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Les instruments à trame pointée

CHAPITRE 3. LES INSTRUMENTS À TRAME POINTÉE

3.3 Instruments dérivés d’un spectromètre à barrette

Comme nous l’avons mentionné en introduction aux instruments à trame pointée, le cas des instruments dérivés d’un spectromètre à barrette est plus problématique, car une paral- lélisation spatiale à deux dimensions risque fort de créer un recouvrement entre l’information spectrale et spatiale.

3.3.1 Juxtaposition d’images monochromatiques

Ce recouvrement entre l’information spectrale et spatiale n’a pas lieu si les longueurs d’onde sont suffisamment peu nombreuses et bien séparées spatialement par le spectrographe pour que l’on puisse faire différentes images spectrales de la scène non recouvrantes. C’est ce qui se passe dans les instruments qui utilisent des lames dichroïques (Tanikawa et al., 2000) ou des composants équivalents, comme des séparatrices (Harvey et Fletcher-Holmes, 2003) ou des matrices de micro-lentilles (Shogenji et al., 2004), associées à des filtres passe-bande. Si le spectre de la source est un spectre de raies, on peut même utiliser un élément dispersif en supprimant la fente d’entrée. Ce spectre de raies peut être dû à la source elle-même (par exemple des raies d’émission), ou bien être créé artificiellement (par l’adjonction d’un filtre à bandes multiples, Chalabaev et al., 2002).

Ces instruments permettent l’acquisition immédiate de l’ensemble de la scène, à la fois résolue spatialement et spectralement, mais cela se fait au détriment du nombre de bandes spectrales, rarement supérieur à une quinzaine.

3.3.2 Juxtaposition de spectres individuels

Réciproquement, si les points de la scène à observer sont suffisamment peu nombreux et éloignés, il est possible d’étaler le spectre de chacun de ces points sans qu’ils se chevauchent. C’est une solution utilisée en astronomie, que ce soit simplement en observant des objets lumineux ponctuels sur un fond de ciel uniforme, ou par échantillonnage du champ : une matrice de micro-lentilles est placée au foyer du télescope ; en raison de la faible ouverture de ce dernier, une imagerie pupillaire permet d’obtenir une distribution de petites taches lumineuses (les images de la pupille par les micro-lentilles) nettement séparées les unes des autres. Ce plan où se forment ces points lumineux est le plan d’entrée du spectrographe, qui étale spectralement tous ces points sans que les spectres ne se croisent, comme le montre la figure 3.5.

Sans aller jusqu’à de si complexes appareils, c’est aussi ce que font les caméras couleurs les plus usuelles, avec une mosaïque de filtres placée contre la rétine. Près d’une dizaine de bandes spectrales peuvent ainsi être mesurées (Hamid Muhammed et Bergholm, 2005), mais probablement guère plus. Ces caméras ont aussi le défaut que les images prises aux différentes longueurs d’onde ne sont pas superposées, mais légèrement décalées.

3.3.3 Spectrographes à fente longue : disséqueurs d’image et matrices de fibres

Il existe une troisième méthode pour éviter le recouvrement entre image et spectre. Cette méthode, très appréciée en astronomie, exploite le fait que le recouvrement n’a lieu que dans

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Fig. 3.5 – Principe de la spectro-imagerie par inversion champ-pupille et spectrographe dis- persif : une matrice de micro-lentilles permet d’échantillonner l’image spatiale de la scène. Un élément dispersif forme ensuite le spectre de ces points (source : schéma de l’ins- trument TIGER du Télescope Franco-Canadien de Hawaï, disponible en juillet 2007 sur www.cfht.hawaii.edu/Instruments/Spectroscopy/OASIS).

une seule direction : c’est ce qui permettait aux instruments à champ linéaire défilant d’ac- quérir simultanément l’information spectrale et l’information spatiale sans les mélanger. Il est vrai que ces derniers ne faisaient à chaque instant que l’image d’une ligne de la scène. Mais, après discrétisation, il n’y a plus de différence formelle entre une image à une dimen- sion et une image à deux dimensions : il suffit de réarranger en ligne les points de l’image bi-dimensionnelle. C’est exactement ce principe qui est mis en œuvre par les disséqueurs d’image d’une part, et par les matrices de fibres d’autre part. Un disséqueur d’image7 est un miroir formé de plusieurs surfaces oblongues superposées, légèrement tournées les unes par rapport aux autres (voir la figure 3.6). Ce miroir étant placé au niveau d’un plan image, l’image est donc découpée en bandes horizontales superposées. De par la forme du miroir, chacune de ces bandes est déviée différemment horizontalement (et éventuellement verti- calement), de sorte que, dans le plan image suivant, ces bandes images se retrouvent côte à côte, et non plus les unes au-dessus des autres, et forment la longue fente d’entrée d’un spectrographe dispersif. Dans le langage de l’astronomie, on dit alors que l’on fait de la spectroscopie intégrale de champ.

