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Inhibition ciblée de l’activité de l’IFN!2 humain

Partie 3 : Inhibition ciblée de l'activité de l'IFN!2 humain

La stratégie que nous avons développée consiste à cibler par un nanobody l'activité d'un inhibiteur de l'IFN"2, l'IFN"2_R120E. L'IFN"2_R120E est un antagoniste compétitif des IFN-I car il se lie à IFNAR2 mais empêche la formation d'un complexe ternaire fonctionnel. En effet, le résidu R120 de l'IFN"2 est un « hot spot » de la liaison à IFNAR1. Ainsi, l'IFN"2_R120E inhibe l'activité de l'IFN"2, à la fois antivirale et antiproliférative [96].

Les résultats initiaux ont été obtenus avec Emmanuelle Tchernonog, dans le cadre de son Master 2 Recherche, au sein du laboratoire. Comme attendu, la protéine de fusion 4.11_R120E (figure 54a) inhibe l’activité de l’IFN"2, évaluée par bioluminescence sur les cellules HLL16 (figure 54b). De plus, cette protéine de fusion inhibe l’activité de l’IFN"2 avec une efficacité 100 fois plus importante sur les cellules ciblées (HL116mLR10) que sur les cellules non ciblées (HL116).

c 1.3 2.3 3.3 0 50 100 Log dilution % o f IF N ß a c ti v it y a t 1 p M HL116 HL116 mLR b -6 -4 -2 0 2 0 50 100 Log concentration (pM) % o f IF N ! 2 a c ti v it y Nanobody!4.11 IFN#2"R120E HA! tag His! tag PAS! linker ybbR tag SIgk leader a % !d ’a ct iv it é !d e !l ’I F N # 2 % !d ’a ct iv it é !d e !l ’I F N $

Figure 54. Efficacité de ciblage de 2 log de l’inhibition des IFN-I sur les cellules ciblées a. Représentation schématique de la protéine de fusion testée sur les cellules HL116 et les cellules HL116mLR10, qui expriment le gène rapporteur de la luciférase, induit par l’IFN. HL116mLR10 exprime à sa surface le récepteur murin du récepteur à la leptine (mLR). 4.11 est le nanobody dirigé contre le mLR.

b. L’activité luciférase induite par une concentration constante d’IFN"2 (3 pM sur HL116 et 10 pM pour les HL116mLR10) et des dilutions sériées de la protéine de fusion, est exprimée comme le pourcentage d’activité luciférase induite par l’IFN"2 seul. Chaque point représente la moyenne et s.e.m de 3 réplicats. Les données sont représentatives de 3 expériences

indépendantes.

c. L’activité luciférase inudite par 1pM d’IFN# et des dilutions sériées de surnageants de cellules Hek293T transfectées avec le plasmide contenant la séquence codante de notre

protéine de fusion, est exprimée comme le pourcentage d’activité luciférase induite par l’IFN# seul.

Enfin, la protéine de fusion inhibe aussi l’activité de l’IFN# (figure 54c), avec un ciblage caractérisé par une absence d’inhibition sur les cellules non ciblées et à l’inverse une inhibition quasi-totale sur les cellules ciblées.

Nous avons ensuite testé l’activité biologique de ces antagonistes ciblés de l’activité de l’IFN"2. Nous avons pour cela choisi comme cible le CD20 humain. La protéine hCD20Nb_R120E (figure 55a) inhibe l’activité de l’IFN"2 sur les PBMC humains CD19+ de manière plus importante que sur les PBMC CD19-. On a en effet à 1µg/mL, une réduction de 80% de la phosphorylation de STAT1 induite par l’IFN"2 dans les PBMC CD19+, sans effet sur les CD19- (figure 55b et 55c). De plus, cette protéine de fusion inhibe l’activité anti-proliférative l’IFN"2 sur les Daudi (figure 56)

hCD20!Nanobody 20!!!GGS IFN#2"R120E His tag

a c Non!traités IFNA2 50pM 10!µg/mL 1!µg/mL 100!ng/mL CD19 S TA T 1 "p Y 7 0 1 b 50!pM!IFN#2!+!hCD20Nb"IFNA2"R120E 0 20 40 60 80 100 10 µg/mL 1 µg/mL 100 ng/mL

