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Cette d´efinition pose deux probl`emes de coh´erence, r´esolus par les deux remarques suivantes.

Remarque 3.6. Si f ∈ E+, les deux d´efinitions de son int´egrale par (3.1) et (3.6) co¨ıncident. Pour le voir, notons provisoirement R´etag

fdµ l’int´egrale de f au sens de (3.1) et Rmes+

fdµ celle au sens de (3.6). Pour toute u ∈ E+ telle que u ≤ f, on a par croissance de l’int´egrale des fonctions ´etag´ees (cf. proposition 3.3 iii) l’in´egalit´e R´etag

Remarque 3.7. Pour s’assurer de la coh´erence de la d´efinition deR

Afdµ par (3.7), le lecteur r´esoudra avec profit l’exercice suivant.

Soit A∈F, on note FA:={A∩B; B ∈F}.

a) V´erifier que FA est une tribu sur A (tribu trace). Par construction FA ⊂F, donc la restrictionµA de µ`a FA est bien d´efinie (noter que FA n’est pas une sous-tribu de F). V´erifier que µA est une mesure sur (A,FA).

b) Montrer que pour toutef ∈M+(F), sa restriction fA `aA appartient `a M+(FA) et que

Z

A

fAA = Z

f1Adµ,

la premi`ere int´egrale ´etant comprise au sens de (3.6), appliqu´ee `a l’espace mesur´e (A,FA, µA).

Dans le langage de la th´eorie des probabilit´es, les notations traditionnelles sont un peu diff´erentes de celles utilis´ees ci-dessus.

D´efinition 3.8. Soit (Ω,F) un espace probabilisable. On appelle variable al´eatoire po-sitive sur (Ω,F) toute application X : Ω → R+, mesurable F-Bor(R+). Si P est une mesure de probabilit´e sur (Ω,F), on appelle esp´erance de X sous P, l’int´egrale

EX :=

Z

XdP, au sens de (3.6).

Notons au passage qu’une variable al´eatoire positive n’est pas n´ecessairement une variable al´eatoire r´eelle (elle l’est si +∞∈/ X(Ω), v´erification laiss´ee en exercice).

Proposition 3.9 (Croissance de l’int´egrale). Pour toutes f, g ∈M+, f ≤g ⇒

Z

fdµ≤ Z

gdµ. (3.8)

D´emonstration. C’est une cons´equence imm´ediate de la d´efinition 3.5 et de l’inclusion {u∈E+; u≤f} ⊂ {u∈E+; u≤g}.

Nous abordons maintenant le premier des grands th´eor`emes d’interversion limite int´egrale «R

lim = limR

» qui font toute la puissance de la th´eorie de l’int´egration au sens de Lebesgue.

Th´eor`eme 3.10 (de convergence monotone ou de Beppo Levi). Soit(fn)n∈N une suite croissante dans M+. Alors f := sup

n∈N

fn = lim

n→+∞fn est aussi dans M+ et Z

fdµ= lim

n→+∞

Z

fndµ= sup

n∈N

Z

fndµ. (3.9)

D´emonstration. L’appartenance def `aM+ a d´ej`a ´et´e vue (proposition2.19). Par crois-sance de l’int´egrale (prop.3.9), la suite R

fndµ)n∈Nest croissante dansR+, donc conver-gente dans R+ vers une limite que nous noterons L :

L:= lim

n→+∞

Z

fndµ= sup

n∈N

Z

fndµ. (3.10)

L’in´egalit´e fn ≤ f, vraie pour tout n ∈ N, implique par croissance de l’int´egrale, R

fndµ≤R

fdµ, puis en prenant le supremum sur n (ou par passage `a la limite) : L≤

Z

fdµ. (3.11)

Pour obtenir l’in´egalit´e inverse et achever ainsi la preuve de (3.9), il suffit de montrer que :

∀u∈E+, u≤f ⇒ Z

udµ≤L, (3.12)

en effet en prenant dans (3.12) le supremum sur les u major´ees parf il vient : Z

fdµ= sup Z

udµ; u≤f, u ∈E+

≤L. (3.13)

Preuve de (3.12). Soit u∈E+, u≤f. Fixonsp∈]0,1[ et d´efinissons : An:=

ω ∈Ω; pu(ω)≤fn(ω) .

