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Chapitre 2 : La formation des enseignants

2.4 Institutions de formation actuelles

En Suisse, la formation des enseignants relève des cantons. On compte actuellement dix-sept instituts de formation des enseignants. Onze d’entre elles relèvent du modèle HEP (BE/VS/GR/FR/TG/VD/LU, UR, SZ, ZG, OW, NW/BEJUNE/SH/SG), deux sont rattachés à

l’université (FR et GE), trois sont intégrées dans une HES (ZH/TI/AG, BS, BL, SO), une dépend de l’ETH, et deux autres relèvent de l’État, l’institut fédéral des hautes études en formation professionnelle, qui forme les formateurs d’enseignants et œuvre dans la formation continue, ainsi que la haute école fédérale de sport de Macolin, qui forme spécifiquement des enseignants et des formateurs de sport. Parmi ces instituts, la grande majorité a été créée dans les années 2000. Il est cependant à noter que malgré les efforts d’harmonisation, les systèmes scolaires demeurent différents d’une région linguistique à l’autre. Ainsi, dans le cadre de cette recherche, je m’intéresserai uniquement à l’espace romand de formation, soit à la zone d’influence de la CIIP, comprenant l’ensemble des cantons romands: VD, FR, BE, JU, NE, GE, VS (le Tessin n’étant en réalité qu’un observateur).

Les cantons romands disposent donc de quatre HEP (HEP Vaud, HEP Valais, HEP Fribourg et HEP-BEJUNE) et de deux instituts universitaires de formation des enseignants. Ces institutions sont identifiées comme formatrices d’enseignants dans le sens où elles délivrent des diplômes permettant de briguer une place d’enseignant titulaire pour un poste à durée indéterminée.

Comme expliqué précédemment, les instituts universitaires ont un autre statut juridique, et donc fonctionnent de manière différente, ces derniers seront écarté de l’analyse, la taille de cette recherche ne me permettant pas de mener d’analyse comparative. Ma recherche va donc se focaliser sur l’étude de la formation des enseignants concernant directement l’école obligatoire suisse romande.

Structure de la formation

On peut distinguer deux formations des enseignants: la formation primaire et la formation secondaire8.

Formation primaire

La formation primaire se destine à des étudiants ayant une maturité gymnasiale ou un titre jugé à peu près équivalent. Cependant, ces étudiants devront encore prouver leur maîtrise du français et de l’allemand pour pouvoir mener à bien cette formation.

Celle-ci débouche sur l’obtention d’un bachelor d’enseignement au niveau primaire, permettant au titulaire de briguer une place d’enseignant titulaire pour les degrés 1 à 8 HarmoS, soit pour des enfants de quatre à douze ans. Cette formation dure en principe trois ans, pour l’obtention de 180 crédits ECTS, et se fait à plein temps. Elle vise à développer des enseignants généralistes, et propose cependant deux options à choix, soit une spécialisation pour les degrés 1 à 4 HarmoS, soit le premier cycle, ou pour les degrés 5 à 8 HarmoS, soit le deuxième cycle.

                                                                                                               

8 Les chiffres présentés dans ce chapitre sont basés sur la HEP-BEJUNE. Celle-ci est tenue de respecter certaines règles édictées par la CDIP, comme toutes les autres HEP suisses. Il se peut cependant qu’il y ait de petites variations

Dans leur cursus, les étudiants aborderont obligatoirement les disciplines suivantes: français, mathématique, allemand, sciences naturelles et humaines, ainsi qu’éducation musicale, éducation physique, activités créatrices, visuelles et manuelles, éthique et cultures religieuses pour le premier cycle. Deux de ces branches étant à choisir en plus de l’anglais pour le deuxième cycle. Pour chacune de ces branches, les étudiants devront prouver qu’ils maîtrisent la matière, et seront initiés à la didactique spécifique de chacune de ces branches, cela pour un total de 75 crédits, ECTS. En plus de cela, les étudiants suivront des cours de science de l’éducation (23 ECTS), de pédagogies spécialisés (7 ECTS), ou encore de recherche (13 ECTS). La formation propose 46 crédits ECTS de formation pratique, soit des stages en établissement, où l’étudiant observera un enseignant titulaire et enseignera sous son regard, cadré par des directives provenant de l’institution de formation. Ces stages seront de plus ou moins longue durée, allant de deux à six semaines. Le reste des crédits sont alloués à différentes cours (16 ECTS), comme la formation générale, le développement personnel, ou encore des crédits à choix (2 ECTS).

La formation propose 39 semaines de cours par ans, y compris des stages et des camps. L’occupation est en moyenne d’une trentaine d’heures par semaine.

Formation secondaire

La formation secondaire se destine à des étudiants ayant un bachelor (180 crédits ECTS) ou/et un master (90-120 crédits ECTS), ou un titre jugé équivalent, cela dans des branches enseignables. Même en remplissant ces conditions, les étudiants seront encore soumis à un test éliminatoire de langue française.