Un autre moyen d’obtenir ce réarrangement du champ est de placer dans un plan image une matrice de fibres, que l’on peut d’ailleurs faire précéder d’un système de micro-lentilles similaire à celui décrit au paragraphe précédent. Il est alors relativement aisé de s’arranger pour que les sorties des fibres soient toutes alignées. Les fibres peuvent réaliser un échan- tillonnage « continu » du champ, mais ce n’est pas toujours le cas, si la position des entrées

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des fibres sont indépendantes entre elles8; on parle alors de spectrographe à éléments mul- tiples9.

Fig. 3.6 – Principe d’un disséqueur d’image (source : d’après Content et al., 2000).

3.3.4 Spectrotomographes

Jusqu’à présent, nous avons cherché à dissocier le contenu spatial et spectral de la scène, d’où l’impossibilité d’étendre le montage avec un réseau à deux dimensions. Mais pourquoi ne pas conserver ce multiplexage de l’information spectrale et l’information spatiale ? Nous avons suffisamment vu que le multiplexage n’interdisait pas in fine de retrouver la sépara- tion de l’information, bien au contraire, à condition de pouvoir modifier les proportions du mélange pour être capable de résoudre le problème inverse. C’est ce que fait la spectroto- mographie10, ainsi que la spectro-imagerie d’Hadamard, que nous traiterons au paragraphe

8cet échantillonnage lacunaire est aussi possible avec des petits miroirs placés aux points intéressants du

champ, et qui forment en quelque sorte un disséqueur d’image « éclaté », mais ce dispositif est moins courant (Cuby et al., 2005)

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suivant.

La tomographie est une technique d’imagerie en volume consistant à mesurer la pro- jection de l’objet dans différentes directions. L’emploi de ce nom pour l’imagerie spectrale se comprend facilement en se représentant un objet spectral, donc à deux dimensions spa- tiales et une spectrale, comme un objet à trois dimensions spatiales. Lorsque cet objet est vu à travers un système d’imagerie dans lequel a été inséré un réseau, l’image qui se forme est la superposition des images monochromatiques de l’objet, décalées dans la direction de dispersion du réseau, comme il est représenté sur la figure 3.3. Or cette image peut être interprétée comme la projection de l’objet « cube », dans une direction qui dépend à la fois de la dispersion du réseau et de son orientation ; changer cette dernière revient à tourner autour de l’objet tridimensionnel (figure 3.7).

Fig. 3.7 – Effet d’une rotation du réseau du montage de la figure 3.3

L’utilisation de prismes dits à vision directe, c’est-à-dire à déviation nulle pour une lon- gueur d’onde (voir la section 2.1), permet de conserver les différentes images centrées sur l’axe optique, ce qui évite l’utilisation de très grands plans focaux (Mooney et al., 1997). Par contre, si ces derniers sont disponibles, il est possible d’obtenir les diverses projections simultanément, en combinant plusieurs éléments dispersifs (Descour et Dereniak, 1995).

Ce type de montage est illustré par la figure 3.8. Pour simplifier la lecture de ces dessins, nous nous sommes limité à un objet constitué de deux points lumineux, le premier (au centre du champ) à la fois rouge et bleu, le second (un peu décalé vers le bas) uniquement bleu, ainsi qu’il apparaît symboliquement sur le schéma noté (b).

