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2.2.1 La déclinaison de la représentation

Au-delà des principes qui l’intègrent à un idéal, la représentation offre une déclinaison concrète du principe de souveraineté populaire par le biais d’institutions, d’élus et de gouvernants (Répondant 17). Elle se manifeste alors comme un élément structurant du système démocratique et ces institutions deviennent centrales dans son exercice même (Répondant 3; Répondant 4). Cette traduction institutionnelle de la volonté citoyenne traduit une préoccupation qui se retrouve chez chacun des répondants — tant chez ceux ayant une expérience exécutive que ceux n’ayant jamais siégé au conseil des ministres — quant au fonctionnement du système :

qu'on ne peut plus être tous dans la caverne autour du feu à discuter, et finalement voter. (Répondant 11)

Cependant, pour en assurer la légitimité, ce mode d’organisation repose sur son lien avec le citoyen qui s’articule principalement, mais non exclusivement, par le prisme électoral. Cette pratique revient ainsi dans les échanges comme un moment clé de la participation des citoyens — le seul qui lui permet un véritable pouvoir décisionnel (Répondant 4).

Il y a un mécanisme fondamental, soit l'élection. C'est le moment privilégié où le citoyen exprime par rapport à sa gouvernance et ce peu importe à quel niveau que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral ou même dans des organismes. C'est le moment, quand le droit est là, qu'ils s'expriment. (Répondant 13)

La portée conceptuelle des élections est telle que plusieurs répondants font seulement référence à cette pratique afin de décrire tant l’exercice démocratique que les contours de l’action des citoyens (Répondant 14; Répondant 8; Répondant 15). L’élection est alors définie comme la principale voie d'influence des citoyens (Répondant 17). L’importance attachée à cette pratique s’inscrit également dans la reddition de comptes qu’elle permet : « [...] un gouvernement qui abuse de sa majorité dans notre système parlementaire britannique, parce que c'est possible, en paiera le prix de manière très rapide et très sévère » (Répondant 2).

Cette institution demeure influente dans l’exercice démocratique. Néanmoins, une nuance se glisse dans les différentes conceptions et signale un rapport différent à la légitimité engendrée par cette dernière. En effet, pour certains, l’élection octroie une légitimité aux représentants et assure l’équilibre entre l’efficacité du système et sa représentativité des citoyens (Répondant 3; Répondant 15). Pour d’autres, elle repose plutôt sur la capacité des élections à assurer que les représentants désignés soient le reflet de la volonté des citoyens (Répondant 8; répondant 14). Pour certains, la base de cette notion est cependant plus large que les seules élections (Répondant 9). L’activité démocratique outrepasse donc cette seule institution et se comprend plus directement par son lien avec le citoyen. Il en découle un exercice démocratique continu, et non aux quatre ans (Répondant 7).

[...] quand j'ai été élu, j'ai suivi mon cours de député 101 donné par l'Assemblée nationale. On m'a dit que j'ai trois rôles : être l'interface entre les citoyens et l'appareil public [...], j'ai un rôle de législateur [...] et j'ai un rôle de vérificateur des finances publiques. Il n’y a personne qui m'a dit que j’ai un rôle en démocratie, c'est plate! Ça serait le fun que l'on rappelle aux 125 députés que la démocratie n'est pas seulement un vote aux quatre ans [...] (Répondant 19)

Il doit y avoir une place pour la réflexion, une place pour le débat, une place pour que les citoyens participent au processus de délibération et ultimement, dans certaine situation, une place pour que ça soit les citoyens qui aient le dernier mot. (Répondant 11)

Cet élargissement du facteur de légitimité s’inscrit également dans un questionnement sur la portée des élections et du vote. En ce sens, un répondant soutient la nécessité de valoriser l’exercice électoral – et le rôle des représentants qu’il désigne — afin que la légitimité qui en découle soit plus significative (Répondant 16). Un autre avance cependant que pour « corriger les effets pervers » de la pratique électorale, les institutions parlementaires, les mécanismes qui en découlent et les contrepoids institutionnels doivent être jumelés à une plus grande écoute des citoyens (Répondant 4). La participation des citoyens constituerait alors une institution de reddition de comptes en soi.