% de pSTAT1 induit par l'IFN! 2

PBMC CD19+: 4% CD19" CD19 5 0 !p M IF N # 2 !+ !h C D 2 0 N b " IF N A 2 "R 1 2 0 E

Figure 55. Inhibition ciblée de la phosphorylation de STAT1 induite par l’IFN!2 humain sur les PBMC humains

a. Représentation schématique de la protéine de fusion hCD20Nb-IFN"2-R120E

b. Les PBMC humains ont été traités 15 minutes avec 50pM d’IFN"2 et des dilutions sériées de la protéine de fusion en a. La phopshorylation de STAT1 (pSTAT1) a été analysée par cytométrie en flux dans les PBMC CD19- et CD19+.

c. L’intensité moyenne de fluorescence (MFI) est exprimée comme le pourcentage de la MFI corrigée induite par l’IFN"2.

T M L L L

0

5

10

15

D

a

u

d

i

(1

0

5

pe

r

m

L

)

Traitement Aucun

+

IFNA2_2pM 1µg/mL 100ng/mL hCD20Nb"IFNA2"R120E 10ng/mL ns *** ***

Figure 56. Inhibition de l’activité anti-proliférative de l’IFN!2 sur les Daudi

Les cellules Daudi ont été traitées par 2pM d’IFN"2, avec ou sans des dilutions sériées de la protéine de fusion hCD20Nb-IFN"2-R120E. Les Daudi ont été comptées après 3 jours de traitement. Les données présentées représentent la moyenne et s.e.m de 3 réplicats. Les données sont représentatives de 3 expériences indépendantes. ns p>0.05; ***p<0.001

Afin de pouvoir tester les protéines de fusion in vivo, nous avons par analogie avec l’IFN"2_R120E, testé l’activité de l’IFN"11_R121E. L’IFN"11_R11E a une activité spécifique réduite par rapport à celle de l’IFN"11, mais conserve une activité biologique. Il n’a donc pas d’activité antagoniste. L’IFN"11_R121E n’est donc pas un équivalent murin de l’IFN"2_R120E.

L’inhibition de l’activité de l’IFN"2 dépend bien sûr de la quantité d’IFN"2, qui peut être facilement contrôlée in vitro, afin de mettre en évidence un effet inhibiteur de nos protéines de fusion inhibitrices. Avant d’envisager une utilisation in vivo, les antagonistes ciblés doivent être plus puissants pour être en compétition avec l’IFN"2 endogène. Pour cela, nous avons tenté d’optimiser le ciblage de l’inhibition en utilisant l’IFN"2_R120E_"8T. Ce mutant, qui a une affinité de liaison plus importante à IFNAR2, a une activité inhibitrice plus importante que l’IFN"2_R120E [96]. La protéine de fusion 4.11_R120E_"8T a une activité

inhibitrice plus importante que 4.11_R120E sur les cellules HL116 (figure 57a), mais pas sur les cellules HL116mLR10 (figure 57b). Ainsi, 4.11_R120E_"8T a une efficacité de ciblage de l’inhibition de l’IFN"2 que d’un facteur 30 (figure 57c).

Figure 57. Diminution de l’efficacité de ciblage de l’inhibition de l’IFN!2 avec la protéine de fusion 4.11-IFN!2-R120E-!8Tail

Les protéines de fusion 4.11-IFN"2-R120E et 4.11-IFN"2-R120E-"8Tail ont été testés sur HL116 (a) et HL116mLR10 (b).

L'activité luciférase induite par l’IFN"2 (10 pM sur les HL116 et 3 pM pour les

HL116mLR10) et des dilutions sériées des constructions, est exprimée en pourcentage de l'activité de la luciférase induite par l’IFN"2.

