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D.2) Injection de cellules souches mésenchymateuses isolées à partir de la moelle osseuse

INTRODUCTION GENERALE

II. D.2) Injection de cellules souches mésenchymateuses isolées à partir de la moelle osseuse

L’émergence des cellules souches a révolutionné la recherche médicale dans le domaine de la réparation tissulaire.

Concernant le SCR, des travaux expérimentaux sur des modèles murins ont été réalisés depuis 2002 à l’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN) pour évaluer l’intérêt des greffes de cellules souches/stromales mésenchymateuses isolées à partir de la moelle osseuse dans le traitement de ce syndrome à la fois sur un modèle de xénogreffes (souris NOD/SCID) (Francois et al, 2007) mais aussi d’injections locales de cellules souches mésenchymateuses autologues isolées à partir de la moelle osseuse (Francois et al, 2006). Ces travaux ont révélé un effet bénéfique de ces cellules sur la cicatrisation avec une accumulation locale transitoire de lymphocytes en bordure du derme, une amélioration de la vascularisation et une augmentation de la réépithélialisation. L’apparition des lésions était retardée et limitée à une desquamation humide (Francois et al, 2006 ; Francois et al, 2007).

Au vu de ces résultats prometteurs, la thérapie cellulaire pour le traitement du SCR a été proposée pour la première fois en 2006 à titre compassionnel à l’HIA Percy de

Clamart en collaboration avec le CTSA, pour un patient de 27 ans irradié localement par une source de gammagraphie. Depuis, quatre patients ont reçu ce traitement pour lesquels il a été rapporté une cicatrisation des lésions et une meilleure gestion de la douleur et de l’inflammation à long terme (Bey et al, 2010a). Il est important de noter qu’une impotence fonctionnelle persiste en raison de l’importance de la reprise chirurgicale. Ce traitement fait actuellement référence au niveau de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique [7].

II.D.2.a) Intérêt des cellules souches mésenchymateuses isolées à partir de la moelle osseuse

II.D.2.a.1) Définition des cellules souches/stromales mésenchymateuses

La thérapie cellulaire consiste à utiliser des cellules humaines pour prévenir, traiter ou atténuer une maladie en favorisant la réparation de tissus lésés ou en assurant leur remplacement. Elle se fonde sur l’utilisation de cellules souches définies comme possédant la capacité d’auto-renouvellement et pouvant se différencier en un ou plusieurs types cellulaires (Vainchenker, 2005). On distingue ainsi des cellules souches totipotentes, pluripotentes, multipotentes et unipotentes et selon leur origine des cellules souches embryonnaires, fœtales, amniotiques et adultes/somatiques. Du point de vue de leur utilisation en clinique les cellules souches embryonnaires pluripotentes posent d’importants problèmes éthiques et les cellules souches adultes multipotentes ont une capacité de différenciation en un nombre limité de type cellulaire.

Les cellules souches/stromales mésenchymateuses (l’acronyme MSC pour mesenchymal stem/stromal cells a été choisi dans ce travail par soucis d’homogénéité) ont été décrites et isolées pour la première fois en 1976 par Friedenstein et al à partir de la moelle osseuse (MO) (Friedenstein et al, 1976), le terme « MSC » ayant été retenu à partir de 1991 suite aux travaux de Caplan et al (Caplan, 1991).

Les MSC, capables d’auto-renouvellement, sont définies par trois critères minimum proposés par l’International Society of Cellular Therapy (ISCT) : (1) une adhérence au

plastique en condition standard de culture ; (2) leur phénotype : expression de marqueurs de surface non spécifiques (CD105, CD90 et CD73) et absence d’expression des antigènes CD34, CD45, CD14, CD19 et des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II (HLA-DR) ; (3) leur capacité de différenciation en ostéoblastes, chondroblastes et adipocytes in vitro (Dominici et al, 2006).

Initialement décrites au niveau de la MO, les MSC ont été isolées à partir du tissu conjonctif de nombreux organes (da Silva Meirelles et al, 2006) dont le tissu adipeux (Zuk et al, 2001). Elles ont également été isolées à partir du placenta (In 't Anker et al, 2004), du sang de cordon (Erices et al, 2000), du liquide amniotique (Mareschi et al, 2009), du foie, de la rate, des poumons (in 't Anker et al, 2003) ou encore de la pulpe dentaire (Nam and Lee, 2009).

