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Choix du concept de spectro-imagerie par transformée de Fourier statique à grande étendue

Choix du concept instrumental

CHAPITRE 1. CHOIX DU CONCEPT INSTRUMENTAL

1.3 Choix du concept de spectro-imagerie par transformée de Fourier statique à grande étendue

1.3.1 Raisons de ce choix

Le bilan radiométrique que nous venons d’établir a fait apparaître assez nettement que le bruit poissonnien associé au signal n’est pas le bruit prédominant. Autrement dit, nous sommes dans des conditions favorables à une mesure multiplexée, ce que nous décidons donc de faire. Précisons immédiatement que la motivation de ce choix étant d’accroître le signal mesuré, il exclut de fait tous les systèmes dont le mode d’acquisition spatial est de type monopoint ou à champ linéaire défilant qui, multiplexés ou non, ne sauraient augmenter le flux total entrant dans l’instrument. Le nombre de détecteurs ne permettant pas d’autre part de mesurer directement plus de signal que ce qui était fait dans le bilan radiométrique du paragraphe précédent, le multiplexage est bien la seule solution dont nous disposons.

Il s’agit ensuite de décider si les variables à multiplexer seront les variables spatiales ou la variable spectrale. La réponse à cette question est vite tranchée. En effet, pour pouvoir être inversé sans information a priori, le multiplexage demande de faire au moins autant de mesures qu’il y a de données multiplexées, ce qui interdit qu’entre deux mesures de nou- velles données soient introduites. Si ces données multiplexées sont des données spatiales, cette condition se traduit par la nécessité de conserver exactement le même champ de vue entre plusieurs mesures. Or ceci est fort difficile à obtenir dans des conditions aéroportées telles que celles envisagées4 : il ne reste donc que la variable spectrale qui puisse être mul- tiplexée.

Des spectromètres multiplexeurs, nous avons vu au premier chapitre de cette thèse qu’il n’en existe pratiquement que deux familles, celle des spectromètres par transformée de Fou- rier et celle des spectromètres par transformée d’Hadamard, toutes deux compatibles avec les modes d’acquisition à trame pointée et à trame défilante. Toutes deux sont aussi suscep- tibles de bénéficier de l’avantage multiplex, comme nous le détaillons dans l’annexe A. La transformation d’Hadamard est d’ailleurs meilleure que celle de Fourier du point de vue du rapport signal à bruit, au moins sous les hypothèses formulées en annexe. Pourtant, nous nous sommes tournés vers la spectroscopie par transformée de Fourier, et non vers la spec- troscopie par transformée d’Hadamard. Ce choix est motivé principalement par des raisons de simplicité de montage : un spectro-imageur par transformée d’Hadamard demande l’em- ploi de deux réseaux de diffraction et de trois systèmes d’imagerie (pour un objet à l’infini, voir la figure 3.4 de la page 33), tandis qu’un spectro-imageur à transformée de Fourier se contente d’un seul système d’imagerie et d’un interféromètre. Bien sûr, il est possible d’ima- giner des combinaisons optiques astucieuses pour n’avoir en effet qu’un seul réseau, dans le même esprit par exemple que le montage décrit par Swift et al. (1976), mais il n’en reste pas moins qu’un spectro-imageur par transformée d’Hadamard est un système complexe, et l’atout de la simplicité en est un de poids pour les systèmes infrarouges, surtout lorsqu’on n’exclut pas de les refroidir.

Tous les arguments que nous venons d’expliquer amènent donc à opter pour un spectro- imageur à transformée de Fourier, et il ne reste alors plus qu’à déterminer s’il fonctionnera en mode à trame pointée ou à trame défilante. Le premier mode permet une haute résolution

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spectrale, puisqu’elle est fixée par l’amplitude de balayage du (ou des) miroirs mobiles. Cependant, non seulement cet avantage n’est pas utile à notre mission, mais il s’accompagne en plus de trois difficultés. La première est qu’avoir une pièce mobile est peu compatible avec un instrument refroidi, ce qui pourrait se révéler nécessaire. La deuxième difficulté concerne la stabilisation de l’instrument, la surface au sol observée devant être la même pendant un long temps, malgré l’avancée du porteur. La stabilisation est aussi à l’origine de la troisième difficulté. En effet, la progression du champ de vue « par sauts » impose de prévoir un certain délai pour passer d’une zone observée au sol à la suivante. De plus, pour être sûr que ces zones ne sont pas disjointes, elles doivent se recouvrir partiellement. Ces deux raisons font que la durée totale d’observation utile est réduite, et que la fréquence d’acquisition doit être plus élevée. Ceci nous a fait préférer le spectro-imageur à transformée de Fourier statique à grande étendue, qui ne souffre de pas une de ces difficultés, et qui permet d’atteindre les résolutions spectrales espérées. En revanche, la physique de formation des images est un peu plus complexe, comme nous le verrons au troisième chapitre de cette partie.

