit l'autophagie à la phase très précoce de l'infection, indépendamment de la synthèse des protéines virales (McFarlane, Aitken et al. 2011).

HSV-1 induit la macroautophagie mais aussi une forme spéciale de l'autophagie qui utilise l'enveloppe nucléaire en tant que source de membrane. Cette forme est appelée le NEDA (nuclear envelope-derived autophagy) et elle a été initialement observée dans les macrophages (English, Chemali et al. 2009) puis dans de nombreux types cellulaires (Radtke, English et al. 2013). En effet, en plus des structures habituelles à double membranes, des structures à quatre couches de membrane décorées par LC3 provenant de l'enveloppe nucléaire s’accumulent dans le cytoplasme vers 6-8h post l'infection. Ces structures contiennent de grandes quantités de la glycoprotéine d’enveloppe gB et sont décorées spécifiquement par la forme LC3A. Elles ne sont pas présentes dans les cellules non infectées traitées par la rapamycin, ce qui suggère qu'elles sont dues à une réponse spécifique de l'hôte à l’infection par HSV-1 distincte de l’autophagie. Une stimulation de l’autophagie a été observée dans des macrophages infectés par le virus sauvage ou le virus mutant HSV1-134.5 mais la forme NEDA n’a été observée qu’après infection par le virus sauvage (English, Chemali et al. 2009). L’expression de la glycoprotéine

84

d’enveloppe gH, une protéine tardive, suffit à induire le NEDA (Radtke, English et al. 2013). Il a été montré que, dans les macrophages, la stimulation de l’autophagie par HSV-1 permet d’améliorer la présentation de la glycoprotéine d’enveloppe gB par le CMH de classe I aux lymphocytes T CD8 (English, Chemali et al. 2009).

Dans le cas de l’infection des cellules dendritiques (DC), HSV-1 induit une autophagie incomplète (Gobeil and Leib 2012). En effet, une accumulation des autophagosomes et du substrat autophagique p62/SQSTM1 a été observée. Contrairement à ce qui est observé dans les fibroblastes et les neurones, la protéine ICP34.5 ne bloque pas l'induction de l'autophagie dans ces cellules, mais elle empêche plutôt la maturation des autophagosomes. De plus, elle interfère avec la capacité des DC à stimuler l'activation des lymphocytes T et leur prolifération en réponse à des antigènes intracellulaires (Gobeil and Leib 2012).

HSV-1 induit l'autophagie dans les cellules myéloïdes (macrophages et DC) en réponse à l'ADN viral cytosolique, indépendamment de l'expression des gènes viraux. Contrairement à ce qui est observé dans les fibroblastes, l’autophagie est déclenchée d'une manière indépendante de PKR/eIF2. L’activation de l’autophagie dépend en fait de STING (stimulator of interferon

genes), une protéine cellulaire transmembranaire nécessaire à l’induction de cytokines

proinflammatoires et d’IFN de type I (Rasmussen, Horan et al. 2011).

HSV-1 est donc capable de stimuler l’autophagie dans différents types cellulaires par des mécanismes différents selon le type cellulaire. Toutefois, HSV-1 a aussi mis en place des systèmes d’échappement de l’autophagie, grâce à l’expression de certaines protéines virales. Les premiers travaux sur la modulation de l’autophagie par HSV-1 ont montré l’implication du facteur de virulence ICP34.5 dans l’inhibition de l'autophagie dans les fibroblastes (Talloczy, Jiang et al. 2002).

La protéine ICP34.5 inhibe la voie PKR/eIF2 en recrutant la protéine phosphatase 1α (pp1α) qui déphosphoryle eIF2α−P, empêchant ainsi l’inhibition de la traduction protéique (He, Gross et al. 1997). Cette voie est également connectée à l’activation de l’autophagie (voir paragraphe 3.C.ii). Cependant, ICP34.5 inhibe l’autophagie indépendamment de PKR (Orvedahl, Alexander et al. 2007; Lussignol, Queval et al. 2013). Orvedahl et al. ont montré qu’ICP34.5 se lie directement à Beclin 1, qu’il inhibe sa fonction et que la région 68-87 d’ICP34.5 ou BBD (pour

Beclin 1 binding domain) est indispensable à l’inhibition de l’autophagie (Orvedahl, Alexander et

85

domaine de liaison d’ICP34.5 à Beclin 1 a été supprimé, n’est pas un virus défectif. Il inhibe la phosphorylation d’eIF2 et lève le blocage de la synthèse protéique mais il n’est en revanche pas capable d’inhiber l’autophagie dans des fibroblastes et dans des neurones. Ceci démontre que c’est bien la liaison à Beclin 1 qui permet à ICP34.5 d’inhiber l’autophagie. ICP34.5 a aussi la capacité de bloquer la maturation des autophagosomes dans les DC en se liant à Beclin 1 (Gobeil and Leib 2012).