Grˆace `a la proposition2.17, on sait queAnappartient `a la tribu F. La suite (An)n∈N est croissante pour l’inclusion car si ω∈An, alors pu(ω)≤fn(ω)≤fn+1(ω) par croissance de (fn)n∈N, donc ω ∈ An+1. La r´eunion de la suite (An)n∈N est ´egale `a Ω. En effet pour tout ω ∈Ω,

– ou bien 0< f(ω)≤+∞, alors commeu(ω)≤f(ω) et p <1, on a pu(ω)< f(ω) ; orfn(ω) converge versf(ω), il existe donc unn0 ∈N tel quefn0(ω)> pu(ω), d’o`u ω ∈An0 et ω ∈ ∪

n∈N

An;

– ou bien f(ω) = 0 alors d’une part l’in´egalit´e u ≤ f implique u(ω) = 0 d’o`u pu(ω) = 0 et d’autre part les in´egalit´es 0 ≤ fn ≤ f impliquent pour tout n, fn(ω) = 0 ; dans ce cas,ω appartient `a tous les An donca fortiori `a leur r´eunion.

Nous venons ainsi de v´erifier que :

An ↑Ω, dans F. (3.14)

Nous disposons des in´egalit´es suivantes :

∀ω ∈Ω, pu(ω)1An(ω)≤fn(ω)1An(ω)≤fn(ω), (3.15) en effet si ω ∈An, 1An(ω) = 1 et la premi`ere in´egalit´e r´esulte de la d´efinition de An, si ω ∈Acn,1An(ω) = 0 et (3.15) se r´eduit `a 0≤0≤fn(ω). R´e´ecrivant (3.15) sous la forme

pu1An ≤ fn1An ≤ fn d’une in´egalit´e entre fonctions appartenant `a M+ , on en d´eduit par croissance de l’int´egrale :

Z retenons de ces in´egalit´es vraies pour tout n, que

∀n ∈N, p Z

An

udµ≤L. (3.16)

Cette in´egalit´e peut encore s’´ecrire pν(An)≤L, en introduisant la fonction d’ensembles ν : B 7→ν(B) :=R

Budµ. Par le lemme 3.4, ν est une mesure sur (Ω,F). Sa continuit´e croissante s´equentielle et (3.14) nous donnent alors la convergence ν(An) ↑ ν(Ω) = R

udµ. Faisant tendre n vers l’infini dans (3.16) on obtient ainsi : p

Z

udµ≤L. (3.17)

Jusqu’ici, nous avons travaill´e avec p fix´e, mais quelconque dans ]0,1[. L’ensemble An

d´ependait de p, mais nous venons de l’´eliminer. L’in´egalit´e (3.17) est donc vraie pour tout p ∈]0,1[ et on peut y faire tendre p vers 1 (par valeurs inf´erieures) pour obtenir finalement

Z

udµ≤L.

Comme les seules hypoth`eses faites sur u pour aboutir `a ce r´esultat ´etaient u ∈ E+ et u≤f, ceci ´etablit (3.12) et ach`eve la preuve du th´eor`eme.

Corollaire 3.11 (homog´en´eit´e et additivit´e de l’int´egrale dansM+). Pour toutes fonctions f, g∈M+ et toute constante c∈R+,

D´emonstration. Le cas c <+∞ dans le a) est une cons´equence imm´ediate de la d´ efini-tion 3.5 et de la proposition 3.3 i) et ne requiert pas le th´eor`eme de Beppo Levi. Pour traiter le casc= +∞, posons fn :=nf. La suite (fn)n∈N est croissante dans M+. Sa

fdµ grˆace `a nos conventions sur la multiplication dans R+. Finalement on a bien R

(+∞)×fdµ= (+∞)×R

fdµ.

Pour prouver le b), le th´eor`eme 2.23nous fournit deux suites croissantes (un) et (vn) dans E+ convergentes vers f etg respectivement. Clairement la suite (un+vn) est alors croissante dans E+ et converge vers f +g. Par additivit´e de l’int´egrale des fonctions

´

Une triple application du th´eor`eme de Beppo Levi nous donne quandntend vers l’infini : Z ce qui permet de conclure par passage `a la limite dans (3.18).