1.3.2 Rappel du principe du spectro-imageur à transformée de Fourier statique à grande étendue

Il n’est sans doute pas superflu de rappeler brièvement le principe de fonctionnement d’un spectro-imageur à transformée de Fourier statique à grande étendue. Au cœur d’un tel instrument se trouve un interféromètre créant des franges rectilignes dans leur plan de loca- lisation. Ce peut être par exemple un interféromètre à décalage latéral, ou un interféromètre de coin d’air (figure 1.6, schéma (a)). On place alors en amont de l’interféromètre un système optique conjugant l’objet au plan de localisation. Conjuguer dans le plan de localisation as- sure que les images de l’objet par les deux voies de l’interféromètre sont confondues5 : on a bien dans le plan de localisation l’image géométrique de l’objet (figure 1.6, schémas (b) et (c)). Mais le fait d’être dans le plan de localisation garantit aussi que la différence de marche entre les deux voies de l’interféromètre est unique pour chaque point de ce plan6, dans lequel nous plaçons le détecteur matriciel. Évidemment, si le plan de localisation n’est pas accessible, on peut dans ce cas utiliser un second système optique en aval de l’interfé- romètre, conjugant le plan de localisation au détecteur. Le principe de Fermat assure que la différence de marche est conservée lors de la conjugaison entre ces deux plans. Dans tous les cas, le résultat est qu’un point du détecteur voit un unique point de l’objet à travers une différence de marche bien précise (figure 1.6, schéma (d)).

Si maintenant l’objet se déplace perpendiculairement à la direction des franges (que l’on a supposées rectilignes), l’image d’un point de cet objet va aussi se déplacer dans le plan de localisation, et va traverser les franges : autrement dit, il va passer par tous les états d’interférences. En suivant le déplacement de ce point, on mesure son interférogramme, d’où on en déduit son spectre. Pour une mesure aéroportée, le déplacement de l’objet est assuré par le mouvement du porteur : l’instrument ne nécessite donc aucune pièce mobile.

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si elles ne l’étaient pas, cela signifierait que les rayons émergents issus d’un même rayon incident ne se croiseraient pas dans le plan de l’image, qui ne pourrait donc être le plan de localisation

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c’est la définition du plan de localisation : dans ce plan, les franges d’interférences ne se brouillent pas –ou très peu– lorsqu’on étend la source

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Fig. 1.6 – Principe de la spectro-imagerie par transformée de Fourier statique à grande éten- due avec un interféromètre de Mach-Zehnder modifié. En (a), l’interféromètre seul : éclairé par une source de luminance constante, des franges d’interférences rectilignes se forment dans le plan de localisation. On rajoute ensuite un système d’imagerie entre l’objet et le plan de localisation. Les images géométriques de l’objet par la voie 1 (b) et par la voie 2 (c) sont superposées, mais elles présentent entre elles des différences de marche qui se traduisent en franges d’interférences se superposant à l’image (d).

1.3.3 Bilan radiométrique pour un spectro-imageur à transformée de Fourier statique à grande étendue

Après avoir conclu en faveur d’un spectro-imageur à transformée de Fourier statique à grande étendue, il est intéressant de reprendre le bilan radiométrique pour vérifier l’améliora- tion par rapport à une mesure directe, qui était notre argument en faveur du multiplexage. Il va de soi que cette comparaison n’a de sens que si sous gardons les mêmes hypothèses, résumées dans le tableau 1.1 et dans le paragraphe 1.2.1.

Pour évaluer correctement le rapport signal à bruit sur notre estimation du spectre, il est nécessaire de passer par une simulation de l’interférogramme, puisque c’est lui qui constitue réellement notre mesure. Le nombre de points de l’interférogramme est égal au nombre Nx de lignes de la matrice de détecteurs, le temps d’intégration élémentaire est fixé selon les

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bande III. De ces courbes, on peut souligner quelques faits remarquables. Le premier est que, dans les deux bandes, c’est maintenant le bruit de photons la source principale de bruit, ce qui n’est pas surprenant, parce que le principe du multiplexage consiste à augmenter fortement le flux collecté. Il l’est d’ailleurs à tel point que, en bande III, nous sommes obligés de réduire le temps d’intégration à 730 µs, au lieu de 1, 6 ms pour la mesure directe. Dans ces conditions, l’avantage multiplex est pratiquement annihilé : c’est ce qu’on observe effectivement en comparant la dernière courbe de la figure 1.8.

Par contre, en bande II, l’intérêt du multiplexage est réel, le gain étant d’un facteur deux par rapport à la mesure directe7, ce qui nous confirme l’orientation choisie vers un spectro- imageur à transformée de Fourier.

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Notons que ce gain est approximativement le même sur toute la bande spectrale. Ceci vient du fait que, en mesure par transformée de Fourier, l’hypothèse d’un bruit décorrélé d’un point à l’autre de l’intérférogramme se traduit au niveau du spectre par un bruit blanc, et, en mesure directe, le bruit était aussi blanc, puisque causé principalement par des sources indépendantes du signal.

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Fig. 1.7 – Bilan radiométrique pour une mesure par transformée de Fourier en bande II. De haut en bas : l’interférogramme simulé, le bruit perturbant cette mesure (avec, en pointillés, le bruit de lecture, et, en tirets, le bruit de grenaille), et le rapport signal à bruit sur le spectre

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Fig. 1.8 – Bilan radiométrique pour une mesure par transformée de Fourier en bande III. De haut en bas : l’interférogramme simulé (avec en gris, le courant d’obscurité), le bruit perturbant cette mesure (en pointillés, le bruit de lecture, en tirets, le bruit de grenaille), et le rapport signal à bruit sur le spectre déduit de l’interférogramme (en rouge, le résultat par une mesure directe régulière en nombre d’onde, et en vert par une mesure régulière en longueur d’onde).

Chapitre 2