Chaque point représente la moyenne et s.e.m de 3 réplicats. Les données sont représentatives de 3 expériences indépendantes.

c. L'efficacité de ciblage est exprimée sous la forme du rapport des valeurs IC50, obtenues sur les cellules HL116 et HL116mLR10.

Nous avons donc pu inhiber l’activité de l’IFN"2 spécifiquement sur les cellules ciblées. Ce ciblage doit être optimisé à la fois pour son efficacité de ciblage mais aussi son efficacité d’inhibition, avant de pouvoir envisager son utilisation in vivo. Nous avons pour cela, prévu de développer une nouvelle stratégie, qui consiste à utiliser un nanobody anti-IFNAR1, comme antagoniste compétitif de l’IFN"2, à la place de l’IFN"2_R120E. Cette stratégie pourra ainsi être d’emblée testée dans le système murin.

Discussion générale

1. Les IFN-I restent au cœur de l'immunité anti-tumorale, à l'ère des thérapies ciblées et des stratégies d’immunothérapie, mais leur efficacité thérapeutique est limitée par la survenue de toxicités dose-limtantes.

Initialement découverts par leur activité antivirale [20], les IFN-I ont une activité anti-tumorale mise en évidence pour la première fois par Ion Gresser [138]. Ce dernier a aussi le premier montré une activité anti-tumorale des IFN-I in vivo sur des tumeurs développées à partir de cellules résistantes à l’action des IFN in vitro [139], dont on a su depuis qu’elles n’expriment pas IFNAR1. On sait maintenant que l’activité anti-tumorale des IFN-I s’exerce par des mécanismes d'action multiples [148], à la fois directs (régulation de gènes impliqués dans la croissance tumorale, la différenciation, la prolifération, la migration et la survie tumorale, uprégulation de CMH-I ou d'antigènes tumoraux) mais aussi indirects, notamment par la stimulation d'une immunité cellulaire T et l'activation des DC, des NK et la libération secondaire d’autres cytokines.

Les IFN-I jouent un rôle crucial dans l’immuno-surveillance anti-tumorale, avec une action médiée par les cDC1 [124, 141]. Ces DC, sous l'action des IFN-I, infiltrent la tumeur, migrent vers les ganglions drainant la tumeur où elles activent les LT naïfs spécifiques de la tumeur [280], par cross-priming. Une fois activés, ces LT spécifiques de la tumeur vont infiltrer la tumeur, grâce à l'action de chémokines (CXCL9, CXCL10) induites par les IFN-I endogènes [280]. Ainsi, une signature IFN est associée à un infiltrat tumoral, de type « T cell inflammed ».

Les IFN-I sont essentiels à l’action anti-tumorale de différents traitements anti-tumoraux (radiothérapie, chimiothérapie, anticorps monoclonaux), par leur action sur différents types cellulaires. Il a en effet été montré que l’activité antitumorale de la radiothérapie nécessitait des cellules de l’hôte réactives à l’IFN, dont l’induction est liée à la voie STING [281],alors que l’immunogénicité des tumeurs traitées par anthracyclines nécessite l’action des IFN-I sur les cellules tumorales, dépendante du TLR3 [146]. L’efficacité des anticorps monoclonaux (AcMo) dépend de l’action au sein de la tumeur des IFN-I, induits par les AcMo. Il a en effet été montré que l'inhibition de la signalisation des IFN-I après traitement par AcMo inhibe la

régression tumorale médiée par les AcMo [142, 282]. Plus récemment, il a été montré que les LT CAR de nouvelle génération nécessitent l’action des IFN-I [237].