Le schéma du haut représente le système complet. L’objet est tout d’abord envoyé à l’infini par une optique de collimation : chaque point de l’objet devient donc une direction de pro- pagation. C’est ce que signifie le schéma (c). Vient ensuite un premier réseau de diffraction, aux traits verticaux, que nous supposons diffracter uniquement dans les ordres 0, +1 et -1. Pour chaque direction incidente, le réseau donne naissance à deux autres directions de pro- pagation, en plus de l’ordre 0. La déviation étant d’autant plus importante que la longueur d’onde est faible, nous obtenons la décomposition en ondes planes figurée sur le schéma (d). Ce réseau est éventuellement suivi d’autres réseaux, orientés différemment : sur l’exemple de la figure 3.8, nous avons choisi de placer un second réseau, aux traits horizontaux. L’effet est semblable au premier réseau, exceptée l’orientation de la dispersion. Le résultat est présenté sur le schéma (e). Enfin, un détecteur matriciel placé au foyer d’un objectif permet de me- surer la direction des différents rayons. Le schéma (f) représente l’éclairement du détecteur : chacun des deux réseaux diffractant la lumière dans trois ordres, nous obtenons neuf images

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les unes à côté des autres. Si nous comparons ces neuf images avec notre objet vu comme un « objet-cube » à trois directions spatiales (schéma (g)), nous constatons que les images mesurées correspondent bien aux projections de cet « objet-cube » dans les directions don- nées par l’orientation des réseaux.

Fig. 3.8 – Application de la tomographie à la spectro-imagerie. (a) : le montage utilisé ; (b) : la scène ; (c), (d), (e) : directions des rayons après le collimateur (c), le premier réseau (d), le second réseau (e) ; (f ) : l’image obtenue sur le détecteur ; (g) : la scène représentée en trois dimensions, avec les axes de projection.

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3.3.5 Spectro-imageurs d’Hadamard

Les spectro-imageurs par transformée d’Hadamard utilisent un montage proche de celui de la spectro-tomographie, mais, au lieu d’avoir un réseau tournant, ils utilisent un masque spatial pour sélectionner des points de l’objet, comme le montre la figure 3.9.

Pour une longueur d’onde fixée, un point du détecteur ne reçoit de la lumière que d’un seul point de l’objet. Ainsi, masquer un point de la source revient à supprimer une et une seule longueur d’onde pour chaque détecteur11 : on est donc dans la situation décrite à propos de la spectrométrie par multiplexage binaire (page 11), avec cette différence que plusieurs points de la scène contribuent au spectre que voit chaque détecteur, chacun à une longueur d’onde (voir la figure 3.9).

Le codage n’a lieu d’être que dans la direction de la dispersion, c’est pourquoi les masques sont fréquemment formés par la juxtaposition de fentes (Wuttig et Riesenberg, 2002). Comme en spectrométrie d’Hadamard, le choix d’un motif cyclique simplifie le mon- tage, puisqu’il suffit alors de déplacer le masque perpendiculairement aux franges. Mais d’une part rien n’impose que le codage soit simultanément le même pour toutes les lignes de l’objet (Mende et Claftin, 1997), et d’autre part les masques sont de plus en plus formés de matrices de micro-miroirs (Smith et al., 2002), ce qui permet de s’affranchir plus facilement des masques cycliques.

Fig. 3.9 – Spectro-imageur par transformée d’Hadamard

Remarquons que ce montage est celui d’un spectro-imageur avec un élément dispersif à champ linéaire défilant : dans ce dernier, le masque spatial est constitué d’une fente unique, ce qui limitait fortement le flux12. Cette analogie entre les deux montages suggère l’utilisation

d’un spectro-imageur d’Hadamard en mode à défilement, c’est-à-dire avec un masque fixe,

11bien que cette longueur d’onde ne soit pas la même pour tous les détecteurs 12

l’autre extrême est de choisir un masque entièrement transparent, exceptée une fente opaque (Guern et al., 2003). Cependant, si effectivement le flux mesuré est considérablement augmenté, il n’est absolument pas évident que cela se traduise par une amélioration du rapport signal à bruit sur l’estimation du spectre, comme nous le détaillons dans l’annexe A.

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dont le mouvement est remplacé par le défilement de l’image, toujours bi-dimensionnelle. Ce mode d’acquisition, qui est le mode à trame défilante, n’est cependant pas utilisable avec ce spectro-imageur d’Hadamard (du moins tel que nous l’avons décrit), car chaque mesure, et donc chaque nouvelle équation, s’accompagnerait de l’apparition de nouveaux éléments spatiaux, donc de nouvelles inconnues. Nous reviendrons au chapitre suivant (chapitre 4) sur cette remarque.

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Instruments utilisant des détecteurs spectralement dis-