Les MSC issues de la moelle osseuse humaine se caractérisent morphologiquement par leur forme en fuseau et leur aspect polynucléé au microscope optique. Au sein de la MO elles se situent à proximité des vaisseaux sanguins sur la face abluminale des sinusoïdes où elles jouent un rôle clé dans la formation du microenvironnement (niche) des cellules souches hématopoïétiques (Sacchetti et al, 2007).

Dans ce travail, pour des raisons d’homogénéité, les cellules souches mésenchymateuses isolées à partir de la moelle osseuse sont abrégées par l’acronyme anglophone BM-MSC (Bone-marrow Mesenchymal Stem Cells).

II.D.2.a.2) Caractérisation des BM-MSC

Les BM-MSC présentent de nombreux antigènes de surface, pour la plupart peu spécifiques, pouvant être retrouvés à la surface d’autres types cellulaires différenciés (Boxall and Jones, 2012). Ils sont résumés dans le tableau I.

On note que les BM-MSC n’expriment pas les marqueurs hématopoïétiques : CD3 ; CD4 ; CD11a ; CD34 ; CD45, ce qui, avec leur caractéristique d’adhérence au plastique, facilite leur séparation à partir d’un prélèvement de moelle osseuse. Elles expriment

cependant des ligands présents sur les cellules hématopoïétiques matures : CD72, LFA-3 et ALCAM, ICAM1, ICAM2, VCAM1 (Majumdar et al, 2003) (Tableau I).

Par ailleurs, sur le plan immunologique, les molécules du CMH de classe I sont présentes à la surface des BM-MSC tandis que les molécules du CMH de classe II ne le sont pas. On notera cependant que l’expression du CMH II peut être induite en présence d’interféron γ (Le Blanc, 2003a). Elles n’expriment pas non plus CD40 et CD40-ligand de même que les molécules de co-stimulation B7-1 (CD80) et B7-2 (CD86) (Pittenger and Martin, 2004) (Tableau I).

Tableau I : Caractéristiques phénotypiques des BM-MSC.

Tableau réalisé d’après les travaux de (Kern et al,2006 ; Rasini et al, 2013).

Les BM-MSC expriment également des marqueurs tels que STRO-1 et de nombreuses intégrines impliquées dans l’adhésion et la migration cellulaire. La liste n’est pas exhaustive et les études réalisées complètent régulièrement ces données (Karp and Leng Teo, 2009 ; Boxall and Jones, 2012).

Molécules de surface présentes Molécules de surface absentes

Molécules d’adhésion CD29 (β1-integrin); CD49a-b-c-e-f (α4integrin); CD51; CD58; CD102 (ICAM-2); CD105 (endoglin); CD106(VCAM); CD126 (ALCAM); CD166 CD9; CD11a (integrin); CD15 CD18 2-integrin) CD49d (integrin); CD50 (ICAM-3); CD62e-l-s (selectine); CD133 Récepteurs CD44 (hyaluronate); CD71 (transferrin) ; CDw11 ; CD120a ; CD120b; TGFb-1/2R; CD123; CD124; CD140a; P75 CD6 ; CD25 ; CD36 ; CD117 ; CD144

Enzymes CD13 (aminopeptidase) CD73; CD10 (métalloprotéine); CD38 Molécules de la matrice extracellulaire CD90 Protéines impliquées dans la réponse immunitaire CD127 CD21; CD40; CD40l; CD80; CD86 ; CD95

Antigènes du CMH HLA ABC (CMH I) HLA DR (CMH II)

Marqueurs des cellules

souches CD73; CD90; CD166; SSEA-3; SSEA-4 CD133; SSEA-1 Marqueurs des cellules

hématopoïétiques CD72, LFA-3

CD3; CD4; CD11a; CD14; CD31; CD34; CD45

II.D.2.a.3) Potentiel de prolifération et capacité de différenciation des BM-MSC

Les BM-MSC représentent 1/10 000 à 1/100 000 des cellules mononucléées totales de la MO. Elles peuvent être isolées avec une efficacité de 100% et proliférer jusqu’à la 40ème génération (Kern et al, 2006). Une morphologie stable (proche de celle des fibroblastes) et l’absence d’anomalies chromosomiques ont été décrites jusqu’au 20-25ème passage in vitro (Pittenger et al, 1999). Par ailleurs elles sont capables de s’expandre in vitro dans des milieux de culture simples tels que les milieux enrichis en Fibroblast Growth Factor (bFGF) avec ou sans cytokines (Lange et al, 2007).