L’inhibition de l’autophagie par ICP34.5 joue un rôle important dans la pathogenèse et la neurovirulence d’HSV-1. Des études basées sur la souris ont démontré que le virus mutant HSV-1 34.5BBD était neuroatténué chez les souris, puisque le virus mutant se multiplie moins bien dans le cerveau et que les souris meurent moins. Ceci suggère un rôle important de l’interaction ICP34.5/Beclin 1 dans le déroulement de l’encéphalite herpétique (Orvedahl, Alexander et al. 2007). Le domaine de liaison à Beclin 1 joue aussi un rôle clé dans l'inhibition de la présentation des antigènes viraux par le CMH II via l’autophagie. Le virus mutant HSV-1 34.5BBD n’est plus capable de contrôler l’immunité adaptative, car il induit une activation de la production d'IFN et d'interleukine, ce qui induit une forte réponse des lymphocytes (Leib, Alexander et al. 2009). L’autophagie participe à la présentation de la glycoprotéine gB d’HSV-1 par le CMH I dans les macrophages (English, Chemali et al. 2009). Dans les DC, ICP34.34.5 inhibe la maturation des autophagosomes, la présentation des antigènes viraux par le CMH I et l'activation des cellules T Récemment, nous avons mis en évidence dans notre laboratoire qu’une deuxième protéine d’HSV-1 inhibe l’autophagie, de manière dépendante de la kinase PKR (Lussignol, Queval et al. 2013). La protéine Us11, est une protéine tardive qui interagit directement avec PKR et inhibe la formation des autophagosomes dans les fibroblastes et les cellules HeLa. L’expression très précoce de Us11 est suffisante pour que HSV-1 puisse s'échapper de la machinerie autophagique en l’absence d’ICP34.5 (Lussignol, Queval et al. 2013).

L'influence de l'autophagie sur la réplication d’HSV-1 est controversée et des résultats contradictoires ont été publiés. Talloczy et al. ont rapporté que l’autophagie dégrade efficacement les particules virales (Talloczy, Virgin et al. 2006), tandis qu’Alexander et al. n’observent pas de différence dans le niveau de réplication dans des fibroblastes déficientes en Atg5 (Alexander, Ward et al. 2007). Des études ultérieures ont montré que le rôle de l'autophagie dans la réplication de HSV-1 dépend du type cellulaire. Par exemple, dans les neurones, l’autophagie permet de limiter la réplication virale, alors qu’elle n’a pas de rôle dans les cellules épithéliales et les autres cellules mitotiques (Yordy, Iijima et al. 2012; Yordy and

86

Iwasaki 2013). Une étude récente a montré que l’induction de l’autophagie par le MG132, un inhibiteur du protéasome, entraine une diminution significative de la production virale dans différents types cellulaires (Yakoub and Shukla 2015). Ceci est en faveur d’un effet antiviral de l’autophagie vis-à-vis de HSV-1 et pourrait être utilisé potentiellement comme cible thérapeutique.

Figure 27 : Manipulation de l’autophagie par les herpesvirus.

Les membres de la famille des Herpesviridae ont mis en place diverses stratégies pour inhiber l'autophagie. Lors d'une infection, les protéines virales agissent sur différentes voies de signalisation qui régulent l'autophagie. La formation du phagophore peut être inhibée par l'interaction avec TSC2, Beclin 1 et Atg3. L’implication d’UL38 du HCMV, qui est capable de se lier à TSC2, dans l’inhibition de l’autophagie n’est pas établie. De plus, certaines protéines virales peuvent bloquer PKR mais seule la protéine Us11 entraine une inhibition de l’autophagie via PKR.

Il a été récemment mis en évidence des différences dans la régulation de l’autophagie en fonction de l’âge, entre nouveau-né et adulte (Wilcox, Wadhwani et al. 2015). Le BBD d’ICP34.5 ne permet pas d’inhiber l’autophagie dans le cerveau des souriceaux nouveau-nés, contrairement à ce qui se passe dans le cerveau des adultes, et l’autophagie y est induite par une voie indépendante de l’IFN.