Ces différentes déclinaisons de la légitimité des élections se retrouvent dans les données du sondage. En effet, 23 % souscrivent à l’énoncé « la participation est accessoire, car les élections offrent une légitimité claire aux acteurs politiques », un peu moins de 20 % affichent un accord plus mitigé, mais une majorité des répondants est d’avis contraire. Ces données viennent ainsi corroborer les tangentes qui ont émergé des entrevues. On remarque qu’une majorité de répondants, sans dévaluer l’exercice électoral, reconnaisse que la participation des citoyens contribue à la légitimation de l’exercice démocratique. Toutefois, une portion significative de ces derniers continue d’associer cette notion aux seules élections. Sur la légitimité des politiques mêmes, 88 % des répondants du sondage soutiennent que les politiques découlant d’une pratique participative ont une plus grande légitimité. Sans retirer de la légitimité aux acteurs représentatifs, le recours à la participation s’inscrit ainsi comme une démarche légitimant le processus politique.

2.2.2 La conception partisane

Les acteurs politiques mettent également en exergue le système partisan dans leur conception institutionnelle de la démocratie. Considérant l’importance accordée à la représentation, les partis politiques y sont alors représentés de par leur effet structurant sur la pratique et le comportement des acteurs :

[...] quand je vais à la radio ici et qu’on me dit : « vous là, comme représentant de [nom de la circonscription], pourquoi n'allez-vous pas à l'encontre de votre parti ». Cependant, je me dis qu’aller à l'encontre de mon parti pour supposément défendre les intérêts de [nom de la circonscription], irait à l'encontre de la volonté des gens considérant qu’ils ont voté pour le parti. C'est ça, la vérité. Quand tu es lucide, c'est ça qui se produit, c'est que les gens votent davantage pour les enjeux nationaux, pour le chef et ils choisissent un gouvernement, un parti. (Répondant 3)

C'est certain que, moi, je représentais [nom de la formation politique]. J'ai toujours représenté une vision du parti. J'étais un candidat du parti, si les gens ne voulaient pas du parti, ils ne votaient pas pour moi. S’ils n’étaient pas d'accord avec le parti, j'ose espérer qu'ils ne votaient pas pour moi. À partir de ce moment-là, j'ai ça aussi à défendre. (Répondant 15)

Le rôle du député, je pense que la plupart des citoyens ne le connaissent pas. D'ailleurs, et on le dit, le candidat c'est 5 % à peu près dans une élection alors que le reste provient du parti. Je le sais, je l'ai vécu. (Répondant 6)

Ce système partisan a donc une influence importante sur l’agenda que les acteurs politiques défendent — et sur lequel ils se sont fait élire – et structure le choix offert aux citoyens. Ils sont ainsi un vecteur d’influence et de participation des citoyens (Répondant 12). Comme il en a été question dans ces citations, plusieurs acteurs se conçoivent ainsi par l’entremise de leur affiliation partisane. Ces acteurs mettent donc de l’avant une forte association entre les partis politiques et la démocratie.

En portant un regard sur les pratiques et les normes du système démocratique, la représentation se dégage comme un élément structurant de cet exercice qui répond au souci exprimé unanimement quant à sa fonctionnalité et son efficacité. Néanmoins, cette mécanique n’est pas en soi suffisante pour assurer le caractère démocratique d’une société. De ce fait, la légitimité du système repose sur les élections, mais une majorité des répondants lui reconnaissent une dimension associée à la participation des citoyens. Cette omniprésence de la représentation sous-tend, à ce deuxième niveau d’analyse, le rôle structurant du système partisan tant sur le comportement des acteurs politiques que l’organisation, la dynamique et les pratiques parlementaires.