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Les instituts nationaux sont soumis, en matière financière, à un cadre qui se révèle inadapté

Dans le document des jeunes sourds et des jeunes aveugles (Page 71-75)

4.2.1.1 Les INJ sont soumis à un cadre budgétaire et financier dérogatoire

[310] Le cadre financier applicable aux INJ se distingue de celui des autres établissements médico-sociaux pour jeunes déficients sensoriels, qu’ils soient privés ou publics (départementaux), par deux principales caractéristiques :

131 Par exemple, le décret de 1993 relatif aux professeurs d’enseignement général des INJS prévoit à son article 5 : « Les professeurs régis par le présent décret sont tenus de fournir pour l'ensemble de l'année scolaire un service hebdomadaire d'enseignement de vingt heures, sans préjudice des autres actions qui leur incombent. »

132 Source : DRH des ministères sociaux.

133 Rattachée au Secrétaire général des ministères sociaux.

[311] 1/ Le régime financier des INJ est celui des établissements publics administratifs (EPA). L’article 17 du décret du 26 avril 1974 précité dispose ainsi que les INJ sont « soumis aux dispositions des titres Ier et III du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique » (dit décret « GBCP »)134. La loi de finances ne les classe, en revanche, plus dans la catégorie des « opérateurs de l’État » puisque la part de financement provenant du budget de l’État est inférieure à la moitié de leurs ressources.

[312] Dans ces conditions, leur régime financier s’écarte fortement de celui des ESMS prévu par les chapitres IV (« dispositions financières ») et V (« dispositions propres aux établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de personnes morales de droit public ») du titre Ier135 au livre III136 du Code de l’action sociale et des familles (CASF). Les différences avec le cadre financier des ESMS sont multiples :

 en premier lieu, leur nomenclature budgétaire et comptable obéit à l’instruction comptable M9 des EPA, et non à l’instruction comptable M22 des établissements publics sociaux et médico-sociaux ;

 leur tutelle financière est, par ailleurs, exercée par le ministre chargé du budget qui approuve le budget et le compte financier de l’établissement (cf. article 16 du décret du 26 avril 1974), et non par l’ARS ;

 leur gestion budgétaire s’effectue en autorisations d’engagements et de paiement ;

 ils sont soumis à au contrôle budgétaire137, avec avis ou visa préalable de certaines décisions, exercé les services du ministère du budget : le contrôleur budgétaire et comptable ministériel pour l’INJA et l’INJS Paris et le directeur régional des finances publiques pour les trois autres INJS ;

 un document prévisionnel de gestion des emplois et des compétences est transmis pour avis au contrôleur budgétaire (cf. article 182 du décret GBCP), qui permet le suivi détaillé des emplois et conditionne dans les faits l’autorisation des recrutements futurs.

[313] 2/ Leur mode de financement est également dérogatoire vis-à-vis du droit commun des ESMS régis par le chapitre IV du livre III du CASF :

 les INJ reçoivent des subventions provenant de deux lois financières différentes : crédits d’assurance maladie inscrits en LFSS138, d’une part, et du budget général de l’État inscrits en LFI139, d’autre part, tandis que les établissements médico-sociaux accueillants des déficients sensoriels sont financés uniquement sur crédits d’assurance maladie (AM). La subvention en provenance du budget de l’État (au programme 157 « mission solidarité, insertion et égalité des chances ») est proche d’un tiers des ressources des INJ, comme décrit ci-après. Le montant global de crédits inscrits en LFI 2018 est de 14,49 millions d’euros en LFI 2018, contre 16,6 millions d’euros en LFI 2017 (soit une baisse de 12,7 %) ;

134 Par comparaison, les établissements publics de santé ne sont soumis qu’au titre Ier du décret GBCP (« Les principes fondamentaux ») et non à son titre III (« La gestion des organismes mentionnés à l’article 3 »).

135 Titre Ier : « Etablissements et services soumis à autorisation ».

136 Livre III : « Action sociale et médico-sociale mise en œuvre par des établissements et services ».

137Cf. arrêté du 5 juillet 2017 pris en application de l’article 176 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

138 Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).

139 Loi de finances initiale de l’Etat (LFI).

 la part de financement des INJ en provenance de l’assurance maladie, soit 37,2 millions d’euros prévus pour 2018 contre 36,5 millions d’euros en 2017 (en hausse de 1,9 %), échappe à l’objectif de dépenses médico-sociales (« OGD »)140, applicable aux ESMS, financé par l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) voté en LFSS. Les dotations aux INJ se trouvent dans une enveloppe « divers » de l’ONDAM, suivie par la direction de la sécurité sociale (DSS) ;

 les INJ ne reçoivent que des dotations globalisées alors que les ESMS sont financés, en principe, sur la base de prix de journée pour les enfants suivis en établissements et sous forme de dotations globales pour les jeunes suivis en mode « service ». La tarification des ESMS est fixée par l’ARS ;

 contrairement aux autres ESMS pour déficients sensoriels, l’État prend directement en charge, via sa subvention, les rémunérations des personnels enseignants des INJ. Ce financement de l’État a une origine historique rappelée au 4.1.2.1 : le budget de l’État a conservé la gestion de ces crédits pour les INJ alors que pour les autres établissements pour déficients sensoriels, les personnels sont en principe rémunérés (hors cas de personnels détachés par l’éducation nationale) à partir des crédits reçus de l’assurance maladie.