La formation peut se dérouler en cours d’emploi. À plein temps, elle dure quatre semestres, pour 96 à 108 crédits, selon l’option choisie. Elle débouche sur un Diplôme d’enseignement pour le degré secondaire 1 ou/et les écoles de maturité (Master of Advanced Studies in Secondary and Higher Education). Cette formation est spécifique, c’est-à-dire que chaque étudiant choisit une, deux voire ou trois branches dans lesquelles il sera formé pour enseigner, cela, soit en secondaire 1 (9-11 HarmoS, élève de 13 à 15 ans), soit en secondaire 2 (école de maturité, école professionnelle, etc.). Ce titre permet d’être engagé comme enseignant titulaire uniquement dans les branches et le niveau choisi9.

La formation propose des cours de didactique des disciplines spécifiques (24 ECTS) ainsi que divers cours. Quatre sont nommés cours de base, respectivement le cours de gestion de classe et de l’autorité (4 ECTS), de didactique générale (4 ECTS), de sociologie et psychologie de l’évaluation (4 ECTS), et de psychologie de l’apprentissage (4 ECTS). À cela s’ajoutent des cours complémentaires (20 ECTS), recherche en éducation, organisation et partenaires scolaires, gestion de la diversité, cours à choix. Un deuxième volet comprend la pratique professionnelle, y compris des stages (32 ECTS), lesquels se déroulent tout au long de l’année, en même temps que les cours, et de la réflexion sur les pratiques (10 ECTS).

                                                                                                               

9 Dans la réalité cependant, il arrive que par manque d’enseignant, une branche soit attribuée par défaut à un individu alors qu’il n’a pas été formé à celle-ci.

Suite à ces descriptions et à ces chiffres, on remarque que la formation des enseignants cherche à recruter à un haut niveau de formation, conformément à sa volonté d’être tertiaire. On remarque également l’utilisation des crédits ECTS, signe d’un rapprochement avec l’université, tout comme l’inclusion de la recherche dans le cursus de formation. On peut aussi relever que la place des sciences de l’éducation n’est pas gigantesque, occupant un peu plus de 12 % du temps de formation souhaité, cela sans compter les éventuels apports des sciences de l’éducation en didactique. La pratique réflexive semble avoir une petite place dans chacune des formations. La pratique professionnelle prend une place de choix, confirmant l’idée que la formation est pensée dans une articulation théorie/pratique. Notons encore que ces formations sont fortement prescrites, il n’y a que très peu de possibilités de choix.

Dans ce chapitre, j’ai discuté du métier puis de la profession de l’enseignant, des changements, des enjeux et des théorisations de ce champ professionnel. Actuellement, le métier semble se professionnaliser dans bon nombre de pays occidentaux, mais rien n’est encore acquis.

Or, la formation des enseignants semble être l’élément stratégique de tout changement au sein du métier d’enseignant, le point de bascule qui orientera l’enseignement vers le modèle d’un métier ou d’une profession. C’est grâce à une formation devenant de plus en plus professionnalisante que bon nombre de pédagogues aimeraient transformer définitivement le métier en profession.

Le champ de recherches qui s’intéressent à cet objet est fortement théorisé, mais la réalité reste très floue et les chercheurs n’ont pas beaucoup de recul pour pouvoir tirer des conclusions claires. Ainsi, la formation des enseignants est au centre de bon nombre de discussions scientifiques, d’enjeux politiques et de débats d’initiés. En outre, elle se trouve aujourd’hui en pleine mutation et en plein questionnement.

On peut avancer qu’à un niveau macro social, la formation des enseignants se trouve être un élément stratégique central pour l’émergence ou la pérennité d’un groupe social, celui des enseignants. La formation des enseignants a pour rôle de légitimer les pratiques enseignantes et de les faire reconnaître comme étant propres à une profession tertiaire demandant des connaissances approfondies, qui ne sont pas à la portée du premier venu. Elle vise donc à établir des limites claires à ce qu’est l’enseignement, et vise à réguler les frontières, cela en définissant des savoirs, des pratiques et des normes qui lui sont spécifiques et clairement identifiables comme tels par le reste de la société. La formation des enseignants cherche donc à établir la place de l’enseignement dans le monde social, cela au travers de différentes sphères comme la science, l’État, l’opinion publique. À un niveau micro social, cela implique que lors de sa formation, le futur enseignant devrait se créer une identité professionnelle, constituée des pratiques, des méthodes et des normes professionnelles propres à cette nouvelle identité.

Dans un long texte concernant l’éducation, l’UNESCO résume les buts de la formation des enseignants, en déclarant que «La formation des enseignants doit, en outre, leur (aux étudiants)

l’interaction, l’examen d’hypothèses différentes. Une des missions essentielles de la formation des enseignants, tant initiale que continue, est de développer en eux les qualités d’ordre éthique, intellectuel et affectif qu’attend d’eux la société, afin qu’ils puissent ensuite cultiver chez leurs élèves le même éventail de qualités.» (1999, p152). Cela m’amène, enfin, à cerner ce qui m’intéresse, et à

délimiter ainsi l’objet de recherche de ce travail.