Dès 1999, Pittenger et al ont décrit les capacités de différenciation in vitro des BM-MSC dans les différents tissus issus du feuillet embryonnaire mésodermique tels que l’os, le cartilage, les ligaments, les tendons, les muscles lisses et le tissu adipeux (Pittenger et al, 1999). Il est apparu plus récemment que dans des conditions de culture particulières et spécifiques, les BM-MSC peuvent aussi se différencier en une variété plus grande de types cellulaires tels que : les cardiomyocytes (Toma et al, 2002), les myocytes squelettiques, les fibroblastes (Pittenger et al, 2002), les péricytes (Direkze et al, 2003), les cellules rétiniennes (Tomita et al, 2002), les astrocytes (Wislet-Gendebien et al, 2005), les hépatocytes ou encore les cellules pancréatiques (Chen et al, 2004). Cette capacité de différenciation en de nombreux tissus est cependant contestée (Bianco et al, 2008)

In vivo, cette capacité de différenciation apparaît d’ailleurs moindre, bien que certaines équipes aient mis en évidence une différenciation des BM-MSC en kératinocytes dans un modèle murin en présence de β-catenin, Bone-Morphogenic Protein 4 (BMP4) et d’EGF (Huelsken et al, 2001 ; Sasaki et al, 2008) ainsi que dans différentes variétés de cellules épithéliales (Krause et al, 2001). L’importance de ce processus de transdifférenciation in vivo dans la régénération tissulaire reste controversée. De nombreuses études précliniques suggèrent que lors de la réparation tissulaire les cellules souches agissent principalement via des processus sécrétoires plutôt que par transdifférenciation (Chen L et al, 2008). Ainsi dans un modèle murin de SCR, la fraction de cellules retrouvée localement était quantitativement faible par rapport au nombre de BM-MSC injectées et leur nombre a diminué de moitié au cours des quatre jours suivant leur administration (Francois et al, 2007).

II.D.2.a.4) Migration et activité paracrine des BM-MSC.

L’intérêt des BM-MSC a été démontré dans la réparation tissulaire de nombreuses pathologies mais les mécanismes impliqués sont encore très mal connus. On retiendra cependant la migration des cellules, la transdifférenciation et la sécrétion de nombreux facteurs paracrines. En effet, les BM-MSC présentent la particularité de migrer grâce aux molécules chémoattractives et à l’expression d’intégrines à la surface cellulaire. Les travaux dans ce domaine montrent qu’elles migrent préférentiellement vers les tissus lésés, ce qui précise leur intérêt en réparation tissulaire et permet également d’envisager une prise en charge systémique (Augello et al, 2010 ; Ito, 2011).

Les cellules souches sécrètent de nombreux facteurs de croissance, cytokines et chimiokines impliqués dans la réparation tissulaire tels que : l’EGF, le Keratinocyte Growth Factor (KGF), l’IGF-1, le Glial cell line-Derived Neurotrophic Factor (GDNF), le Platelet derived Growth factor-BB (PDGF-BB), l’érythropoïétine (EPO) et la Thrombopoïétine (TPO) ainsi que des facteurs pro-angiogéniques dont le VEGF α et l’angiopoïétine 1 (Chen L. et al, 2008 ; Estrada et al, 2009). Les BM-MSC sécrètent également un certain nombre de chémokines telles que le Stromal Derived Factor 1 (SDF-1), les Macrophage Inflammatory Protein-1 alpha et beta (MIP1α-β) (Chen L. et al, 2008).

Un potentiel immunomodulateur a également été décrit. Les BM-MSC réduisent l’activation des lymphocytes T ainsi que la production de cytokines pro-inflammatoires notamment via la sécrétion de prostaglandine E2 (Najar et al, 2010 ; Yanez et al, 2010). De part l’ensemble des propriétés décrites ci-dessus, les BM-MSC apparaissent comme un bon candidat afin de favoriser la réparation tissulaire dans de nombreuses pathologies (Gnecchi et al, 2008) et en particulier pour le SCR, caractérisé par un défaut de revascularisation et des poussées inflammatoires extensives à court et long terme.

