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Chapitre 2. Recension des écrits

2.1. Fondements conceptuels de l’intégration

2.1.1. Intégration selon les finalités poursuivies

Les TdeS aspirent à répondre à trois finalités majeures. Il peut s’agir de mettre en œuvre des structures organisationnelles plus efficientes, optimiser les mécanismes de production des soins et/ou accroître la cohérence des pratiques de gouvernance (Fleury et Ouadahi, 2002).

Mettre en œuvre des structures organisationnelles plus efficientes : Les réformes des systèmes de santé ont souvent misé sur les changements de structures, entre autres par des mécanismes de fusion, ceci afin d’assurer une meilleure intégration des soins et services (Lamothe, 2002; Turgeon, Anctil et Gauthier, 2005).

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Trois principales modalités d’intégration ont été répertoriées : verticale, horizontale ou virtuelle (Conrad et Shortell, 1996). L’intégration verticale correspond à un système hiérarchique de distribution des services dans lequel une même organisation dispense et coordonne (sous une même gouverne) une gamme de services interdépendants (ayant des missions diverses) à différents niveaux de la chaine de production (Howard, Howard, Fassbender, McCaffrey et Thornley, 2000; Shortell, Gillies, Anderson, Erickson et Mitchell, 2000b). Le mode d’organisation des services, issu de la réforme de la santé en 2003, qui a consisté à créer des Centres de santé et de services sociaux (CSSS) par le regroupement des centres hospitaliers (CH), des centres locaux de santé communautaire (CLSC) et des centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) au Québec, en est un exemple (Association des CLSC et des CHSLD du Québec, 2004). Cette forme d’intégration permet l’établissement de TdeS entre les divers niveaux de la chaîne de production. Elle implique la consolidation de mécanismes de collaboration interprofessionnelle et interorganisationnelles, ce qui favorise l’articulation d’une réponse intégrée aux besoins, permettant d’éliminer les « silos » et de réduire la fragmentation et la discontinuité des services (Leatt, 2002b). L’intégration horizontale correspond plutôt à un système coordonné de services qui s’appuie sur des structures qui sont à un même palier de la chaine de production ou de soins (même secteur d’activités ou de mission) dans le but d’atteindre des rendements d’échelle (Leatt, 2002a). La fusion des hôpitaux ayant une vocation similaire ou encore la standardisation des pratiques offertes par des CLSC d’un même territoire en sont des exemples. L’intégration virtuelle réfère, pour sa part, à un arrangement selon lequel des organisations structurellement indépendantes se regroupent en réseaux et coordonnent leurs actions afin d’offrir des services diversifiés et continus sans

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nécessairement se doter d’une gouverne commune (Aucoin, 2004; Aucoin, 2005; Shortell, Gillies, Anderson, Erickson et Mitchell, 2000b).

Toutefois, plusieurs travaux indiquent que des changements exclusivement structurels n’impliquent pas forcément des modifications dans les processus organisationnels et, le plus souvent, ne se traduisent pas par des changements importants dans les pratiques organisationnelles ou professionnelles (Denis, 2002) ou la performance des organisations (Lamarche, 2011; Rousseau et Cazale, 2007; Shortell, Gillies, Anderson, Erickson et Michell, 2000). Plusieurs études ont aussi montré que certaines expériences de fusion entre établissements ont eu pour effets de démobiliser le personnel, provoquer un choc des valeurs, déstabiliser les expertises acquises et, en fin de compte, contribuer à une réduction plutôt qu’à une augmentation de la performance dans les établissements fusionnés (Bourque, 2004; Richard, 2005; Rousseau et Cazale, 2007). Ces limites expliquent en partie ce qui rend les fusions ou les démarches d’intégration des structures politiquement impopulaires (Rousseau et Cazale, 2007).