Corollaire 3.12 (Interversion s´erie-int´egrale dans M+). Soit (fk)k∈N une suite dans M+. La fonction

L’application sn est mesurable positive comme somme d’un nombre fini d’applications mesurables positives. La suite (sn) converge en croissant (dans R+) vers s. L’additivit´e de l’int´egrale vue au corollaire 3.11 b) pour la somme de deux ´el´ements deM+ s’´etend imm´ediatement `a la somme d’un nombrefini quelconque de termes dansM+, d’o`u

∀n≥1,

sdµ. Ainsi le premier membre de (3.20) converge vers celui de (3.19). D’autre part, R croissante donc convergente dans R+ et sa limite est P+∞

k=0

R

fkdµ. Le second membre de (3.20) converge ainsi vers celui de (3.19). L’´egalit´e (3.20) ´etant vraie pour toutn≥1 nous donne donc l’´egalit´e (3.19) par passage `a la limite.

Corollaire 3.13 (Lemme de Fatou). Si (fn)n∈N est une suite dans M+,

D´emonstration. Posonsg := lim infn→+∞fn. Par d´efinition de la limite inf´erieure,

converge en croissant vers g. Par le th´eor`eme de Beppo Levi, on a donc Z

Nous ne savons pas si le second membre de (3.23) a une limite quandn tend vers l’infini, mais par contre sa limite inf´erieure existe toujours. On peut ainsi passer `a la limite inf´erieure dans (3.23), ce qui nous donne par conservation de l’in´egalit´e large :

lim inf

Par (3.22), on sait que la limite inf´erieure du premier membre de (3.24) est en fait une limite et vaut :

Remarque 3.14. Voici un exemple simple qui peut servir `a m´emoriser le sens de l’in´ ega-lit´e dans le lemme de Fatou et `a montrer que celle-ci peut ˆetre stricte. Prenons Ω = R,

Il est clair que lim inffnest la fonction identiquement nulle surR, d’o`uR

Rlim inffndλ= 0. D’autre part l’int´egrale de fonction ´etag´eeR

Rfndλvautλ([0,1]) pournpair etλ(]1,2]) pour n impair, donc pour tout n, R

Rfndλ = 1 et la suite constante (R

Rfndµ) a pour limite inf´erieure 1. Finalement sur cet exemple nous avons

0 =

Remarque 3.15. Une lecture rapide de la d´emonstration du lemme de Fatou pourrait laisser l’impression qu’elle s’adapte avec les limites sup´erieures au lieu des limites inf´ e-rieures. Il n’en est rien. En ´ecrivanthn := supk≥nfk, on voit imm´ediatement quefn≤hn,

d’o`u R

fndµ ≤ R

hndµ et par conservation de l’in´egalit´e large lim supR

fndµ ≤ lim supR

hndµ. La deuxi`eme partie de la preuve s’adapte ainsi facilement. Par contre la premi`ere partie ne fonctionne plus. En effet hn converge en d´ecroissant vers h = lim supfn et nous n’avons pas de th´eor`eme de Beppo Levi pour les suites d´ecroissantes.

Il n’est donc plus possible d’identifier lim supR

hndµcomme R

hdµ.

Remarque 3.16. Le fait que lapreuve du lemme de Fatou ne s’adapte pas aux limites sup´erieures n’interdit pas l’existence d’une in´egalit´e analogue pour les limites sup´erieures.

La confrontation des deux exemples suivants montre qu’il faut renoncer d´efinitivement

`

a l’id´ee d’un lemme de Fatou pour les limites sup´erieures. Le premier est celui de la remarque 3.14, o`u lim supfn=1[0,2] et

1 = lim sup Z

R

fndλ <

Z

R

lim supfndλ= 2.

Le second exemple est sur le mˆeme espace mesur´e, la suite (gn) de fonctions ´etag´ees d´efinies par gn := 1n1[0,+∞[. Clairement lim supgn = 0 d’o`u R

Rlim supgndλ = 0. Par contre, R

Rgndλ = +∞ pour tout n, d’o`u lim supR

Rgndλ = +∞. Contrairement au premier exemple, nous avons ici

0 = Z

R

lim supgndλ <lim sup Z

R

gndλ= +∞.