HSV-1 est un virus neurotrope qui persiste à vie dans les neurones, en se réactivant régulièrement. Il a été proposé que HSV-1 puisse avoir une influence sur le développement de la maladie d'Alzheimer, car une accumulation de la protéine α-amyloïde a été observée dans les autophagosomes des cellules infectées (Santana, Recuero et al. 2012). Les autophagosomes s’accumulent dans les cellules de neuroblastome infectées par HSV-1 par inhibition de la fusion entre autophagosome et lysosome. Il a été proposé que le blocage de l’autophagie par HSV-1 participe à l’accumulation des agrégats protéiques dans la maladie d’Alzheimer, ce qui pourrait

87

expliquer l’association potentielle entre HSV-1 et pathologies neurodégénératives (Itzhaki, Cosby et al. 2008; Itzhaki and Wozniak 2008) .

iii. Virus de la Varicelle et du Zona (VZV)

Le virus de la varicelle et du zona (VZV ou HHV3), qui appartient à la sous-famille des

Alphaherpesvirinae, induit une réponse autophagique au cours de l’infection dans des

fibroblastes et dans des cellules épithéliales de mélanome. Ces résultats ont été confirmés in

vivo en étudiant des vésicules de zona issues de la peau (Takahashi, Jackson et al. 2009).

L’induction de l’autophagie est due au stress du RE liée à la production excessive des glycoprotéines virales (Carpenter, Jackson et al. 2011). Le niveau d'autophagie induit par le VZV est similaire à celui des modulateurs chimiques de l'autophagie, tels que le tréhalose ou la tunicamycine. Il a été initialement proposé que l’autophagie permette à la cellule d’atténuer le stress causé par l'infection virale Cependant, il a été montré récemment que l’autophagie est bénéfique pour le VZV et que l’inhibition de l’autophagie par la 3MA ou des siRNA diminue le titre viral (Buckingham, Carpenter et al. 2014). En effet, l'autophagie améliore la biosynthèse et le traitement de la glycoprotéine virale gE (Buckingham, Carpenter et al. 2014).

Contrairement au HSV-1, le VZV n’est pas capable d'inhiber l'autophagie. En effet, il ne possède pas d’homologues d’ICP34.5 ou d’US11 et il induit un flux autophagique complet (Buckingham, Carpenter et al. 2014). La constatation que le flux autophagique est maintenu dans les cellules infectées par le VZV suggère que ce processus a un effet proviral important in vivo (Buckingham, Carpenter et al. 2015).

iv. Epstein-Barr virus (EBV)

Le virus d'Epstein-Barr (EBV ou HHV-4) appartient à la sous-famille des Gammaherpesvirinae. Il se réplique dans les cellules buccales et établit sa latence dans les lymphocytes B. Les données sur l’implication de l’EBV dans l’autophagie au cours de la latence sont limitées à deux antigènes viraux, EBNA1 (Epstein-Barr nuclear antigen 1) et LMP1 (Latent Membrane Protein

1). EBV, comme d'autres membres de cette sous-famille, possède deux homologues viraux de

Bcl-2, EB2 et BHRF1, dont on ne sait pas encore s’ils sont capables de contrecarrer l'autophagie (Esclatine and Lussignol 2014).

La protéine LMP1 est une oncoprotéine qui modifie la physiologie des cellules B en raison de sa capacité à contrôler l’autophagie. Des niveaux modérés de LMP1 induisent la prolifération des cellules B, alors que des niveaux élevés contribuent à l’inhibition de la synthèse protéique.

88

L'activation de l'autophagie dépend du niveau de LMP1 ; les cellules avec un faible niveau de LMP1 possèdent de nombreux autophagosomes tandis que les cellules avec des niveaux élevés ont des autolysosomes (Lee and Sugden 2008; Lee, Lee et al. 2009). L’activation de l’autophagie par LMP1 semble impliquer la kinase PERK, une des kinases d’eIF2 (Lee and Sugden 2008). Il semble que la diminution de LMP1 par la dégradation autophagique induit la prolifération des cellules B.

La protéine EBNA1 est un exemple d'antigène endogène présenté par le CMH de classe II, car sa présentation par le CMH de classe I est bloquée. L’autophagie intervient dans cette présentation (Paludan, Schmid et al. 2005). Paludan et al ont montré que le blocage de l'acidification des lysosomes entraine l’accumulation d’EBNA1 dans les autophagosomes et que l’inhibition de l'autophagie conduit à une diminution de la reconnaissance spécifique d’EBNA1 par les lymphocytes T CD4+. En revanche, la présentation par les molécules du CMH des deux autres protéines nucléaires de latence, EBNA2 et EBNA3C, n’utilise pas l’autophagie (Taylor, Long et al. 2006).