Optimiser les mécanismes de production des soins : Cette finalité consiste à la mise en place de modalités favorisant la prise en charge globale des patients (Cazale, Touati et Fleury, 2007). Selon Contandriopoulos, Denis, Touati, et Rodriguez (2001), elle se reflète principalement via un système clinique, composé de l’intégration des soins, l’intégration des équipes cliniques et l’intégration normative. Ces diverses formes d’intégration centrées sur les professionnels et leurs pratiques misent sur un ensemble de mécanismes qui touchent la circulation optimale de l’information entre les acteurs, les modes d’organisation du travail, les processus de socialisation et de régulation des professionnels, le suivi de la qualité

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(Contandriopoulos, Denis, Touati et Rodriguez, 2001). Elles consistent à dispenser des soins coordonnés et articulés entre les professionnels concernés en fonction des problèmes de santé et des besoins des personnes et à s’assurer que les services fournis par différents professionnels partenaires, dans différents lieux, soient reliés entre eux (Contandriopoulos, Denis, Touati et Rodriguez, 2001). La pratique collaborative qui en découle fait référence à la mise en commun des compétences des différents prestataires de soins et fait appel aux notions de multidisciplinarité et d’interdisciplinarité (Glendinning, 2003). Ces notions rejoignent de près « l’intégration médicale » identifiée dans les écrits de Shortell, Gillies, Anderson, Erickson et Mitchell (2000b). Ce type d’intégration s’actualise dans la mesure où les médecins et les systèmes de prestation organisés auxquels ils sont associés s'accordent sur les buts et les objectifs du système et travaillent ensemble pour atteindre des objectifs mutuellement partagés. Ces auteurs présentent aussi « l’intégration clinique » et la définissent comme la dispensation de services de soins aux patients qui soient coordonnés entre les personnes, les fonctions, les activités et les lieux au cours du temps afin de maximiser la valeur des services fournis aux patients. L’intégration normative fait référence au développement d’une vision partagée et d’une compréhension mutuelle de l’organisation des services entre les acteurs (Cazale, Touati et Fleury, 2007). Elle vise à s’assurer qu’il y a cohérence entre les valeurs du système et celles des acteurs et que les modalités d’organisation et de régulation du système de soins se reflètent effectivement dans les pratiques (Contandriopoulos, Pouvourville, Poullier et Contandriopoulos, 2000).

Accroître la cohérence des pratiques de gouvernance : Cette finalité est souvent examinée dans les écrits en termes d’intégration fonctionnelle ou administrative et fait référence

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aux conditions incitant les acteurs à coopérer et coordonner leurs services afin de répondre à l’ensemble des besoins des patients (Cazale, Touati et Fleury, 2007 ; Contandriopoulos, 2008). Elle fait ainsi appel à des fonctions de soutien à la coordination des activités, touchant un vaste ensemble de systèmes: système de gestion (ensemble des règles qui définissent comment les ressources, le pouvoir, les responsabilités et les fonctions sont distribués), système de financement (incitations économiques), système d’information (mode de transmission de l’information et de communication, technologie), système de gestion des ressources humaines (dotation, compétences), ainsi que le système normatif de représentation de valeurs et de principes (Contandriopoulos, Denis, Touati, et Rodriguez, 2001; Rico, Saltman et Boerma, 2003). Shortell, Gillies, Anderson, Erickson et Mitchell (2000b) précisent que ces principales fonctions et activités de soutien sont coordonnées entre les unités opérationnelles pour ajouter une plus grande valeur globale au système.

La démobilisation des ressources humaines, l’absence de soutien financier et/ou l’octroi de ressources limitées, tout comme le manque de confiance, de vision claire du projet, de leadership, de formation requise à l’accomplissement des rôles et d’engagement des acteurs, ont été identifiés comme autant de facteurs susceptibles de compromettre la réalisation de cette intégration fonctionnelle (Arthur, Suskin, Bayley et al, 2010; Bratcher et Bello, 2011; Burns et Pauly, 2002; Minott, Helms, Luft, Guterman et Weil, 2010). Dans une vaste recension des écrits, Levesque, Feldman, Dufresne, Bergeron et Pinard (2007) ont relevé divers obstacles à la création de cette capacité de gouvernance: l’absence d’infrastructures informationnelles, l’absence de structures servant à l’établissement de guides de pratique et de protocoles pouvant être adoptés dans divers contextes cliniques, un manque de couverture des services

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multidisciplinaires et d’organisation relative à la gestion des maladies chroniques en première ligne ou encore un manque de culture d’évaluation de la performance et de la rétroaction favorisant la qualité des soins.

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