4.2.1.2 Le régime financier des INJ n’est pas adapté à leur activité

[314] Le régime financier des INJ soulève plusieurs séries de difficultés :

[315] 1/ Leur nomenclature budgétaire et comptable issue des EPA ne correspond pas à leur activité médico-sociale. Ainsi, le plan de compte M9 ne fournit pas un détail des produits et des charges correspondant à la nature des ressources et des emplois d’un établissement médico-social, ce qui soulève, d’une part, des difficultés d’imputation d’opérations, rapportées à la mission par les directions des INJ et, d’autre part, occasionnent parfois des rejets des agents comptables. À titre d’exemple, la nomenclature M9 n’identifie pas les organismes de sécurité sociale parmi les financeurs au sein des comptes de produits ni les différentes catégories de personnels d’un ESMS au sein des comptes de charges.

[316] Par ailleurs, ni le budget, ni le compte financier des INJ ne décomposent les comptes entre la partie d’activité en section et celle en service. Par contraste, les budgets des ESMS visités identifient les produits et les charges des sections et des services, qui obéissent, comme indiqué au 4.2.1.1, chacun à deux modalités de financement distinctes. La comptabilité analytique des INJ ne fournit pas non plus de coût complet par type d’activité.

[317] 2/ Le principe selon lequel l’État finance la rémunération des enseignants apparaît difficile à mettre en œuvre. Ainsi, les réductions récentes des dotations de l’État (cf. tableau ci-dessous relatif à l’exercice 2017) ont conduit, de fait, les INJ à financer leurs charges courantes par des prélèvements sur leurs fonds de roulement, constitués à partir de l’ensemble de financements non consommés et donc d’une majorité de crédits d’assurance maladie, principal financeur.

140 Prévu à l’article L314-3 du code de l’action sociale et des familles.

Tableau 18 : Écarts en 2017 entre les dotations de l’État inscrites au budget initial (BI) des INJ et Mission à partir des données INJS/A

Source :

[318] En outre, plusieurs INJ ont pu « basculer » la rémunération d’enseignants, en principe financée sur crédits d’État, vers la part assurance maladie. Dans son rapport de présentation du budget initial, un ordonnateur explique ainsi le « transfert du financement d’un enseignant en LSF sur la part assurance maladie », en raison de l’absence de marge sur la part État.

[319] Ajoutons que le versement très tardif, par l’État, en novembre 2017 de sa dotation a conduit les INJ à fonctionner en utilisant la trésorerie apportée par les dotations de l’assurance maladie, versées quant à elles par douzièmes tout au long de l’année.

[320] Au total, la frontière entre la part consacrée au personnel enseignant et celle consacrée aux autres dépenses ne correspond pas, selon l’avis de plusieurs directeurs d’INJ, à la souplesse exigée par le pilotage d’un établissement dans un contexte budgétaire contraint. En fonction des priorités ou de besoins urgents, des redéploiements peuvent, en effet, apparaître nécessaires entre l’enveloppe de personnel et celle de fonctionnement ou au sein de l’enveloppe de crédits de personnels. Le respect des plafonds de crédits et d’ETP leur paraît être une exigence suffisante.

[321] 3/ L’application au régime juridique des EPA et sans doute l’existence d’une subvention du budget général expliquent la soumission des INJ à des contraintes de présentation de leur budget et de contrôle externe a priori que ne subissent pas les autres ESMS. Il est frappant de constater que la récente réforme de l’établissement public national Antoine Koenigswarter qui dispense des enseignements au profit de publics handicapés, jeunes et adultes, par un décret du 20 novembre 2017141, a appliqué ce dernier au régime des ESMS et non des EPA. L’EPNAK met en œuvre le plan comptable des ESMS publics et il ne connaît pas de contrôle budgétaire par les services du ministère du budget. La taille de l’EPNAK (20 unités dans deux régions, accueillant plus de 800 enfants et adultes et employant 500 agents dont une partie de fonctionnaires) est pourtant très supérieure à celle d’un INJS ou de l’INJA. Le caractère atypique du régime financier des INJ ressort d’autant plus.

[322] 4/ Échappant au financement par l’ONDAM médico-social, les INJ n’entrent pas dans le champ des établissements suivis et accompagnés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)142. Les INJS ne sont pas suivis au plan statistique par la CNSA et ne perçoivent

141 Décret n°1588 du 20 novembre 2017 relatif à l’établissement public national Antoine Koenigswarter (EPNAK).

L’EPNAK a pour mission « d’accueillir des enfants, adolescents et adultes handicapés en vue de contribuer à leur insertion sociale et professionnelle » (cf. son article 1er ). Il intègre des dimensions d’enseignements général et professionnel.

142 Mise en place en mai 2005, la CNSA est chargée de financer les aides en faveur des personnes âgées en perte d’autonomie et des personnes handicapées, de garantir l’égalité de traitement sur tout le territoire et pour l’ensemble des handicaps et situations de perte d’autonomie, et d’assurer des missions d’information et d’expertise et de recherche. Elle répartit l’ONDAM médico-social en dotations régionales limitatives. Source : CNSA.

pas, jusqu’à présent, les aides que cet organisme attribue aux établissements médico-sociaux pour conduire des projets de modernisation (crédits d’investissement).

[323] 5/ Ce mode de financement dérogatoire aboutit également à exclure les INJ du champ d’un certain nombre de travaux de la CNAMTS. À titre d’exemple, un récent décret du 9 mars 2018143, qui vise, dans la logique des « parcours de soins », à automatiser le suivi des dépenses d’assurance maladie relatives à la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées accueillies ou accompagnées par un établissement ou service médico-social, ne concerne que les établissements financés par l’ONDAM médico-social.

4.2.2 La gouvernance budgétaire ne crée pas les conditions d’un dialogue

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