II.D.2.a.5) Applications cliniques des BM-MSC dans la régénération tissulaire

L’application des BM-MSC en réparation tissulaire est basée sur les propriétés de ces cellules souches : leur capacité à migrer vers les tissus lésés (Augello et al, 2010), leur faible immunogénicité et leur propriétés immunomodulatrices (Petrie Aronin and

Tuan, 2010), leur potentiel de transdifférenciation (Chamberlain et al, 2007), leur pouvoir d’auto-renouvellement in vitro (Mosna et al, 2010) et leur propension à sécréter des facteurs solubles qui régulent de nombreux processus impliqués dans la prolifération et la différenciation d’un grand nombre de cellules cibles (Caplan and Dennis, 2006 ; Chen L. et al, 2008). En moins de dix ans, depuis la découverte du potentiel de différenciation des BM-MSC par Pittenger et al, pas moins de 90 essais cliniques ont été réalisés dans le monde, leurs avantages et leurs inconvénients étant résumés dans le tableau II.

Tableau II : Avantages et inconvénients des BM-MSC pour leur utilisation clinique.

Tableau réalisé d’après les travaux de (Dominici et al, 2006 ; Kern et al, 2006 ; Bernardo et al, 2007).

Avantages Inconvénients

Faible immunogénicité Ponction de la MO=procédure chirurgicale lourde

Régulation de processus biologiques:

Prolifération

Différenciation

Inflammation

Angiogenèse

Epithélialisation

Faible pourcentage de BM-MSC dans la MO (1/10000 des cellules nucléées) Amplification in vitro dans des milieux de culture

simples

Milieu enrichi en Basic fibroblast growth factor

Milieu enrichi ou non en sérum

Milieu sans cytokine

Avec l’augmentation du nombre de passages:

Diminution du taux de prolifération

Perte de leur morphologie

Bonne expansion en culture avec maintien de:

Croissance

Potentiel de différenciation

Morphologie stable (fibroblaste) jusqu’à 20-25 passages

Pas d’anomalies chromosomiques en culture in vitro

Effet pro-ou anti tumoral des BM-MSC dépendant de:

La source tissulaire

Les conditions de culture

La variabilité inter-individuelle des donneurs

Efficacité de l’isolement des BM-MSC : 100% Diminution du potentiel de différenciation avec l’âge du donneur

Les études cliniques les plus importantes concernent le traitement de l’ostéogenèse imparfaite, la maladie du greffon contre l’hôte et la maladie de Crohn (Strioga et al, 2012). Un certain nombre d’étude clinique de phase I et II sont également en cours dans le domaine de la réparation tissulaire, en particulier des lésions ischémiques (pied diabétique, ischémies myocardiques et cérébrales) et des lésions articulaires (Strioga et al, 2012).

II.D.2.b) Production des BM-MSC

Dans le protocole proposé par le CTSA et l’HIA Percy, les cellules de la MO totales sont prélevées puis isolées lors du premier temps opératoire à partir d’une zone non irradiée préalablement définie grâce à la dosimétrie physique au niveau des crêtes iliaques. Les cultures sont réalisées dans un milieu de grade clinique enrichi en lysat plaquettaire humain (37°C avec 5% de CO2). Après trois à quatre jours, seules les BM-MSC adhérent au plastique, les cellules non adhérentes étant éliminées. Afin d’obtenir une quantité moyenne de 200+/-20.106 cellules, il est nécessaire de les cultiver pendant au moins sept jours. Les BM-MSC ont été conditionnées dans de l’albumine humaine pour leur réinjection. Avant injection au patient, quatre contrôles de qualité sont effectués consistant en l’étude de leur phénotype par cytométrie en flux (CD45- ; CD105+ ; CD73+ ; CD90+), une évaluation de leur pouvoir clonogénique et de leur activité télomérasique. Enfin l’absence de contamination par des bactéries, des phages ou des mycoplasmes a également été contrôlée (Lataillade et al, 2007 ; Bey et al, 2010a).