L’IFN"2 a ainsi été largement utilisé à visée anti-tumorale, dans diverses hémopathies malignes et tumeurs solides [156]. Cependant, l'utilisation thérapeutique de l'IFN est limitée par la survenue d’effets secondaires aux doses thérapeutiques. Ainsi, des thérapies mieux tolérées ont progressivement remplacé l’IFN"2. Le rituximab a obtenu l’autorisation de mise sur le marché dans les stades avancés de lymphome folliculaire dans des indications antérieures de l’IFN"2 en traitement d’induction, associé à la chimiothérapie où l’IFN"2 avait montré son efficacité, en traitement d’induction, associé à la chimithérapie [283], et en traitement d’entretien [284]. De même, les thérapies ciblées, notamment anti-angiogéniques ou encore les inhibiteurs de checkpoint (anti-PD1, anti-CLTA4), sont actuellement approuvées dans le cancer du rein et dans le mélanome métastatique. La leucémie myéloïde chronique illustre bien le retour de l’IFN"2 dans l’arsenal thérapeutique, à l’ère des thérapies ciblées par ITK [149]. De même, des données suggèrent une synergie de l’IFN"2 avec les anticorps anti-CTLA4 [285],ou encore avec la doxorubicine, par un effet chimiosensibilisant [146].

Il est ainsi apparu essentiel de développer des stratégies permettant d'utiliser le potentiel thérapeutique de l'IFN", en optimisant sa localisation tumorale et en prévenant sa toxicité systémique.

2. Les ICK classiques n'ont pas les effets escomptés de ciblage tumoral et de prévention de toxicité systémique.

L'activité antitumorale des IFN-I nécessite qu'ils soient concentrés au niveau du micro-environnement tumoral et des ganglions drainant la tumeur [108]. Ainsi de nombreuses stratégies ont été développées pour délivrer les IFN-I au niveau de la tumeur [137], par des approches de thérapie génique ou encore des formulations qui permettent une expression locale d’IFN ou une délivrance locale. A titre d’exemple, l’expression par thérapie génique d’IFN par les monocytes exprimant Tie2+ (TEM, pour Tie2+ expressing monocytes), ont des effets thérapeutiques, sans effets systémiques néfastes [286]. Ces TEM recrutés au niveau de la tumeur, autour des vaisseaux, ont un rôle crucial dans la néoangiogénèse. Ces TEM exprimant l’IFN"1 murin par thérapie génique avec un vecteur type lentivirus ont une activité antitumorale (xénogreffe de gliome humain) sur l’hôte, notamment par la normalisation de la

vascularisation. Cette stratégie est aussi efficace dans des souris transgéniques développant des tumeurs mammaires spontanées avec métastases pulmonaires, avec une apparition plus tardive des tumeurs et une diminution de survenue de métastases, sans hématotoxicité. Dans ce modèle, il y a une infiltration de la tumeur par les DC, les LT effecteurs et les NK activées. Il y a par ailleurs une activation des cellules NK dans la rate. Cette activation serait en fait liée à une transactivation des NK via l’IL15 par les DC qui migrent dans les organes lymphoïdes, et ne remettrait ainsi pas en cause l’action locale de l’IFN. L'injection intra-tumorale d'IFN-I, de leurs inducteurs ou de vecteurs recombinants codant pour les IFN-I, permet une bonne délivrance tumorale mais elle peut être limitée par l'accessibilité de la tumeur. Afin de favoriser la localisation tumorale des IFN-I après leur administration systémique, des ICK à base d'IFN-I (IFN" ou IFN#) ont été développées et ont prouvé leur efficacité in vivo. L'IFN"2 a le plus largement été étudié, mais des données intéressantes ont été obtenues avec l'IFN#. L'IFN# murin couplé à un anticorps anti-EGFR ou anti-HER2, en intra-tumoral, diminue la croissance de tumeurs respectivement EGFR+ ou HER2+, même résistantes à l'action de l'anticorps seul [282]. Ces ICK sont plus efficaces à faibles doses et en traitement de courte durée. Dans ce modèle, un anticorps anti-PDL1 permet de réverser la résistance induite par l’IFN#, via l’induction de l’expression de PDL1 par les cellules tumorales. De plus, l’action est liée à l’augmentation de la cross-présentation par les DC et ainsi l’amélioration du cross-priming des LTC CD8+. L’action de cette protéine de fusion est médiée par son action sur l’hôte, sur les DC, moins sur les LT. A fortes doses, l’IFN# exercerait son activité anti-tumorale par une activité anti-angiogénique et à faible doses, en activant le cross-priming des LTC [287].