Plusieurs études ont récemment montré l’implication de l’autophagie au moment de la réactivation de l’EBV dans les lymphocytes B. Elle a un effet proviral à ce moment-là. Il a été montré que la réactivation de l’EBV entraine une accumulation de LC3 et d’autophagosomes et que la protéine Rta, un facteur de transcription de l’EBV qui permet la transcription de gènes nécessaires à la réactivation, semble impliquée dans cette induction de l’autophagie (Hung, Chen et al. 2014). En effet, l'expression de Rta active aussi la transcription de gènes de l’autophagie, y compris LC3A, LC3B, et ATG9B, ainsi que des gènes impliqués dans la régulation de l'autophagie, comme TNF, IRGM, et TRAIL (Hung, Chen et al. 2014). Cependant, alors que les autophagosomes se forment lors de la réactivation, ils ne fusionnent pas avec les lysosomes, et par conséquent, l'autophagie est en fait inhibée (Granato, Santarelli et al. 2014). Il a été montré que l’inhibition de l'autophagie diminue la réplication virale et que des particules virales ont été observées à l’intérieur des vésicules autophagiques dans le cytoplasme des cellules infectées (Granato, Santarelli et al. 2014). Ces données suggèrent que l'EBV exploite la machinerie autophagique pour son transport en vue d'améliorer sa production virale. L’expression de Zebra stimule l’autophagie dans les cellules EBV négatives mais bloque la maturation des autophagosomes dans les cellules qui possèdent le génome de l’EBV (Granato, Santarelli et al. 2014). Cependant, Huang et al n’avaient à l’inverse observé aucune modulation de l’autophagie après expression de Zebra (Hung, Chen et al. 2014).

Nowag et al. ont confirmé récemment que l'EBV détourne l’autophagie en induisant une autophagie incomplète et qu’il utilise les membranes autophagiques pour l'acquisition de son

89

enveloppe (Nowag, Guhl et al. 2014; Nowag and Munz 2015). L'inhibition de l’autophagie diminue la production de particules infectieuses et conduit à l'accumulation d'ADN viral dans le cytosol alors que la stimulation pharmacologique améliore la production des virus infectieux. La protéine LC3 a été retrouvée dans les particules virales purifiées, ce qui suggère que l'EBV la recrute pour former son enveloppe au niveau du cytosol (Nowag, Guhl et al. 2014; Nowag and Munz 2015).

v. Herpesvirus associé au Sarcome de Kaposi (KSHV)

KSHV ou HHV-8 est un membre de la sous-famille des Gammaherpesvirinae. Ce virus a développé des stratégies pour contrecarrer à la fois l'apoptose et l'autophagie en exprimant deux protéines virales pendant la phase de latence ; un homologue viral de la protéine cellulaire Bcl-2 (vBcl-2) qui se lie à Beclin 1, inhibant l'autophagie, et un homologue viral de FLIP (FLICE-

like inhibitor protein) (vFLIP) qui interagit avec Atg3 pour inhiber la conjugaison de LC3

(Cavignac and Esclatine 2010). La protéine vBcl-2 se lie au domaine BH3 de Beclin 1 pour bloquer la formation des autophagosomes. Contrairement à l'interaction entre le Bcl-2 cellulaire et Beclin 1, qui peut notamment être modulée par la carence nutritionnelle, l’association de vBcl- 2 à Beclin 1 est irréversible, entrainant une répression constante de l'autophagie dans les cellules infectées.

L’inhibition de l’interaction entre vFLIP et Atg3 induit l’autophagie et la mort cellulaire associée à l’autophagie dans les cellules infectées par KSHV in vitro. De la même façon, l’inhibition de vFLIP in vivo induit la régression tumorale. Ceci suggère que vFLIP pourrait prévenir la mort autophagique et cette protéine pourrait être une cible thérapeutique intéressante pour prévenir la formation des tumeurs associées à KSHV.

L’autophagie semble avoir un rôle important dans la pathogénèse de KSHV, puisque pendant la phase latente du KSHV, le stress oncogénique aigu active l'autophagie et bloque le cycle cellulaire, ce qui déclenche un mécanisme de sénescence cellulaire, connu sous le nom d’OIS (oncogene-induced senescence). L’expression de vFLIP bloque l’autophagie et par conséquent limite l’OIS, ce qui facilite la prolifération cellulaire due à KSHV (Leidal, Cyr et al. 2012; Dong and Levine 2013). L’OIS a été décrite comme un mécanisme important qui supprime les tumeurs et limite l’effet des virus oncogènes. Contrairement à ce rôle de l'autophagie en tant que mécanisme de défense anti-KSHV, une autre étude a révélé que l'autophagie peut avoir une fonction pro-virale lors de l'infection par le KSHV. Au cours de la réactivation, l’autophagie

Documents relatifs