Différentes ICK à base d'IFN"2 ont été évaluées. Dans un modèle de lymphome B murin 38C13 exprimant le CD20 ou HER2 humain, Morrisson et ses collaborateurs ont montré l’activité anti-tumorale de l’IFN"1 murin couplé à une IgG anti-HER2 ou anti-CD20. L'ICK composée de l'IFN"1 murin et d'un anticorps anti-CD20 humain augmente la survie des souris, comparativement à différents contrôles : une protéine de fusion ayant un anticorps contrôle non exprimé par les cellules tumorales, un traitement par anticorps anti-CD20 humain seul ou associé à l'IFN" murin [288]. Cet effet est aboli sur la lignée qui a une diminution de l’expression d’IFNAR. De même, la survie des souris portant une tumeur 38C13 sur-exprimant HER2 humain est augmentée par un traitement répété avec une protéine de fusion couplant l'IFN"1 murin et un anticorps anti-HER2, comparativement à une protéine de fusion ayant un isotype contrôle [289]. Dans un modèle de xénogreffe de lymphome de

Burkitt humain (Daudi), 2 équipes différentes ont montré une prolongation de la survie avec des ICK couplant l'IFN"2 humain à une IgG1 anti-CD20 humain [288, 290]. Afin d'élargir l'utilisation de ces protéines de fusion à d'autres modèles de xénogreffes, l'IFN"2 a été couplé à un anticorps dirigé contre le HLA-DR, exprimé dans de nombreuses hémopathies malignes [291]. Cette ICK a été testée dans des modèles de xénogreffe de Daudi et de myélome humain. Dans ces modèles, cette ICK qui contient 4 molécules d'IFN"2, prolonge la survie des souris après juste une injection sous-cutanée. Il faut tout de même rappeler que les Daudi sont particulièrement sensibles à l'effet anti-prolifératif de l'IFN. Si ces résultats sont très prometteurs du point de vue de leur efficacité, très peu de données sont disponibles sur la tolérance de ces ICK.

Les données de biodistribution des ICK sont essentielles, afin de prédire la toxicité systémique éventuelle. En effet, l'objectif du ciblage des ICK est double : à la fois, favoriser la localisation tumorale de la cytokine et de diminuer la toxicité systémique. Or, il est apparu pour l'IL2 que c'est l'interaction de la cytokine avec son récepteur qui gouverne la localisation de l'ICK et leur efficacité et non la partie « anticorps ». Ainsi, la localisation tumorale préférentielle des ICK à base d'IL2 a été mise en évidence chez les souris immunodéficientes, notamment en LT qui expriment l'IL2R. A l'inverse, les souris immunocompétentes n'ont pas de localisation préférentielle de l'ICK au sein de la tumeur, mais restent systémiques. Cette biodistribution des ICK à base d'IL2 pourrait expliquer leur toxicité similaire à l'IL2 seule.De façon similaire, les ICK à base d’IFN! ont un ciblage tumoral seulement chez les souris

IFNGR-/- [292]. Concernant l'IFN", des données de biodistribution d’une ICK (scFv anti-EDA couplé à l’IFN"2 murin) qui permet d’éviter un ciblage via le fragment Fc dans des tumeurs chez des souris immunocompétentes, ont montré une localisation tumorale préférentielle, qui dépend du niveau d'expression de l'antigène cible par la tumeur [293]. Cependant, ce ciblage ne suffit pas à lui seul pour expliquer l'efficacité thérapeutique car l'ICK avec un anticorps non spécifique, avait la même efficacité anti-tumorale. Ainsi, même si l'ICK se localise préférentiellement au niveau du site tumoral, son efficacité dans ces modèles dépend de l'action de l'IFN en périphérie, notamment par l'induction d'une infiltration tumorale par des cellules immunitaires effectrices. Ainsi, il n'est pas exclu que sur leur trajet vers la tumeur, les ICK à base d'IFN-I aient une activité sur les cellules de l'organisme car l’expression du récepteur IFNAR est ubiquitaire et il risque ainsi d’y avoir une toxicité systémique.

Les données cliniques des ICK à base d’IL2 illustrent bien les limites du concept d’ICK. Si ces ICK ont une meilleure pharmacocinétique (demi-vie plus longue avec réduction de la clairance sanguine) qui permet une réduction de dose de 20 fois, elles ne sont pas dénuées d’effets secondaires, qui sont similaires à ceux de l’IL2. Ceci est notamment liée au fait que l’activité des ICK est gouvernée par l’interaction de la cytokine avec son récepteur. L’expression d’IFNAR étant ubiquitaire, les ICK à base d’IFN-I risquent de présenter les mêmes limitations avec une localisation tumorale non préférentielle et une toxicité systémique. Notre équipe a ainsi développé une stratégie d'optimisation des ICK afin que l'activité des cytokines soit ciblée uniquement sur les cellules d'intérêt, afin d’avoir une efficacité thérapeutique, sans les effets toxiques, systémiques. Mon travail de thèse a porté sur le ciblage de l’activité de l’IFN".

3. Un nouveau concept permet le ciblage de l'activité de l'IFN! à l'échelle cellulaire, avec une efficacité de 3 log.

La stratégie développée a consisté à coupler des IFN" ayant une faible activité spécifique à des nanobodies. La preuve du concept a été établie avec l'IFN"2 humain ciblé sur un antigène expérimental. Nous avons ensuite élargi les cibles et parallèlement développé une stratégie similaire pour cibler l'activité de l'IFN"11 murin. Les protéines de fusion avec le mIFNA11 permettraient d’évaluer nos protéines de fusion in vivo dans des modèles pré-cliniques, en termes d'efficacité et de toxicité. L’IFN"2, lorsqu’il est couplé au nanobody, a une diminution de son activité spécifique sur les cellules non ciblées d’1 log. Cette diminution a aussi été observée avec des ICK couplant l’IFN à une IgG1 antiCD20 [288]. Le rétablissement de l’activité de l’IFN"2 sur les cellules ciblées explique l’efficacité de ciblage observée d’1 log. Or, l’on sait qu’une réduction de dose de 20 fois de l’IL2 ne suffit pas à empêcher la survenue des effets secondaires. Ainsi, nous avons utilisé des IFN"2 porteurs de mutations qui leur confèrent une affinité de liaison réduite pour leur récepteur IFNAR2. En effet, les données de mutagénèse ont montré une relation proportionnelle entre l’affinité de liaison à IFNAR1 et IFNAR2 et l’activité spécifique de l’IFN"2 [102]. Ces protéines de fusion ont en effet une faible activité sur les cellules non ciblées. A l’inverse, sur les cellules ciblées, la liaison du nanobody sur l’antigène exprimé par la cellule ciblée permet de stabiliser la liaison de l’IFN sur son récepteur et ainsi de rétablir l’activité de l’IFN"2 sur les cellules ciblées. Les mutations initialement testées diminuaient l’affinité de liaison à IFNAR2 en augmentant la dissociation (koff). Nous avons aussi montré que la protéine de fusion avec l'IFN" porteur de

la mutation R144A, qui confère une diminution de l’association (kon), rétablit l’activité IFN sur les cellules ciblées. Plus l’activité spécifique est diminuée, plus l’efficacité de ciblage est importante et nous avons pu obtenir une efficacité de ciblage allant jusqu’à 3 log. De même, plus le nanobody a une liaison importante à sa cible, plus l’efficacité de ciblage est importante. L’interaction du nanobody à sa cible et de l’IFN à ses récepteurs (IFNAR1 et IFNAR2) sont toutes 2 essentielles à la restauration de l’activité de l’IFN"2 sur les cellules ciblées par les protéines de fusion. Dans un modèle de co-culture avec cellules confluentes,

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